Clarabel 07/10/2004 @ 18:22:32
VIENNE (AFP) - L'écrivain autrichien Elfriede Jelinek, à qui a été décerné jeudi le prix Nobel de littérature, est une intellectuelle féroce, controversée et mal-aimée dans son pays.

A la fois politique et féministe, Elfriede Jelinek, 57 ans, s'inscrit dans la tradition littéraire autrichienne aux côtés des grands polémistes comme Karl Kraus et Thomas Bernhard.

Comme Thomas Bernhard, elle a été traitée de "pornographe" et de "traîtresse à la patrie", a reçu des menaces et a été traînée dans la boue.

Auteur internationalement reconnu, honoré par de multiples prix littéraires, elle est marginalisée en Autriche où chacune de ses créations a provoqué controverse et scandale.

L'extrême droite au pouvoir depuis 2000 n'a de cesse de dénoncer son "art dégénéré" alors que l'anathème est régulièrement jeté sur ses livres et son théâtre dans la presse conservatrice.

Au début des années 90, le FPOe, le parti du populiste Joerg Haider, s'était lancé dans une campagne de diffamation inouïe contre l'écrivaine au nom d'un "combat culturel" conçu comme une véritable chasse aux sorcières.

Sur d'immenses affiches publicitaires placardées dans tout le pays, l'extrême droite demandait alors avec une fausse candeur: "Est-ce Jelinek que vous aimez ou est-ce l'art et la culture?".

Car Jelinek dérange. Le langage qu'elle s'est forgée est utilisé comme une arme esthétique contre les sociétés modernes, l'exclusion des différences, l'abus de pouvoir et le conformisme social qui étouffe et écrase.

Issue d'un métissage culturel et religieux (père tchèque juif, mère autrichienne catholique), Jelinek rappelle des vérités que ses compatriotes préfèrent oublier.

En 1980, elle publie "Les Exclus" inspiré d'un fait divers qui avait épouvanté l'Autriche dans les années cinquante. A Vienne, quatre adolescents s'étaient associés pour dévaliser les passants et Rainer, le cerveau de la bande, était allé jusqu'à assassiner toute sa famille.

Le roman dénonce une société qui, pressée d'oublier son passé et refusant d'exorciser ses démons, condamne ses enfants à reproduire la monstruosité de leurs pères.

Trois ans plus tard, elle publie "La pianiste", description hallucinante des rapports entre une mère et sa fille traités sur le mode de la dialectique du maître et de l'esclave. Le roman, dont l'adaptation cinématographique par Michael Haneke a reçu le Grand Prix du festival de Cannes en 2001, sera stigmatisé comme une "oeuvre scandaleuse".

Non moins dérangeant sera son roman suivant, "Lust" (1989), un texte de "pornographie" féminine inspiré par Georges Bataille et Sade, et où elle définit un langage féminin de l'obscénité.

Hantée par l'histoire nazie de son pays, Elfriede Jelinek enfonce le clou dans "Les enfants des morts", oeuvre-métaphore d'une Autriche agonisante sous le poids de son passé enfoui.

Puis dans "Burgtheater", pièce écrite en 1984, elle retrace l'histoire de Paula Wessely et Karl Hörbiger, célèbre couple d'acteurs autrichiens ayant servi l'industrie culturelle nazie --ils ont joué dans des films de propagande du IIIe Reich-- et revenus sur le devant de la scène en 1945, au célèbre Burgtheater de Vienne, sans avoir le moins du monde été inquiétés.

Cette dénonciation de l'irresponsabilité de l'artiste face à un régime totalitaire a valu à Elfriede Jelinek une campagne de diffamation sans pareille. "Plus que jamais, je suis persona non grata dans mon propre pays. On m'a même traitée de criminelle", a-t-elle déclaré.

Informée qu'elle avait été distinguée par le Nobel, sa réaction a été à l'image de sa réputation: le prestigieux prix de l'Académie suédoise qui vient de lui être décerné ne doit pas être considéré comme "une fleur à la boutonnière de l'Autriche", a-t-elle dit.

Agathe 08/10/2004 @ 18:51:55
Merci pour ses infos, elles donnent envie d'aller voir, peut-être même un titre à conseiller?

Ocenebres 09/10/2004 @ 18:41:24
Le Nobel de littérature à Jalinêk ! Et on la compare allègrement à Thomas Bernhard ! Honte au jury qui mélange les torchons et les serviettes.

