Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos

Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sylkarion, le 9 décembre 2005 (Saint-Etienne, Inscrit le 9 décembre 2005, 43 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 297ème position).
Visites : 8 717  (depuis Novembre 2007)

Jesus Christ part II

Ecrivain catholique par excellence, Georges Bernanos était également hanté par la mort. Cette hantise d’une fin irrémédiable, il la retranscrit avec beaucoup de force dans le journal de ce petit curé de rien du tout. Jeune homme malingre et en proie à de terribles douleurs d’estomac, sans aucune assurance, le narrateur s’escrime à écrire un journal pour mettre à plat ses doutes sur sa capacité à servir de guide à ses ouailles ainsi que ses interrogations sur la foi. Là où le roman surprend, c’est que ce pathétique, très vite on ne peut plus s’en passer. Et l’écriture de Georges Bernanos, auteur de Sous le soleil de Satan, n’y est sûrement pas étrangère. Mêlant habilement les soucis quotidiens de la paroisse du curé (mais aussi ses problèmes de santé) et, beaucoup plus profonde, sa foi vacillante, l’auteur dépasse l’enveloppe textuelle de son personnage de fiction pour mettre en avant ses propres interrogations. Pratiquement triste du début à la fin, Journal d’un curé de campagne n’en est pas moins un indescriptible hymne à la vie. Sans doute ce que j’ai lu de mieux depuis longtemps.

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Un grand roman !

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 72 ans) - 14 mai 2016

Georges Bernanos est né en 1888 et est décédé en 1948, à l’âge donc de 60 ans. Bernanos est un catholique fervent et royaliste. Il mène une vie matérielle assez difficile et instable ( il travaille pour une compagnie d’assurance). Avec son épouse, à la santé fragile, et leurs six enfants, il déménage une trentaine de fois. En 1938, il éprouve une honte envers les états européens suite aux accords de Munich avec Hitler. Il s’installe avec sa famille à Rio au Brésil où il reçoit des écrivains tels Stefan Zweig. En 1940, il se rallie à l’appel du 18 juin du général De Gaulle. Retour en France en 1945. « Le journal d’un curé de campagne » est publié en 1936 et remporte un succès important.


Un jeune curé, d’une bonne vingtaine d’année, s’installe dans sa première paroisse, à Ambricourt, dans le nord de la France, pas loin de Lille. Ce jeune prêtre est doté d’une mauvaise santé. Il souffre de l’estomac. Il est vrai qu’il se nourrit affreusement mal : du pain trempé dans du mauvais vin et des pommes, c’est tout. Il n’est pas le seul dans ce cas ; ainsi, cette réflexion d’une gouvernante : « Dans ma jeunesse, les prêtres se nourrissaient trop, avaient trop de sang. Aujourd’hui, vous êtes plus maigres que des chats perdus ». Notre curé prend cependant des décisions pour sa paroisse : s’occuper sportivement des jeunes, visiter chaque famille au moins une fois par trimestre, … Régulièrement, Il rend visite au comte ( qui l’insupporte) à la comtesse ( qu’il finira par réconcilier avec Dieu) et leur fille Chantal ( qui le tourmente plus qu’autre chose). Très jeune, notre homme s’effondrera physiquement et mourra assez sordidement à Lille.

Si la vision du catholicisme et de préceptes de l’époque datent un peu, ce roman reste cependant d’actualité ( pour autant qu’on veuille bien le lire en tant que croyant ou tout au moins agnostique, sinon passez votre chemin). Il est vrai qu’il n’est pas drôle du tout ( mais est-ce qu’on lui demande d’être drôle ?). Les passages où notre curé est confronté à des personnages comme les docteurs Delbende et Laville, le curé Torcy, le doyen Blangermont, et le comte sont particulièrement bien envolés …

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Voici la version pdf :
http://ebooksgratuits.com/pdf/…



Extraits :
- L’Etat commence par faire mauvaise fortune bon coeur. Il torche les gosses, panse les éclopés, lave les chemises, cuit la soupe des clochards, astique le crachoir des gâteux, mais regarde la pendule et se demande si on va lui laisser le temps de s’occuper de ses propres affaires.
( …) Tu peux traduire ça comme tu voudras, même en langage rationaliste – le plus bête de tous, - ça te force à rapprocher des mots qui explosent au moindre contact. La société future pourra toujours s’asseoir dessus ! Ils lui mettront le feu au derrière, c’est tout.

- Après vingt siècles de christianisme, tonnerre de Dieu, il ne devrait plus y avoir honte à être pauvre. Ou bien, vous l’avez trahi votre Christ ! Je ne sors pas de là. Bon Dieu de bon Dieu ! Vous disposez de tout ce qu’il faut pour humilier le riche, le mettre au pas. Le riche a soif d’égards, et plus il est riche, plus il a soif.

- Vous ne valez pas cher, m’a-t-il dit. Rien qu’à voir ça, pas difficile de comprendre que vous n’avez pas toujours mangé votre saoul, hein ! A présent, il est trop tard ! Et l’alcool, qu’est-ce que vous en faites de l’alcool ? Oh ! pas celui que vous avez bu, naturellement. Celui qu’on a bu pour vous, bien avant que vous ne veniez au monde.

