Le pays sans étoiles
de Pierre Véry

critiqué par Mae West, le 15 février 2006
(Grenoble - 73 ans)


La note:  étoiles
Entre SF et fantastique, entre rêve et réalité
Deux hommes, une femme, une nuit (ou était ce un jour ?) : jadis, peut-être, un meurtre eut lieu au pied d’une falaise, dans une vallée bordée de peupliers ..
C’est en se penchant pour renouer son lacet que Simon le Gouge entrevoit pour la première fois le paysage et la scène, qui se superposent soudain à la banlieue terne, alors qu’ il s’apprête à reprendre le train pour Paris avec son ami JT. Etrange ami que ce JT : Simon, qui se qualifie d’« épais », le caractère encore assombri par une déception amoureuse, l’admire, séduit par son côté bohème, brillant et fantasque .

Plus tard, en voyage d’affaires vers l’Espagne, Simon reconnaît par la vitre du train la falaise du paysage hallucinatoire qu’il a revu plusieurs fois entre temps. Il interrompt son trajet pour partir sur les traces de sa vision devenue réalité .Son enquête commencée au cimetière du village l’amènera à suivre la piste d’une héroïne romantique, Pamela, pour laquelle semble-t-il le meurtre, s’il eut lieu fut probablement commis, par amour ou par jalousie Mais ce n’est pas si simple ! Où est la réalité, où est le rêve, que s’est-il passé, qui a tué, qui a été tué et pourquoi ? Et qui est cet enfant qui ayant vu la scène n’a rien dit et s’est enfui en courant ? Est-ce lui qu’on retrouva mort sous la falaise ?

Mais surtout qui est réellement JT, venu rejoindre Simon dans la vallée « enchantée » ? et qui s’avère, au fil des dits et des dédits, un bien étrange Lucifer, de pacotille certes, mais inquiétant tout de même : il aura suffi qu’il rase sa barbe, pour que la séduction laisse place au dégoût, il aura suffit d’un lit vu par lui dans l’encoignure d’une chambre pour que l’univers du rêve romantique prenne la forme d’un réel cauchemar, quand il révèle, en ce lieu enchanté qui n’a rien de magique le motif du crime : ce ne fut ni l’argent, ni l’amour, mais simplement la haine

Et si la scène entrevue du meurtre n’était qu’un avatar, oubien un épisode à répétition d’une série en boucle ? Simon arrive à la fin de son enquête :
Mais il est déjà trop tard : lui qui voyait par delà l’espace et le temps, lui, le visionnaire, il n’a pas su voir, ni analyser et comprendre, les signes évidents placés sur son chemin. Il s’est perdu en route, poussé par la fatalité, sans étoile pour l’éclairer.

Car le Pays sans étoiles, c’est le monde sans amour où Simon s’est engouffré, happé par sa propre zone d’ombre et dont Marthe, en le quittant, avait ouvert le précipice.
C’est aussi la chute amère qui suit l’illusion romantique, constatée au travers d’un conte plus franchement noir que doucement nostalgique.

Le roman, à mi chemin entre fantastique et science-fiction, est écrit dans une belle langue française classique, empruntant des styles de narration variés, aux allures parfois légèrement désuettes, ce qui donne un charme supplémentaire à cette histoire de décalages dans le temps.