Shelton
avatar 04/08/2010 @ 20:39:22
Que ce soit ici, à travers certains fils du forum en particulier, ou à l’université, dans les discussions avec mes étudiants, j’ai pu mesurer que beaucoup souhaitent parler de l’extrême droite, du fascisme, du populisme, de la dictature… que ce soit pour combattre ces idées et leurs applications, pour s’élever contre une uniformisation des idées et la pensée unique ou, même si c’est plus rare, pour défendre l’homme blanc et occidental qui serait en danger, un point semble commun à tous ces combattants : un manque de connaissances, une lacune de repères historiques, un amalgame idéologique et un manque de vocabulaire… ce n’est pas du tout agressif, mais j’en ai marre d’entendre qu’il faut lutter contre le fascisme que l’on parle du Front National, de Castro ou des indépendantistes flamands… Il n’est pas question pour moi de donner des leçons en fascisme, seulement d’ouvrir ici une biographie thématique sur le sujet. Je n’ai pas le temps de faire une critique exhaustive de chaque ouvrage, même si certains sont déjà traités sur le site… Quant à cette liste de base, elle n’attend que vous pour être complétée…

1) Etudes strictement historiques

La France des années trente, Tourments et perplexités, Eugen Weber, Editions Fayard, 1995
Cet historien professeur à l’université de Los Angeles, spécialiste de l’histoire française des XIXe et XXe siècles, nous accompagne dans ces temps de gros changements politiques. Il montre comment la crise économique devient une crise morale, comment cette dernière évolue en doutes sur la démocratie et comment le peuple se retrouve en situation ne plus être capable de faire un choix…
Il ne parle que de la France dans cet ouvrage, mais on comprend bien que le mécanisme puisse se répéter partout, qu’il a bien du être réalité ailleurs qu’en France et comment dans de telles situations le peuple peut se tourner vers des leaders providentiels, vers des idéologies porteuses d’espérances irrationnelles, quelles soient de gauche ou de droite.
Ce n’est pas un livre sur le fascisme, plutôt un regard sur les causes profondes de l’oubli d’un peuple dans le populisme !

Maurice Barrès et le nationalisme français, Zeev Sternhell, Editions Fayard, 2000
Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France, Zeev Sternhell, Editions Fayard, 2000
La droite révolutionnaire, les origines françaises du fascisme, Zeev Sternhell, Editions Fayard, 2000
J’ai déjà dit et écrit, sur ce site, tout le bien que je pensais de cet auteur israélien qui est devenu le plus grand spécialiste des idées politiques françaises. Ses trois ouvrages sont tout simplement fondamentaux, incontournables et à lire pour tous ceux qui veulent tenter de comprendre comment on peut passer d’un antisémitisme bourgeois et républicain à une idéologie révolutionnaire, comment on peut trouver pêle-mêle des gens de droite et de gauche, comment des gens respectueux de la loi se transforment en dangereux assassins ou complices silencieux des crimes les plus abominables…
Il montre très bien les filiations entre des personnages que rien ne semble unir de Maurice Barrès à Jean-Marie Le Pen en passant par des penseurs et acteurs politiques fort différents de Maurras et Brasillach à De Gaulle et Faurisson… Bien sûr, chacun aura des particularités mais la famille de pensée engendre toujours des êtres différents même si certains points sont en commun dans le patrimoine idéologique…
Une des questions importantes posées par Sternhell est celle de l’antisémitisme. Est-ce un point commun à l’extrême-droite française ? Est-ce un passage obligé du fascisme à la française ? Tout fascisme est-il un mouvement idéologique antisémite ?
C’est un excellent survol d’un siècle de l’histoire politique française, de la droite en particulier.

Histoire de l’extrême droite en France, collectif sous la direction de Michel Winock, éditions du Seuil, 1993
Ayant déjà présenté cet ouvrage, je me contente de vous en donner le lien :
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/10326

« La France aux Français », Histoire des haines nationalistes, Pierre Birnbaum, éditions du Seuil, 1993
Si le slogan nous semble assez récent, digne du Front National que nous connaissons, il faut bien savoir qu’il a déjà un certain âge, qu’il n’a pas menacé les mêmes personnes… En effet, quand le slogan était utilisé à la fin de XIXe siècle, il servait à exclure les Républicains, les Francs-maçons, les Athées, les Juifs, les Protestants… bref, tous ceux qui n’étaient pas de « bons Catholiques Royalistes »…
Pierre Birnbaum, professeur de sociologie politique, nous invite à une histoire de cette forme d’exclusion nous accompagnant jusqu’à nos jours… puisque l’on exclut encore de nos jours au cri sauvage de « la France aux Français » comme si cette recette miracle allait donner du travail à tous, un logement aux plus modestes et du bonheur à partager !

Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Michel Winock, éditions du Seuil, 1990, existe en version Point Seuil de poche
Ayant déjà présenté cet ouvrage, je me contente de vous en donner le lien :
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/20605

Les mouvements fascistes, L’Europe de 1919 à 1945, Ernst Nolte, éditions Calmann-Lévy, 1969
Il est indiscutable que mon regard, ma bibliothèque et mes lectures se sont tournés assez naturellement sur la France. Mais nous savons tous que ces mouvements fascisants et fascistes se sont multipliés dans toute l’Europe (et je ne veux pas, ici, aborder l’existence de certains mouvements aux États-Unis, en Argentine, au brésil, au Canada…) Il est donc pertinent de lire cet ouvrage d’un des plus grands historiens européens du sujet. Il s’agit bien d’une des plus précises études synthétiques consacrées à l’Europe et aux mouvements fascistes. On trouvera donc des sous-chapitres consacrés à la Suisse, à la Belgique, aux Pays-Bas, au Portugal… Bref, il est très important de voir comment c’est l’Europe qui vacille sur ses bases, qui est fascinée par cette idéologie… C’est important d’en prendre conscience pour éviter le déni (Chez nous il n’y en avait pas !), pour se mettre à l’abri des récidives (Nous on a toujours résisté à cette tentation et on ne risque rien pour demain !), pour ne jamais minimiser les dangers (De telles idées sont banales et elles n’ont jamais rien provoqué, du moins chez nous !)… Et non ! Le mal peut frapper où il veut et on aurait bien intérêt à se méfier de ses avancées sournoises…

