Farfalone
10/11/2009 @ 19:00:16
Maurice Pialat
Van Gogh

10/11/09

Depuis celle du cheminot de la Compagnie du Nord qui accueille Vincent à la gare, celle du tenancier ou celle du Docteur Gachet, d'entrée le film nous fait découvrir une parole qui "sonne" juste.
C'est en fait tout l'univers des sons qui est juste, les planchers craquent, les portes grincent, les tissus bruissent de leur froissement. Nous sommes dans un film réaliste, et l'écueil sur lequel bute l'écriture réaliste (celle de la restitution de l'ensemble d'un monde, sans exclusives) est ici évité par les plans séquence. Tout est perceptible dans ces longs plans, tout ce qui doit être perçu; les dits, les non dits, les silences, les craquements des êtres et des vieux bois. De ce fait, à l'exception de moments de grâce comme le repas en famille ou le bal champêtre, chaque scène est chargée d'une tension maximale. Le réalisme de Pialat est ici tout à l'oeuvre: il choisit, dans ce qui doit être montré pour que le film constitue une unité, ce qui est le plus porteur de signification et laisse les acteurs s'exprimer. La vérité de la parole est là, loin des apprêts, des textes lèchés, et avec elle la vérité du JEU des acteurs limité à l'essentiel, cette tension qu'il y a dans les rapports humains.

Et de la tension il y en a.

Vincent vit l'ambiguité de son rapport à Théo "Tu es un vulgaire marchand" qui le nourrit, Théo financier, confesseur et public. Il vit l'insatisfaction devant les toiles invendues qui sont sont oeuvre accomplie, et l'impuissance ressentie devant son oeuvre à venir. Vincent est trop sensible, monomaniaque, et puis il y a le vin, l'absinthe, liquides appelés à remplir le vide creusé par les brêches d'un passé trop difficile à assumer.

Théo vit "le désastre" dans lequel il entraîne sa famille, désastre que Johanna sa femme compare à celui qu'est la vie de Vincent. "La vie d'artiste est un luxe; Vincent est ta danseuse". Théo, le petit frère à qui il est reproché de ne pas savoir vendre les tableaux de Vincent. "En vérité je n'aime pas sa peinture..."

Autre couple, autre fossé non comblé, celui du Docteur Gachet et de sa fille Maggy qu'il traite, lui ancien syphilitique, d'hystérique. Ce qui les sépare, eux, c'est l'inadéquation, l'inadaptation de l'amour d'un père aux attentes impatientes d'une fille: "T'as jamais fait attention à moi". Et Gachet qui aime aussi Vincent, Gachet le peintre amateur des Impressionistes et de Van Gogh, finit lui aussi par exploser, victime de l'injustice d'un comportement de malade. "Vous êtes méprisable, vulgaire. Vous faites le mal."

Mais le mal est fait et il a été fait bien avant, pour reprendre la phrase de Jean Narbain. Il a été fait dans l'enfance et il continue sa route en passant par les êtres broyés par cette enfance. Le père est la figure principale de l'absence. Il est au coeur des non dits, des paroles inaptes à dire la souffrance, des silences que filme si justement Pialat "cinéaste de l'absence" à la recherche de "l'expression juste du fugitif".

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