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La Porte du Paradis.
Michael Cimino
La violence chez Cimino n'est jamais gratuite. Dans la plupart de ses films il nous rappelle à quel point la violence fût un acte fondateur majeur de la nation américaine.Son spectacle vient juste à point pour nous dire comment les gens, les simples, mais aussi quand c'est nécessaire les autres, les nantis, peuvent ressentir dans leur chair même toute la dureté du monde dans lequel ils ont été jetés, dureté dont les seconds sont ici manifestement responsables.
Dans quel monde sont elles jetées ces victimes qui se révolteront? Dans celui, Nouveau, où les couches successives de migrants, depuis les Pères Fondateurs et leurs propres ancêtres puritains fuyant l'Angleterres assimilent les unes après les autres les nouvelles vagues de miséreux après leur avoir fait subir un examen de passage au prix de la sueur, du sang et des larmes.
"Idéal et vocation: l'éducation d'une Nation". C'est par ce discours que commence le film, lors de la remise des prix de fin d'année dans une Université huppée de la côte est (Harvard?). Suit un bal, thème d'ouverture déjà utilisé par Cimino (Voyage au bout de l'Enfer) annonciateur oxymorique du retour à la réalité. Des bals il y en a beaucoup dans ce film violent, moments du bonheur d'être ensemble. C'est le lieu où les migrants se réunissent pour danser, qu'ils ont dérisoirement nommé Heaven's gate qui donne son titre à ce beau film méprisé à sa sortie. "Laissez venir à moi les pauvres et les opprimés": voilà ce qu'on peut lire (à peu près) sur la statue de la Liberté.
Cette réalité quelle est-elle?
Nous étions dans l'est riche, bostonien, là où se reproduisent les élites. Là-bas dans l'Ouest les émigrants, pour manger, volent du bétail. Polacks et Russkofs, troupes miséreuses parties fuyant la misère pour trouver pire encore: la loi de l'ouest, attendent qu'on veuille bien mettre enfin à leur disposition les terres attribuées par le Gouvernement. Mais ces terres du Wyoming sont captées, au delà de leur étendue concédée, par les premiers arrivants devenus des spéculateurs enrichis. Et peu partageurs.
"Cette terre ne peut plus être celle des pauvres" ont décrété ceux-ci. Et outrepassant la Loi qui ne fait rien pour eux disent-ils (alors qu'étant le pouvoir ils sont la Loi) ils mettent 125 hommes sur une liste noire et justifient leur massacre par cette appellation: "ce sont des anarchistes". Et les mercenaires, ceux qui sont chargés de cette justice expéditive sont eux aussi, à quelques générations près, issus de l'immigration.
C'est là toute l'histoire, fait historique semble-t-il, et tout l'art de Cimino est de rendre palpable cette montée de la violence, violence consubstancielle au capitalisme, ce capitalisme seul vrai fondateur de l'espace américain.
Et au milieu de tout ça: un bordel. Une tenancière, Isabelle Huppert. Seul lieu d'humanité qui sera détruit par la fureur, mais aussi lieu mythique où la bonté fait bon ménage avec la débauche, et où les extrêmes (un shérif humaniste et riche issu de cet est patricien, et un mercenaire, issu de l'immigration récente, nervi des éleveurs) se rejoignent dans l'amour commun d'une femme.
"Bob Dylan et Joan Baez ont chanté la révolte de cette Amérique-là, celle des pauvres attirés par le mirage de la Liberté, valeur universelle, et exploités au nom de l'autre liberté, liberté du commerce, du laisser-faire, des affaires.
Howard Zin, Sacco et Vanzetti traversent en filigrane cet épisode de l'Histoire populaire des Etats-Unis, faite de strates de migrants parvenus successivement et montés les uns contre les autres au nom du "diviser pour régner" propre au capitalisme.
Comment s'étonner qu'une société fondée sur le communautarisme, en perpétuelle lutte, en perpétuelle concurrence, reste aussi violente?"
Car en fait le melting-pot n'a pas pris. Les ingrédients resteront à jamais séparés dans le pot à mélange, malgré tous les beaux discours. Ce film nous montre ici une des raisons: la lutte de tous contre tous. Homo homini lupus. L'homme est un loup pour l'homme.
