Michel-Ange
de Nadine Sautel

critiqué par Numanuma, le 9 mars 2006
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Rien à voir avec les tortues nijas alors...?
Voila un bouquin que j’ai dévoré et c’est assez inhabituel chez moi qui suis plutôt du genre à faire durer le plaisir de la lecture, quitte à ne lire que un chapitre par jour de manière à ne pas arriver trop vite à l’inévitable fin.
Dans le cas présent, s’agissant de la très intéressante biographie de Michel-Ange en Folio par Nadine Sautel, la fin, on s’en doute, c’est la mort du héros. Néanmoins, il est assez rare de trouver des biographies qui mélangent avec bonheur connaissances historiques précises et plume alerte. C’est à se demander si le format court choisi chez Folio pour leur collection n’est pas le remède contre ces biographie indigeste fortes de centaines de pages emplies de détails techniques qui font la joie des chercheurs et spécialistes de tous poils et laissent ainsi en rade le lecteur lambda.
Mais je m’égare...
Ici, la biographe réussi un mélange naturel entre le plaisir manifeste qu’elle éprouve à évoquer la vie du grand artiste et les impératifs techniques liés à la pratique de la peinture ou de la sculpture. Et la chiche iconographie au milieu de l’ouvrage ne nous offre qu’une aide très relative.
La grande offre de cette biographie est de coller totalement à sont sujet. Encore heureux pourrait-on dire mais il se trouve que Michel-Ange et Léonard de Vinci sont contemporains et, pour un écrivain, se trouver historiquement en compagnie de deux cerveaux aussi illustres peut naturellement conduire à des détours. En effet, la tentation est grande d’évoquer avec plus de précision de Vinci vue que la relation entre lui et Michel-Ange est pour le moins conflictuelle ; on pourrait avoir envie de donner la vision de l’autre, de se trouver en position promotionnelle, deux génies pour le prix d’un…
Et bien non ! Nadine Sautel, très professionnellement, se concentre sur Michel-Ange, ne faisant intervenir Léonard qu’aux moments opportuns.
Michel-Ange n’avait rien des caractéristiques qu’on accorde d’ordinaire à un ange : il est laid, impatient, sale, colérique, têtu… Mais aussi généreux, il subviendra toute sa vie aux besoins de son père et de ses frères sans que ceux-ci lui soit reconnaissant, passionné et surdoué, bourreau de travail. Et aussi éternellement insatisfait de son œuvre, œuvre qui traduit son être et impose au monde sa vision tumultueuse de l’art. Contrairement à Léonard, il considère que la création artistique ne supporte aucune compromission avec la société. L’art est sa propre cause. En fait, il doit être le seul à penser ainsi.
Ce qui ne l’empêchera pas, en croyant fervent, de travailler pour la papauté, souvent en opposition avec les divers Papes qu’il croise. Ce qui amène à un dernier défaut, indépendant de lui cette fois, celui d’être né dans la république florentine de Laurent de Médicis, tare énorme pour le Saint Siège qui cherche à l’agrandissement de ses états pontificaux.
Michel-Ange choque ses contemporains par la passion qu’il met dans son travail créatif ; il est en avance sur son temps car son inspiration est différente, il sort de la tradition en place pour en retrouver une autre qu’il combine à la philosophie platonicienne. Mélange détonnant compris par peu de gens, sinon ceux de sa trempe, il meurt enfin reconnu et riche.
Merci, cher Numanuma, de m'avoir fait découvrir ce petit livre épatant ! 8 étoiles

D'abord, ton titre est une trouvaille : il met en valeur une qualité peu fréquente dans les biographies : l'humour. C'est vrai que Nadine Sautel "colle totalement à son sujet". Mais pourquoi? Elle nous implique dans une sorte de rire complice avec son extraordinaire "personnage" , mais sans clin d'oeil racoleur, d'où la puissance de fascination de son écriture.
Dans les pires moments, Michel-Ange raffolait des jeux de mots, disant par exemple d'une Pieta qu'elle faisait pitié. C'est un "bourreau de travail", tu le dis très justement. Mais il ne plie jamais le genou devant ses commanditaires, parce qu'il ne cesse de se moquer des maîtres du monde. Un autre que Michel-Ange aurait fini brûlé ou pendu. L'inouï, c'est que sa mise en dérision du pouvoir réussisse à dérider les papes eux-mêmes, dont la tolérance stupéfie : Les échanges, parfois sans paroles, avec Jules II, sont désopilants. Ou bien l'instant choisi où Jules III pleure devant le Christ redoutable du Jugement Dernier (mur de la chapelle Sixtine) avant de rire aux éclat.

MICHEL-ANGE (publié le 16 février 2006)
ISBN : 2070306860
Collection "Folio-Biographies", 212 pages
Editeur : Gallimard

Tipee71 - - 53 ans - 19 mars 2006