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Farfalone
05/11/2009 @ 18:19:52
EXODUS
Film d'Otto Preminger.
1960

Otto Preminger nous raconte une histoire. C'est dire que le but de son film est de nous distraire en nous informant. Nous distraire: pour cela il dispose une intrigue possèdant la double dimension humaine, singulière et universelle, ou dont la prétention est universelle. Cette histoire nous est racontée -littéralement- par des personnages médiateurs obligés, et par le biais de dialogues qui viennent expliquer les raisons de l'action. Des destins (parcours personnels) s'entrecroisent sur fonds de destinée collective.

C'est donc un film bavard. La mise en scène de l'action "pure" fait ainsi l'économie du temps et permet de résumer filmiquement son déroulement, non pas de façon elliptique, mais en condensant cette action ou en la suggérant (ainsi l'acte fondateur -parmi d'autres- qu'est l'attentat perpétré par l'Irgoun contre l'Hotel King David, siège des forces britanniques, n'est-il perçu que du haut d'une terrasse lointaine où se tiennent les deux protagonistes principaux). On n'a pas de temps à perdre quand on fait une démonstration.

L'histoire de l'Exodus à proprement parler n'occupe qu'un tiers du film. Opération de relation publique destinée à la "Communauté Internationale" en l'occurence son organisme de représentation emblèmatique l'O.N.U, elle a le mérite de bien montrer l'embarras des vainqueurs de la guerre (nous sommes en 1947-1948) devant le problème créé par la Shoah. Que faire des survivants? L'activisme sioniste avait une réponse: les ramener au foyer. La Terre d'Israel, appelée Palestine ayant déjà vu la création de ce Foyer Juif entre les deux guerres à l'initiative de l'occupant (mandataire) anglais, quoi de plus légitime que de peupler ce foyer?

C'est à la suite de cet exploit que l'O.N.U prit la décision du partage de la Palestine. Inutile de revenir sur les problèmes générés par cette décision; nous les vivons encore. La douleur des Juifs rendue visible par cette "opération publicitaire, petite annonce publiée dans le journal de l'O.N.U" selon les mots d'Ari ben Canaan promoteur (personnage imaginaire ou réel, je ne sais pas, mais certainement personnification d'un collectif) de la dite opération a permis ce qui a déclenché la réponse internationnale: la compassion, qui est identification à l'autre.

L'intérêt du film – outre que sa vision actuelle permet de comprendre mieux la mécanique du cinéma hollywoodien- est qu'il tente d'expliquer, et je dirais même qu'il explique, pourquoi ce partage n'a pas pu, ne pourra jamais fonctionner. Il n'a pas pu, et ne pourra pas être pérennisé car il y a des méchants.

Certes il y a des méchants israéliens qui n'hésitent pas devant le terrorisme aveugle, mais ils ont des raisons historiques et même protohistoriques: ils sont l'embryon du bras armé d'Israel que Dieu a voulu pour garder le peuple élu. Et ce qu'ils ont connu pour certains d'entre eux dans les camps nazis est une justification suffisante.

Il y a des méchants anglais. Ils pendent par le cou jusqu'à ce que mort s'ensuive les terroristes de l'Irgoun (pardon, résistants à l'occupation britannique). Mais ceux-là n'ont qu'une envie: partir, et vite de ce guêpier dans lequel il se sont fourrés. Ils peuvent même -eh oui- être antisémites, comme suggéré dans certains dialogues et surtout dans une scène où Ari Ben Canaan, Juif blond demande à un anglais qui lui a dit reconnaître un juif à cent mètres de lui retirer une poussière de l'oeil.

Mais il y a d'irréductibles méchants Arabes qui n'ont pas compris qu'à l'avenir, s'ils demeurent, ils seront avec les Juifs "la main dans la main, tous égaux, travaillant ensemble dans l'Etat libre d'Israel". Salam. Shalom. Paix.
Ces méchants Arabes de surcroît sont encadrés par un transfuge nazi, ami du Grand Mufti de Jerusalem de sinistre mémoire, et chef militaire de la résistance (pardon terrorisme) arabe.

Certes il y a un bon Arabe, ami d'enfance d'Ari. Mais les méchants Arabes le pendent pour collaborationnisme, pour démontrer sans doute qu'il ne peut y avoir pour les Juifs de bon Arabe que mort. Ceci est une "atrocité" contre laquelle Ari crie sa révolte à la face du monde entier tout en souhaitant l'avènement du "jour où Arabes et Juifs partageront cette terre".

La colonisation juive, avec ses kibboutz, son utopie sociale, cette régénération par le travail d'un Peuple que l'Occident avait stigmatisé comme "dégénéré", a été une entreprise sympathique. C'est le souvenir de cette entreprise qui meut les nombreuses consciences vivantes d'Israel, le souvenir de cette utopie et qui a sans doute porté le travail des "nouveaux historiens" israéliens qui ont entrepris d'écrire "La guerre de Palestine. Derrière le mythe 1948" (Ed. Autrement 2002) pour déconstruire ce mythe fondateur.

Comme une grande part du cinéma hollywoodien, Exodus est un film efficace et c'est un film de propagande.

Israel est une démocratie à la recherche de son identité. Cette identité certains la voudraient ancrée dans l'histoire religieuse. Paradoxe, car peut-on pérenniser une démocratie libérale, modèle de l'individualisme en soumettant la société civile au fait religieux, en la fondant sur une identité communautaire tiraillée entre modernité et racines?

Tant qu'Israel sera un porte-avion U.S ancré au Moyen-Orient, il ne pourra y avoir de paix.

Math_h

avatar 05/11/2009 @ 20:03:19
Movement of Jah people...

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