Shelton
avatar 15/02/2020 @ 09:52:06
Indiscutablement, j’ai été profondément marqué par la disparition du scénariste et coloriste de bandes dessinées Hubert. La relation entre journaliste et auteur est une relation délicate qu’il n’est pas simple de définir et qui s’entretient avec le temps, de rencontre en rencontre, de lecture en lecture, mais aussi de confidence en confidence… Oui, je peux dire, avec simplicité, que cet homme, Hubert, était bien devenu un ami. Plus d’une fois nous avons parlé et échangé en toute confiance et c’est ce que je garde au fond de moi…

Je peux aussi rappeler qu’il a toujours eu la gentillesse d’accepter d’être interviewé par certains de mes étudiants et c’est ainsi – liste non exhaustive – que Pauline, Charline, Roxane ont pu rencontrer ce grand de la bande dessinée…

Alors, pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore et qui n’ont jamais lu d’ouvrage d’Hubert, il m’est très difficile de vous conseiller un livre par lequel commencer… Certes, la série extraordinaire des ouvrages réalisés avec Bertrand Gatignol – Petit, Demi-Sang et Le Grand-Homme – me semble incontournable mais j’ai envie de commencer par l’ouvrage difficile et exigeant mais qui dit beaucoup sur Hubert… Alors, ouvrons La nuit mange le jour…

Il s’agit d’une bande dessinée perturbante et, comme on dit généralement, réservée à un public averti… Tout cela étant posé, il est temps d’entrer dans cette histoire et dans la vie de ces personnages… Au départ, si on peut dire, une simple rencontre et une aventure sexuelle entre deux hommes, Thomas et Fred. C’est bien raconté, explicite, bien dessiné… mais attention, malgré les apparences, il ne s’agit pas à proprement parler d’un récit érotique ou pornographique… de toute évidence, le projet est différent et il faut passer au-dessus de cette première impression pour entrer dans une histoire complexe proche d’un thriller psychologique…

Si on a parfois l’impression d’être dans un conte – on peut penser au Petit chaperon Rouge, à Barbe-Bleue, à des récits d’ogres ou à des histoires plus sexuelles de domination – très vite on se sent plus dans un roman noir, une histoire oppressante, une affaire qui pourrait bien être criminelle… Où est passé l’ex de Fred, qu’est-il devenu et que sont ces reliques cachées que Thomas découvre par hasard et curiosité ?

Une histoire lourde, cruelle et tendue mais si bien construite que le lecteur ne peut qu’aller jusqu’au bout même quand c’est rude… Une narration graphique – celle de Burckel – qui est magnifique dans son réalisme, sa cruauté, sa manipulation du lecteur… Franchement, quand on termine la lecture, il y a comme un temps de digestion et de silence qui s’impose pour que tout cela puisse venir s’installer dans notre mémoire…

Je dois avouer qu’Hubert sait surprendre ses lecteurs et qu’à chaque projet il est accompagné de dessinateurs de qualité. Pour moi, chaque lecture fut un moment de plaisir et même si le sujet peut en surprendre certains, je ne peux que vous conseiller ce « La nuit mange le jour », avec bien sûr le conseil incontournable, « Pour lecteurs avertis ».

Mais je reviendrai vous parler d’autres ouvrages d’Hubert même si j’ai voulu commencer ce rappel par un ouvrage qui n’est pas grand public, qui est exigeant mais d’une force incroyable tout en révélant Hubert en profondeur… D’ailleurs, c’est après cet ouvrage que nous avions eu une grande et belle discussion…

Quel bonheur d’avoir croisé sa route…

Shelton
avatar 16/02/2020 @ 09:19:18
Deuxième hommage sincère, amical et plein de tristesse malgré tout à mon ami Hubert… Il y a quelques mois, à l’occasion du festival Quai des bulles de Saint-Malo, je rencontrais Gaëlle Hersent, dessinatrice du Boiseleur, bande dessinée scénarisée par Hubert…

Il y a quelques années, j'avais été séduit par le graphisme de Gaëlle Hersent lors de la parution de ce roman graphique étonnant, Sauvage. Je l'avais reçue dans mon émission Le Kiosque à BD et je ne savais pas sur quoi elle travaillait depuis... Puis, quelques semaines avant Saint-Malo, la réponse est arrivée d’un seul coup… Elle venait de dessiner Le Boiseleur, un magnifique album…

La nuit qui a suivi son arrivée chez moi, j'ai dévoré Le Boiseleur, du moins le premier tome de cette histoire écrite par Hubert et dessinée par Gaëlle Hersent. On ne devrait pas l'ouvrir comme une bande dessinée classique mais comme un conte raconté, magistralement raconté, par la bande dessinée...

Les mains d'Illian, titre de ce premier volume, m'a secoué, touché, ému, bouleversé... C'est magnifique ! J'ai adoré ! J’ai été très heureux de rencontrer quelques jours plus tard Gaëlle Hersent à Saint-Malo et j'espérais bien croiser Hubert pour lui dire tout le bien que je pensais de cette histoire... mais cette dernière rencontre n’aura finalement pas eu lieu…

Cette histoire de la transmission, de la confiance, de l’art, de la perception de l’art par les autres, de la poésie de la vie… de la vie tout simplement, est une grande histoire devenue avec les mains de Gaëlle Hersent une grande bande dessinée…

Une seule angoisse m’habite maintenant : un tome 2 était prévu et Hubert a-t-il eu le temps de donner tous les éléments à Gaëlle ? Aura-t-elle le courage de finir cette histoire ? Ce merveilleux joyau dessiné aura-t-il la possibilité d’aller à son terme ?

Bien sûr, je reviendrai sur cet album et son éventuelle suite mais si vous voulez vous faire plaisir ou offrir une petite merveille... Je n'en dis pas plus ! C’est le Boiseleur de Hubert et Gaëlle Hersent…

Quant à Hubert, son souvenir continuera à habiter nos lectures et c’est l’essentiel… Le garder vivant dans nos mémoires…

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