La fièvre hexagonale, les grandes crises politiques de 1871 à 1968, Michel Winock, éditions du Seuil, 1987, collection de poche Point-Seuil

C’est dans les crises économiques, politiques et morales, que l’on voit les tendances d’un peuple à vouloir tout révolutionner et tomber régulièrement dans les mêmes impasses. Qu’elles portent les noms variés de nationalisme, boulangisme, bonapartisme, monarchisme, antisémitisme, populisme… et, à chaque fois, la phrase de François Mauriac reste d’actualité : « Je ne crois pas qu’il y ait plus de haine aujourd’hui chez nous qu’au bon vieux temps. La guerre civile y a été froide ou chaude selon les époques, mais perpétuelle. »
Certes cette vision n’est pas très optimiste, mais du coup la problématique de Michel Winock prend toute sa valeur et l’ouvrage mérite d’être lu… et médité : Les Français sauront-ils, un jour, vivre ensemble ? Question qui reste aussi valable pour les Belges, les Canadiens, les Italiens, les Espagnols…

L’affaire, Jean-Denis Bredin, éditions Fayard, 1993
Nous ne pouvons pas éviter dans cette bibliographie d’aller faire une excursion du côté de l’affaire Dreyfus. C’est d’ailleurs, pour moi, un grand mystère. Elle est théoriquement close, archi-close, et, pourtant, on continue à entendre ici ou là, entre autre dans les milieux politiques de droite, religieux catholiques, militaires, que finalement ce Dreyfus était peut-être bien coupable…
Soyons sérieux un instant : Dreyfus était innocent et on s’est joué de lui du début à la fin ! La seule chose que l’on puisse dire et qui semble confirmée c’est que le personnage n’était pas très avenant, mais cela ne justifie en rien une telle affaire, une condamnation de cette nature et une si longue attente avant que la République ne reconnaisse sa responsabilité dans le fonctionnement de sa justice, enfin de son injustice…
L’ouvrage de Jean-Denis Bredin est certainement la meilleure synthèse de « L’affaire » et une bonne lecture devrait éclairer suffisamment le citoyen de bonne volonté et que cesse définitivement les rumeurs et doutes qui n’ont aucune raison d’exister !

L’âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle, Eric Hobsbawm, éditions Complexes, 1994

Histoire de la France au XXe siècle, en 3 volumes, Berstein et Milza, éditions Perrin, 1991, existe en format de poche Tempus
Bonne petite synthèse universitaire du XXe siècle en France, accessible à tous, bien écrite et avec de bonnes parties sur les sujets thématiques en question : Action Française, extrême droite dans les années trente, collaboration et fascisme à la française, guerre d’Algérie, OAS, antigaullisme… et cette histoire a été prolongée jusqu’à nos jours dans sa dernière version (2009).

Mussolini et l’Italie fasciste, Marco Palla, éditions Casterman et Giunti, 1993

2) Spécificité du mouvement Action française

L’action française, Eugen Weber, éditions Stock, 1964
L’Action Française est ce mouvement monarchiste né de la pensée de Charles Maurras et de son « enquête de la monarchie » et qui voulait le rétablissement de la monarchie en France. Durant de longues années, ce fut le creuset de la pensée de droite, mélange de nostalgie, d’antisémitisme, de nationalisme intégral, d’opposition systématique à la République… Charles Maurras sera condamné en 1945, après une phase très ambiguë lors de l’occupation de la France, et il s’exclamera lors de l’annonce de la sentence : c’est la vengeance de Dreyfus !
Il est très intéressant de découvrir ce mouvement par les yeux et l’intelligence d’un Américain, donc quelqu’un que l’on ne peut pas accuser de prendre parti dans un débat entre Français. L’auteur dénoue les fils les uns après les autres et montre des filiations imprévues, des lâchetés insoupçonnées et ne cache pas certaines fulgurances intellectuelles d’hommes comme Bainville et Maurras qui ont réellement fasciné des jeunes étudiants par centaines…

L’Action Française, tome 1 du Fascisme dans son époque, Ernst Nolte, éditions Julliard, 1970
L’historien allemand nous propose une bonne étude historique du mouvement maurrassien. Si cette dernière est parfaitement bien construite et documentée, reconnaissons qu’elle n’est pas très agréable à lire en français, que la traduction n’est pas très bonne et qu’il faut bien s’accrocher pour en arriver à la fin… Il n’en demeure pas moins que nous avons là une des meilleures études politico-philosophiques de Charles Maurras, de sa pensée et de ses actions ! Donc même aujourd’hui cette étude reste incontournable pour celui qui veut en savoir plus sur l’Action Française et son implication dans le « fascisme à la française ».

L’âge d’or du Maurrassisme, Jacques Paugam, éditions Denoël, 1971
Cet ouvrage est assez ancien mais je suis persuadé que c’est un ouvrage fondamental sur la question. C’est le premier que j’ai lu presque au moment de sa parution. Il s’agit d’une présentation des travaux de sa thèse. Jacques Paugam qui sera plus connu pour ses activités médiatiques, ne se cache pas d’être plutôt gaulliste et offre une des meilleures analyses critique de la pensée de Charles Maurras, du meilleur au pire, sans rien mettre de côté.
C’est aussi un ouvrage qui montre que ce penseur a influencé un grand nombre d’hommes politiques français comme De Gaulle et Mitterrand…

L’Action française racontée par elle-même, Albert Marty, Nouvelles éditions latines, 1968
Albert Marty ne se cache pas d’avoir été très proche de l’Action Française, donc n’attendez pas de ce livre une objectivité totale. Mais malgré tout, cet ouvrage a un grand mérite : raconter le mouvement à travers des articles du journal créé par Charles Maurras, Léon Daudet et Maurice Pujo. En effet, si l’Action Française a été un grand mouvement, une sorte de parti politique avec ses tendances et ses motions, c’était aussi une revue puis un quotidien qui entre les deux guerres a été très lu et très influent…
Donc si vous n’avez pas la collection complète sous la main, une telle parution permet d’avoir un certain nombre d’articles et extraits de presse même si la sélection est faite systématiquement à décharge, le résultat en reste malgré tout très pertinent !

