Peter Pan, tome 6 : Destins
de Régis Loisel

critiqué par Le rat des champs, le 3 janvier 2006
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Inconscience, perversité et cruauté
Ce dernier tome est peut-être le plus abouti le plus sombre et le plus cruel de cette superbe saga. Clochette ne serait-elle en réalité qu'une perverse sans scrupules? Et Peter un gamin sans cervelle dont le comportement irresponsable sème le malheur? Les enfants de l'île ont trouvé une sorte de maman en Rose, la grande soeur de Pichou.Elle est gentille, raconte des histoires, recoud les boutons et donne des bisous le soir. Malheureusement pour elle, elle est amoureuse de Peter, et Clochette la fera tomber dans un piège abominable. Mais les enfants ont-ils de la mémoire? Ne sont-ils pas vite repris par l'appétit de vivre, une fois le drame passé? Pas toujours, hélas, et le pauvre Pichou payera au prix fort la cruauté consciente ou non des autres. Cet épisode dur, torturé fait froid dans le dos, et les liens que fait Loisel avec l'histoire de Jack l'éventreur nous amènent aux antipodes du dessin animé de Walt Disney. Une relecture géniale d'un mythe, donc.
Comme les autres volumes de cette histoire, celui-ci bénéficie d'un dessin et d'un coloriages exceptionnels, d'une beauté stupéfiante. Loisel est un des plus grands artistes de la bédé actuelle. A lire, absolument. Qu'en penses-tu, Shelton?
L’envers du rêve 10 étoiles

A vrai dire, il y a peu d’intérêt à juger chaque tome séparément, étant donné la constance scénaristique et graphique de l’ensemble de la série. A la différence près que ce tome est pour moi le meilleur, celui où l’on tombe à la renverse tant le dénouement est à la fois surprenant et terrifiant (même si l’on a à l’esprit que ce n’est pas Disney).

Dessin vif, couleurs agréables et mise en page impeccable se conjuguent parfaitement à l’intérieur d’un récit sans faute de rythme. Ce tome nous plonge dans une fantastique aventure qui bien sûr fait vivre l’enfant en nous, adultes que nous sommes, mais sans mièvrerie disneyenne bien au contraire. D’ailleurs, ce Peter Pan-là n’est pas vraiment à mettre entre toutes les mains. Très clairement, il ne s’agit pas d’une BD pour enfants, mais bien d’une BD sur l’enfance. L’auteur reprend les thèmes principaux du livre original, mais en les actualisant, en renforçant l’aspect horrifique de certaines scènes et en y accentuant la cruauté de Peter. Car ce dernier, au fil des épisodes, apparaît de moins en moins attachant et toujours plus égocentrique, voire tyrannique. Pour lui, la seule manière de rester dans l’enfance est d’oublier toute notion de bien ou de mal (c’est sans doute aussi cela l’innocence), de s’enfermer dans un monde imaginaire jusqu’à un stade quasi autistique.

Ainsi, c’est après avoir terminé cette excellente série et en y repensant que j’ai réalisé que j’avais affaire ici à un chef d’œuvre d’une grande richesse. Pour moi, cela place définitivement Loisel au rang de maître du neuvième art. Et il ne suffit pas d’adapter un classique pour en faire quelque chose de génial, ça se saurait. En deux mots, l’auteur s’est ici approprié de façon ingénieuse l’œuvre originale.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 1 août 2013