- Sauf respect, tu ressembles à ces cornichons de jeunes maris qui se flattent « d’étudier leur femme » alors qu’elle a pris leur mesure, en long et en large, du premier coup.

- N’était la vigilante pitié de Dieu, il me semble qu’à la première conscience qu’il aurait de lui-même, l’homme retomberait en poussière.

- Nous autres, dans nos campagnes, nous sommes tous, plus ou moins , fils d’alcooliques. Tes parents n’ont pas bu plus que les autres, moins peut-être, seulement ils mangeaient mal, ou ils ne mangeaient pas du tout. Ajoute que faute de mieux, ils s’imprégnaient de mixtures dans le genre de celles-ci, des remèdes à tuer un cheval.

- Vous êtes un chic garçon, m’a-t-il dit. Je ne voudrais pas un autre curé que vous à mon lit de mort.

- Le doute de soi n’est pas l’humilité, je crois même qu’il est la forme la plus exaltée, presque délirante de l’orgueil, une sorte de férocité jalouse qui fait se retourner un malheureux contre lui-même, pour se dévorer. Le secret de l’enfer doit être là.

- Le grand nerveux est toujours son propre bourreau.

- Il est vrai que le goût du suicide est un don, un sixième sens, je ne sais quoi, on naît avec.

- Me suicider ? Allons donc ? C’est un passe-temps de grand seigneur, de poète, une élégance hors de ma portée.

- Il faut mourir peu à peu, balbutiai-je, prendre l’habitude.

L'ennui

10 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 30 janvier 2016

C'est un livre d'une intensité et d'une puissance rarement rencontrée. Ce jeune curé qui se donne entièrement et avec humilité à sa paroisse de campagne triste est tout à fait bouleversant. J'ai lu le roman deux fois de suite, et encore maintenant j'ai envie de le parcourir.

Cependant j'ai trouvé par moment le discours confus, ainsi les longues réflexions de son ami, le curé de Torcy, sur la pauvreté, l'injustice, sont parfois difficiles à suivre. Mais ça fait partie de l'ensemble. Et ce curé, comme chacun des personnages de ce roman, se dégage avec netteté et force, c'est vraiment stupéfiant.

Comme le dit SJB dans sa critique, c'est un curé triste et qui souffre, mais c'est une tristesse qui rend bon et qui n'empêche pas les moments d'allégresse. C'est grâce à sa tristesse qu'il touche le coeur de la petite catéchiste qui n'a pas eu d'enfance. Il est triste car Dieu n'est pas aimé, ainsi qu'il lui explique dans ce bel échange : "« Et pourtant, vous n’êtes pas beau, a-t-elle dit entre ses dents, avec une gravité inimaginable. C’est seulement parce que vous êtes triste. Même quand vous souriez, vous êtes triste. Il me semble que si je comprenais pourquoi vous êtes triste, je ne serais plus jamais mauvaise. – Je suis triste, lui dis-je, parce que Dieu n’est pas aimé. » et plus loin « Un jour, tu comprendras que la prière est justement cette manière de pleurer, les seules larmes qui ne soient pas lâches. »

La première page du livre est vraiment d'une très grande beauté, quand il décrit le petit village de sa paroisse qui croule sous l'ennui et le compare à une bête couchée sous la pluie. C'est grandiose. Il y a beaucoup d'autres passages qui évoquent des images avec force, c'est une écriture qui touche profondément l'imagination. Au final on se sent vraiment bouleversé par ce jeune prêtre convaincu et on a l'impression d'avoir touché un peu l'indicible.

Le goût de l'absolu

10 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 14 janvier 2016

Ce roman de Bernanos m'a semblé à la fois d'actualité et daté. Il est d'actualité dans la mesure où il a cerné de très près la désespérance du monde actuel qui, en virant dans le matérialisme, a perdu son sens de la vie. Mais il m'a paru daté dans la manière dont Bernanos donne des réponses à cette désespérance.

La religion de Bernanos s'inspire, avant tout, de la Passion du Christ, à laquelle le prêtre doit nécessairement participer. Son curé de campagne trouve un épanouissement dans la pauvreté et les souffrances d'une mauvaise santé et il m'a semblé que, pour Bernanos, cette souffrance soit la condition de la Rédemption.
Personnellement, j'ai un peu regretté de découvrir, dans ce modèle de prêtre, un prêtre triste ; et je me suis souvenu de l’exhortation du Pape François qui disait « je veux des prêtres joyeux pour annoncer la Bonne Nouvelle ».

Ceci dit, Bernanos est un génie. Il a l'art de scruter l'âme humaine jusqu'à dénicher ses passions les plus enfouies. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a comparé à Dostoïevski. Dans son roman, au cours de longs dialogues entre le prêtre et ses ouailles, il met à jour les passions éternelles de l'humanité : l'orgueil, la luxure, l'égoïsme, l'argent...

