Le fantôme de Rufus Jones et autres nouvelles
de Chester Himes

critiqué par Sahkti, le 28 mars 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Racisme et injustice
Cinq nouvelles, cinq récits mettant en scène des personnes noires aux destins sordides ou à l'avenir incertain.
Si la première, Le fantôme de Rufus Jones, prête à sourire à cause de son humour noir et machiavélique (un noir décédé se réincarne en blanc, mais aussi en noir aux yeux des noirs, ce qui crée une confusion certaine et puis des drames), on sent très vite que l'auteur ne va pas s'arrêter en si bon chemin et qu'il va passer de l'absurde au franchement cynique. Chester Himes écrit bien, une belle plume fluide et agréable, et il se sert de celle-ci non seulement pour faire passer ses idées et de l'émotion mais aussi un message et une certaine forme de révolte. Révolte qui prend tout son sens dans le second texte "Vers quel enfer rouge", le récit d'un incendie meurtrier dans une prison noire, métaphore hautement violente des conditions de sécurité et d'hygiène déplorables, à l'image de la sous-catégorie dans laquelle les Etats-Unis ont longtemps enfermé les noirs.
"Son dernier jour" revêt une autre tonalité, les dernières heures d'un condamné à mort noir qui attend de passer sur la chaise. Il est noir, il pourrait être blanc. Le blanc, c'est le gardien. Image cliché pourrait-on penser mais encore trop souvent véhiculée lorsqu'il s'agit de donner un visage à la délinquance.
"Dans la nuit" est peut-être le récit le moins "actif" à première vue, mais celui qui contient le plus de noirceur, la désillusion profonde d'un noir ami avec des blancs et qui affronte, un jour, le visage sournois du racisme.
un racisme carrément présent et raconté dans "Encore une façon de mourir", l'histoire d'un délit qui ne peut être commis que par un noir... aux yeux des flics blancs. Et ça se termine mal. Evidemment, aurait-on envie de dire.
Un auteur à explorer sans aucun doute pour le malaise qu'il fait naître en nous, quelque part, de manière insidieuse.