Saule

avatar 12/02/2016 @ 17:30:44
Derely a traduit crime et chatiment en 1884. N'est-il pas possible que le mot icone n'était pas encore connu en français ?

Je lis beaucoup de bien de Derely ici: http://bibliotheque-russe-et-slave.com/notes.php

Ceci dit c'est surtout l'usage de lampe que conteste Alina, et non pas l'usage d'image.

Saint Jean-Baptiste 12/02/2016 @ 17:34:35
Je ne crois pas du tout qu'il faille traduire Dostoïevski avec élégance.
Marc Chapiro, qui à mon avis, a traduit magistralement Les Frères Karamazov, dit ceci : « Il est de notoriété publique que Dostoïevski écrivait mal. Sa phrase est le plus souvent longue et lourde, pleine de répétitions, et se trouve, de ce fait, complètement dépourvue d'harmonie, etc, etc...
(...) Dans sa hâte d'exprimer le tumulte de sa vie intérieure, il lui arrive d'esquisser un début de pensée et de passer aussitôt à la suivante, sans interrompre sa phrase et en laissant au lecteur le soin de reconstituer ce qu'il n'a pas achevé de dire.
(...) La lourdeur originale du style de Dostoïevsky pose au traducteur un problème quasi insoluble. Il est impossible de reproduire ses phrases broussailleuses, malgré la richesse de leur contenu... etc, etc...
(...) Une autre difficulté de la traduction est inhérente au génie de la langue russe, qui, comme la plupart des langues jeunes, est éminemment suggestive (...) Le français, au contraire, comme toutes les langues évoluées, est essentiellement explicite.


Alors je me demande si une traduction française peut donner une idée de ce style sans devenir complètement chaotique. A tout prendre, je préfère encore une belle traduction harmonieuse et littéraire ; je voudrais trouver celle d'Elizabeth Guertik dans une bonne édition, autre que le Poche.

Stavroguine 12/02/2016 @ 17:58:55

Ceci dit c'est surtout l'usage de lampe que conteste Alina, et non pas l'usage d'image.


Je ne sais pas si la traduction de lampe est vraiment importante. Ce qui compte, pour cette phrase, et donc pour lever l'ambiguïté que soulevait Alina, c'est de rendre l'idée de religion. En russe, outre le référentiel commun (on sait qu'on trouve dans les maisons des coins religieux), l'idée passe par le terme spécifique associé a la lampe, mais en français, icône parvient a rendre cette idée et y suffit ; la façon dont on traduit le second terme est donc de moindre importance dés lors qu'on a fait passer l'idée de religion dans la traduction. Une traduction comme : "Dans un coin, devant une icône, brûlait une petite lampe" me semble tout à fait correcte, d'autant que le terme spécifique au russe n'existe pas en français puisque, comme tu le soulignes, la lampe en question n'est pas à proprement parler une veilleuse s'il n'y a pas d'ostie. Et donc, si quand Derely écrit, en 1884, "image" renvoie communément à une image religieuse, il a rempli son contrat.

Feint

avatar 12/02/2016 @ 18:29:34
Alors je me demande si une traduction française peut donner une idée de ce style
Bien sûr qu'elle peut le faire. Elle doit le faire. Ne pas le faire, c'est trahir le texte. Le rôle du traducteur n'est pas de corriger le texte, on ne va pas traduire Céline dans la langue de Proust (ou l'inverse) parce ce serait plus élégant. Si l'auteur écrit "mal", c'est soit parce qu'il est mauvais, soit parce que "écrire mal" correspond à son projet, soit parce que son souci est ailleurs. Dans tous les cas, le traducteur doit essayer de rendre, avec les moyens dont sa langue dispose, ce que l'auteur a voulu faire.

Saule

avatar 12/02/2016 @ 19:51:22

Je pense que c'était elle « la Russe » dont parlait Dirlandaise à propos de La Guerre et La Paix.  

Là j'ai un scoop pour toi (et pour Dirlandaise et Provis) !!!. "Une Russe", c'est la princesse Irène Ivanovna Paskevitch, qui traduisait en désirant rester anonyme (http://bibliotheque-russe-et-slave.com/notes.php). Voila un mystère de résolu.

Saint Jean-Baptiste 12/02/2016 @ 19:55:35
Dans tous les cas, le traducteur doit essayer de rendre, avec les moyens dont sa langue dispose, ce que l'auteur a voulu faire.
Mouais ! essayer, c'est vrai, mais est-ce réalisable ?

Je me souviens des extraits de La Guerre et la Paix traduits par Elizabeth Guertik. Elle s'éloignait du texte par rapport à Markowicz. Mais elle rendait beaucoup mieux la poésie du texte.
Markowicz restait très littéral, tous les mots étaient traduits et les phrases restaient dans leur constitution originale mais, au prix de beaucoup de participes présents qui se suivaient dans une même phrase et qui alourdissait fortement le texte.

Alors... c'est difficile de décider. Mais tu me diras que Dostoïevski n'est pas Tolstoï...

Saule

avatar 12/02/2016 @ 19:58:08
A propos des premières traductions:

"Il s'agissait aussi et surtout de ne pas rebuter le lecteur français par un texte particulièrement touffu, souvent mal écrit et négligé. Mais à présent que le lecteur est familiarisé avec le roman russe et avec Dostoïevsky en particulier, il est intéressant de donner une version de son oeuvre sans chercher à élaguer ni à couper sa phrase tortueuse, pleines d'incidentes, d'allusions, et qui draine dans son développement confus et méandreux un ensemble de nuances, d'émotions et de sous-entendus qui s'effacent à la clarté d'un style plus soutenu."

