El Nino, tome 1 : La passagère du Capricorne
de Christian Perrissin (Scénario), Boro Pavlović (Dessin)

critiqué par Shelton, le 30 décembre 2005
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
C'est parti, pour un grand voyage...
Certains me demandent, parfois, des idées de bandes dessinées pour adultes, pas des livres pornos ou violents, mais bien des histoires pour les adultes, solides, abordant des thèmes pour grands, avec un dessin qui élève, des personnages profonds… C’est à ceux qui sont dans cette quête que j’offre cette chronique et que je conseille cette série, el Nino…
Tout commence en Afrique, sous une dictature anonyme et banalement meurtrière, en compagnie de Véra, infirmière en mission pour la Croix Rouge… C’est là que notre jeune infirmière rencontrera l’horreur humaine avec un charnier terrible, inexplicable, injustifiable et traumatisant…
Nous retrouvons Véra à Paris sur la tombe de son père décédé pendant sa mission humanitaire. Elle apprend alors qu’il existe quelque part un garçon qui est son frère, un frère jumeau, mieux un frère siamois… Quoi, on lui avait caché ça ! Et c’est impossible ! Des siamois sont toujours du même sexe… Et pourtant, ce serait l’explication de cette cicatrice qu’elle porte sur la main, des siamois unis par la main… Il faut qu’elle se mette à la recherche de cette moitié dont on l’a privée depuis trop longtemps…
Mais Véra va aussi découvrir avant de se mettre en recherche une partie des amis de son père et prendre conscience que ses origines sont gitanes, et ce ne sera pas toujours facile à porter… Pour sa famille et ses proches, elle ne sera, toujours, qu’une gadjé, et pour les autres une romano…
Cette première partie de cette histoire va nous emmener à Tahiti, un des derniers endroits où on aurait aperçu son frère qui s’était fait embaucher comme cuisinier sur un bateau de la marchande… Mais je vous assure qu’elle ne le retrouvera pas comme ça du premier coup… Elle devra faire preuve de persévérance et d’obstination, elle devra affronter le rejet d’un grand nombre, et même passer quelques nuits en mer, en pleine tempête… « Je hais la mer ! » parvient-elle encore à articuler alors qu’elle n’en peut plus d’être malade…
Dans ce premier épisode, les personnages se mettent en place et on perçoit que tout ne sera pas rose pour Véra car elle va devoir unir sa passion pour l’humanitaire – et on sent bien que la chose est d’une gravité extrême – la recherche de son frère – mais elle ne sait pas s’il vit encore – et son amour pour un médecin – qui, lui aussi, poursuit sa vie au service de la Croix Rouge, et qui sait bien que les siamois sont toujours du même sexe… – et tout cela à travers le monde, car les auteurs nous donnent l’impression de ne pas vouloir rester enfermés en Europe.
Il faut dire que Christian Perrissin, le scénariste est connu pour avoir raconté plusieurs histoires agitées, la jeunesse de Barbe-Rouge, en particulier. Quant à Boro Pavlovic, Yougoslave, il a, depuis longtemps, rompu les amarres qui le retenaient sur une petite péninsule et il vit à Oslo, un pays où voyager loin de ses bases est assez naturel…
La narration graphique de cet album est prenante, les vignettes ne sont pas toutes bien alignées, elles surgissent toujours à bon escient pour donner au lecteur tous les éléments dont il a besoin… J’adore la planche du cauchemar de Véra où musique et horreur sont intimement mêlées…
Un très bel album, une bande dessinée pour adultes aimant les histoires racontées avec des mots et des dessins, mais surtout avec les tripes du scénariste et du dessinateur…
Une superbe série 9 étoiles

On ne sait ce qu'il faut admirer le plus devant cette magnifique bédé, du scénario habile et bien construit, quoique parfois un peu confus, nécessitant plusieurs lectures, ou du dessin précis, quasi photographique de Pavlovic. Les premières pages sur le génocide africain dont parle Shelton sont d'une efficacité étonnante. Peut-on être marqué par quelques pages de bédé? Je crois que oui...

Le rat des champs - - 73 ans - 31 décembre 2005