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Martin1

avatar 23/09/2019 @ 06:01:24
Ne cherchez pas de subterfuge d’auteur, dans ce texte écrit cette nuit (j’arrive pas à dormir) il n’y a que de l’authentique, c’est chaud dans ma tête et j’avais besoin de le faire sortir… .

Constat : Mon rendez-vous avec I., qui a duré presque toute la journée, m’a déçu.
Explication : Qu’on se le dise, je n’ai pas eu la tâche facile. Dans l’ensemble, elle laissait nos discussions mourir de leur belle mort alors que dans les sujets que j’abordais il y avait un horizon illimité de débouchés passionnants. C’est officiel, I. n’a pas de culture historique ; et surtout, elle n’a aucune envie d’en avoir une. Pour moi, qui mourrais de ne pas pouvoir parler d’Histoire, cohabiter avec cette personne m’est totalement impossible. J’aurais largement préféré qu’elle ait des opinions, mais contraires aux miennes : on aurait débattu.
Ce n’est pas qu’elle soit hostile aux raisonnements ou à la réflexion en général, mais c’est qu’elle les écarte dès lors que ces raisonnements font intervenir des éléments de culture générale, qu’elle ne possède pas. Au lieu de chercher à les découvrir, elle en retire peut-être l’impression d’être dépassée et reste à mi-chemin, refusant de s’aventurer à parler de ce qu’elle ne connaît pas. Mélange de sagesse et de frilosité, disons.
Son frère était ouvert, curieux, intéressé par de nombreux sujets y compris l’Histoire. Mais elle, rien. Pas l’ombre d’un intérêt. J’avais l’impression que chaque nouvel étalage de ma culture générale (au détour d’une phrase) me faisait baisser dans son estime. J’ai reçu cela comme une condamnation expresse à mon encontre ; car ma quête intellectuelle de vérité est le cœur même de ma manière d’appréhender et d’aimer le monde. On me reproche parfois d’être intellectuel, mais autant me reprocher d’être moi.
En plus, dans la journée, on a visité des endroits – avec un potentiel de discussions historiques ahurissant – (endroit assez connu, en fait, mais bref) et à peine ai-je pu lui faire parler d’un crin de cheval de carrosse, c’était son maximum.
Je ne crois pourtant pas avoir été pédant ; je n’ai jamais été bien loin dans mes idées, pour ne pas risquer de la perdre. Honnêtement, je me retenais. J’ai toujours pris en compte sa manière d’éloigner un sujet de discussion qui ne lui convenait pas ; j’en cherchai alors d’autres, peut-être plus à sa portée. Histoire, plouf. Voyages, plouf. Romans, plouf. Il m’a fallu deux heures – complètes – avant de trouver une brèche. Je me suis engouffré dedans comme la Bièvre dans les égouts de Paris. Les sujets qui l’intéressent touchent la religion et la psychologie. Alleluia ! La quête de sens, la foi, le service aux malades, aux handicapés, l’apostolat, la théorie des humeurs, les différences entre hommes et femmes, voilà des choses qui lui parlent. Je lui ai découvert une espèce de catholicisme bétonné qui m’a un peu surpris. Aux yeux de Dieu, cette fille doit être une vraie forteresse.
Pour moi aussi, mais j’étais plutôt dans le rôle de l’assaillant, et je confirme : la forteresse est imprenable.
Vous allez me dire : bah, toi qui est catho, alors ! Bah oui, j’ai cru, moi aussi, que ces histoires de religion m’auraient rapproché d’elle. Mais c’est plus compliqué. Que voulez-vous, elle vit dans le concret ; et moi dans l’abstrait. Même en matière de religion, le fossé n’était pas vraiment remblayé. Pas question de parler théologie – j’avais renoncé à ces trucs spéculatifs. J’ai voulu parler de choses qu’elle aime, genre son entourage, ce qu’elle fait dans la vie, sa famille, etc. L’atmosphère s’est détendue, je crois, et enfin la conversation ressemblait à quelque chose. Elle s’est mise à parler, et du coup je l’ai laissée dire, sans pouvoir toujours intervenir. A ce moment-là, je l’ai trouvée vraiment intelligente. Mais ce moment venait bien tard. J’aurai dû commencer par là depuis le début, c’est sûr, mais je l’avais déjà fait la dernière fois qu’on s’était vus, alors je ne regrette pas d’avoir essayé autre chose cette fois-ci.
Fait tout à fait significatif, je n’ai pas réussi à la faire rire – chose assez indispensable pour faire boire mes démonstrations grandiloquentes et parfois un peu ridicules à quelqu’un qui n’y est pas habitué. Là, c’était carrément la cure – elle n’a eu ni les démonstrations ni les blagues. Je lui ai décroché quelques sourires, mais de manière tellement involontaire que je me demande si ça aurait fait pareil si je lui avais marché sur le pied ou un truc du genre.

