Saule

avatar 26/09/2009 @ 12:04:20
J'ai lu l'Idiot dans une traduction de 1947 (G. Arout). André Gide expliques dans un essai sur Dostoïevski que le public français n'était pas prêt, à l'époque des premières traductions, au style si particulier et percutant de l'auteur russe, et que donc les traducteurs avaient un peu "adouci". Je ne sais pas si c'est vrai, mais je dois dire que les anciennes traductions me conviennent bien, peut-être mieux que les traductions modernes de Markowitz.

Andro2
avatar 26/09/2009 @ 15:57:55
Petite question
comment ca marche les droits d auteur pour un traducteur

curieux andro 2

Stavroguine 26/09/2009 @ 19:42:57
Je ne suis vraiment pas d'accord avec Saule et Bernham. Pour Dostoïevski, il FAUT Markowicz !
Je viens de relire Les Démons/Les Possédés (que je vais donc enfin pouvoir critiquer: mais il fallait le relire, pour un livre comme ça, les seuls souvenirs ne suffisent pas), que j'avais lu dans une autre édition auparavant, et il n'y a vraiment pas photo.
Je ne pense pas que le style de Markowicz soit nécessairement plus "jeune". Il est plus décousu. Il est aussi plus proche du style oral - et en ça, on peut peut-être dire qu'il est plus jeune vu qu'on écrit de plus en plus comme on parle. Mais ça, c'est propre à Dostoïevski, pas à Markowicz. Je ne parle pas le russe, mais d'après ce que j'ai pu lire (y compris dans les notes des traductions plus anciennes), Dostoïevski n'écrit pas comme un Pouchkine ou un Tolstoï, il s'accapare toute la liberté qu'offre la langue russe, beaucoup plus libre, ou du moins tolérante, que le français d'un point de vue grammatical (toujours d'après ce que j'en sais, c'est-à-dire finalement assez peu). Du coup, on a vraiment des phrases interjetées, entrecoupées à grands renforts de "n'est-ce pas" et "c'est-à-dire", où le narrateur se reprend, interpelle directement le lecteur, lance une aparté au milieu d'une phrase et reprend son propos après. Aussi, Dostoïevski fait très attention de respecter le niveau de langue de ses personnages, mais aussi de son narrateur. C'est frappant dans Les Démons avec Kirillov et ses phrases incompréhensibles, et même avec G., le narrateur, qui n'est pas un écrivain et n'écrit donc pas en écrivain, mais comme n'importe quel quidam, frappé par un événement et qui tente de le rapporter à chaud. Et tout ça, Markowicz le rend, je trouve, mieux quiconque. Quand on lit Les Démons par Markowicz, on sent que G. s'emmêle, hésite, bafouille. Tout ceci disparaît des traductions classiques qui nous offrent une narration impeccable. Et très jolie, mais Dostoïevski, justement, n'est pas "joli", il est prenant parce que brut. Et on perd donc énormément à trop le polir.
Ce n'est qu'une opinion personnelle, mais je l'ai déjà dit et je le répète, après avoir lu quasiment tout Dostoïevski en Folio il y a quelques années, je ne peux maintenant plus le lire autrement qu'en Markowicz et quand je relis ainsi les oeuvres déjà lues, j'ai l'impression de les redécouvrir entièrement (comme quand on écoute un disque avec un bon casque pour la première fois après l'avoir déjà écouté des centaines de fois auparavant).

Bernham 16/10/2009 @ 07:25:13
En tout cas vous donnez vraiment envie de faire un éssai avec ces traductions chez BABEL de A.MARKOWICZ, malgré les tarifs assez lourds...

Hexagone
avatar 16/10/2009 @ 11:21:14
Rien à voir avec Dostoieski mais poour Don Quichotte ( le chevalier à la triste figure, pas le CLien) la traductionde Aline Schulman est vraiment pas mal. Je ne me suis pas reconnu dans les critiques portant sue les anciennes traductions. Ceci dit , je suis assez réfractaire à la lecture d'oeuvres majeures étrangères à la langue française, car la traduction est parfois aléatoire et d'un traductuer sur l'autre cela change pas mal.

Hexagone
avatar 16/10/2009 @ 11:25:03
L'article de P Assouline illustre très bien le problème d ela traduction :
http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/11/…

Saule

avatar 16/10/2009 @ 13:55:24
Intéressant cet article.

