Pieronnelle

avatar 06/09/2018 @ 12:10:05
"Quand j’entends faire une distinction entre migrants victimes de la guerre, victimes politiques, victimes économiques, victimes climatiques… je voudrais quand même préciser qu’en fait il s’agit bien de victimes humaines d’une situation complexe où tous ces aspects jouent un rôle ! Alors, sommes-nous encore humains pour accueillir et partager ce qui ne nous appartient pas à titre individuel mais bien au titre de l’humanité… Eau, air, terre…"

Ah Shelton tu permets que je t'embrasse ! J'en ai les larmes aux yeux de tant de vérité ! Merci

Pieronnelle

avatar 06/09/2018 @ 12:28:37
Vraiment passionnante ta chronique sur "Les bijoux de la Castafiore" , j'ai hâte de le lire ...moi qui n'ai jamais lu Tintin...

Vince92

avatar 06/09/2018 @ 13:41:43
Vraiment passionnante ta chronique sur "Les bijoux de la Castafiore" , j'ai hâte de le lire ...moi qui n'ai jamais lu Tintin...


come on...

Shelton
avatar 06/09/2018 @ 22:10:36
Merci les amis pour vos posts, et,surtout, bonne lecture des "bijoux de la Castafiore" !

Shelton
avatar 07/09/2018 @ 06:07:58
Vendredi 7 septembre 2018

Oui,la chronique est longue, mais parfois il faut savoir prendre le temps de dire tout ce que l'on pense...Non?

Toujours dans le cadre de l’arrivée d’une exposition sur Hergé et son « petit reporter », mais aussi parce que l’été c’est fait pour lire, il est temps de retrouver L’étoile mystérieuse, un album que j’ai beaucoup aimé dans ma jeunesse avant d’en comprendre, d’ailleurs, tous les rouages…

Une ville qui étouffe tant la chaleur est forte, les rats qui fuient à la recherche de la moindre fraîcheur, des pneumatiques de voitures qui explosent soudainement, le goudron qui commence à fondre, les plantes d’appartement qui meurent, et, enfin, un illuminé qui se prend pour un prophète et annonce la fin du monde… Il ne s’agit pas pour moi de prévoir l’avenir, de vous présenter de nouvelles théories sur le réchauffement de la planète mais bien de vous présenter un album des aventures de Tintin, L’étoile mystérieuse. Et dans cet épisode, tout commence avec des scènes que l’on aurait pu croire d’aujourd’hui alors que c’est en 1942 qu’Hergé l’écrivit…

On peut tout de suite préciser que c’est le premier album qui parut directement en couleur, qui a été conçu pour le format que l’on connaît pour les Tintin, les fameuses 62 pages. C’est banal pour les lecteurs d’aujourd’hui, mais ce fut une révolution, et très rapidement, Hergé et ceux qui vont, dès lors, travailler avec lui dans cette ébauche des studios Hergé, vont présenter au public des nouvelles versions des épisodes précédents, en couleur, certes, mais souvent entièrement repris et corrigés. C’est la naissance du style Hergé, de cette narration minimaliste – tout est dit et dessiné pour raconter une histoire, et tout ce qui est inutile à la narration est ôté – qui va bientôt porter le nom de ligne claire et dans laquelle s’illustreront de nombreux auteurs dont on retiendra, comme génie de ce mode narratif et graphique, Ted Benoît. Mais revenons à l’album…

Qui en est la star ? Oui, qui est l’étoile, dans cet album des aventures de Tintin ? Une étoile ! Mais elle est tout simplement mystérieuse… Nous allons voir cela ensemble, mais si c’est une étoile, la surprise ne sera pas longue… car, en effet, les étoiles sont présentes dès le début d’album et comme ce sont les stars, Tintin nous les montre et il n’est là que comme faire-valoir… Il est presque toujours de dos dans la première planche de L’étoile mystérieuse et il invite Milou à observer ces merveilles du ciel… Le pauvre Milou ayant levé la tête, s’étant cogné à un lampadaire, va en voir des étoiles, le pauvre… Mais c’est bien la preuve que Hergé est, en fait, très organisé et méthodique. Chaque épisode, ou presque, commence par un fait banal, ordinaire, qui donne la possibilité de plonger dans l’aventure… Tintin aperçoit une nouvelle étoile, une nouvelle venue qui s’est installée avec les habituelles de la Grande Ourse… et donc il va vouloir aller à l’observatoire pour en savoir plus… Car Tintin est un véritable curieux, ce qui l’entraîne souvent dans des histoires très mouvementées, ce qui va être encore le cas cette fois-ci…