Maurras, la destinée et l’œuvre, Pierre Boutang, éditions Plon, 1984
Attention, je ne peux que citer cette biographie, une des meilleures sur le personnage, mais il faut quand même savoir que si le personnage a fortement marqué sa génération et les politiques suivants, une grande partie de ses écrits n'est plus accessible aux lecteurs, que ce soit par absence de rééditions, style lourd et complexe, thèmes inintéressants car dépassés depuis longtemps, enfin, parce que certaines de ses idées ayant débouché sur des actions inacceptables et criminelles, nous ne pouvons pas être séduits et fascinés comme nos parents et grands-parents… Le temps a passé et a recouvert beaucoup de ses écrits d’une poussière que nous ne souhaitons pas ôter…
Le biographe consacrant beaucoup de temps à certains écrits artistiques, culturels, littéraires, les amateurs de politique ne peuvent qu’être un peu déçus…

3) Biographies historiques des personnages clefs

Pierre Laval, Jean-Paul Cointet, éditions Fayard, 1993
Comment un homme catalogué à gauche, au moins au centre gauche, se retrouve dans la collaboration avec Hitler, aux côtés d’un chef d’Etat Français conservateur et traditionaliste, comment l’humaniste devient criminel… tel est bien la problématique de cette très bonne biographie, bien écrite et qui se lit comme un roman… noir !
Comprendre un homme et son action, en restant dans le contexte de l’époque, tel a été l’objectif de l’historien. Pas de réhabilitation, juste des explications éclairées par une documentation complète qui n’avait pas été exploitée auparavant…

Pétain, Marc Ferro, éditions Fayard, 1987
Parmi les très nombreuses biographies sur ce personnage énigmatique de notre histoire française, celle de Marc Ferro a été probablement la plus lue, ce qui n’en fait pas, nécessairement, la meilleure. Mais reconnaissons-lui plusieurs forces : vouloir expliquer ce qui s’est passé à partir du moment où la Troisième République confie les clefs de notre démocratie à ce vieillard ambitieux (84 ans lorsqu’il accède à la vice-Présidence du Conseil !)…
Les interrogations sur Pétain et son double discours (je collabore d’un côté et je résiste de l’autre) deviennent des certitudes : si collaboration il y a eut, c’est bien parce que Pétain l’a voulu et laissé faire !
Cette biographie est aussi pour l’ensemble des lecteurs français l’occasion de comprendre que notre pays ne fut pas un repère de résistants courageux et prêts à donner leurs vies, mais, plutôt, un vaste espace de gens indécis, attendant le dernier moment pour choisir…
En clair, un texte qui peut faire tomber des doutes, des illusions et qui doit tous nous faire réfléchir : si, aujourd’hui, pareille situation se reproduisait, dans quel camp irions-nous nous mettre ?

Darlan, Hervé Coutau-Bégarie et Claude Huan, éditions Fayard, 1989
Passionnante biographie consacrée à un personnage méconnu de notre histoire qui fut, avant toute chose, un chef militaire invaincu, républicain et profondément attaché à notre démocratie française. Mais, cet homme va être brisé par ce qui se passera à Mers el-Kebir et qui transformera les Alliés en ennemis, Churchill en grand Satan… Quand il est appelé à remplacer Laval à la tête du gouvernement en décembre 1940, après quelques hésitations, il tente d’ériger une ligne de résistance à certaines demandes des occupants. Certes, cette action n’aura pas de grosses conséquences sur la vie quotidienne des Français, mais il faut lui laisser ses actions à son crédit. Après, il portera la responsabilité morale du sabordage de la flotte française à Toulon et un peu plus tard il tentera de se rallier aux forces alliées en quittant la Métropole et en rejoignant l’Algérie… C’est là qu’il finira assassiné en décembre 1942. Gaullistes et monarchistes seraient à l’origine de cet acte politique : éliminer du pouvoir un homme qui aurait été à la fois proche de Pétain mais qui avait une certaine idée de la France qui à ce titre ne mériterait pas d’être classé en « fasciste » ou « collaborateur »…

Mussolini, Pierre Milza, éditions Fayard, 1999
Cette biographie magistrale, par la taille, le contenu et les compétences reconnues de son auteur, grand spécialiste de l’histoire du fascisme et de l’Italie contemporaine, va permettre de percer certains mystères de cet homme que l’on sous-estime trop souvent, soit par méconnaissance totale soit par aveuglement par son alter égo allemand, Hitler.
En fait, Mussolini est l’homme des contradictions, celui qui est anticlérical et athée mais qui signe les accords du Latran, cet homme de gauche qui établit une des dictatures les plus fermes d’Europe du vingtième siècle, celui qui est contre l’aventure coloniale mais qui conduit l’Italie à la conquête de l’Éthiopie, cet opposant à la barbarie nazie qui suit finalement Hitler jusqu’au fond des enfers… Bref, comment cet homme put-il faire le contraire de tout ce qu’il avait dit ? Pas un domaine ne semble résister à ce mécanisme infernal, y compris lorsqu’il défend la famille traditionnelle après avoir chanté l’union libre… y compris dans son rapport au roi d’Italie qu’il transforme en empereur alors qu’il était républicain convaincu !
Cet ouvrage, très volumineux, peut sembler trop difficile à lire mais en fractionnant son étude il reste un des meilleurs sur le sujet et donne, à mon humble avis, un portrait très réel de cet homme qui, aujourd’hui encore, continue d’influencer la vie politique de l’Italie et, probablement, d’une grande partie de l’Europe…

