Une affaire de charme
de Edith Wharton

critiqué par Saule, le 2 novembre 2005
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Cette chère Edith
Wharton était très prolifique et elle a publié pas moins de 86 nouvelles, ce qui me vaut le bonheur de tomber régulièrement sur l'un ou l'autre recueil de ses nouvelles. Celui-ci, "Une affaire de Charme", contient sept nouvelles, toute très courtes et de très bonne factures.

Outre l'humour et l'ambiance toujours aussi délectable de l'univers Whartonien, il se dégage ici une impression de solitude qui m'a fortement impressionnée : que ce soit la vieille dame de la première nouvelle, le veuf qui vit avec un tableau de son épouse, l'homme condamné d'un cancer qui désire se marier pour ne pas mourir seul ou encore la dame d'âge moyen prisonnière d'un mariage conventionnel et qui s'emballe pour un jeune garçon timide, ces gens vivent dans un univers émotionnel dépeuplé. Ce qu'exprime magnifiquement l'héroïne de la seconde nouvelle qui compare l'âme à une pièce secrète que personne ne peut visiter : "J'ai souvent pensé que la nature d'une femme est semblable à une grande maison avec de nombreuses pièces: il y a le vestibule, que tout le monde traverse pour entrer et pour sortir ; le grand salon, où les membres de la famille vont et viennent à leur guise ; mais au-delà, bien au-delà, il y a d'autres pièces dont on ne tourne peut-être jamais les poignées de porte ; personne ne sait y aller, personne ne sait où elle-mènent ; et dans la chambre la plus reculée, le saint des saints, l'âme se trouve seule dans l'attente d'un bruit de pas qui n'arrive jamais.". Une bien belle phrase et qui correspond sûrement à ce que Wharton ressentait.

Bref ces nouvelles sont dans la lignée de la production habituelle de Wharton, c'est-à-dire savoureuses, et je donne une mention spéciale pour "Une affaire de charme" qui clôture le recueil, une nouvelle trépidante et drôle qui a des accents de son fameux roman "Les New-Yorkaises".
Contrôle de sa vie 6 étoiles

Edith Wharton excelle dans la nouvelle. Toutefois, le danger que constitue tout recueil de nouvelles est qu'il invite à la comparaison entre les textes et que dès lors, on peu trouver qu'il y a parfois à boire et à manger. C'est ce que je ressens ici, tout n'est pas de qualité égale et il me semble que de temps à autre, Edith Wharton se perd dans des histoires qu'elle ne maîtrise pas totalement, ce qui leur donne un air d'inabouti.
Heureusement, ce défaut est compensé par une qualité d'écriture et un art de dépeindre les destins que Wharton manie bien. Ceci compense cela, même si pas tout le temps suffisant à mes yeux.

Un point commun à tous ces textes chez les principaux protagonistes: la volonté de contrôler quelque chose qui leur échappe, que ce soit la nature, l'amour ou la vieillesse. Tous ces gens, seuls, savent que leur vie est malheureuse et se réfugient dans des leurres afin de le supporter et, petit à petit, de se donne rl'illusion qu'ils décident des choses. Cela se remarque dans chaque texte et dans certains plus particulièrement, comme ce pauvre Grancy qui fait retoucher le portrait de sa défunte femme pour qu'elle vieilliesse (et s'enlaidisse) en même temps que lui.

Des portraits intéressants donc et une démarche qui l'est tout autant. Un recueil à déguster par petits morceaux cependant (comme souvent tout recueil de nouvelles) afin de mieux en profiter.

Sahkti - Genève - 49 ans - 28 mai 2008