Les mauvaises gens : Une histoire de militants de Étienne Davodeau

Les mauvaises gens : Une histoire de militants de Étienne Davodeau

Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers

Critiqué par Shelton, le 19 février 2006 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 67 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 061ème position).
Visites : 5 370  (depuis Novembre 2007)

Pas si mauvaises, ces personnes !

Je sais bien qu’il existe parmi vous quelques esprits chagrins qui pensent, peut-être, à juste titre, qui sait, que je dis trop de bien des albums et pas assez de mal… On ne se change pas, mais, du coup, je suis bien embêté, car, cette fois-ci, ce n’est pas 5 / 5 qu’il me faut attribuer, mais bien 10 / 5… Et je suis intimement persuadé que ce n’est pas exagéré !
Il s’agit d’un ouvrage, je ne dis pas album ou bande dessinée pour le moment, écrit par Etienne Davodeau, un géant de l’écriture bédé. On lui doit, dans le même genre, Rural !, et pour enfant les aventures de Max et Zoé (5 albums parus à ce jour). Mais tout ce qu’il avait bien pu faire auparavant, sans être dévalué, est aujourd’hui dépassé, surclassé, explosé, oublié, mis au rancart, à descendre dans la cave…
Etienne Davodeau, appliquant une grande théorie que vous m’avez entendu défendre plus d’une fois, a décidé que l’on pouvait tout raconter en bande dessinée à condition de le faire avec talent, application et sincérité. Alors, il a pris le parti de raconter une tranche de vie de ses parents, celle de leur engagement militant de chrétiens de gauche, d’humanistes syndicalisés… Et grand bien lui a pris, car j’ai passé un excellent moment de lecture…
Nous voici plongés dans une région que nous ne connaissons presque pas, les Mauges, au sud de la Loire, au nord de Cholet, le cœur rural de l’Ouest. Mais c’est aussi une région ouvrière (la patrie des chaussures ERAM) et catholique (vieille tradition qui nous fait remonter à une certaine contre Révolution durant la Révolution française). C’est là, dans ce pays que naissent les parents de cet auteur de bédé, voici leur vie, leur espérance et leur engagement… le tout en bédé en noir et blanc au format d’un roman… C’est ça la nouvelle bédé, celle qui tient dans le sac à main et l’attaché case, celle qui raconte du vrai, celle qui fait réfléchir, celle qui informe, qui fait vivre…
Stop ! Ne partez pas ! Ce n’est pas parce que le récit est issu, construit à partir de la réalité, des interviews des témoins que la lecture en serait moins agréable. En fait, Etienne Davodeau n’est pas lénifiant, naïf ou ridiculement enfermé dans une admiration béate de ses parents… Il écoute, observe, étudie et raconte une histoire qui devient rapidement passionnante pour le lecteur même s’il ne connaît rien des Mauges.
On connaîtra beaucoup de ce couple, Marie-Jo et Maurice, leur enfance, leur apprentissage de la religion, de la vie, du sens des responsabilités… Le métier, le syndicat, l’Eglise… Le triangle d’une vie toute simple et si forte…
Pourtant ses parents n’étaient pas prêts à une telle expérience :
« De toute façon, y’a rien à raconter ».
« On n’a rien fait de plus que les autres ».
« Alors, c’est non, nous aussi, on n’a pas envie de voir notre vie étalée dans un livre ».
Et Etienne gagnera, un peu de fermeté, de conviction et de ruse, le voilà racontant la vie de ses parents et donc de tous ceux qui s’engageront en même temps pour améliorer la vie dans une petite région oubliée de France…
Et le livre se refermera sur le visage du nouveau président de la République française, François Mitterrand, nous sommes alors en mai 1981… L’aboutissement d’un combat, d’une vie, l’arrivée des espérances incarnées…
Etienne Davodeau nous fait vivre une tranche de vie commune à tous ceux qui se sont engagés pour transformer le monde, la France en particulier. On retrouve plusieurs sortes de personnes des patrons qui n’ont rien compris à ceux qui tentent de faire changer les choses en restant en poste, des révolutionnaires aux chrétiens qui refusent l’exploitation de l’homme et qui veulent lui construire une zone d’épanouissement…
C’est un si beau livre que je ne voudrais pas en dire plus et vous conseiller de le lire le plus rapidement possible… Ah ! comme la bédé est belle quand elle ouvre de telles perspectives, de tels champs d’observation… Quel bonheur quand un auteur a autant de talent pour raconter avec des dessins et du texte…
A lire, à acheter, à prêter, à offrir, à donner à qui vous voudrez…