Franco, Andrée Bachoud, éditions Fayard, 1997
On a trop tendance à l’oublier, ce militaire va conquérir le pouvoir par la force. Il aura une grande responsabilité dans cette guerre civile qui va ravager l’Espagne à la veille de la seconde guerre mondiale et qui va le mettre en situation, avant beaucoup d’autres, d’entrer dans la collaboration avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste…
Certes, durant le conflit mondial, il réussira d’une certaine façon à tenir son pays à l’écart du pire, mais cela ne fait pas de lui, pour autant, un saint ou un défenseur de la démocratie et l’auteur de cette biographie montre bien les différents aspects de cet homme que ce soit sur la scène internationale ou dans la gestion de son pays et son peuple qu’il fait beaucoup souffrir…
On ne peut pas, non plus, limiter son action à ces périodes noires et il faut aussi comprendre comment il va tenter de passer de sa dictature à un régime différent en faisant appel au roi d’Espagne et assurant, ainsi, une transition plus paisible que certains ne l’envisageaient. Le choix même du monarque se révèlera plutôt bonne pour le pays qui pourra survivre à cette dictature et accédera à la vie démocratique qu’on lui connaît maintenant…
Je n’en dirai pas plus sur ce pays que je ne connais pas beaucoup. Je sais que certains républicains ou autonomistes voient la démocratie espagnole de façon plus noire et je respecte leur vision sans prendre partie… ce que fait aussi l’auteur de cet ouvrage spécialiste de l’Espagne contemporaine, ce que je suis pas.

Lucien Rebatet, un itinéraire fasciste, Robert Belot, éditions du Seuil, 1994
Portrait sans concession de l’un de ces collaborateurs, de fait, qui manquaient au départ d’idéologie et qui se sont laissés embarquer sans comprendre ce qu’ils faisaient. Il ne s’agit pas du tout d’un blanchiment car les fautes par abstention, oubli, manque de connaissance et bêtise n’en demeurent pas moins des fautes qui ont causé, parfois, la mort d’innocents !
Ce livre est la version abordable par tous d’une thèse, mais on ne peut plus le trouver aujourd’hui que d’occasion. Pourtant, il est le complément historique d’un film comme Lacombe Lucien…

Le général Boulanger, Jean Garrigues, éditions Perrin, 1991
Ne commettons pas d’erreur : Le général Boulanger n’était pas un fasciste, ne confondons pas les époques ! Par contre, oui, ce fut bien un militaire qui a voulu prendre le pouvoir, détruire la République et qui a joué sur des thèmes qui ont été repris par la suite par les ancêtres du fascisme, par les monarchistes, les antisémites, les groupuscules d’extrême droite…
Cette biographie permet, aussi, de mesurer la bêtise de cet homme, son manque de clairvoyance, de grandeur politique… et sa naïveté en amour ou un côté fleur bleue dont on ne parle pas souvent…

4) Ouvrages théoriques sur la politique française, sur la droite et l’extrême droite en particulier

Fascisme français, Pierre Milza, éditions Flammarion, 1987
Excellent ouvrage théorique mais illustré par les faits politiques français pour prouver que si le mot « fascisme » n’est peut-être pas directement celui qu’il faudrait utiliser en France, il existe, au moins, une tendance lourde au « totalitarisme brun » ou au « vichysme » qui s’incarne régulièrement dans notre pays à travers quelques leaders politiques dont l’un des derniers aura été Jean-Marie Le Pen…
Etude pertinente et très richement documentée qui permet d’avoir une vision assez nette de la droite extrême dans notre pays…

Les idées politiques au XXe siècle, Chantal Millon-Delsol, Presses universitaires de France, 1991
Il s’agit là d’un très bon ouvrage très théorique et universitaire sur le XXe siècle politique. Et si tout ce qui nous arrivait n’était pas du au hasard mais à une idéologie mise en place au XIXe siècle : le siècle précédent a été celui des utopies, du mythe de la science forte qui allait changer le monde et l’homme.. et le vingtième a mis cela en musique avec la terreur institutionnelle. Oui, l’Etat peut être inhumain, raciste, arbitraire et le fanatisme devient la qualité fondamentale pour défendre ces idées dépassées depuis longtemps sur le fond…
Chantal Millon-Delsol a écrit il y a presque vingt ans, elle ne savait pas ce que serait ce début du XXIe siècle, et pourtant, on s’y croirait. Gage de qualité ? Probablement et surtout motivation supplémentaire pour le lecteur…

Enquête sur la droite extrême, René Monzat, Le Monde éditions, 1992
Travail d’un journaliste pour montrer la réalité de la droite extrême en 1990 et non durant la dernière guerre mondiale. Ce n’est plus de l’histoire ou de la politique, simplement une visite guidée dont on ne ressort pas indemne, même si le temps a passé car les noms de mouvements et de personnages résonnent encore de façon très actuelle et on a bien l’impression que tout va encore plus mal aujourd’hui qu’hier… et si c’était vrai ?


5) Ouvrages sur l’extrême-droite française par des membres de cette idéologie

Qu’est-ce que le fascisme, Maurice Bardèche, éditions Les sept couleurs, 1970
Maurice Bardèche a toujours voulu jouer un double jeu : l’universitaire qui invitait les lecteurs à comprendre les grands romanciers du XIXe siècle : Balzac, Stendhal, Proust… mais, aussi, le polémiste et éditorialiste d’extrême-droite, se revendiquant fasciste et qui était le beau-frère de Robert Brasillach dont il défend l’œuvre depuis sa condamnation à mort et son exécution…
Cet ouvrage n’est donc pas une étude scientifique mais bien un manifeste politique, une revendication, un crédo politique et il doit être lu ainsi ! C’est aussi dans ce genre d’ouvrage que l’on comprend mieux ce que doivent être les fondements d’une lutte efficace et légitime contre le fascisme !

Les mouvements d’extrême droite en France depuis 1944, François Duprat, éditions Albatros, 1972
François Duprat organise une sorte de visite des différents groupuscules d’extrême-droite de la période, donc avant la création du Front National. Il est un guide fiable, puisqu’il parle de ce qu’il connaît, fréquente, côtoie… Attention, il est d’extrême-droite, donc certains éléments relèvent plus de la communication que de l’histoire ou de l’analyse politique.

