Mémorial
de Cécile Wajsbrot

critiqué par Magdalili, le 19 janvier 2006
(Bordeaux - 39 ans)


La note:  étoiles
Le harfang des neiges vole vers son passé.
Pour ceux qui les fresques animalières rebuteraient, je précise : le harfang des neiges, chouette nordique, n'est pas le protagoniste du roman. Il ne fait que survoler subrepticement le récit...

Par intermittence seulement, Cécile Wajsbrot nous projette l'image de ce grand oiseau. C'est une bouffée d'air glacial, qui vient de l'Arctique, qui s'intercale entre certains moments de son récit. Cela surprend. Cela nous prend. Cela coupe le souffle. On visualise un vaste espace blanc, sur lequel un formidable oiseau déploit ses ailes.

Et puis, l'on retourne à la réalité, dans un monde plus obscur, où l'homme bénéficie de moins d'aisance, de moins d'espace que le harfang des neiges. Mais la narratrice -Cécile Wajsbrot- tente d'aménager son propre environnement et creuse au plus profond de ses racines. On la sent contrainte par le carcan de ses antécédents familiaux. Tourmentée par des voix du passé qui s'enchaînent bribes par bribes.

C'est un livre sur le legs générationnel, sur l' "hérédité" de la mémoire... C'est un livre sur le déracinement. Mais aussi, sur l'entreprise individuelle de partir à la découverte de lieux qui résonnent en nous sans même qu'on ne les aie jamais vus : Cécile Wajsbrot part à la découverte de Kielce, d'où sont originaires les siens.

On ne tombe jamais ni dans la plainte, ni dans la complainte doucereuse de la bonne voyageuse qui part à la recherche des ses origines. La plume est sensible, mais reste franche. Il y a de la finesse et de la justesse dans le ton. On s'envole avec le harfang des neiges, on fait le voyage jusqu'en Pologne... Le rythme nous emporte, et nous hypnotise. A tel point que je continuais parfois de lire tout en étant absente, tout en me perdant dans mes propres réflexions.

C'est un livre à relire. Pour moi, c'est certain.

Je suppose toutefois qu'il ne passionnera pas ceux pour lesquels ces thèmes ne font pas écho. Cependant, même si ma propre histoire n'est pas du tout identique à celle de Cécile Wajsbrot, j'ai quand même retrouvé énormément de points communs...

Et s'il y avait une mémoire commune à toute l'humanité, ce besoin commun de dresser des mémoriaux pour ne pas se sentir déracinés ? Et si tous ces mêmes réflexes étaient inscrits en nous, de la même manière que les harfangs de neiges sont tous génétiquement programmés pour migrer ?