Posté le 26/10/09
Michael Cimino
La violence chez Cimino n'est jamais gratuite. Dans la plupart de ses films il nous rappelle à quel point la violence fût un acte fondateur majeur de la nation américaine.Son spectacle vient juste à point pour nous dire comment les gens, les simples, mais aussi quand c'est nécessaire les autres, les nantis, peuvent ressentir dans leur chair même toute la dureté du monde dans lequel ils ont été jetés, dureté dont les seconds sont ici manifestement responsables.
Dans quel monde sont elles jetées ces victimes qui se révolteront? Dans celui, Nouveau, où les couches successives de migrants, depuis les Pères Fondateurs et leurs propres ancêtres puritains fuyant l'Angleterres assimilent les unes après les autres les nouvelles vagues de miséreux après leur avoir fait subir un examen de passage au prix de la sueur, du sang et des larmes.
"Idéal et vocation: l'éducation d'une Nation". C'est par ce discours que commence le film, lors de la remise des prix de fin d'année dans une Université huppée de la côte est (Harvard?). Suit un bal, thème d'ouverture déjà utilisé par Cimino (Voyage au bout de l'Enfer) annonciateur oxymorique du retour à la réalité. Des bals il y en a beaucoup dans ce film violent, moments du bonheur d'être ensemble. C'est le lieu où les migrants se réunissent pour danser, qu'ils ont dérisoirement nommé Heaven's gate qui donne son titre à ce beau film méprisé à sa sortie. "Laissez venir à moi les pauvres et les opprimés": voilà ce qu'on peut lire (à peu près) sur la statue de la Liberté.
Cette réalité quelle est-elle?
Nous étions dans l'est riche, bostonien, là où se reproduisent les élites. Là-bas dans l'Ouest les émigrants, pour manger, volent du bétail. Polacks et Russkofs, troupes miséreuses parties fuyant la misère pour trouver pire encore: la loi de l'ouest, attendent qu'on veuille bien mettre enfin à leur disposition les terres attribuées par le Gouvernement. Mais ces terres du Wyoming sont captées, au delà de leur étendue concédée, par les premiers arrivants devenus des spéculateurs enrichis. Et peu partageurs.
"Cette terre ne peut plus être celle des pauvres" ont décrété ceux-ci. Et outrepassant la Loi qui ne fait rien pour eux disent-ils (alors qu'étant le pouvoir ils sont la Loi) ils mettent 125 hommes sur une liste noire et justifient leur massacre par cette appellation: "ce sont des anarchistes". Et les mercenaires, ceux qui sont chargés de cette justice expéditive sont eux aussi, à quelques générations près, issus de l'immigration.
C'est là toute l'histoire, fait historique semble-t-il, et tout l'art de Cimino est de rendre palpable cette montée de la violence, violence consubstancielle au capitalisme, ce capitalisme seul vrai fondateur de l'espace américain.
Et au milieu de tout ça: un bordel. Une tenancière, Isabelle Huppert. Seul lieu d'humanité qui sera détruit par la fureur, mais aussi lieu mythique où la bonté fait bon ménage avec la débauche, et où les extrêmes (un shérif humaniste et riche issu de cet est patricien, et un mercenaire, issu de l'immigration récente, nervi des éleveurs) se rejoignent dans l'amour commun d'une femme.
"Bob Dylan et Joan Baez ont chanté la révolte de cette Amérique-là, celle des pauvres attirés par le mirage de la Liberté, valeur universelle, et exploités au nom de l'autre liberté, liberté du commerce, du laisser-faire, des affaires.
Howard Zin, Sacco et Vanzetti traversent en filigrane cet épisode de l'Histoire populaire des Etats-Unis, faite de strates de migrants parvenus successivement et montés les uns contre les autres au nom du "diviser pour régner" propre au capitalisme.
Comment s'étonner qu'une société fondée sur le communautarisme, en perpétuelle lutte, en perpétuelle concurrence, reste aussi violente?"
Car en fait le melting-pot n'a pas pris. Les ingrédients resteront à jamais séparés dans le pot à mélange, malgré tous les beaux discours. Ce film nous montre ici une des raisons: la lutte de tous contre tous. Homo homini lupus. L'homme est un loup pour l'homme.
Posté le 26/10/09
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