Etudes sur le fascisme, collectif, éditions Les sept couleurs, 1974
Comme Maurras avait réalisé une enquête sur la monarchie, Maurice Bardèche souhaitait faire une grande enquête sur le fascisme. En fait, cet ouvrage est un collectif de ceux qui vivent au cœur du fascisme et cela manque d’ouverture et de réflexion profonde. Intéressant, quand même de lire certaines participations de ceux qui, par la suite, voudront nuancer leur appartenance au fascisme…

Les idées de l’endroit, Alain de Benoist, Editions Libres-Hallier, 1979
Alain de Benoist est le fondateur de la nouvelle droite, du GRECE, mouvement d’une droite matérialiste, athée et qui se voudrait plus crédible et fréquentable que les mouvements nationalistes, fascistes et antisémites du début du vingtième siècle. Dans cet ouvrage, on comprend bien que cette droite reste ancrée très profondément dans les traditions françaises antisémites… Mais une bonne lecture vaccine bien contre ces pseudo-idées modernes qui ne font en rien avancer la société…

Droite et gauche, tradition et révolution, Jacques du perron, éditions Pardès, 1991
L’auteur a la prétention d’offrir un ouvrage qui va révolutionner la droite et ses partisans en leur offrant des arguments scientifiques, philosophiques et économiques de très haute valeur. Je laisse les lecteurs se construire leur vision des choses mais cet ouvrage m’a semblé plat, vide de contenu et je pense qu’il ne marquera pas la pensée politique française…

5) Autres textes engagés

Voyage au bout de la nation, Jean Daniel, éditions du Seuil, 1995

Ce fascisme qui vient… Jacques Julliard, éditions Seuil, 1994

Hiram33

avatar 04/08/2010 @ 21:02:23
Merci pour cette bibliographie que je connais bien pour l'avoir utilisée pour ma thèse sur Drumont. Je citerai également "LTI" de Victor Klemperer pour bien connaître les tenants et les aboutissants du langage fasciste. Il y aussi "Langages totalitaires" de Jean-Pierre Faye. Je suis étonné que tu n'aies pas parlé de Taguieff, son meilleur ouvrage est "La couleur et le sang". Il faudrait également lire "la psychologie des foules" de Gustave Lebon pour bien comprendre l'idéologie fasciste qui vient de France comme l'a prouvé Michel Winock dans "Drumont et Cie".

Shelton
avatar 04/08/2010 @ 21:09:02
Ce travail que j'ai fait aujourd'hui mérite effectivement d'être complété et je pense en citerer encore quelques-uns. C'est vrai que pour beaucoup j'ai essayé de donner un peu plus que le titre mais c'est assez long à faire. Cela représente plusieurs années de lectures, de réflexion et de rencontres... mais je ne désespère pas de compléter cela pour mes étudiants.

Rien que pour l'affaire Dreyfus et les médias à cette époque, je leur donne une liste de cinquante livres...

Mais en s'y mettant à plusieurs on devrait arriver à avoir un bon document de base...

Shelton
avatar 06/08/2010 @ 13:22:43
Suite à la réflexion de Hiram33 :

Gustave Le Bon

Puisque l’on m’invite à parler de Gustave Le Bon, je ne vais pas contourner l’épreuve même s’il s’agit bien d’une chose assez délicate. Voilà un auteur que certains ont porté aux nues, continuent de porter aux nues, que d’autres ont voulu détruire très rapidement et dont, reconnaissons-le, une grande partie des ouvrages sont tout simplement illisibles aujourd’hui…

Néanmoins, cet anthropologue, puisque tel est son premier métier, a basculé rapidement dans la sociologie et la psychologie et il a laissé quelques ouvrages et théories qu’il ne faudrait pas passer sous silence si on veut faire une bibliographie complète sur les thèmes extrême-droite, nationalisme, xénophobie… Une grande partie de son travail tourne autour des comportements de foule, de groupes humains, des masses… et son livre phare est « Psychologie des foules. » Notons, aussi, qu’il est un ardent défenseur de la hiérarchisation des groupes ethniques humains, donc un raciste pur et dur qui pensait que l’homme occidental trônait au haut de la pyramide humaine.

Pour le situer dans le temps, il est important de savoir qu’il est né en 1841, que son livre clef est paru en 1895 (en pleine affaire Dreyfus), qu’il a été régulièrement réédité (presses universitaires de France) et que Gustave Le Bon est décédé en 1931 ce qui lui a évité de participer aux pages les plus noires de notre histoire… Beaucoup de ses écrits, qui sont restés et sont considérés comme importants, datent de la période de la « grande » guerre, celle qui l’a profondément touché.

On peut aussi, avant de regarder certains de ses ouvrages, rappeler que Gustave Le Bon aimait les sciences qu’il pratiquait en amateur et voulait souvent asseoir ses descriptions sociologiques et psychologiques sur des arguments scientifiques sans toujours donner des sources fiables. Je n’ai choisi que trois livres, ceux dont je me souvenais le mieux, ceux qui me semblaient les plus pertinents pour comprendre Gustave Le Bon.

Je dois encore préciser que depuis les années quatre-vingt du vingtième siècle, il se trouve des lecteurs, penseurs et autres spécialistes, pour réhabiliter la pensée de Gustave le Bon. Je ne suis passez pointu pour les féliciter ou les poursuivre avec moult détails. Je serai juste enclin à penser que la pensée d’un homme peut toujours être interprétée d’une façon ou d’une autre, qu’il ne s’agit justement que d’une pensée et non d’une action, d’un fait. Karl Marx est-il bon ou mauvais ? Question idiote et inappropriée… Par contre, on peut toujours juger sur les faits certaines applications de sa pensée, ici ou là ! Je pense que pour Gustave Le Bon, il en est de même… mais vous aurez bien compris que je suis assez réticent à sa pensée, surtout à cause du fondement raciste incontournable ce qui me laisse assez perplexe quand je vois des hommes, plutôt classés à gauche, l’apprécier, le citer, s’en revendiquer !

