Seeland
de Robert Walser

critiqué par Sahkti, le 6 décembre 2005
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Le Seeland qui est en nous
Seeland, c'est un terme cher à Robert Walser, écrivain à la plume élégante et perfectionniste qui a passé de nombreuses années à Bienne (Suisse). Bienne qui pourrait être ce Seeland, mais cela pourrait aussi être d'autres lieux, d'autres territoires, d'autres mers.
Walser est un créateur de mots qui s'extasie sans cesse sur la création de la nature. Le monde extérieur, en perpétuel changement et en découverte permanente, ne peut que suggérer à l'imaginaire de s'ouvrir sur de nouveaux mondes intérieurs. Une démarche philosophique et intellectuelle que l'auteur mettra en application dans toute son oeuvre dont une partie est ici rassemblée, dans une très bonne traduction de Marion Graf, c'est à souligner. L'édition originale de Seeland date de 1920, composée de six textes, dont "La Promenade", un des textes les plus connus de Walser. A travers ces récits dans lesquels Robert Walser met en scène des personnages très différents les uns des autres mais tous animés par une même volonté de continuer la route, Walser explore les territoires de la conception de la vie et de la création.
Un des textes que j'ai préférés est l'histoire de ce peintre face à la toile blanche, dialoguant avec son inspiration et méditant sur le rôle de l'art et la force de la création. Réflexions intenses qui s'appliquent non seulement au domaine de l'art mais également à toutes les facettes de la vie, quelles qu'elles soient. Qu'est-ce que le fait de créer nous apporte? Une personnalité distincte? C'est bien plus complexe que cela, on s'en rend compte en lisant ce récit consacré à sept enfants dont les parents sont morts et qui relatent chacun à leur tour la vision qu'ils en ont et ce qu'ils leur ont apporté. Beaucoup d'humanité et de sensibilité derrière tout cela et une réflexion sur l'héritage "intellectuel", sur les richesses mentales qui nous ont été léguées et ce que nous en faisons, comment nous les adaptons et participons à notre tour à un autre processus de création. Création omniprésente, en particulier dans l'amour que Robert Walser porte aux paysages, lignes qu'il écrit avec affection et esthétisme. Tout cela est très beau. Même dans les malheurs du monde, Walser y trouve une forme de beauté et il l'exprime avec beaucoup de talent.