Bernhard, une œuvre rigoureuse, profonde, âpre, fidèle, toute en cohérence comparée à celle d’une sorte de femme de ménage au chômage (plus maintenant avec un millions d’euros ! qu’elle n’ira pas chercher elle-même : trop malade !).

Hauts faits : elle a été inscrite au parti communiste !

Elle a manifesté contre Heider et ses nazillons !

C’est comme si on me remettrait une médaille du travail, si je n’étais pas handicapé, après trente ans de bon et loyaux services en usine en rappelant qu’en 73 j’ai manifesté contre le coup d’état au Chili.

Allez, un Nobel de littérature à une défonceuse de porte ouverte à coups de godemichés.

Laissons la parole à Bernard :

En parlant des écrivains :
Q. : Parfois, vous les insultez aussi, par exemple Handke, Canetti.

R. : Je n'insulte personne. Ce ne sont que des inepties. Presque tous les écrivains sont des opportunistes. Ils s'accrochent soit à la gauche, soit à la droite, défilent ici ou là, et ainsi de suite, ils vivent de ça. Que voulez-vous, c'est déplaisant, pourquoi ne pas le dire ? L'un exploite sa maladie et la mort et reçoit des prix pour ça, un autre se démène pour la Paix et au fond, c'est un type ignoble et stupide. Que voulez-vous ?

Je sais que j'ai lu "La pianiste", mais je sais aussi que j'ai tout oublié. Bernhard, par contre, non seulement je m'en souviens mais, cet hiver, re-lecture !

Kilis 09/10/2004 @ 22:04:23
Merci à Clarabel.
Merci à Ocenebres (avec une grosse réserve).
Deux avis divergents mais des infos sur 2 écrivains que je n'ai pas en core lu. je vais le faire.
La grosse réserve: ne t'est-il pas possible Ocenebres d'employer d'autres comparaisons que celle de "ménagère" quand tu veux dénigrer un auteur féminin? Ce genre de propos ne me convaincs guère si ce n'est sur ton profil.

Ocenebres 09/10/2004 @ 22:15:21
Merci à Clarabel.
Merci à Ocenebres (avec une grosse réserve).
Deux avis divergents mais des infos sur 2 écrivains que je n'ai pas en core lu. je vais le faire.
La grosse réserve: ne t'est-il pas possible Ocenebres d'employer d'autres comparaisons que celle de "ménagère" quand tu veux dénigrer un auteur féminin? Ce genre de propos ne me convaincs guère si ce n'est sur ton profil.


J'ai dit "femme de ménage" (au lieu de techicienne de surface) , je te prie de bien vouloir m'excuser car j'ai bien du respect pour ces personnes. Mais j'aurais pu dire pseudo-écrivaine. Ce truc m'a un peu énervé et dans ces cas là, il arrive qu'on oublie de se relire. Quand je vois les fautes ! Godverdome !

Sido

avatar 10/10/2004 @ 09:34:47
A lire "DES ARBRES A ABATTRE" de Thomas Bernhard, bien calé dans un fauteuil à oreilles.

Sido

avatar 10/10/2004 @ 10:09:48
Extrait "DE LA MALEDICTION D'ETRE AUTRICHIEN" de Hélène WEISHARD,enseignante à l'université de Metz.

"On ne peut imaginer Thomas Bernhard sans l'Autriche, ni l'Autriche sans Thomas Bernhard. De "Gel "à "Place des Héros", l'écrivain a en effet tenté de saisir la structure profonde de la société autrichienne en mettant en pièces l'image idyllique que celle-ci souhaitait donner d'elle même. Sous sa plume, l'Autriche se fait caricature, et ses habitants sont représentés comme d'ignobles catholiques, nazis de surcroît, complaisants envers le pouvoir et faibles de caractère. En polémiste impitoyable, Bernhard a réduit son pays à une série de stéréotypes outranciers, tout en se livrant à une analyse plus ou moins réaliste des phénomènes de société qu'il constatait. Si nombre de ses jugements font apparaître les contradictions qui sont les siennes et que l'on résume habituellement sous le terme de "hassliebe" - sentiment ambivalent où l'amour le dispute à la haine - l'analyse de ses discours sur l'Autriche dévoile également les constantes de sa pensée : ainsi, il condamne formellement le passé national-socialiste et ses résurgences dans la société contemporaine, il s'insurge contre toute forme de pouvoir qui aliène l'individu et dénonce la dérive des institutions autrichiennes qu'il croit observer. Pour mettre son pays en scène Bernhard se situe dans une perspective double , où l'Autriche est à la fois l'enjeu d'une critique sans complaisance et l'unique lieu de définition de sa propre identité. "

Un extrait qui à mon avis définit bien le travail de Thomas Bernhard.