Quant à moi, je suis en train de lire "The Touchstone" de Edith Wharton, et je me rends que le travail de traducteur est très compliqué. Par exemple, je tombe sur cette phrase, dont la fin me pose problème

He saw her again as she had looked at their first meeting, the poor woman of genius with her long pale face and short-sighted eyes, softened a little by the grace of youth and inexperience, but so incapable even then of any hold upon the pulses. When she spoke, indeed, she was wonderful, more wonderful, perhaps, than when later, to Glennard's fancy at least, the conscious of memorable things uttered seemed to take from even her most intimate speech the perfect bloom of privacy

Ce n'est pas le texte le plus fluide de Wharton que j'ai lu, mais d'une manière générale elle est difficile à traduire car c'est un langage littéraire (j'imagine que traduire Proust en anglais doit donner le même genre de sueur!).

http://www.gutenberg.org/files/267/267-h/267-h.htm

Hexagone
avatar 16/10/2009 @ 14:03:26
Intéressant cet article.

Quant à moi, je suis en train de lire "The Touchstone" de Edith Wharton, et je me rends que le travail de traducteur est très compliqué. Par exemple, je tombe sur cette phrase, dont la fin me pose problème

He saw her again as she had looked at their first meeting, the poor woman of genius with her long pale face and short-sighted eyes, softened a little by the grace of youth and inexperience, but so incapable even then of any hold upon the pulses. When she spoke, indeed, she was wonderful, more wonderful, perhaps, than when later, to Glennard's fancy at least, the conscious of memorable things uttered seemed to take from even her most intimate speech the perfect bloom of privacy

Ce n'est pas le texte le plus fluide de Wharton que j'ai lu, mais d'une manière générale elle est difficile à traduire car c'est un langage littéraire (j'imagine que traduire Proust en anglais doit donner le même genre de sueur!).

http://www.gutenberg.org/files/267/267-h/267-h.htm



Intéressant Saule, mais honnêtement existe-t-il un interêt a traduire Proust, Hugo. J'ai toujours du mal à me tancer pour lire les étrangers. Cela ne pose pas de problème pour un roman de gare, mais pour les pointures n'y perdons nous pas au change. Au regard de ce fil, j'hésite à me lancer dans Dostoievski.

Saule

avatar 16/10/2009 @ 14:54:00
Je vous donnerai ce que le traducteur a pu faire de cette phrase, vu que ce livre vient d'être traduit.

Saule

avatar 16/10/2009 @ 19:27:16
Je vous donne ma traduction, et la sienne. La sienne est meilleure, et en plus il m'a fallu pas mal de temps pour donner sens à la phrase. Je trouve le travail du traducteur très difficile, mais j'aime bien traduire moi-même avant de lire son travail.

Je vous donne celle de Google aussi, facilement reconnaissable mais pas mauvaise du tout. Je vous laisse reconnaitre laquelle est la mienne.

Il l'a revît telle qu'elle était lors de le leur première rencontre, la pauvre femme génialement douée, avec son long visage pâle et sa myopie, adouci légèrement par la grâce de la jeunesse et de l'inexpérience, mais tellement incapable de maitriser ses impulsions. Quand elle parlait, elle était en effet magnifique, plus, peut-être, que plus tard, du moins dans l'imagination de Glennard, lorsque la conscience des choses mémorables publiées semblait retirer de ses discours les plus intimes la fleur parfaite de l'intimité.

Il la vit de nouveau comme elle avait cherché à leur première réunion, la pauvre femme de génie avec son visage long et pâle et aux yeux myopes, un peu adoucie par la grâce de la jeunesse et l'inexpérience, mais, même alors, si incapable de toute emprise sur le impulsions. Quand elle parlait, en effet, elle a été merveilleux, plus merveilleux, peut-être que lorsque plus tard, à la fantaisie Glennard au moins, la conscience de choses mémorables prononcés semblait prendre de même son discours le plus intime, la fleur parfaite de la vie privée.

Il l'a revit telle qu'elle lui était apparue lors de leur première rencontre, pauvre femme de génie avec son long et pâle visage aux yeux de myope, un tantinet adouci par la grâce de la jeunesse et de l'inexpérience, mais si incapable, même alors, de la moindre emprise sur les pulsations du cœur. Dès qu'elle parlait, certes, elle était merveilleuse, plus merveilleuse, peut-être, que par la suite, lorsque, dans l'imagination de Glennard, du moins, la conscience des choses mémorables semblait retirer aux paroles pourtant les plus intimes qu'elle avait prononcées la fine fleur du secret.

Saule

avatar 16/10/2009 @ 19:28:38
Intéressant Saule, mais honnêtement existe-t-il un interêt a traduire Proust, Hugo. J'ai toujours du mal à me tancer pour lire les étrangers. Cela ne pose pas de problème pour un roman de gare, mais pour les pointures n'y perdons nous pas au change. Au regard de ce fil, j'hésite à me lancer dans Dostoievski.