Psychologie des foules, Gustave Le Bon, 1895
Dans la préface de l’édition 2010, dans la collection des vingt livres qui ont changé le monde, publication Flammarion et Le monde, Mathieu Kojascha s’insurge contre le fait que Gustave Le Bon avec son ouvrage ait pu favoriser, d’une façon ou d’une autre le fascisme ? « Contribution définitive à la psychologie collective, à la compréhension du phénomène mystérieux qu’est la foule, Psychologie des foules de Gustave Le Bon doit aussi son immense succès au fait que ce personnage étonnant, intriguant, a su exprimer l’inquiétude de ses contemporains, leur perplexité devant certains aspects de la modernité. Perçu comme un texte fondateur de la psychologie sociale, ce livre est donc un formidable document d’histoire. »
En même temps, il reçut pour cet ouvrage une lettre de félicitation de Mussolini lui-même et depuis sa parution il est utilisé, cité, lu et étudié par de nombreux adeptes de l’extrême droite.
Personnellement, je pencherais pour une solution intermédiaire, celle qui reconnaitrait chez Gustave Le Bon de belles intuitions, des fulgurances réelles qui ont fait avancer les choses, les compréhensions des comportements des masses et des foules, mais aussi, des phases inspirées par la peur et l’angoisse de la modernité qui ont pu donner à tous ceux qui les ont exploitées par la suite des arguments, des théories, des fondements pseudo-scientifiques désastreux…
Il n’en demeure pas moins que sa réflexion sur l’âme des foules, sur les croyances (il était fondamentalement anticlérical), sur les liens d’une foule avec la moralité, sur le fonctionnement d’un jury populaire, d’une foule électorale ou une assemblée parlementaire n’est pas du tout dénuée de fondements et peuvent encore éclairer un grand nombre de citoyens.
Livre à lire, donc, mais avec prudence et en comprenant ce que certains ont pu faire d’un tel ouvrage et qui n’était pas fondamentalement inclus dans la pensée de Gustave Le Bon.

Psychologie politique, Gustave Le Bon, éditions Flammarion, 1914
Dans cet ouvrage théorique, Gustave le Bon, se révèle bien un homme de la droite de son époque. Il appartient à un nationalisme construit sur une race forte, blanche et occidentale. Les ouvriers, les masses populaires, les syndicalismes de toutes natures sont autant de dangers et risques pour l’avenir d’un peuple…
Il est persuadé que les erreurs de notre histoire – reste à savoir si ce qu’il décrit comme des erreurs le sont toutes à nos yeux – sont dues à des erreurs psychologiques des leaders politiques. La science doit donc nous aider à construire des théories fiables que l’on appliquera sans sentiments, parce qu’elles seront vraies et efficaces pour construire notre avenir…
Il insiste beaucoup sur la « mentalité ouvrière » qui, si on l’écoute, est restreinte au minimum… d’ailleurs, il chante à toutes les pages la grandeur des élites, la bassesse des ouvriers et la stupidité des socialistes (de l’époque, bien sûr)… les masses populaires ne sont que capables de suivre, sans réfléchir, de façon instinctive, les leaders. Du coup, ces leaders et meneurs ouvriers sont des personnes qui à ses yeux sont quasiment des assassins inconscients mettant la nation en danger… Que ne suit-on pas les intellectuels, les chefs d’entreprises, les grands artistes… tout irait si bien alors…
Il parle encore et toujours de la race, de l’intelligence, de l’inégalité qui semble pour lui un fait inattaquable pour comprendre le monde des humains…
Sa phrase finale est comme un hymne à l’action qui sera repris quelques années plus tard par nombre de leaders de type fasciste :
« Ce n’est pas la fatalité qui régit le monde, c’est la volonté ! »
Certains pourraient trouver quelques liens avec des paroles et des gestes d’un certain président français de la république, encore en activité du côté de l’Elysée… mais ce n’est peut-être pas assez objectif. A voir ?

Hier et demain, pensées brèves, Gustave Le Bon, éditions Flammarion, 1918
Cet ouvrage lui permet d’asséner quelques vérités auxquelles il croit sans avoir à les expliquer ou démontrer. Il lui arrive, d’ailleurs, aussi, de se contredire légèrement à quelques pages d’écart… Quelques-unes unes de ces pensées pour donner le ton de l’ouvrage :
« Certains mots accroissent les énergies et rendent le soldat invincible. Il faut être déjà un grand chef pour les penser et les dire. »
« Une éducation purement intellectuelle devient vite une cause de décadence »
« Une des réformes futures les plus nécessaires sera d’inculquer à tous les jeunes Français le respect de la discipline. Elle était devenue nulle dans la famille, nulle à l’école, nulle dans les administrations, nulle dans les arsenaux, nulle, enfin, partout. »
« L’âme collective d’une foule diffère beaucoup de l’âme collective d’une race. La première est transitoire, la seconde permanente. »

Veneziano
avatar 06/08/2010 @ 14:20:34
Merci, beaucoup, Shelton, pour cette bibliographie qui permet d'apprendre à connaître ce dont ont veut parler.

Je connais personnellement l'arrière-petit-fils du général Boulanger, qui porte par ailleurs son nom. Il est heureusement beaucoup plus modéré que son aïeul. On s'est connu dans le même parti politique, d'obédience démocrate-chrétienne.

Shelton
avatar 10/08/2010 @ 18:45:00
La question de l’antisémitisme (1)

C’est une grave question car il ne s’agit pas, comme certains aimeraient nous le faire croire, d’une simple question de société, d’un débat politique ordinaire ou d’une question d’avis personnel. En effet, s’il ne s’agissait que de cela, on n’en parlerait pas plus longtemps… Mais, voilà, depuis des années, la «question» de l’antisémitisme s’est soldée par un grand nombre d’assassinats, de déportations, de pogroms et, enfin, d’une Shoa ! Cette question est une véritable question de fond, d’humanité : peut-on justifier l’extermination d’un peuple pour sa simple appartenance à une religion, une philosophie, une ethnie (même si je ne suis pas un grand fan de ce terme) ?
Mais, comment passer sous silence cette question quand on veut réaliser une bibliographie (la plus complète possible) sur la droite et l’extrême droite (même si l’antisémitisme ne se retrouve pas que de ce côté de l’échiquier politique) ?
Voici donc quelques textes qui me semblent importants sur la question…

