Le mystère de Tarn House
de Martha Grimes

critiqué par Mae West, le 10 mars 2006
(Grenoble - 73 ans)


La note:  étoiles
Armani, vieilles dentelles et non-dits
Décidément chez les Holdsworth, on tombe comme des mouches ! Jane est le quatrième décès sur la liste des héritiers potentiels de cette lignée plutôt …argentée. A peine rencontrée et aimée, aussitôt disparue : cette fois –ci le commissaire Jury, qui était son amant est touché de très près. Mais connaissait-il bien Jane ? De toute évidence, celle-ci s’est suicidée. Son fils Alex, déjà orphelin de père, joueur de poker et tricheur aux courses, a disparu : probablement il est retourné à la demeure ancestrale voir son grand Père, dont il est très proche.
L’inspecteur Jury est écarté de l’enquête, pour cause de trop gande proximité avec la victime : Nous partirons donc dans le sillage de son délicieux et original ami, l’ aristocrate Melrose Plant, qui pour les besoins de l’incognito, a bien du mal pour l’instant à trouver dans sa garde-robe somptueuse un vêtement pouvant le faire passer pour un bibliothécaire au chômage. .

Finalement son majordome lui trouvera un veston qui sans être usagé, est dit-il assez « déconstruit » : manque de chance, c’est un Armani ..un petit accroc par ci, et un km à pieds dans la campagne (qui paraît très long pour Melrose !) lui donneront quelques signes d’usure …et lui permettront d’ entrer de plain pied dans la très riche demeure des Holdsworth,
« Tarn House ».On y croisera l’ombre de poètes réussis et de peintres ratés, et des fantômes familiaux aux morts mystérieuses. L’ancêtre Adam Holdsworth, fortuné propriétaire de Tarn House, n’y habite plus : Il préfère jouer avec son fauteuil roulant électrique dans la luxueuse maison de retraite qui jouxte la propriété, poursuivant de ses assiduités une richissime et vieillissime kleptomane, en vieilles dentelles très élégantes . Celle-ci n’est pas insensible à son charme, même s’il oublie parfois de mettre son dentier

Intrigues, jalousies, vieilles rancunes, jeux de pouvoir, tout se passe dans une ambiance feutrée, entre Tarn House et le luxueux éytablissement tenu par tenue par le Dr Kingsley et son assistante le Dr Viner, tous deux médecins psychiâtres. Faisant tache dans cette ambiance lisse et policée, Adam, et Lady Cray s’amusent comme des petits fous de leurs propres extravagances .
Depuis les entretiens privés dans le bureau du psychiatre jusqu’au petit crime maquillé entre amis, en fin de compte le non-dit est l’acteur principal de cette énigme policière. Comme en théorie de la gestalt, la vérité prend son relief sur son faux- vide . La « présence » de ce non dit est discrètement relevée par deux figures énigmatiques de chats, l’un de luxe, l’autre de gouttière, qui jouent aussi leur rôle dans cette histoire, à pas feutrés.

Comme la fameuse « veste Armani » sous ses dehors déconstruits, ce roman s’avère au final tissé dans une étoffe de grande qualité. Savamment travaillé dans un pur style anglais, c’est aussi une invitation au voyage dans la délicieuse terre d’ Angleterre : un nectar, à savourer comme Melrose Plant « sirotant son café au Swan, le guide des lacs ouvert devant lui »
Mystères à l'anglaise 8 étoiles

Chez les Holdsworth de Tarn House, les accidents et les suicides commencent vraiment à se succéder de manière douteuse. C’est Jane qui à présent aurait mis fin à ses jours, laissant son fils de 16 ans, Alex, en proie à une famille qui le déteste, à l’exception de l’arrière grand père dont la fortune excite bien des convoitises. Richard Jury, qui avait une liaison avec la disparue, est démis de l’affaire. Avec l’aide de son ami Plant, d’un chat noir et d’une généreuse personne préférant garder l’anonymat sur son geste, il va résoudre cette affaire.
Martha Grimes est maîtresse du roman à « ambiance » et ce mystère ne déroge pas à la règle. Les pubs aux effluves de bières, les familles comploteuses et toxiques abondent dans ce roman tout comme les bibliothèques et les ragots. Un roman à l’anglaise qui se lit d’une traite même si l’auteur nous noie un peu dans la multitude des personnages mis en scène.
La fin m’a un peu déçue (et c’est en général ce que je reproche aux livres de cet auteur) car on est loin des romans à indices et détails d’Agatha Christie. Mais l’ambiance, la description très vivante des aventures et déceptions des protagonistes, et plus particulièrement de Jury et Plant, donnent au lecteur une place privilégiée au cœur de l’histoire, comme si nous étions posés là, à une table du pub, témoin de l’enquête.

Antinea - anefera@laposte.net - 45 ans - 10 mai 2009