La société du spectacle
de Guy Debord

critiqué par Veneziano, le 25 décembre 2005
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Assez intéressant mais assez désordonné
L'auteur s'oppose à l'invasion des médias et de l'importance de la consommation dans notre société.
Il procède en neuf temps, l'ouvrage étant écrit par sorte de fragments, paragraphes, allant jusqu'au numéro 221, dont la succession ne relève pas de la plus grande clarté.
Cet ouvrage émet des idées et concepts intéressants, on y trouve pas mal de formules, mais il est assez conceptuel et désordonné. Il arrive à l'auteur de s'éloigner de son sujet. Pour montrer qu'il y a un temps et des cycles en matière de consommation et d'art, il commence à décrire l'évolution du temps dans l'histoire et en politique, pour ensuite faire une comparaison, sans en expliquer la méthode a priori.
De manière générale, si les neuf chapitres correspondent à des grands thèmes, la logique de leur articulation n'apparaît pas clairement, ce que n'arrange pas franchement cette disposition en fragments numérotés.
De surcroît, le propos n'est illustré d'aucun exemple, ce qui le rend théorique. Ceci n'est pas un défaut, mais cet aspect combiné à l'absence d'organisation claire de l'ouvrage - au moins pour moi - le rend partiellement abscont. Heureusement, le sujet général est à la portée de tous, ce qui permet de s'y retrouver, en dehors des digressions quasi-hors sujet.

Il a néanmoins, comme je l'ai écrit, le sens de la formule, et cela a le mérite de faire réfléchir. J'ai eu tendance à m'y accrocher pour y trouver quelque chose d'attractif, sinon je crois que j'aurais perdu le fil.

Les manuels et cours de culture générale en font tous mention. C'est une référence du moment. Ca vaut le coup de s'y attarder, car cela permet de se forger une opinion sur le phénomène, mais ce livre est assez surfait. Il est assez pédant et un peu abscont. Si ce livre ne mérite pas de tomber dans l'oubli, s'en pâmer ou s'en prévaloir comme référence relève un tantinet du snobisme. Probablement que rien de mieux sur le plan théorique n'a été écrit en la matière.
Une grille de lecture toujours actuelle? 9 étoiles

Lire plus de 50 ans après un livre considéré comme important n'est pas très glorieux. Mais il y en a tellement d'autres...Comme le dit Veneziano, avec qui décidément je partage de nombreuses lectures, celle des 221 propositions de ce livre n'est en outre pas très aisée.
Sur la forme il s'agit d'un texte assertif qui assène ses affirmations sans grand souci d'argumentation, ni même d'explicitation. La lecture en est donc difficile, voire irritante.
Sur le fond, l'intérêt est tout autre. Il est possible de le lire comme un prolongement d'oeuvres antérieures, Hegel et Marx pour l'essentiel. La thèse centrale de l'ouvrage, tout est marchandise dans le monde capitaliste, est d'ailleurs déjà dans Marx.
Mais Debord va plus loin sur plusieurs points. J'en sélectionne deux.
Il dénonce un monde dans lequel, aboutissement logique du capitalisme, tout devient marchandise, y compris la relation entre les hommes qui prend la forme du spectacle, c'est-à-dire d'une relation déséquilibrée entre un crétin consumériste installé face à la partie de la société qui se représente elle-même (qui se donne en spectacle). Ainsi l'aliénation de l'individu - même et peut-être parce qu'il vit matériellement mieux que ses ancêtres - lui fait abdiquer toute volonté autonome pour, en échange de sa passivité face au spectacle, acquérir l'illusion de faire partie du système comme agent actif. Son illusion est de croire à son activité dans le système, alors qu'elle est objectivement nulle, simple effet factice destiné à la reproduction infinie du système. Pour Debord, la capitalisme assure ainsi sa pérennité.
En regardant nombre de manifestations modernes (émissions de variétés à la télévision, rôle des vedettes, évènements mondains, magazines people, rôle des marques dans la consommation, etc.), on ne peut qu'être frappé par la pertinence de cette analyse. Formidablement huilé, le système se reproduit à l'infini, portant les mêmes caractéristiques à travers les pays, les ethnies, les cultures. L'antidote au système ne peut être que la construction de la conscience, programme révolutionnaire permettant de bâtir les structures collectives susceptibles d'amener vers la sortie du spectacle. On voit que cette passionnante grille de lecture a servi de soubassement à mai 1968 et qu'elle continue de produire des effets dans le monde actuel, avec peut-être autant d'échecs que dans la manifestation initiale (mai 68). C'est alors dans l'analyse du capitalisme par Debord qu'il faut chercher la faille.
Pourtant Debord présente d'autre part - on est en 1967 - une analyse originale du communisme stalinien, qui n'est pour lui qu'une forme du capitalisme. Ce point de vue lui vaudra évidemment l'hostilité des communistes orthodoxes qui le poursuivront longtemps de leur vindicte. Il faut à titre d'exemple lire la proposition 107 qui traite de la nature du pouvoir stalinien. Extrait: "Si les bureaucrates pris ensemble décident de tout, la cohésion de leur propre classe ne peut être assurée que par la concentration de leur pouvoir terroriste en une seule personne. Dans cette personne réside la seule vérité pratique du mensonge au pouvoir: la fixation indiscutable de sa frontière toujours rectifiée." N'est-ce pas la tentation de tout pouvoir? Y compris celui qui a détourné le nuage de Tchernobyl des frontières françaises!
Une telle lucidité intellectuelle reste une lumière pour les temps à venir, au delà des erreurs et approximations qui, s'ajoutant à la difficulté de lecture, rendent ce livre troublant.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 15 juin 2013


Critique de l'aliénation 9 étoiles

Dans le droit fil des critiques de Marx et Adorno (entre autres) sur le même concept, remis à sa place dans le contexte particulier de la seconde moitié du XXe siècle. Le goût prononcé pour l'écriture en forme d'aphorismes peut dérouter, mais c'est bien vu. Il n'est que de regarder autour de soi pour s'apercevoir de la pertinence de ses vues (le marais de la fausse "classe politique"...). Un classique désormais de la philosophie politique.

Radetsky - - 81 ans - 3 septembre 2011


obscur et abstrait mais des fulgurances 5 étoiles

Livre obscur et abstrait , demandant une réelle concentration de lecture et une volonté de comprendre.

Quelques belles idées qui restent actuelles : dégradation de l’être en avoir puis en paraître , plus le spectateur contemple et moins il vit , chaque nouveau message de pub est l’aveu du mensonge précédent ...

Mais parfois , on n'est pas sûr de bien le comprendre .

Bunny - - 67 ans - 7 février 2011