Le vieux fantôme qui dansait sous la lune
de Sophie Frisson

critiqué par Libris québécis, le 19 novembre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une romancière en herbe
«Quand je montrais mon diplôme, on m'envoyait au diable. J'ai montré mon cul et on m'a envoyée au Mexique.» L’héroïne, l’alter ego de l’auteure de 21 ans, a reçu dix mille dollars (6500 euros) pour avoir posé nue. Grâce à cette somme, elle espère écrire le chef-d’œuvre du siècle.

Dans ce roman, l’auteur en herbe se cherche désespérément un sujet. Peu à peu, on se rend compte que c’est sa quête personnelle qui lui sert de matière première. Affranchie des tabous de la société occidentale, elle cherche en fait à s’inscrire dans le monde adulte en questionnant d’abord la condition féminine. Elle refuse de perpétuer le règne de sa « conne » de mère, femme de diplomate réduite à une vie de mimétisme au service de la rectitude. Elle recourt alors à la mythologie mexicaine pour lui indiquer une voie à suivre. Mais c’est un écrivain québécois centenaire, échoué dans une station balnéaire, qui contribue le mieux à la réalisation de son objectif. L’héroïne éprouve d’abord du dégoût pour cet homoncule dans un fauteuil roulant. Petit à petit, elle en fait son maître à penser au point qu’elle craint de devenir dépendante d’un libidineux décrépi qui veut voir sa « chucha ».

Sous forme de journal, le roman livre le balbutiement d’une femme angoissée, en quête d’une voie originale pour se dire à travers l’écriture. L’héroïne trace du même coup le portrait de sa muse, un vioc exilé au Mexique. Ça donne une œuvre décousue, crue, désinvolte comme la jeunesse, d’un humour parfois raté, mais d’une richesse surprenante pour un auteur de 21 ans qui, par surcroît, manie la plume avec naturel.