Mais à moins de connaitre le Russe, tu n'as pas le choix! Ne pas lire Dostoïevski dans toute ta vie n'est pas une option, ce serait vraiment dommage.

Hexagone
avatar 16/10/2009 @ 21:55:35
Intéressant, on se rend compte quand même de l'importance de la traduction.Mais entre La myopie et les yeux myopes, cela n'évoque pas la même chose. Comme la fleur de la vie privée et la fleur de l'intimité. A qui se fier ?

Micharlemagne

avatar 17/10/2009 @ 01:53:09
'Scuse, Saule. Mais je vais être honnête. Je n'ai vraiment pas très bien compris aucune des trois traductions. En réalité, en lisant le texte anglais, je n'avais pas du tout compris la même chose. Cela tient sans doute à ce que les 3 traducteurs aient voulu garder le découpage du texte anglais.

Saule

avatar 18/10/2009 @ 23:30:31
Hexagone, privacy, c'est un exemple ou l'anglais est plus riche que le français, et donc c'est difficile de traduire même si c'est facile d'en comprendre le sens (privacy policy = respect de la vie privée par ex.).

Mich', le premier traducteur c'est moi, le deuxième c'est Google, le troisième c'est un vrai traducteur. Je ne connais pas assez l'anglais pour savoir si c'est Wharton qui est peu "lourde" dans cette phrase (excès de subordonnées, manque de simplicité), ou si c'est la traduction qui rend le texte légèrement indigeste.

Je crois qu'un bon traducteur doit être écrivain lui-même, et capable de ré-écrire plutôt que traduire, quand la traduction est trop difficile ou fait perdre l'élégance du texte original.

Micharlemagne

avatar 19/10/2009 @ 11:09:57
"Il la revit comme elle était à leur première rencontre : une pauvre femme de génie avec son long visage blême et ses yeux de myope, un peu adouci par la grâce de la jeunesse et de l’innocence, mais même alors incapable de maîtriser les battements de son cœur. Et quand elle parla, elle était merveilleuse, plus merveilleuse peut-être, du moins dans l’imagination de Glennard, que quand, sachant qu’elle disait des choses dont il faudrait se souvenir, elle semblait donner la parfaite fraîcheur du secret à ses discours les plus familiers."
Pas encore l'idéal...

Micharlemagne

avatar 19/10/2009 @ 11:10:49
Il faut dire que l'on rencontre rarement autant de faux amis dans un texte aussi court...

Provis

avatar 19/10/2009 @ 18:57:01
Ton jeu est amusant et instructif, Saule, de comparer différentes traductions pour mieux comprendre le problème de la « traduction ». Tout de même, sans vouloir dire du mal de tes exemples, je suis bien de l’avis de Micharlemagne, les trois traductions que tu mets en ligne me paraissent bien maladroites (je trouve la sienne très réussie et assez proche du texte ?)..

Un vrai traducteur qui écrit : « il l’a revit » ! :o((
Sûrement ce n’est pas un traducteur automatique, parce que le traducteur automatique a beaucoup de défauts, mais jamais il n’écrira « il l’a revit » ; il n’est pas intelligent, mais il fonctionne sur un minimum d’analyse grammaticale.
Bref, de toute façon, la grammaire et l’orthographe sont évidemment loin de suffire. On ne peut pas se fonder sur les traductions automatiques parce qu’il n’y a aucune chance a priori pour qu’un traduction automatique tienne vraiment la route. Pour bien traduire, il faut intérioriser la pensée, ce qu'un ordinateur est incapable de faire.

Ce serait bien plus instructif, il me semble, d’utiliser de véritables traductions, des traductions de professionnels. C’est possible a priori puisque certaines grandes œuvres ont été traduites par différents grands traducteurs. Dostoievski serait un bon sujet, par exemple, les Céliens disputent sur son meilleur traducteur.
Personnellement, j’aimerais bien avoir des exemples de ce genre-là, pour voir jusqu’où les différences peuvent aller…

Pour le reste, à mon avis, le résultat est connu. Comme tu le dis toi-même (quand tu rappelles que pour être bon traducteur il faut des dons d’écrivain), la traduction restera toujours un problème pratiquement « insoluble », essentiellement parce que la pensée est très dépendante du langage.



