Pieronnelle

avatar 15/11/2011 @ 16:25:20
Voilà, j'aimerais vous faire part de ce texte sur Zola de Emile Guillaumin (1873-1951) "Ecrivain, poète, journaliste et syndicaliste, Paysan" qui manqua de peu le Goncourt en 1904 pour "La vie d'un simple". Ce véritable paysan qui refusa de quitter sa ferme à Ygrande dans le Bourbonnais (clin d'oeil!) a un regard différent sur ce monde qu'il connait bien et un jugement assez amer sur ceux qui en "parlent", tout en admirant la valeur de leurs auteurs, comme c'est le cas pour Zola à propos de son oeuvre "La Terre".

Extraits de "L'état d'âme des paysans" dans les "dialogues bourbonnais":

"Zola, dans La terre, s'est trompé, sans parler des détails répugnants d'un réalisme hors nature, qui foisonnent dans son roman, il s'est trompé dans la psychologie même des personnages de premier plan. Il voulait créer des types représentant la généralité et il n'a peint que des êtres d'exception. Voulant frapper trop fort, il a cessé de parler juste. Tous ces tableaux, tous ces personnages sont faux pour être outrés et ce livre restera comme un stigmate au fronton de son oeuvre colossale et souvent magnifique.
Son thème était bon pourtant, le père Fouin, ce bonhomme souffrant d'avoir abandonné trop tôt ses biens, restait dans la réalité de la vie. Mais la fille riche, propre et minutieuse, mais le fils ivrogne et voyou, mais l'autre avare et finalement parricide qui préfère le soin de sa vache à celui de sa femme, sont autant d'exceptionnels monstres. Développés avec moins d'excès, leurs caractères respectifs eussent été vrais; présentés comme ils l'ont été, ils sont devenus faux et...ignobles.
La Terre est un pamphlet de mauvais goût, rien de plus..."

Etonnant je trouve ce regard différent sur cette oeuvre considérée aujourd'hui comme la plus réussie parmi celles qui ont parlé du monde paysan!
Cela n'enlève rien à l'humanisme de Zola qui a attiré l'attention sur ce monde délaissé et rejeté. Mais on peut se poser vraiment la question sur la pertinence du réalisme de certaines oeuvres dans lesquelles les principaux intéressés ne s'y retrouvent pas. Le roman littéraire va-t-il à l'encontre de ce dont il veut témoigner?

Saint Jean-Baptiste 15/11/2011 @ 18:35:48
Très intéressant ce texte de Émile Guillaumin (pourquoi ne pas l’avoir mis dans le forum « Zola » ?)

Mais un paysan est-il le mieux placé pour juger d’un livre sur les paysans ? Je pense qu’il doit être un peu juge et partie, non ?
Et puis, il y a trente-six façons de traiter d’un monde particulier : le monde des paysans, des ouvriers, des bourgeois, des politiques… On ne pourra jamais dire qu’une seule est la bonne.

Je pense que Guillaumin aurait parlé des paysans différemment. Mais, à mon avis, Zola n’a pas forcé la charge ; ses personnages ont toujours des fortes personnalités, c’est du Zola ! Mais ce ne sont pas des caricatures ; ils sont vrais, vivants, truculents, parfois comiques, parfois tragiques… comme dans la vie.
Je pense, avec tout le respect qui lui est dû, que Guillaumin se trompe quand ils parlent de personnages monstrueux, faux et ignobles. Selon moi, Zola a vu les paysans dans toute leur épaisseur humaine, tels qu’ils étaient dans leur temps.
Et alors, où je suis sûr que Guillaumin se trompe, c’est quand il parle de « pamphlet de mauvais goût et rien de plus ». La Terre, c’est quand même autre chose !

Maintenant, si Émile Guillemin ne s’est pas retrouvé dans cette œuvre, c’est peut-être un peu normal ; on se retrouve rarement dans une description réaliste et lucide de son propre milieux.

Saint Jean-Baptiste 15/11/2011 @ 18:40:58
Très intéressant ce texte de Émile Guillaumin (pourquoi ne pas l’avoir mis dans le forum « Zola » ?)
.

Ah ! non, j’ai rien dit : ce post est en lien avec le roman « LaTerre ». Il est bien à sa place, pardon !
;-))

Pieronnelle

avatar 15/11/2011 @ 19:37:06
Il faudrait que tu lises Emile Guillaumin SJB pour mieux le comprendre (je vais essayer de faire quelques critiques de ces livres). Ce n'est pas un simple paysan, il est aussi écrivain et surtout journaliste et il s'est engagé dans la dénonciation des conditions de vie du monde paysan. Il ne nie pas le talent de romancier de Zola mais il pense qu'en choisissant des cas extrêmes (certainement utiles pour son roman) il ne donne pas une image exact des paysans et peut-être même leur porte tort.
Il ne faut pas oublier que La Terre a fait polémique à sa sortie et que même des disciples de Zola : Paul Bonnetain, J.H Rosny, Lucien Descaves,Paul Marguerite et Gustave Guiches, ont publié un manifeste où ils accusent Zola de grossièreté, de pornographie à des fins commerciales. Octave Mirbeau écrit :
"M. emile Zola n'a pas vu le paysan ; il ne l'a compris ni aimé. Il est passé à côté de lui, il ne l'a pas reconnu. La Terre ne saurait donc avoir la portée d'une oeuvre sociale que d'aucuns voudront lui attribuer ; c'est une oeuvre d'imagination douteuse, une fantaisie d'artiste mal inspiré. Pourtant elle ne sera pas inutile, car le bruit qui s'est fait autour de ce livre va peut-être attirer l'attention sur ce délaissé, sur ce paria stoïque de notre société sans amour et sans pitié : le paysan"
Je signale que Mirbeau était un ami de Zola et qu'il s'engagea de toutes ses forces dans l'affaire Dreyfus!
J'ai aimé La Terre mais je me sens plus pres de Emile Guillaumin concernant le milieu où Zola a voulu situer son roman. Je crois que le motif littéraire dans ce cas n'est pas suffisant pour justifier un regard erroné sur un monde peut-être mal compris.

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