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Cyclo
avatar 07/05/2019 @ 08:38:28
L’amitié

À dix ans, le petit Jacques n’avait encore jamais connu la solitude ni l’amitié ; ses frères et sœurs, sa grand-mère, le cocon familial empli d’affection, lui suffisaient amplement. Il n’était pas sauvage pourtant, mais ils habitaient un village éloigné de tout. On y vivait en milieu clos.

L’entrée en sixième entraîna un changement brutal : Jacques et son frère aîné Paul – Jacques, ayant sauté une classe, l’avait rattrapé – furent mis en pension à l’internat du lycée de la Préfecture. Ils découvrirent les immenses dortoirs, la brutalité des grands élèves (mais Jacques en fut préservé par la protection de Paul, costaud et sportif), les réfectoires bruyants, le promenades du jeudi sous la direction des pions, la peur parfois, mais aussi les jeux et surtout l’amitié.

Jacques eut un coup de foudre pour André. Ce dernier, du même âge que Paul, était plus grand. Fils unique, élevé en France loin de ses parents qui travaillaient en Afrique noire, André était un grand solitaire, féru de lecture, de cinéma, de grands espaces, il avait beaucoup voyagé, ne sortait pas du lycée en dehors des vacances scolaires, dessinait très bien et, doué d’une folle imagination, savait raconter. Il racontait les livres qu’il avait lus, les films qu’il avait vus, les palmiers et les cocotiers, les lagunes et les paquebots.

Ils devinrent inséparables. Bientôt Jacques sut tout de la vie antérieure d’André, si différente de la sienne, des paysages lointains, de la végétation et de la faune africaines – car tous les deux ans André allait passer les grandes vacances là-bas. Dans les cours de récréation, ils faisaient équipe dans les jeux à deux. À l’étude du soir, les devoirs finis et les leçons apprises, Jacques prit du goût à lire les livres de la bibliothèque dont André lui avait parlé ; au ciné-club du mercredi soir, ils se mettaient côte à côte.

André dessinait dès qu’il le pouvait. Toute l’étude admirait son coup de crayon, et souvent il dut reproduire à plusieurs exemplaires un de ses dessins pour ses condisciples, surtout quand ils reproduisait de tête une actrice de cinéma ou une scène de film.

L’hiver fut rude. La neige tomba en grosse quantité. André eut l’idée d’occuper la récréation de quatre heures à construire un igloo. Il expliqua la principe : faire des blocs de neige assez compacts, puis les assujettir les une sur les autres selon un certain angle. Une vingtaine d’internes y participèrent sous sa direction. Et ce fut incroyable, l’igloo fut terminé, avec sa petite porte où il fallait entrer à genoux et courbé. On pouvait tenir à cinq ou six à l’intérieur, assis. Il y faisait bon. Malheureusement les "grands" élèves le squattèrent pour y fumer en cachette des pions.

On se demandait comment André, surnommé "l’Africain", et quelquefois même "le nègre", en raison de ses nombreux séjours là-bas, qu’il racontait volontiers au Foyer le samedi soir, où les pensionnaires qui ne rentraient pas le dimanche chez eux avaient quartier libre, et Jacques aussi se demandait comment l’idée lui était venue de concevoir un igloo, qui d’ailleurs dura huit jours de plus que la neige alentour. Preuve de la solidité de sa construction. Et de l’inventivité de son auteur.

Grâce à André, Jacques acquit le goût du cinéma, de la lecture, de la rencontre de l’autre, de l’amitié durable. Une fois étudiants, ils se retrouvèrent et se lancèrent les week-ends dans des randonnées à bicyclette que Jacques, resté timide, n’aurait jamais envisagé de faire seul. Jacques savait que la vie pouvait être rêvée, car André la traversait comme un songe.

Cyclo
avatar 07/05/2019 @ 10:46:50
vacances scolaires, évidemment, mais je ne sais pas comment corriger.

Ludmilla
avatar 07/05/2019 @ 16:42:11
vacances scolaires, évidemment, mais je ne sais pas comment corriger.
C'est corrigé

Cyclo
avatar 07/05/2019 @ 17:39:51
Merci : y a des fautes qu'on ne voit pas sur le moment, qu'à la énième lecture !!!

Lobe
avatar 11/05/2019 @ 17:49:56
Un rêve bien incarné alors! Je me demande, Cyclo, si tu écris à partir de ton vécu, ce type de texte? Ils sont doux à lire, par un samedi venteux.

Tistou 15/05/2019 @ 10:54:19
Même question que Lobe. Ca a du corps, il y a des éléments mais, finalement, n'aboutissent pas à une chute d'histoire. D'où l'hypothèse qu'il s'agirait davantage d'une relation d'un vécu ?

Cyclo
avatar 25/05/2019 @ 18:48:17
Oui, c'est inspiré de mon vécu de pré-ado... Et de ma rencontre avec les livres, finalement ! Grâce à mon copain...

Felixlechat

avatar 26/05/2019 @ 03:55:00
Ils sont sympas les copains avec leurs vélos et trottinette. Charmant écrit.

Pieronnelle

avatar 27/05/2019 @ 17:38:20
Et moi j'aimerai bien une suite...l'amitié c'est souvent le départ de tant de choses dans une vie...et j'aime beaucoup ces deux garçons...

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