Cette aventure est aussi, à mon avis, très bien construite et elle va avoir pour cadre les trois dimensions. Tout d’abord, elle est divisée en trois parties assez équilibrées. Une première préhistoire, celle qui va se passer à terre, où tous les éléments se mettent en place… Une deuxième, en mer, ce qui donne la possibilité au capitaine Haddock, qui n’est arrivé dans la vie de Tintin que dans l’album précédent, Le crabe aux pinces d’or, de reprendre un commandement et d’affronter les mers déchaînées, « Une tempête ? Mais non. Un simple coup de tabac… ». Enfin, une troisième partie sur l’île elle-même, qui donnera l’occasion à Tintin de prendre les airs car le dernier déplacement, l’ultime mouvement vers cette île mystérieuse, s’effectuera en hydravion… Une histoire qui donc permet à Tintin de montrer qu’il n’est pas juste un petit journaliste mais bien un grand reporter, si on prend les mots d’aujourd’hui, et qu’il n’a peur de rien, ni des méchants, ni des éléments, ni de la fin du monde…
Quoique, pour ce dernier aspect, je suis un peu plus prudent. Dans Tintin, on ne meurt pas et donc l’angoisse de la mort d’Hergé ne transpire pas sauf dans quelques rares occasions. On peut se souvenir de la disparition de Tchang, l’ami de Tintin, qui angoisse tellement le héros qu’il se lance dans la très haute montagne pour sauver son ami d’une mort certaine…

Là, dans L’étoile mystérieuse, nous voyons Tintin apprendre d’un savant que la fin du monde est pour demain… Notre jeune homme est alors complètement écrasé par la nouvelle, il déprime, il ne sait plus quoi faire… « La fin du monde, Milou ! La FIN du monde ! La fin du MONDE ! Comprends-tu Milou ? »… Il est tellement abattu, que lorsque les faits donnent tort à la science – simple erreur de calcul ! – il sort de chez lui et crie dans la rue comme un fou ! « Hourrah ! Hourrah ! Ce n’est qu’un tremblement de terre ! … » Ce qui provoque la surprise des passants qui eux vivent un tremblement de terre qui semble avoir beaucoup détruit…

Mais il est complètement normal de voir cette angoisse se mettre en place dans l’œuvre d’Hergé car au moment où il écrit nous sommes en pleine guerre mondiale… Alors, une fois n’est pas coutume, je vais vous montrer comment un auteur peut laisser découvrir certaines de ses idées, au travers d’un petit détail. En 1942, peu de personnes espéraient vraiment un débarquement des Américains pour sauver l’Europe… C’est le moins que l’on puisse dire ! Hergé est convaincu que c’est impossible – par idéologie ou pas, je ne répondrai pas à cette interrogation légitime mais délicate – mais dans l’album, il va mettre les Etats-Unis en échec de débarquement. C’est un tout petit quelque chose qu’il va enlever dès la deuxième édition. Les méchants, ceux qui veulent prendre de vitesse Tintin, pour prendre possession de l’île mystérieuse, nous y reviendrons, sont dotés d’une magnifique bannière étoilée qui sera remplacée pour les éditions futures par le drapeau d’un pays imaginaire, le Sao Rico… Mais ce n’est pas le seul détail que l’on peut retenir de cet album concernant les idées d’Hergé, ces idées qui l’on met régulièrement au cœur des débats, à juste titre dans l’absolu, je le reconnais… Oui, deuxième élément, avant de revenir à l’histoire elle-même, il semble intéressant de se pencher sur le cas d’un des responsables des méchants, le banquier qui tire les ficelles de la machination anti-Tintin… Son nom est Blumenstein ! Oui, c’est un juif américain qui lutte contre Tintin, Tintin qui lui est soutenu par l’Europe, mais à cette époque, de quelle Europe s’agit-il ? Dans la version définitive, celle que l’on peut trouver en librairie aujourd’hui, les Etats-Unis sont remplacés par le Sao Rico, Blumenstein par Bohlwinkel, mais je pense qu’une présentation complète de cet épisode de L’étoile mystérieuse devait aborder ces faits moins favorables à l’auteur. C’est pour cela que je m’annonce toujours comme tintinologue et non tintinophile… Comme quoi les mots ont une importance… enfin, pour moi, c’est sûr…

