Garance62
avatar 27/03/2009 @ 19:38:30
La nuit commençait à tomber.
C’était une heure entre chien et loup.

La lumière avait cette coloration très particulière des fins de journées qui oscille entre la clarté à peine voilée d’une journée brumeuse et le léger halo de la lune déjà présente.
C’était une heure d’une infinie douceur.

Il marchait. Il lui semblait toucher du bout des doigts les milliards de particules qui l’entouraient, comme si l’air cotonneux et lui ne faisaient plus qu’un. Il allait d’un pas un peu lourd, un peu pesant. Ses solides chaussures résonnaient sur l’asphalte vieilli d’une route de campagne déserte, peu fréquentée et laissée à l’abandon. Les nids-de-poule, par endroits, se creusaient jusqu’à devenir un peu dangereux.

Il avançait tranquillement, la démarche assurée. L’allée dans laquelle il s’engagea, au détour d’un virage, était bordée de hêtres séculaires qui formaient une voûte.

Le crachin n’avait pas cessé de toute la journée.
Un crachin tenace comme il les aimait, pénétrant, reposant. Cette humidité tranquille le rassurait, lui faisant bizarrement le même effet que la chaleur d’un feu de cheminée qui couvait. Une impression de cocon, de protection, qu’il ressentait à chaque fois avec la même intensité. Il lui plaisait de pouvoir se réjouir de ce temps que la plupart des gens qu’il côtoyait qualifiaient plus volontiers de temps pourri. Pendant qu’ils pestaient en regardant le ciel plombé, espérant et attendant une trouée céleste qui les aurait illuminés, lui, Maximilien Maudduy, se délectait en silence de cette atmosphère ouatée qui étouffait les quelques sons des alentours et faisait fuir les rares promeneurs qui avaient déniché, loin des routes fréquentées, ces forêts paisibles dans lesquelles, en l’absence de chemins balisés, il était aisé de se perdre.

Sous ses pas, le revêtement lisse avait laissé la place à un sol caillouteux et inégal. Des gravillons y avaient été déversés il y avait longtemps de cela. De temps à autre, un petit caillou était chassé par un de ses pas. Son bruit cassait le silence.

Il approchait de chez lui. Chaque soir, il ressentait un picotement de bonheur dès qu’il apercevait la silhouette de sa maison. Sa maison. Son refuge. Sa cabane au fond des bois. Ce qu’il ressentait tenait à la fois de cette impression de relâchement que l’on éprouve à se laisser glisser dans un bain à la fin d’une journée harassante et de cette sensation de chaleur que l’on ressent quand un petit enfant glisse sa main dans la vôtre.

La nuit était totale désormais. Dans sa poche, il prit une lampe pour éclairer la serrure. La porte à peine ouverte, le chat se faufila entre ses jambes, le devançant à l’intérieur. Il trouva le commutateur et la pièce s’éclaira. Comme tous les soirs, il se prépara un dîner simple.

Maximilien se coucha peu de temps après et s’endormit presque aussitôt. Dehors, une chouette hulula. Il ne l’entendit pas. Il était loin des hommes et de leurs tourbillons. C’était d’autant plus étonnant que le jour qui s’achevait était le dernier d’une longue série pendant laquelle il avait été employé à l’usine Raucheux installée sur la commune depuis trente ans et qui, le jour même, avait licencié une trentaine de salariés.

Maximilien était l’un d’entre eux.

Saint Jean-Baptiste 27/03/2009 @ 20:49:28
Un très beau récit avec une chute inattendue mais qui donne un sens...
C'est bien écrit, lent comme les pas du marcheur...
Avec une belle atmosphère bien appropriée à l'histoire.

Tistou 27/03/2009 @ 22:49:33
Récit intéressant avec une chute abrupte.
J'ai juste eu du mal à m'y retrouver dans la lumière que tu décris qui ne correspond pas dans mon imaginaire avec un crachin qui dure toute la journée. Juste ça ...

Mieke Maaike
avatar 04/04/2009 @ 17:25:21
Texte intéressant et chute surprenante.

Je sens bien une certaine recherche dans la description du crachin et de la façon agréable dont le héros le perçoit, mais j'ai eu un peu de mal à vraiment ressentir le plaisir perçu par Maximilien. Peut-être que si tu détaillais des perceptions plus corporelles de la pluie fine sur la peau, ou de l'effet de la grisaille sur l'humeur, ça ajouterait encore un peu plus de substance et d'émotion.

Antinea
avatar 22/04/2009 @ 17:27:00
C'est parfait. Une introduction qui plante le décor ! Je fonce lire la suite.

TELEMAQUE 10/06/2009 @ 13:56:21
C'est fluide, phrase classique bien structurée. Contrairement à MM je ne pense pas nécessaire de faire sentir les impressions du personnage qui est considéré d'un point de vue extérieur, objectif.

Bolcho
avatar 07/07/2009 @ 15:56:02
Bon, forcément, comme j'arrive sur le tard, je ne lis pas la même chose : pour les rapides, c'était un récit qui devait faire sens tout seul, pour moi, c'est une présentation de personnage dans le cadre d'un récit au long cours.
Et c'est une excellente présentation. J'ai senti le crachin, j'ai entendu le gravier, j'ai vu le chat. Que demander de plus ?

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