L'homme interdit
de Catherine Lovey

critiqué par Sahkti, le 7 décembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Coupable de quoi
Voici un premier roman bien emballant. Le narrateur, Monsieur Brown, est en voyage d'affaires à Londres lorsqu'on lui apprend que sa femme est morte. Cela ne l'émeut guère, il arrive même à signer un gros contrat et à manger avant de prendre conscience de ce qui lui arrive. Et ne pensez pas que cela va l'attrister! Notre homme se lamente certes, mais de ce que devient sa situation: il perd son job, est harcelé par un inspecteur de police qui le soupçonne d'être moins innocent qu'il y paraît et doit assumer désormais seul l'éducation de trois petits enfants.
Alors Mr Brown consulte un psychiatre. Selon un rythme immuable, chaque jour entre 9h45 et 10h30. Un homme qui reste désespérément muet au fil des pages et auquel le narrateur confie ses états d'âme, parle de sa défunte Rachele (en termes rarement sympathiques), de ses enfants qu'il regarde d'un oeil étranger et de l'impossible vie qui est la sienne aujourd'hui.
Tour de force de Catherine Lovey qui arrive à installer une distance effrayante tout au long du récit entre Mr Brown et le drame qui l'afecte. Cet homme ne pense qu'à lui, mais même dans ce cas, il y a une barrière, quelque chose qui l'empêche de vraiment ressentir des émotions ou dégager un tant soi peu de chaleur. Effrayant ce personnage!
J'ai apprécié l'écriture de Catherine Lovey pour mettre en scène ce personnage si froid. Les détails dont son écriture est riche le rendent très présent, ce qui rend toute cette histoire encore plus agaçante. Comme l'inspecteur, on doute de son innocence mais on n'en saura rien, le lecteur reste sur sa faim. Sans doute le seul petit reproche que je formulerai, une fin qui ne donne pas vraiment satisfaction. Non pas qu'il faille absolument dire si oui ou non Mr Brown est coupable, mais je reste sur l'impression que cela ne débouche sur rien en fait et c'est dommage, parce que le reste du récit est remarquablement bien construit, suite de monologues qui seront les seuls aliments que le lecteur pourra se mettre sous la dent pour comprendre ce qui a pu réellement se passer. Un premier roman assurément à découvrir!