Les trafiquants de l’Antisémitisme, Jules Guérin, Librairie Félix Juven, 1905
L’Antisémitisme, avant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, était limité (attention ce n’est pas pour en minimiser la portée) à des pensées basées sur la religion : le Juif était une personne appartenant au peuple qui avait mis à mort Jésus, fils de Dieu, donc un peuple déicide qui avait demandé, selon l’Evangile diffusé par les chrétiens, que le sang de Jésus retombe sur le peuple entier et tous les descendants : tout Juif était donc responsable de la mort de Jésus !
Certes, plus d’une fois, les juifs étaient poursuivis, aussi, parce qu’ils avaient, du moins pour certains d’entre eux, des fortunes qui intéressaient les pouvoirs en place. Condamner les Juifs, c’était confisquer leurs fortunes…
Plus fort, certains rois très chrétiens n’hésitaient pas à leur faire faire les métiers que les Chrétiens ne pouvaient exercer, mais en partageant les bénéfices quand même, c’est à dire banquier ! Mais ne fantasmons pas, tous les Juifs n’étaient pas banquiers et ceux qui l’étaient n’étaient pas tous riches !
Ce qui est certain, c’est que le dix-neuvième siècle français est venu perturber quelque peu cette vision des choses. Tout d’abord, la disparition de la royauté très catholique avait rallié à la République, Juifs, Frans-maçons et Protestants. On retrouve donc à la tête de l’état un certain nombre de membres de ces catégories de personnes. Même concentration, au départ, dans les premières directions d’entreprises. Oui, le capitalisme naissant s’est appuyé sur des Juifs et des Protestants (mais pas uniquement).
L’antisémitisme va alors prendre une autre tournure : le Juif est un riche qui exploite le pauvre ouvrier Français ! D’ailleurs, la notion d’étranger est élargie aussi. Est étranger tout ce qui ne soutient pas le retour à la monarchie : Républicain, Franc-maçon, Juif, Protestant !
Il se développe alors, à gauche comme à droite, des partis et des organes de presse d’un antisémitisme violent, voir extrême…
Jules Guérin fait partie de ces hommes qui vouent une haine totale au Juif ! Journaliste, il fut le directeur et rédacteur en chef de l’Antijuif, tout un programme !
L’ouvrage que je mets en valeur est « Les trafiquants de l’Antisémitisme » un ouvrage où Jules Guérin veut régler ses comptes avec Drumont dont il était proche dans un premier temps mais à qui il reproche des revirements qu’il considère comme électoralistes, intéressés et trahisons contre cette cause sacrée qu’est l’antisémitisme !!!
On sent tellement de haine, on entend tellement de vociférations nauséabondes et stériles, il y a tant d’excès et d’injustice dans tout cela qu’à la fin on se demande comment avec de tels personnages – Drumont et Guérin en particulier – il ne s’est pas trouvé plus de bonnes consciences pour faire cesser la bêtise et éradiquer définitivement cet antisémitisme politique qui allait devenir rapidement criminel !
Ce livre est à ranger dans la même case que Bagatelle pour un massacre, Les beaux draps et L’école des cadavres de Céline ! Pour certains ce sera la poubelle, d’autre le four, moi dans un rayon caché de la bibliothèque à titre de documentation et d’édification des générations à venir : oui ! de telles inepties ont été proférées et elles ont conduit au pire…
On ne sera pas étonné d’apprendre que Céline lui rendit hommage dans un de ses textes…

Quand Israël se venge, Charles Lesca, éditions Grasset, 1941
Puisque nous en sommes dans les pamphlets et les écrits démentiels, comment ne pas évoquer celui de Charles Lesca. Né en Argentine, riche héritier d’un basque qui a fait fortune à l’autre bout de la terre en s’occupant de troupeau et de viande, il devient un homme de presse en achetant sur ses propres deniers le journal Je suis partout quand l’éditeur Fayard voulut s’en séparer le trouvant trop radical.
Charles Lesca plonge définitivement dans le fascisme (que l’on ne dit même pas « à la Française ») et sans surprise, il est arrêté en 1940 à la demande de Georges Mandel, ministre de l’intérieur.
Une fois libéré et ayant choisi résolument le camp de la collaboration, il écrit ce texte qui se veut un témoignage mais qui est surtout un cri de haine contre tout ce qui peut être Juif, Franc-maçon et Républicain… « On ne peut lui en avoir voulu que parce qu’il disait la vérité sur les Juifs qui mettaient en danger la France ». Le complot juif était en place contre lui en particulier car il avait choisi le camp de l’avenir, de la grandeur de la France… Heureusement, la morale est sauve, le Juif est vaincu et il faut maintenant aider l’Allemagne à faire perdurer cette grande victoire…
Il peut donc, ensuite, continuer son « travail » avec Je suis partout (Brasillach, Rebatet, Cousteau…), n’hésitant pas à fuir le navire en perdition en fin de guerre. Il trouve refuge en Amérique du Sud où il décède en 1948…