C'est dans la préface de ma traduction de l'Idiot, qui date de...1947 !!!

A chaque époque sa traduction ?

Saint Jean-Baptiste 12/02/2016 @ 19:59:12



Là j'ai un scoop pour toi (et pour Dirlandaise et Provis) !!!. "Une Russe", c'est la princesse Irène Ivanovna Paskevitch,
Ouwawww ! Quelle découverte, Saule ! Tu en as des relations... ! Mais où peut-on la trouver ?

Saule

avatar 12/02/2016 @ 20:01:52
SJB, tu confonds. Markowicz n'a pas traduit Tolstoi, c'était un autre. On avait comparé Guertik avec "Une Russe" (une traduction de 1879) et quelques autres. Une Russe est dans le domaine public et peut-être téléchargée gratuitement.

Saint Jean-Baptiste 12/02/2016 @ 20:02:38
A propos des premières traductions:


C'est dans la préface de ma traduction de l'Idiot, qui date de...1947 !!!

A chaque époque sa traduction ?
Oui, c'est vrai. Les propos de Marc Chapiro datent de 1968.

Saule

avatar 12/02/2016 @ 20:03:39
Il faut retourner au marché au vieux livres au cinquantenaire :-) J'ai déjà vu La guerre et la paix de "Une Russe" sur des marchés. Sinon achète-toi un e-reader et tu pourras le télécharger !

Saint Jean-Baptiste 12/02/2016 @ 20:05:20
SJB, tu confonds. Markowicz n'a pas traduit Tolstoi,
Oui, tu as raison. Mon La Guerre et la Paix chez Gallimard est traduit par Henry Mongault.

Dirlandaise

avatar 12/02/2016 @ 20:36:08

Je pense que c'était elle « la Russe » dont parlait Dirlandaise à propos de La Guerre et La Paix.  


Là j'ai un scoop pour toi (et pour Dirlandaise et Provis) !!!. "Une Russe", c'est la princesse Irène Ivanovna Paskevitch, qui traduisait en désirant rester anonyme (http://bibliotheque-russe-et-slave.com/notes.php). Voila un mystère de résolu.


Ah oui je me souviens de cette discussion. Mais comment as-tu fait pour trouver cela ? Je trouvais bizarre que la traduction soit attribuée à une russe sans autre nom pour l'identifier. ;-)

Saule

avatar 12/02/2016 @ 20:43:53
Sur le site ici : http://bibliotheque-russe-et-slave.com/notes.php

Maintenant que je sais que c'était une princesse ça n'en est pas moins romanesque :-)

Pour revenir à Dostoëvski, je comprends bien ce que dis Chapiro et c'est très intéressant. Mais ce n'est pas ce que je ressens en lisant Dostoïevski (évidemment je lis des traductions uniquement), je n'éprouve aucune des difficultés évoquées.Lire Proust, puisqu'on fait souvent la comparaison, est pour moi infiniment plus lourd et tortueux.

Radetsky 12/02/2016 @ 21:11:26

Non, le mot "лампада" veut dire "une lampe religiese", ce n'est pas simple "lampe". Quelque chose comme ca http://www.respectme.ru/photoblog/505

Nous avons l'équivalent dans les églises catholiques, lorsque le Saint Sacrement est présent dans le tabernacle : une lampe brûle en permanence dans ce cas (j'ai des restes de chez les Frères...). Dans le monde orthodoxe, l'équivalent domestique (c'est à dire dans les maisons des croyants) de l'iconostase s'accompagne d'une petite lumière ("лампада") qui a surtout une fonction sybolique de la présence sacrée..
Je crois bon de signaler que cette tradition existe aussi chez certains catholiques, au fur et à mesure qu'on se déplace vers l'est (Autriche, par exemple au Tyrol) ; il ne s'agit alors plus d'icônes au sens russe, mais d'images saintes ou du crucifix.

Radetsky 12/02/2016 @ 21:11:57
Zut, j'ai raté mes balises....

Feint

avatar 12/02/2016 @ 21:15:49
Dans tous les cas, le traducteur doit essayer de rendre, avec les moyens dont sa langue dispose, ce que l'auteur a voulu faire.

Mouais ! essayer, c'est vrai, mais est-ce réalisable ?
Mais bien sûr, que c'est réalisable, je te l'ai dit. La difficulté avec les traductions c'est plutôt l'existence de préjugés sur ce que devrait être le texte, alors que ce qui compte, c'est ce que le texte est vraiment.

Saule

avatar 12/02/2016 @ 21:43:03
Qui peut dire ce que le texte est vraiment ?

Feint

avatar 12/02/2016 @ 21:51:08
Le bon traducteur !

Sissi

avatar 13/02/2016 @ 11:32:13
Le bon traducteur peut néanmoins être confronté à des problèmes linguistiques: ma belle-soeur a traduit un polar de l'islandais au français, et elle m'expliquait que c'était compliqué, car l'islandais est une langue répétitive, les répétitions sont nombreuses et communément acceptées, alors qu' en français on les évite.
Alors que faut-il faire? On remanie un peu (mais on trahit et on illustre la célèbre paronomase traduttore traditore)? Ou bien on laisse plus ou moins tel quel (ce qui rend très mal)? Dans le second cas on reste plus fidèle au texte, certes, sauf que ce n'est pas dans le projet de l'auteur d'être répétitif, c'est juste sa langue qui le veut.
Il lui a été demandé par la maison d'édition (et je ne sais plus laquelle c'est), de remanier le texte.

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