Oburoni
avatar 24/07/2009 @ 12:32:41
Trés bonne critique Dirlandaise !

Ernst Nolt est en effet un important historien, meme si son interprétation du nazisme -de la Shoah en particulier- ne fait pas l'unanimité.

As-tu entendu parler de la "querelle des historiens" de 1986 ?

En 1986 l'Allemagne est encore déchirée par un mur, tiraillée entre deux idéolgies. C'est surtout un pays né de la chute du IIIeme Reich, ou 1945 est rebaptisé "l'année zéro"... On le comprends : l'étude du nazisme y est alors un sujet hautement sensible, politisé, assez explosif... et c'est dans ce contexte qu'Ernst Nolt se fait connaitre.
1986 est en effet l'année ou il publie une série d'articles pour donner son interprétation du régime nazi.

Pour lui, ce dernier aurait été une contre-réaction au communisme et la Shoah un "génocide préventif".
J'explique :

Sa théorie est que l'on ne peut pas comprendre le nazisme si l'on n'a pas en tete l'anticommunisme d'Hitler. Ce dernier était anti-communiste plus qu'antisémite, il a participé aux combats de rues opposant les mouvement d'extreme-droite aux bolchéviques a la veille des années 20s, il va meme jusqu'a fondre son antisémistisme dans son anticommunisme = la montée du communisme en Europe de l'Est est, au yeux d'Hitler, l'un des visages du "complot juif" visant a ruiner l'Europe.

Or pour Hitler, le communisme ne se limite pas a l'Europe de l'Est : Staline voudrait aussi conquérir l'Ouest. Et, prends une carte : l'Allemagne, en premiere ligne, au coeur du continent et de toutes ses tensions, apparait alors comme étant le seul rempart face a l'envahisseur potentiel.

De la tout le reste découle, la Shoah comprise.

Comme pour Hitler la principale menace est le communisme, et que le communisme, pour lui, est un outil aux mains des Juifs, combattre les Juifs c'est enrayer la dite menace. CQFD.

Les communiste usant de la violence pour s'imposer ( existence de goulags ou sont massacrés les opposants ) Hitler décide d'adopter la meme méthode : la violence contre la violence.
Il lance la campagne a l'Est ( l'opération Barbarossa ) et entame le massacre des Juifs parce que, s'il ne les extermine pas, ces derniers extermineront les allemands.

Cette théorie ne fera pas l'unanimité, Habermas en particulier en sera le principal opposant.

Pour lui l'interprétation de Nolt pose plusieurs problemes :
- elle rends le communisme responsable du nazisme;
- elle enleve a la Shoah son caractere unique en en faisant un génocide en réponse a d'autres génocides;
- elle excuse l'Allemagne pour les crimes du IIIeme Reich.

Cette "querelle des historiens " a duré de maniere intense pendant trois ans ( 1986-1989 ), elle est retombé depuis mais, si tu lis differents historiens spécialistes du nazisme, tu verras ( entre les lignes ) qu'ils se rangent encore plus ou moins dans un camps ou l'autre.

Dirlandaise

avatar 24/07/2009 @ 20:03:14
Merci Oburoni, j'apprécie ton intervention. C'est toujours si intéressant de te lire. Tes connaissances du sujet m'impressionnent.

On a reproché à M. Nolte d'avoir voulu justifier la naissance du national -socialisme et minimiser les faits en affirmant qu'Hitler n'a fait que réagir de manière agressive aux crimes communistes, l'idée de l'extermination ayant été inventée par les bolcheviks et non par les nazis.

M. Nolte explique alors la différence entre anéantissement sociale prôné par le bolchevisme qui est conçu comme un anéantissement sans effusion de sang et anéantissement biologique prôné par le national socialisme. Mais il explique aussi qu'il est invraisemblable que des classes sociales composée d'un nombre très élevé de personnes se laissent exproprier sans opposer de résistance.

"L'anéantissement biologique dépend de qualités extra-culturelles, à savoir de qualités fournies par la nature et non passibles de transformations. L'intention national-socialiste était de détruire tous les Juifs, individuellement, au motif qu'il était impossible qu'ils cessassent d'être Juifs et, pour cette raison, "nuisibles pour l'humanité".

Je crois que le fait d'avoir mis l'accent sur une telle différence prouve que le reproche selon lequel j'aurais contribué à une banalisation du national-socialisme est certainement injuste."
(Ernst Nolte - Les fondements historiques du national-socialisme, pp. 158,159)

J'ai tiré cette citation du débat qu'on retrouve à la fin du livre de M. Nolte dans lequel il se défend des accusations dont il a été l'objet suite à la publication de ce livre.

Il insiste sur le fait que l'opinion publique s'attarde trop sur l'anéantissement des Juifs dans la solution finale et pas assez sur la mort de millions de prisonniers soviétiques, de milliers de malades mentaux et la mort de milliers de koulaks russes. Il insiste sur le fait que : "La douleur, la souffrances et la mort de millions d'hommes ne doivent pas être oubliées au point que l'on ne perçoive que la douleur, les souffrances et la mort d'autres hommes."

Bon, le débat continue et est très intéressant et instructif. Il traite des réserves et objections faites à l'encontre de l'oeuvre de M. Nolte notamment la différence entre l'accueil fait par Israël comparé au reste de l'Europe.

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