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Les éditions

  • Les mauvaises gens [Texte imprimé], une histoire de militants Étienne Davodeau
    de Davodeau, Étienne (Scénariste)
    Delcourt / Encrages (Paris. 1997)
    ISBN : 9782847894493 ; 17,50 € ; 24/08/2005 ; 183 p. ; Broché
  • Les mauvaises gens [Texte imprimé], une histoire de militants Étienne Davodeau
    de Davodeau, Étienne
    Delcourt
    ISBN : 9782756026626 ; EUR 14,30 ; 04/05/2011 ; 182 p. ; Album
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Un hommage touchant à « ceux qui y croyaient »

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 14 décembre 2013

Etienne Davodeau réussit une fois de plus à produire quelque chose de très touchant. Il possède décidément ce talent inégalé de raconter avec finesse des histoires d’êtres humains qui nous ressemblent, avec un regard empreint d’empathie. Cette fois-ci, c’est une « histoire de militants », comme vient le souligner le sous-titre, doublé d’un splendide hommage à ses parents « cathos de gauche » en tant que témoins, des gens simples qui ont appris à relever la tête en découvrant le militantisme dans un environnement rural depuis longtemps sous la domination du patronat allié à l’Eglise. Le salut, si on peut dire, est venu de membres « dissidents » de cette même Eglise, ces derniers estimant que les « ouailles » ne devaient plus forcément tendre l’autre joue lorsqu’on les giflait…

Fidèle à lui-même, l’auteur parvient à conjuguer réalisme et poésie à l’aide de son trait « imparfait » totalement assumé (« c’est comme quand je vous dessine, je ne cherche pas la ressemblance absolue, c’est pas mon boulot » explique-t-il à ses parents découvrant ses planches), mais si caractéristique, et au cadrage toujours bien amené. Davodeau ne veut pas faire du beau pour du beau, pour lui, le dessin doit être avant tout au service de l’histoire.

Sur le plan documentaire, il se montre très attaché à la réalité des faits et respectueux des témoignages des uns et des autres. Cette BD très revigorante est aussi un condensé de l’histoire de la gauche française (depuis la Libération jusqu’à l’élection de Mitterrand) du point de vue de la région ouvrière des Mauges, un peu comme une madeleine de Proust fourrée aux cerises…

une histoire réussie de famille et de militantisme

9 étoiles

Critique de Laure256 (, Inscrite le 23 mai 2004, 51 ans) - 21 avril 2006

C’est l’histoire des parents de l’auteur, mais c’est bien plus que cela ! Un récit en images, une BD sobre, pudique, intelligente, prodigieuse, partant de l’évolution du syndicalisme en milieu rural par le biais de l’histoire d’un couple, à l’accession de la gauche au pouvoir en 1981.
Marie-Jo et Maurice Davodeau sont tous deux nés en 1942. Ils grandissent dans le pays des Mauges, région rurale, catholique et ouvrière dans l’Ouest de la France, située entre Cholet et Angers.
Tous deux ouvriers, ils vont d’abord s’épanouir au sein de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), mouvement social et chrétien, et son pendant féminin la JOCF, avant de militer à la CFDT au sein de leurs entreprises respectives, défendant leurs droits à des conditions de travail et de salaire décentes. Après leur mariage en 1965, ils vont adhérer à l’ACO, Action Catholique Ouvrière, mouvement laïc qui allie religion et classe ouvrière, tout en continuant à militer activement. Maurice deviendra professeur de mécanique dans un lycée technique mais ne reniera jamais son origine ouvrière qui lui a tout appris. Il adhérera ensuite au parti socialiste et participera aux élections cantonales.
Mêlant intimement l’autobiographie et l’histoire d’un élan social et politique, cette BD d’Etienne Davodeau est un véritable chef-d’œuvre qui se lit comme un roman, et se révèle passionnante du début à la fin, même si on ne connaît pas les Mauges. Les Mauges qui tireraient leur nom, si l’on en croit les mauvaises langues, de la contraction de « mauvaises gens » !

Prix du scénario, Prix du public, Prix de la Critique au Festival d’Angoulême 2006

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