Comme Dostoïevski, Bernanos sent la présence du démon dans le monde. Et, de plus, il croit en la Communion des Saints, ce très beau dogme du christianisme qui veut que chaque personne soit responsable des autres. Alors, au risque d'être bafoué et détesté, son curé de campagne va débusquer le démon incarné dans les âmes et ça donne lieu à des analyses d'une profondeur rarement atteinte en littérature.

Bernanos tient à ne jamais peser sur le jugement du lecteur et, par ailleurs, son très beau roman peut se lire sans aucune connaissance religieuse particulière. Toutefois il n'est pas d'une lecture facile et suppose un minimum de concentration ; mais ça en vaut la peine : son Journal d'un Curé de Campagne constitue un enrichissement certain, tant sur le plan littéraire que spirituel.

Le mystère.

9 étoiles

Critique de Lobe (Vaud, Inscrite le 28 juin 2011, 29 ans) - 29 septembre 2014

Je me mets dans le sillage de la critique de Lafcadio (merci!) espérant que l'impulsion suffise à démêler ce que je pense de ce Journal.

Deux mois que je l'ai lu, et relu de suite dans la foulée, première bizarrerie. Si je l'avais sous la main, sûre que je l'ouvrirai au hasard et qu'il se passerait... ce mystère.

Qui est que, malgré des thèmes un tantinet rébarbatifs (voire ci-dessous chez Lafcadio: la foi, l’ennui, la pauvreté, la luxure et l’injustice), il se passe quelque chose. Le monde décrit par Bernanos, à travers le regard de ce pauvre petit chose, de cet être souffreteux, aviné, boursouflé de doutes et de questions et qui perd sa foi comme d'autres font tomber leurs portables dans les toilettes, ce monde, donc, prend vie.

C'est un village du début du siècle - pas celui-là, le précédent - avec des gens pas plus vilains qu'ailleurs mais qui ont quand même de la poussière en masse sous la commode, et qui composent à leur manière avec la religion. Et ce village acquiert une densité insensée à travers des intrigues pourtant sans fol exotisme, juste parce que le prêtre trimballe son regard aiguisé d'incertitude partout où il va. Bizarrerie numéro deux que l'incertitude soit si convaincante.

Pour ce qui est des dialogues... Ils sont parfois très longs, à mesure que le p'tit curé s'enlise et se débat dans une maïeutique involontaire ou accidentelle ou démoniaque. Mais là encore, bizarrerie tierce et dernière, malgré le fait qu'on sente bien que de tels dialogues n'ont aucun caractère réel, qu'ils n'ont cours que sous la plume, eh bien: ils (m')enflamment.

Un point négatif cependant. Dans mon édition Pocket/Best, j'ai eu droit à un minimum d'une coquille par phrase, ce qui est absolument horripilant et me file des envies de meurtre. Je vous encourage donc à en dénicher une autre. En espérant avec ardeur que le mystère de la plume de Bernanos agisse sur vous. Moi, je me pose encore la question de la nature de l'enchantement.

"Tout est grâce !"

7 étoiles

Critique de Lafcadio_ (, Inscrit le 13 septembre 2014, 34 ans) - 27 septembre 2014

Lorsque Bernanos publie « Journal d’un curé de campagne » en 1938, la critique et le public l’acclament ; des millions d’exemplaires sont vendus, il obtient le grand prix de l’Académie française et André Malraux ira jusqu’à écrire dans la préface que ce livre est l’héritage de Dostoïevski et Balzac. Plus tard, il sera inclus dans la liste des douze meilleurs romans du demi-siècle aux côtés d’autres illustres œuvres telles que « Les Faux-monnayeurs », « Thérèse Desqueyroux » ou « Un amour de Swann ».

Dans la petite ville d’Ambricourt, dans le nord de la France, un prêtre fraîchement sorti du séminaire prend ses fonctions. Son caractère effacé s’oppose aux réticences de ses nouveaux paroissiens doutant de ce jeune homme timide et souffreteux. Quantité de thèmes seront abordés : la foi, l’ennui, la pauvreté, la luxure et l’injustice.

La force du texte tient dans la volonté de l’auteur de le présenter comme un journal intime. On découvre la pensée du curé souhaitant y relater ses échanges avec ses supérieurs ou amis, son impuissance face à ses ouailles et ses doutes spirituels. La difficulté de son désir d’honnêteté envers lui-même y est soulignée par des ratures et des pages arrachées.

La qualité de l’écriture permet aisément de suivre les idées évoquées et d’apprécier le pathétique de la volonté de souffrir du prêtre, néanmoins, le temps a fait son œuvre et un manque d’intérêt peut se faire sentir à l’abord de certains thèmes abordés et de dialogues semblant parfois artificiels.

Eparpillé

4 étoiles

Critique de John (, Inscrit le 2 novembre 2010, 34 ans) - 11 novembre 2010

J'avais dû lire ce livre pour mes études et j'avoue avoir été déçu même si je ne m'attendais pas forcément à un chef-d'oeuvre
Je trouve que les sujets sont abordés de façon peu organisée avec un premier chapitre de 20 pages puis un 2ème de 2OO pages par exemple !
Des passages assez intéressants mais trop peu nombreux à mes yeux pour me plonger vraiment dedans

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