Mais revenons à L’étoile mystérieuse. Un aérolithe vient de heurter la terre. Ce ne fut pas la fin du monde, heureusement pour Tintin, enfin pour Hergé, mais Calys, directeur de l’observatoire, vient de découvrir que cette masse extra-terrestre contient un métal inconnu. Il lui donne le nom de calystène et veut être le premier sur place pour le récupérer… Aussitôt une expédition se monte et voilà l’aventure qui se profile. Le bateau choisi par les Européens, commandés par Calys en personne, sera l’Aurore. Le commandement est donné au capitaine Haddock. Mais, reconnaissons que ce bateau ne donna jamais satisfaction à Hergé. C’est l’un des seuls qu’il a dessiné sans maquette, directement, sans aucun modèle. Il a avoué que probablement ce navire n’aurait jamais pu naviguer, affronter les tempêtes, croiser les icebergs, bref, il aurait coulé tout de suite… Heureusement, dans la bande dessinée, les problèmes techniques de cette nature n’ont pas trop de conséquences et le navire connaîtra seulement une petite avarie en fin d’histoire, une broutille.

Si on prend le temps de regarder le graphisme de L’étoile mystérieuse, on constate qu’Hergé commence à soigner de façon très méthodique le mouvement. Je dis souvent qu’Hergé est le premier à avoir fait d’une image fixe une image qui vit, qui bouge… Pour cela, il utilise plusieurs méthodes, souvent combinées.

Souvent, il commence par isoler le mouvement. Quant à la page 15, Tintin, qui vient de monter à bord de l’Aurore, se prend le pied gauche dans un cordage, on ne voit que cela. Pas de décor inutile, de personnages complémentaires… non, seulement Tintin en train de tomber. Deuxième élément, il ne cherche pas à faire du réalisme, il raconte tout simplement. Donc, parfois, les positions des personnages sont atypiques, accompagnés de petits traits qui donnent des impressions de vitesse, de mouvement, d’impact et qui font vivre le dessin… Prenez cet album, oubliez le texte, ne regardez plus que les séquences de mouvement… De la première page à la dernière, ça bouge partout ! Enfin, sur la dernière, ça saute carrément…

Certaines séquences sont remarquables dans ce domaine du mouvement. Observez Philippulus le prophète fou dans les cordages de l’Aurore, Tintin prenant l’air à l’avant de l’Aurore, les scientifiques ayant le mal de mer, Milou sauvé de la noyade par Tintin, Milou volant, enfin, tentant de voler les spaghettis… Toutes ces images pourraient être données en exemple aux jeunes souhaitant devenir dessinateurs de bédés…

Mais L’étoile mystérieuse est un album particulier à un tout autre titre. En effet, Hergé qui jusqu’à ce moment là était resté très réaliste dans le fond de ses intrigues ouvre la porte du fantastique. Seul, à priori à la différence de Vol 714 pour Sydney où le fantastique sortait de l’imagination de Bob de Moor…

Tout se passe sur l’île, sur l’aérolite, où le pauvre Tintin est confronté à la taille anormale des êtres vivants qui s’y reproduisent, champignons, araignée, libellule et pommier… Il a l’impression d’être arrivé dans un monde d’une autre dimension, ce qui n’est pas complètement faux puisqu’il vient de prendre pied sur un ersatz de monde extra-terrestre… Cette situation permet aussi à Hergé de laisser son imagination fonctionner à plein, son dessin d’atteindre des excès qu’il ignorait jusqu’alors… Mais c’est aussi une façon de jouer avec les nerfs des lecteurs, car une pomme géante assomme Tintin au moment où la mer est sur le point de submerger l’île…

Dans cet album, on peut aussi découvrir des petites choses bien sympathiques, ces petits clins d’œil que l’auteur sème pour notre bonheur… Citons, pêle-mêle, les caramels mous, bonbons adorés par le savant astronome Hippolyte Calys, le chargement des bouteilles de whisky du capitaine Haddock, pourtant président d’honneur du comité des marins antialcooliques, la choucroute garnie dont Milou a avalé la garniture, la présence du savant bien réel Auguste Piccard au moment du départ de l’Aurore et quelques gags visuels dont la pipe en page 61 (allez vite voir…).

