Vie et mort d'Emile Ajar
de Romain Gary

critiqué par Sibylline, le 26 novembre 2005
(Normandie - 73 ans)


La note:  étoiles
Intérêt documentaire
La lecture de cette trentaine de pages est indispensable à tous ceux qui s’intéressent à ce que fut l’imbroglio Gary/Ajar.
Dans cet opuscule publié après sa mort, Romain Gary explique et raconte ce qu’il a fait et pourquoi.
C’est court, clair, net. Même s’il ne répond pas, faute de l’admettre, à la question que tout le monde se pose : pourquoi les livres d’Emile Ajar étaient-ils tellement meilleurs que ceux que Romain Gary écrivait à la même époque ?
Il le nie. Il reproche amèrement aux critiques de n’avoir pas su reconnaître, au contraire, que tout Ajar était déjà chez Gary et d’avoir soutenu que «Gary aurait été bien incapable d’écrire cela» alors que c’était exactement ce qu’il avait fait.
Certes, mais alors pourquoi ne le faisait-il pas toujours ? Il pense qu’il le faisait. Le lecteur sait que non.
Il motive principalement sa supercherie par son désir de se débarrasser de l’étiquette qu’on lui avait collée sur le dos. Il dit que s’il avait publié ces livres en tant que Gary, on n’aurait pas reconnu leur valeur, le rôle officiel qu’on lui faisait tenir y aurait fait obstacle. Il ne voit pas que, tout autant, lui-même n’écrivait pas les mêmes choses lorsqu’il était Gary. Lui aussi participait au rôle. Paul Pavlovitch, quant à lui, rapporte que Gary, parlant de «Gros câlin» «répéta plusieurs fois que, sans ce pseudonyme, il n’aurait pas pu écrire cette œuvre. Trop nu, trop à découvert avec ses demandes et ses besoins» Et je crois que nous sommes là plus près de l’exactitude. Ajar racontait ce que Gary n’osait pas dire. Et l’œuvre signée Ajar me semble mieux résister à l’assaut des ans.
Cette brochure est la version de Gary de cette incroyable histoire, version donnée sans que le recul y ait pu apporter sa part d’objectivité, car du recul, il n’en aura jamais. Ecrite en mars 79 mais maintenue cachée, elle n’a été publiée qu’après son suicide et à peu près en même temps (une quinzaine de jours après, me semble-t-il) que la version que Paul Pavlovitch donna des mêmes faits.
Voir : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/10316
Du volte-face Gary-Ajar 8 étoiles

En fin de parcours, peu avant de se suicider, comme en guise de testament littéraire, Romain Gary se livre à une explication de la création du pseudonyme d'Emile Ajar sous lequel il a rédigé une partie de son oeuvre. Etonné de la dupe des critiques qui n'ont pas vu la proximité des thématiques et du style, il s'amuse de la préférence donnée à Ajar plutôt qu'à lui. Ce masque soudain eût été fortuit au départ, puis savamment alimenté.
Cette comédie littéraire mérite un détour et le temps de s'y arrêter, cette explication vient donc ici pour cela.
Elle se termine par cette formule très ironique, en deux phrases sibyllines : "Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. ROMAIN GARY 21 mars 1979". Cela détient un double sens : il s'agit d'une sarcastique révérence littéraire, où il s'amuse de son pied-de-nez, et d'un adieu à la vie, qu'il décide de quitter. Ce n'est pas qu'anecdotique et vaut critique ironique d'un système.

Veneziano - Paris - 46 ans - 3 janvier 2020


Le point de vue de Romain Gary sur "l'affaire Émile Ajar" 6 étoiles

Ecrit en 1979, année de la publication de "l'angoisse du roi Salomon" dernier roman signé Émile Ajar, mais publié en 1981 quelque mois après la mort de Romain Gary, ce court essai donne la version de Gary sur ce qui est devenu "l'affaire Émile Ajar", il raconte ses motivations et révèle un peu les coulisses de l’écriture des quatre romans signés Ajar de son point de vue et justifie qu'ils sont bien de lui en faisant le parallèle avec son "œuvre officielle".

On peut reprocher à ce document de laisser quelques zones d'ombres et de ne pas entrer dans les détails, cependant on peut aujourd'hui trouver des documents sur Internet qui vont plus loin, notamment sur la chaîne YouTube officielle de la ville de Nice où un colloque spécial sur Romain Gary s'est tenu à l'occasion du centenaire, les vidéos 6 et 7 reviennent en profondeur sur Émile Ajar, ce sont des bons compléments à ce livre.

Killeur.extreme - Genève - 42 ans - 25 octobre 2017