Martin1

avatar 27/06/2019 @ 10:34:01
Athénaïs Olsen, ô amour de ma vie,
Il y a en ce monde bien des choses étranges. Mais dans l’échelle de l’étrangeté ta mesure les dépasse. Pourquoi m’es-tu si proche alors que nous ne nous sommes jamais touchés ? N’ai-je pas pourtant, tout fait pour te créer ? Est-ce ma faute si tu n’existes pas ? L’essence se partage entre moi et l’univers. Je t’ai cherché, à l’ombre des saules ; les fleurs d’épines qui couronnent ta tête ne brillaient pas sous la ramée. Nul vestige de tes pas ne sillonnait le layon. Nulle part ta voix, pourtant si délicatement voilée, ne soutenait le chant des cygnes. Où pouvais-je humer le nard et l’amome, que tu révélais sur ta si douce peau ? Et tes cheveux, dans quelle rivière les baignais-tu ? J’ai remué trop d’écailles dans l’empyrée des monstres. Si tu n’es pas dans l’univers, c’est donc que tu es en moi. Et voilà que je te cherche dans mes entrailles en feu.
Ô petite Athénaïs, pourquoi veux-tu que je te dispense tant de conseils ? C’est depuis Sodome que tu m’appelles. Ce monde n’aura pas de compassion, ni pour moi qui suis fait de chair, ni pour toi qui est faite d’énigmes.
Je ne vis pas pour moi. Vivre pour soi est une comédie. On ne sait jamais ce qui attend le guetteur de nuit ; mais l’inconnu est notre raison de vivre. « Réussir sa vie », voilà un mot bien facile ; mais une vie ne se réussit pas. Elle ne s’échoue pas. Une vie se consacre, une vie se donne. C’est bien pour cela que les catholiques sont si souvent raillés ; et pourquoi eux-mêmes se mordent les doigts de leur propre idéal. Car ils comptent pour bagatelle tout ce qui n’est pas donné. Tout ce qui n’est pas donné est perdu. L’individu jouisseur est un membre inutile ; seul le serviteur pourra s’élever, seul le sang du sacrifice sera le germe de l’arbre. Et maintenant que je suis vaincu, maintenant que je suis prêt à te donner ma vie, que je m’apprête à m’immoler, voilà que tu m’échappes ? Voilà que tu refuses de m’apparaître ? Mais à quoi sert un autel vide ?
Les poèmes que je t’écris n’ont pas d’adresse. Je les laisse dormir sur mon chevet ; et après les avoir relus trois ou quatre fois, je songe à ce qu’ils provoqueraient, s’ils étaient lus par toi. Tes charmes manquent à ma solitude. Comment t’aimer, si je ne puis te toucher ? Comment t’épouser si je n’ai ton consentement ? Comment te parler s’il n’y a pas, pour me scruter, ton troublant regard de braise ? Transmettre la vie par amour d’elle-même, transmettre la vie par mépris de soi-même, ce n’est pas là une ambition moderne. Et pourtant c'est la mienne, pauvre reliquat des ténèbres médiévales. Moi, je vivrai cinquante ans ou cent ans, autant dire une seconde. C’est bien court pour faire voyage. Alors pardonne ma faiblesse: je préfère les courses de relais.
Il y a de la vie, qui suinte, qui s'oublie en moi. Voilà que mes ancêtres tombent à leur tour. Laissons les morts enterrer leurs morts, disait le Christ. C’était moi. Je suis ce mort qui enterre son mort. Athénaïs, cherche-moi, trouve-moi. Reçois mon âme, distribue là aux quatre vents, veille sur moi, et quand viendra l’heure, meurs avec moi, toi qui est dans ma tête ; nos enfants morts nous enterreront ; alors, et alors seulement, nous commencerons de vivre.

Fanou03
avatar 27/06/2019 @ 11:17:36
Beau texte sur un amour rêvé, fantasmé même, par un poète malheureux et mélancolique. Ton texte évoque pour moi Martin, quelque part, le Sonnet de Félix Arvers, que tu connais peut-être:

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas ! j'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.

À l'austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle
" Quelle est donc cette femme ? " et ne comprendra pas.

Lobe
avatar 05/07/2019 @ 15:58:28
J'aime toujours beaucoup tes textes: celui-ci ne déroge pas. On dirait le chant du cygne d'une vieille âme, qui n'aurait pas trouvé sa Belle au bois dormant, celle qui n'existe pas. Celle qui existe, c'est celle qui dynamitera tout, tous les autels, toutes les références, toutes tes entrailles en feu, poète.

Martin1

avatar 09/07/2019 @ 22:39:17
@ Fanou : merci pour ce sonnet qui parle bien, je trouve, de l'écart malheureux qui sépare celui qui aime et celle qui est aimée.

@ Lobe : Merci pour ton commentaire. Oui, c'est le récit d'une quête impossible de l'amour, et aussi la frustration de quelqu'un qui aurait aimé transmettre de la vie à travers sa propre semence ; il redoute de n'être au fond qu'un "mort qui enterre son mort", c'est-à-dire, la fin d'une vieille lignée.

Tistou 13/08/2019 @ 05:57:05
Texte dense et passablement abscons. Ca me parle peu même si je reconnais le travail effectué pour le réaliser.
Non je ne rentre pas dedans ...

Felixlechat

avatar 24/08/2019 @ 02:48:09
Pas mal tout de même.

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