Sido

avatar 10/10/2004 @ 10:54:38
Je ne connais pas bien l'oeuvre de Jelinek si ce n'est par le film " La pianiste" et la lecture d'une de ses pièces " Maladie ou femmes modernes" que j'ai trouvé très dificille (la lecture). Je pense que l'oeuvre d'un auteur qui "dénonce" et met en lumière les dérives d'un gouvernement, ne peut être que bénéfique. Mais Jelinek reste à mon avis difficilement accessible si ce n'est pour un public initié (dont je ne fais pas parite), Je préfère les "ressassements clairs" de Bernhard.

Sido

avatar 10/10/2004 @ 11:02:45
Pardon, je voulais dire "dont je ne fais pas parite" et non "partie"

Polouilems 15/11/2004 @ 14:28:28
Je ne me suis pas amusé en parcourant les contributions à cette discussion sur le dernier prix Nobel de littérature. Si l'article de Clarabel m'a instruit d'une multitude de choses dont j'ignorais tout, mais qui ne m'étonnent pas, certains propos extrémistes m'ont gâché mon plaisir, tut en renforçant mon opinion au sujet des écrivains "nationaux" et de toute littérature nationale en général. J'ai toujours eu le sentiment que la plupart des écrivains célèbres servaient de couverture en ce sens qu'ils servent à étouffer la littérature elle-même, du moins ce qu'elle recèle d'exceptionnel, qu'ils servent à étouffer toutes les questions importantes tout en donnant l'occasion à pléthore de dandies de remplir les pages des journaux de leurs propos prétentieux.
Ils parlent de tout et de rien, mais n'abordent jamais le fond du moindre problème. Ils ne décortiquent rien. Ils se contentent de compliquer des détails sans rien dire de profond. On fait état à leur sujet d'une profondeur dans la mesure même où ils échouent à atteindre un but de manière satisfaisante excepté celui de se vendre et de se faire connaître, de s'imposer comme une figure de proue parmi un public élitiste, privilégié et frileux. Ils se contentaient de les effleurer en se servant d'une prose carrée, ou encore léchée et maniérée.
Bernhardt ne m'a jamais intéressé, et Jelinek, hélas, m'était totalement inconnue jusqu'à ce jour. J'ai vu "La pianiste" au cinéma et mon émotion a été grande. C'est le seul film commercial récent que j'aie vu qui aie réussi à susciter en moi une pareille émotion. Mais pressé par le temps, je n'avais pas cherché à savoir qui était à l'origine de son scénario.
Le patriarcat imbécile et dévotement ethniste a préféré assommer son monde. Les redondances creuses et dénuées de portée à mes yeux d'un Bernhardt ont été portées aux nues et ont envahi les théâtres au nom d'une ironie somme toute plus bien pensante que réellement critique. La lucidité aérée qui dérange d'où qu'elle provienne a été vilipendiée. Bernhardt a probablement servi à étouffer, mais aussi à cacher à dissimuler une oeuvre qui avait fondamentalement besoin d'une autre sorte d'anonymat. J'ai encore à l'oreille les propos adorateurs qui n'ont eu de cesse de dresser un piédestal à Thomas Berhnardt, simple imitateur à mes yeux des Schnitzler, qu'on taxe d'écrivain psychologisant, et disciple de Musil, approfondissant quelque peu les thèmes élaborés par ce dernier, sans avoir bien sûr jamais réalisé quoi que ce soit de comparable aux "Désarrois de l'élève Toerless" par exemple. Je n'en avais jamais saisi les raisons toutes plus évanescentes les unes que les autres.
L'orgueil nationaliste fait tache d'huile. Tous les écrivains nationaux se ressemblent. Tous les jounaleux nationaux soutiennent des écritures nationales. Nul n'est besoin de départager Thomas Bernhardt de Elfriede Jelinek. Laissons Bernhardt aux Autrichiens. La littérature mondiale qui ne fait pas de différences, elle, et qui vaut pour d'autres peuples sur Terre que l'Autrichien n'a pas les moyens de s'encombrer de ses bavardages nombrilistes.

Sido

avatar 22/11/2004 @ 19:32:43
Polouilems, ce n'est pas parce que Thomas Bernhard se baladait souvent en costume national qu'il était pour autant un écrivain national autrichien avec tout ce qui s'y rattache de péjoratif.

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