L’idéologie française, Bernard-Henri Lévy, Grasset, 1981
J’ai choisi cet ouvrage pour plusieurs raisons mais la première est indiscutablement parce que trop de lecteurs avisés ont reproché cet écrit à son auteur. Or, trop c’est trop ! Comment peut-on obtenir une telle unanimité ? Ne serait-ce pas par abondance de vérité, de faits authentiques, par peur de voir tomber certaines illusions…
Il ne faut pas se contenter des avis des autres, il faut se faire sa propre idée après une bonne lecture. Tout d’abord, précisons bien qu’il s’agit là d’un livre de philosophie politique et, donc, ce n’est pas le plus accessible des ouvrages de BHL (je me permets cette abréviation, non par snobisme mais pour gagner du temps lors de la rédaction de l’article). Deuxième point préalable, BHL va parler très souvent de la période 1930-1945 sans se positionner en historien et, donc, il est préférable que le lecteur ait un peu révisé son histoire avant de se lancer dans la lecture. Je ne doute pas un seul instant de vos compétences, mais sans retour en arrière préalable, vous allez être obligés de croire BHL sur parole… par contre, si vous avez lu tous les ouvrages dont je vous parle depuis l’ouverture de cette bibliographie, alors aucun souci, lancez-vous dans L’idéologie française !
On peut dire que BHL part avec une question : l’idéologie développée lors de l’occupation en France par les hommes de l’Etat Français est-elle un épiphénomène dans l’histoire de la France, une sorte d’accident de parcours, un dysfonctionnement des élites… ou, est-ce la révélation d’un malaise plus profond, une gangrène plus pernicieuse qui appartiendrait profondément à la France et ses habitants. Existe-t-il, plus simplement dit, un fascisme à la française dont le régime de Vichy ne serait qu’une face visible, qui perdurerait depuis longtemps au cœur de cette nation et qui régulièrement reviendrait à la surface : affaire Dreyfus, 6 février 1934, Vichy, Vel d’hiv, Front National…
Alors, bien sûr, pour les Français tout devient plus compliqué, plus inquiétant… n’est-on pas du pays où un président de la République a pu être proche de Vichy, puis de la résistance, puis socialiste tout en continuant à garder des amitiés fortes des différentes étapes de sa vie ? N’est-on point du pays où un fonctionnaire ayant fortement collaboré avec les Allemands nazis a pu accéder par la suite à de très hautes fonctions sous la Vème République ?
Finalement, nous aimerions tant que les procès Papon, Touvier, Barbie aient définitivement permis de tourner les pages les plus noires de notre histoire ! Et s’il n’en était rien ? Et si la présence de Le Pen au second tour d’une élection présidentielle n’était pas accidentelle ? Et si les mesures surprenantes proposées par Nicolas Sarkozy allaient dans un sens plus français que ce que l’on croit ? Et si le pire était à venir ?
Je dois avouer que ce livre est perturbant car il pose des questions graves qui ne peuvent pas nous laisser indifférents. Je comprends que l’on puisse ne pas être d’accord avec BHL, je supporte que l’on puisse rejeter violement certains aspects du livre, j’aimerais que l’on ne renferme pas les questions dans une boite pour les oublier définitivement ! Le réveil pourrait être alors terrible…

Hiram33

avatar 11/08/2010 @ 21:11:18
Il a existé un antisémitisme de gauche et d'extrême-gauche jusqu'à l'affaire Dreyfus. Même Jaurès en revenant d'Algérie a écrit un article antisémite dans un journal socialiste. Les premiers socialistes étaient tous antisémites : Proudhon, Fourrier, Guérin. Seuls Saint-Simon et les saint-simoniens (Bazard, Enfantin) ne l'étaient pas. Cet antisémitisme de gauche reposait sur la haine du capitalisme et on le retrouve même dans les écrits de Marx (pourtant juif) et dans la doxa de Trotsky (lui aussi juif). Ce n'est que l'affaire Dreyfus qui a mis un terme à l'antisémitisme de gauche mais pas à celui de l'extrême-gauche qui aujourd'hui encore considère le Hezbollah et le Hamas comme des groupes de résistance et non comme des terroristes. Le journal du NPA fait régulièrement l'apologie du Hezbollah. Pour moi la résistance est contraire au terrorisme, on imagine mal Jean Moulin se faire exploser dans un bus pour tuer femmes et enfants. La Résistance n'avait que des objectifs militaires mais inutile d'expliquer ça au NPA et à LO qui sont pour moi des fachos de gauche.

Joachim 03/11/2010 @ 21:07:26
Shelton,

cette bibliographie est très intéressante et utile. Il y a petite erreur : le livre d'A. de Benoist s'appelle Les idées à l'endroit (et non "de" l'endroit). Depuis il a publié beaucoup de choses diverses et variées, avec un infléchissement vers l'écologie, l'alter-mondialisme, le panarabisme anti-américaniste...

Il me semble que son livre Vu de droite est aussi très intéressant pour qui s'intéresse à l'extrême droite, au fascisme, au "recyclage" du fascisme poli...

A propos de Gustave Lebon, il n'a pas eu besoin de réhabilitation car personne à ma connaissance n'a cessé de le lire et de le citer au moins en privé comme une base certes parfois vieillie et complétée depuis, mais très éclairante. Comment, dans la même perspective, comprendre le fascisme des années 20/30 sans avoir lu une ligne de Lénine ? Lénine connaissait bien G. Lebon, d'ailleurs...

A propos de l'antisémitisme, le livre de Taguieff "La Judéophobie des modernes" me semble assez intéressant: c'est une synthèse efficace.

Une réserve à propos de Maurras: je ne comprends pas comment tu peux en arriver à un tel jugement sur Pierre Boutang. Si son livre sur Maurras n'est pas le meilleur à mon avis, et bien qu'il soit assez vieilli sur certains points (mais n'est-ce pas le risque pris automatiquement par qui s'intéresse de près et d'une façon aussi intime à un dinosaure politique comme Maurras, déjà "has been" à son époque?), je te trouve très sévère à propos du style de Boutang. La politique ne se limite pas à des considérations sur les histoires des partis, des élections, Boutang étant un métaphysicien hors-pair, il est naturel et salutaire qu'il envisage la politique avec un cerveau entier.

Il faut aussi rappeler qu'Emmanuel Levinas l'a choisi comme successeur à la chaire de métaphysique à la Sorbonne.

Shelton
avatar 07/11/2010 @ 14:05:50
Merci Joachim de ces remarques. Pour ce qui est de Pierre Boutang, j'ai dis ce que je pensais après lecture de cet ouvrage et je ne me prononce pas sur l'ensemble de sa pensée et de ses qualités. Juste un point de vue, subjectif et basé sur une lecture.

Gustave Lebon est effectivement connu de certains mais reste souvent dans l'ombre malgré tout et de nombreux étudiants d'aujourd'hui (ceux pour qui j'ai fait cette bibliographie au départ) l'ignorent totalement.

Radetsky 26/09/2011 @ 13:07:32
Il ne me semble pas qu'on ait cité les ouvrages de Zeev Sternhel... voici qui est fait.

Shelton
avatar 26/09/2011 @ 17:25:37
SI ! SI ! Regarde bien tout en haut, un livre sur Barrès et le nationalisme français. Mais si j'étais courageux je prendrais le temps de compléter ce travail car il y aurait encore beaucoup à écrire...

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