La Tentation de l'Occident
de André Malraux

critiqué par Jules, le 26 juin 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Une vision de l'Occident
Ce livre est censé reproduire une correspondance entre un Chinois qui visite l’Europe et un Européen qui parcourt la Chine. Chacun livre ses sentiments, face à ce qu'il voit, à l’autre.
André Malraux n’avait que vingt-six ans quand il a écrit ce petit livre qui se lit très facilement.
Il est un fait que les différences de civilisations sont énormes.
Une Europe déjà largement dominée par le réalisme et le conformisme bourgeois, ainsi que par un matérialisme qui ne fera que croître et embellir avec le temps. Elle s'oppose à une civilisation chinoise bien plus ancienne et toujours pénétrée par les courants religieux ou philosophiques, comme le taoïsme, le bouddhisme, les écrits de Lao-Tseu et bien d’autres. La Chine commence à peine son évolution économique et celle-ci ne touche qu’une petite minorité de cet immense peuple.
Ling trouve que l'homme occidental est par trop occupé à essayer de comprendre le monde et à l’expliquer, pour tenter de l’apprivoiser. Cette pensée occidentale veut amener le monde à l'homme, alors que les Chinois « proposent l’homme au monde ».Et il ajoute : « Connaître le monde n'est pas en faire un système, non plus que connaître l'amour n'est l'analyser. C'est en prendre une conscience intense. »
Le nombre de lettres écrites par le Chinois est bien supérieur à celui écrit par l’Européen.
Un livre de jeunesse, mais qui est très loin de manquer d'intérêt. C’est une certaine vision de notre société occidentale que Malraux nous donne et elle ne manque pas d’à propos.
Pas mal, pour une oeuvre de jeunesse... 8 étoiles

Voilà le premier texte d’André Malraux, du moins si on veut parler de livres publiés, construits et accessibles à tous. C’est en 1926, que sort La tentation de l’Occident, chez Grasset. C’est un roman épistolaire, et on sent que l’auteur hésite entre fiction et philosophie, entre récit de voyage et métaphysique… Un livre de jeune, Malraux n’a que 26 ans… un livre annonciateur, un ouvrage à ne pas négliger et à découvrir pour tous ceux qui ne l’on encore jamais eu en main…
André Malraux, qui vient d’aller en Asie, en chine, en particulier, nous propose un échange de lettres entre A. D. [ André, probablement, et il a 26 ans comme l’auteur] et Ling, un chinois de 23 ans. L’Occidental est en Chine, le Chinois en Europe, et ils s’échangent leurs impressions, leurs sentiments…
En fait, je pense qu’André Malraux ne nous raconte rien sur la Chine ou l’Occident. Le jeune auteur nous parle de lui. Quand Ling semble déçu et indifférent à la Grèce antique, c’est Malraux qui nous déclare que la modernité occidentale doit se détacher de cette Grèce antique qui sent la mort…
Quand Ling prend le temps de nous parler de l’amour, c’est Malraux qui prend du recul sur lui-même et tente de comprendre ce sentiment… Et, pourtant, il y a Clara, relation particulière, dans la vie de ce jeune parisien fascine par l’Asie, par la Chine, pays qui lui « offrira » un de ses plus beaux romans…
Le ton des lettres est souvent amusant et on comprend bien qu’il s’agit là de la formation d’un écrivain, la genèse d’une œuvre :
« Porter intérêt à des femmes et les désirer, seulement parce qu’elles sont belles, quelle marque de grossièreté ! »
Mais, c’est aussi, pour André Malraux, le moment de commencer à nous parler de la Chine et de ce qu’il pense de son avenir à la lumière de son expérience :
« Une Chine nouvelle se crée, qui nous échappe à nous-mêmes. Sera-t-elle secouée par l’une de ces grandes émotions collectives qui l’ont, à plusieurs reprises, bouleversée ? Plus puissante que le chant des prophètes, la voix basse de la destruction s’entend déjà aux plus lointains échos d’Asie… »
Je ne peux que, donc, vous conseiller de lire cet ouvrage, de découvrir l’André Malraux en pleine formation, en plein éveil, celui qui est en train de découvrir un monde en mouvement, un monde dont il deviendra, très rapidement, un témoin de premier ordre et même, parfois, un acteur… Le style est déjà, là, au rendez-vous et la lecture de La tentation de l’Occident est très agréable, alors bonne lecture… Il existe une version livre de poche, encore disponible…

Shelton - Chalon-sur-Saône - 67 ans - 28 août 2006