Elle m’a donné quelques signes positifs – à la fin de la journée, elle m’a dit que la prochaine fois que je passais à |…| un week-end, je ne devais pas hésiter à la contacter – quoique c’était sûrement sa manière d’être polie. Mais j’ai essayé de totaliser les signes encourageants, ça ne dépasse pas deux ou trois. En tout cas, je lui ai envoyé un message pour la remercier de l’après-midi, et je me heurte à une absence de réponse. Ça viendra demain, j’imagine – mais bon.

Bilan : Je ne pense pas avoir commis de faute majeure ; j’ai été moi à 100%, elle a été elle à 100%, et on s’est retrouvé sur une intersection qui devait représenter, allez, 4 ou 5% de nos terrains de chasse respectifs. D’où la déception. Je suis atteint parce que je m’étais un peu investi pour obtenir son contact, ce qui m’a donné l’impression d’être un cycliste qui aurait fait cahin-caha une étape du Tour de France, mais à qui on aurait refusé une bouteille d’eau à l’arrivée. C’est un peu frustrant.
Je suis atteint aussi parce que j’ai de l’estime réelle pour elle, et cela m’agace de voir que la communication est à ce point bourrée d’interférences ; elle me donne l’impression d’être un gars « spécial », ou « un peu bizarre », voire « dans mon monde » (comprendre quelque part, là-bas, sur une île où je parle avec les rochers). Peut-être que de son point de vue, suis-je chiant comme la pluie. Chiant comme la pluie, peut-être, répondrai-je, mais heureusement pas né de la dernière. Je m’en remettrai, mais je dois laisser le temps à tout ça de sortir de ma tête… .

Vince92

avatar 23/09/2019 @ 11:22:44
aïe...

Que c'est difficile de trouver l'âme soeur. Et quand on songe que les personnes évoluent avec le temps...cette quête de l'âme soeur pour la vie relève de la gageure.

Saule

avatar 23/09/2019 @ 13:42:30
Martin, ton compte rendu est bien écrit et attire la sympathie.

A te lire je trouve que tu as un peu exagéré avec cette sympathique personne. Ta passion pour l'histoire et la théologie c'est très bien mais ça ne doit pas être nécessairement partagé par une âme soeur, ça peut rester ton jardin privé. Il y a beaucoup de couple ou l'un des deux possède l'amour pour les livres par exemple, et pas du tout l'autre. Parfois un est intro--verti et l'autre pas, et c'est vrai que ça peut créer des grosses incompréhensions.Mais pas au point de servir de critère pour rejeter une personne. C'est la même chose pour la foi : j'ai des amis dont l'un est très croyant et l'autre pas du tout, ça marche bien entre eux. Dieu appelle une personne seule, pas un couple

Et puis tu dis "Les sujets qui l’intéressent touchent la religion et la psychologie. Alleluia ! La quête de sens, la foi, le service aux malades, aux handicapés, l’apostolat, la théorie des humeurs, les différences entre hommes et femmes". Ben ça fait déjà un énorme point de rapprochement je trouve : la quête de sens peut se faire de différentes manières. Elle est plus branchée sur le concret, l'aide aux malades, et toi sur l'intellect, soit mais ce n'est pas plus mal à mon avis.

Et puis si tu as fini par l'intéresser en la laissant parler de ce qu'elle aime, de sa famille, de sa vie, c'est très bien. En fait tu aurais du commencer par ça, c'est quand même beaucoup plus important pour faire connaissance que de parler de théologie spéculative :-) A moins que tu ne veuilles être pasteur et que tu cherches une épouse qui sera aussi pasteur !
.

Martin1

avatar 23/09/2019 @ 20:27:50
Oui, Saule, je crois que tu as bien résumé... au fond, j'ai une difficulté à faire passer toutes mes passions au second plan, à en faire un jardin privé comme tu dis. Je trouve ça difficile. Je crois que c'est ça, en définitive, le grain dans la machine qui fait tout bloquer.

Fanou03
avatar 28/09/2019 @ 21:47:14
C'est touchant de nous livrer ce passage de ta vie, comme tu aurais pu le faire dans un journal intime. On sent toute l'importance que tu accordes à la Raison, je te reconnais bien là si j'ose dire d'après les échanges que tu as pu avoir ici !

Je rejoindrais Saule: c'est sans doute plus au cœur de cette jeune personne qu'il faut parler, plus qu'à son esprit ...

