Album de Finissants
de Mathieu Arsenault

critiqué par Libris québécis, le 27 octobre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'École du conformisme
Dans Album de finissants, des jeunes indiquent que l’école vise moins leur bonheur que la production de copies formatées au service du pouvoir économique. L’œuvre est une radiographie du cerveau des élèves marqués par la crainte des examens et des devoirs, par l’éveil de la sexualité et le ras le bol des contraintes. On ne répond pas à leur psychologie qui se refuse à une façon unique d’être en société. Dans ce contexte, on comprend que plusieurs abandonnent leurs études au profit des meilleurs assurés de gagner le « jack pot » (la loterie).

À vingt ans, on veut refaire le monde, mais Mathieu Arsenault, né en 1976, évacue l'impact des pairs sur ce qui se vit en marge des objectifs de la scolarité. Il a délaissé la réalité souterraine comme le « taxage » (somme payé aux matamores de l’école), la drogue, le harcèlement, la violence, voire les assassinats redevables souvent aux gangs de rue. Certains incidents font la manchette de journaux, tel le cas récent de l’Université McGill qui a mis fin à un programme sportif parce que les étudiants soumettaient leurs confrères à des actes dégradants comme les dénuder ou, cas exceptionnel, les menacer de les sodomiser avec un manche à balai.

L’analyse de Mathieu Arsenault reflète l’état d’esprit des élèves apparaissant dans tous les albums de finissants, mais il a brossé un tableau partiel et partial de la scolorisation. Un peu à la manière d’Édouard Dujardin, il traduit la pensée vagabonde de ses personnages dans une « phrase pas articulable » pour correspondre à la fluidité des idées qui frappent l’esprit. Chaque réflexion s’étale sur une page composée d’une seule phrase formulée à partir d’une grammaire renouvelée qui ne décourage pas cependant les envolées poétiques : « Il fait un froid académique voyez le givre sur les lignes vides les pages blanches qui s’empilent pleurez oiseaux de février je suis un gel d’horaire à moi tout seul [...] tellement il gèle tellement il neige je suis la nouvelle norvège. » On croirait lire du Nelligan auquel certains élèves québécois s’identifient, mais c’est aux désarrois de l’élève Törless que l’on songe en lisant ce roman. Malgré les bémols, c'est une oeuvre originale qui saura séduire le lectorat exigeant.