Voilà qui me rappelle un peu Changeux avec son cerveau. Il y a eu une séance de questions à la fin de sa présentation, et un jeune « physicien » lui a demandé : « D’après ce que vous nous dites, on doit pouvoir, à l’aide d’un ordinateur, réaliser toutes les opérations réalisées par le cerveau. Donc bientôt l’ordinateur fera aussi bien et même mieux que l’homme ?? ».
Changeux a répondu avec un petit sourire : « Oui, si vous arrivez à fabriquer un ordinateur comme un cerveau… » .. :o)

Saule

avatar 19/10/2009 @ 20:15:29
Mais les traductions sont toutes unanimes pour "Il la revit" (He saw her again)! C'est juste que moi je met un chapeau sur revît, étant attaché à la vieille orthographe. Donc je pense que le revit est adéquat, sinon il faudrait dire "Il se souvint".

Il faut mettre ça dans le contexte: un homme est dans son fauteuil en train de parcourir le journal, et il voit le nom d'une certaine Miss A., écrivain de renom, qui est décédée récemment et avec laquelle il a eu une histoire d'amour. En lisant ces lignes, c'est comme les madeleines avec Proust, il évoque sa première rencontre avec cette dame ("He saw her again").

La traduction de Mich' est très bonne sur le début, meilleure que celle du traducteur officiel je trouve. Par contre il trahit l'idée du texte à la fin me semble-t-il.
"When she spoke, indeed, she was wonderful, more wonderful, perhaps, than when later, to Glennard's fancy at least, the conscious of memorable things uttered seemed to take from even her most intimate speech the perfect bloom of privacy"

Je crois que Wharton exprime l'idée que l'homme était tombé amoureux d'elle avant qu'elle ne soit célèbre. Une fois qu'elle est devenue célèbre, les discussions qu'ils avaient en privés étaient gâchées, dans l'esprit de l'homme, par la conscience du fait que les choses dont ils discutaient entre eux avaient été dites en public de façon "mémorable" (dans ma traduction, je dis publiée pour uttered puisque c'est d'un écrivain dont on parle).

Je pense que dans ce court extrait, Wharton pèche un peu par excès de circonvolutions et manque de simplicité, en fait on ne comprend pas ce qu'elle raconte :-)

Mais traduire une nouvelle de Wharton est un exercice très difficile: il y a beaucoup de mot anglais dont je connais le premier sens, mais qui ont un autre sens qui donne toute sa subtilité à Wharton.

Par rapport au traducteur automatique: bien sur c'est loin d'être parfait, mais quand même pas mal du tout.

Micharlemagne

avatar 20/10/2009 @ 10:12:22
Naturellement !... Mais j'ai traduit la phrase telle que tu l'avais donnée en ignorant tout de son contexte. Ce qui démontre s'il en était besoin que l'exercice qui consiste à faire traduire des phrases hors de leur contexte par des étudiants est un peu ridicule...
Cela dit, pour des textes littéraires, j'ai toujours pensé que la traduction devrait être faite par DEUX personnes : une qui parle parfaitement la langue originale et une autre qui a vraiment le sens du français. Après tout, tout le monde n'est pas Baudelaire...

Provis

avatar 20/10/2009 @ 14:33:18
Mais les traductions sont toutes unanimes pour "Il la revit" (He saw her again)!
Non, Saule, désolé, ce n’est pas ce que tu as écrit. Deux fois tu donnes : "il l’a revit", au lieu de (je suppose) "il la revit".
La forme verbale "il l’a revit" n’existe pas, donc elle ne fait pas partie des possibilités d’un traducteur automatique (je suppose, en imaginant un peu comment un traducteur automatique peut fonctionner).
Ce serait amusant que, dans un petit bout de phrase, tu donnes « il l’a revit » à traduire à un traducteur automatique. Les circuits vont chauffer.. :o)

Par ailleurs, pour moi, la dernière phrase donnée par le traducteur automatique de Google "Quand elle parlait, en effet, elle a été merveilleux, plus merveilleux, peut-être que lorsque plus tard, à la fantaisie Glennard au moins, la conscience de choses mémorables prononcés semblait prendre de même son discours le plus intime, la fleur parfaite de la vie privée." est un authentique galimatias.
Nul et non avenu (même si la phrase de départ est bien tordue).. :o)


C'est juste que moi je met un chapeau sur revît, étant attaché à la vieille orthographe. Donc je pense que le revit est adéquat, sinon il faudrait dire "Il se souvint".
Qu’est-ce que c’est que cette 'vieille orthographe' "il l’a revît"??
A mon avis, tu es en train de confondre le passé simple de l’indicatif "il revit" avec l’imparfait du subjonctif "il revît"... ???


Par rapport au traducteur automatique: bien sur c'est loin d'être parfait, mais quand même pas mal du tout.
Je suis simplement étonné, pour ne pas dire outré (je vais me remettre.. :o)..), qu’un traducteur professionnel puisse écrire « il l’a revit ».

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