Arundhati
avatar 07/10/2019 @ 17:08:26
Chercher l'âme soeur est le meilleur moyen pour ne pas la trouver...
Je ne sais plus qui a dit cela, mais on est tellement plein de "communication" qu'on finit par s'imaginer qu'elle est toujours possible, voire souhaitable.
Et pourtant, c'est tout bête : on ne s'intéresse pas à tout le monde, comme on n'intéresse pas tout le monde.
La déception ( frustration ?) est compréhensible, mais "l'investissement pour obtenir son contact" fait aussi peser un poids, formalise la relation.
Ne rien attendre et être surpris, ce peut être aussi une option...

Frunny
avatar 07/10/2019 @ 19:02:16
Chercher l'âme soeur est le meilleur moyen pour ne pas la trouver...
Je ne sais plus qui a dit cela, mais on est tellement plein de "communication" qu'on finit par s'imaginer qu'elle est toujours possible, voire souhaitable.
Et pourtant, c'est tout bête : on ne s'intéresse pas à tout le monde, comme on n'intéresse pas tout le monde.
La déception ( frustration ?) est compréhensible, mais "l'investissement pour obtenir son contact" fait aussi peser un poids, formalise la relation.
Ne rien attendre et être surpris, ce peut être aussi une option...



Tellement plein de sagesse !
Tout comme la jalousie.
Quand tu comprends que les êtres humains ne "s'appartiennent pas " les uns les autres.... la jalousie n'a plus sa place.

Martin1

avatar 08/10/2019 @ 19:20:49
Merci pour vos messages.
à Fanou : oui, je suis dans les forums comme je suis dans la vie, passionné par les sciences, par la quête de sens et de vérité, par la lecture d'auteurs à qui je crois ressembler ou qui ont essayé d'autres chemins que le mien. J'en parle volontiers - à qui veut m'écouter.

à Arundhati : tu dis "on ne s'intéresse pas à tout le monde, comme on n'intéresse pas tout le monde".
Cette phrase me parle beaucoup, c'est exactement ça, ce que j'ai expérimenté (ci-dessus). Et je trouve ça bien de le dire ainsi, de façon crue.
Ne rien attendre, et se laisser surprendre, ça sera donc mon programme pour la prochaine fois sûrement ;-)

Tistou 05/12/2019 @ 10:11:27
Hé Bé ! What a thérapie !
Oui parce qu'il s'avère bien qu'il ne s'agit pas d'un pur texte de fiction ? Alors une thérapie par l'écrit, couché par écrit ce qui nous empoisonne pour l'expédier au loin, très loin ...
Je serais bien en peine pour autant pour donner un avis sur une conduite à tenir. Je me contente d'une espèce de solidarité par la lecture. Et c'est bien la fonction de Vos Ecrits, en quelque sorte ?

"Je lui ai décroché quelques sourires, mais de manière tellement involontaire que je me demande si ça aurait fait pareil si je lui avais marché sur le pied ou un truc du genre."

Quand même !

Magicite
avatar 12/01/2020 @ 08:05:32
j'avais lu ce texte à sa parution.Pas commenté car je ne savais que dire perdu dans des entrevues et déceptions semblables et dissemblables et nombreuses ces derniers temps.
Je ne sais que dire mais quelle histoire.
Ou peut-être le bonheur (que j'étends à autre chose que la seule recherche du plaisir) c'est si simple et compliqué... qu'aller à et rencontrer l'autre c'est aussi savoir lâcher prise, perdre le contrôle, perdre qui on est. Enfin tout ça c'est le fruit d'un long travail et de réflexions encore plus incertain que j'ai beau le penser je ne sais l'appliquer.
Mais certes à chacun ses règles. Je lisais un roman (je ne sais plus de quoi d'autre ça parlais ni le titre) où il était question de décrire l'amour comme trouver en l'autre ce qu'on à pas en soi.
L'a contrario de qui rassemble s'assemble. Après la vie est fluide, les taoïstes (qui n'ont pas plus raison ni tort que les chrétiens mais sont plus versé dans le rigolo) décrivent et voient chaque instant comme un mouvement de la nature... à nous de trouver la vague à suivre qui ne sera pas à contre courant alors.

@Tistou:
Oui le rôle de 'Vos Ecrits', le rôle aussi de l'écrit quand on considère l'auteur et son texte.
Un partage, peut-être une excuse à la catharsis et aux muses car bien entendu ce sont nos motivations(ou démotivations) qui font les textes de chaque auteur, un message pour l'écrivain entre lui et la feuille qui deviens plus cohérent que la pensée et le ressentit que l'on peut exprimer et donne au monde nos(nous amoureux de la lecture) précieux artistes.

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