Gisement de cri
de Louis Mathoux

critiqué par Kinbote, le 28 octobre 2005
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
L’Homme, la Femme et Dieu.
L’Homme, la Femme et Dieu sont ici les principaux (mais pas les seuls) personnages d’une cinquantaine de fables d’une belle et rare puissance poétique où l’humour ne fait pas défaut.
Dans ce recueil voisinent une joue qui a éternellement sept années pour avoir un jour été frappée, une femme de toutes les faims, la soif de l’Homme (qui est la guérison d’un vin blessé), une nuit qui s’est fait encre, un homme qui tente de faire apparaître Dieu par ses prières et par ses pèlerinages; des miroirs vivants qui se demandent ce qu’il y a derrière l’homme. Mais aussi la danse qui est le sourire des pieds, un alcool qui s’enivre au contact de la chair, des regards qui nourrissent la beauté de la Femme, un arbre qui pleure dont les larmes sont de résine pure, la naissance du verbe, un homme qui constate que, puisqu’il est fait d’entailles, son créateur n’a pu être qu’une hache...

Il ressort de ces petites études savoureuses et lumineuses formant une cosmogonie singulière que leur auteur possède une connaissance vive du monde et de ses mystères. Pour Louis Mathoux, la Femme est partout inscrite dans l’Homme dont elle ne peut se passer sans attenter à sa propre intégrité.
Un hymne à la femme donc et à la création sous toutes ses formes car Mathoux nous montre que tout est dans tout et qu’il suffit d’un brin d’imagination et de fantaisie pour faire danser le monde, réinventer ses origines et sa genèse en fonction du ballet et de la musique qu’on assigne à ses pas.

Louis Mathoux n’a pas fini de nous surprendre avec cette œuvre en marche qui présente des connivences avec celles d’un Jean-Claude Bologne.
A noter aussi la beauté du livre, comme tous ceux de cette collection Transparences de chez Memor, ainsi que la délicatesse de l’ illustration de couverture signée Béatrice Billen.

Voici un texte, extrait du recueil :

Je fus un jour abordé par un inconnu qui, sans préambule, me demanda :
- Dites-moi, croyez-vous que Dieu existe ?
Je ne répondis rien. Mais l’autre insista. :
- Eclairez-moi, je vous en prie. Dieu existe-t-il, ou n’est-il que le fruit de l’imagination humaine ?
Agacé par cette question à laquelle il n’y avait pas de réponse, je voulus passer mon chemin. L’inconnu se mit aussitôt à me suivre.
- Pardonnez-moi de vous importuner, mais c’est très important pour moi. De grâce, répondez-moi : Dieu existe-t-il ou non ?
Je me retournai vers l’interlocuteur et, brutalement :
- Comment voulez-vous que je le sache ? Allez-vous-en et laissez-moi tranquille !

Alors, désespéré de n’avoir pu dissiper son doute existentiel, Dieu s’éloigna et je ne le revis jamais plus.