Voilà donc un album intéressant que j’ai tenté de vous présenter avec honnêteté de façon à vous donner envie de le lire ou le relire, de comparer les deux versions actuellement disponibles en librairie, la revue et corrigée, mais aussi la première que les éditions Casterman remettent en vente actuellement en fac-similé… même quand ce n’est pas strictement à l’honneur de l’auteur… Donc, bonne lecture…

Shelton
avatar 08/09/2018 @ 09:45:15
Samedi 8 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et les enfants ont le droit d’avoir de bons livres pour découvrir ce bonheur. Aujourd’hui, je vais faire une proposition double, deux livres pour la jeunesse mais deux ouvrages pour toute la famille car il serait injuste de priver les adultes de bonnes lectures, non ?

Alors, on va parler « rat », ce petit animal qui se multiplie dit-on dans toutes les villes, à Paris en particulier. Je ne suis pas assez compétent sur le sujet pour dire si c’est grave ou pas, si le rat porte ou non tous les maux de la terre et si ce petit rongeur doit être pourchassé par tous les moyens. D’ailleurs, quand je me suis retrouvé face à un rat en liberté, il y a quelques années, j’avoue que j’ai plutôt été séduit même si je l’ai invité à quitter le plus rapidement possible ma cuisine… A un moment donné, j’ai eu l’impression qu’il me regardait en disant : eh, l’ami, pourquoi tu veux que je quitte chez moi, on peut bien vivre ensemble ici, non… Bon, j’exagère peut-être un peu mais pas tant que cela…

Aussi, quand j’ai trouvé un album portant le nom de « L’abécédaire du rat de marée », j’ai tout de suite eu envie de l’ouvrir, le lire et de l’emmener en vacances puisque c’est en bord de l’océan que je vais retrouver tous mes petits enfants… Cet album, format à l’italienne, de Guillaume Jacquet, est sympathique à double titre. D’une part, tout au long de l’ouvrage on va apprendre un langage spécifique à la mer, à la navigation et au voyage. D’autre part, le guide n’est autre qu’un rat ! Sans oublier, et ce n’est pas négligeable, qu’il y a quelques petites questions et jeux pour maintenir l’attention de l’enfant en éveil… D’ailleurs, méfiez-vous, chers lecteurs, les enfants peuvent être plus vifs que vous pour trouver le chemin qui va permettre au rat de trouver un bout de fromage dans le porte-containers !

Alors, quittons le rat de marées pour rencontrer le « Rat & les animaux moches » de Sibylline, pour le texte, de Capucine, pour le lettrage, et Jérôme d’Aviau, pour le dessin. Là, une fois encore, le guide de l’ouvrage est bien un rat, un rat qui en a marre d’être rejeté et qui veut bien faire… Donc, il va commencer par fuir la maison où il ne reçoit que des coups de balai, il va chercher dans toute la grande ville mais il ne trouvera pas mieux et finira par arriver dans un lieu très particulier… Le village des animaux moches qui font un petit peu peur… Tout un programme !

Alors, je ne vais pas vous raconter comment Rat le rejeté va pouvoir redonner confiance à tous ces animaux méprisés et, eux-aussi, rejetés, mais l’histoire est simple, agréable et elle ne fait pas beaucoup peur, juste un tout petit peu… Il faut dire que les animaux ne sont pas tous très sympathiques… Allez, j’en cite quelques-uns, mais pas tous car il faut un peu de surprise même pour l’adulte lecteur… Il y a donc l’araignée – un grand classique – mais aussi la lamproie, le phasme, la scolopendre et son amie la scutigère – un peu moins classique – sans oublier le bousier… et tous les autres !

Heureusement, Rat va y mettre beaucoup du sien et le village finira par changer un peu de nom… Vous verrez ! L’ouvrage est très sympathique et les dessins sont excellents. C’est un ouvrage atypique entre livre illustré, bande dessinée et texte théâtral. Je sais, cela peut en surprendre plus d’un mais allez l’ouvrir et vous allez comprendre…

Tous les textes sont calligraphiés par Capucine qui a fait là un remarquable travail que tout les lecteurs vont apprécier. C’est totalement lisible et cela a un petit air d’antan bien sympathique… J’ai adoré ce livre et je suis heureux de le glisser dans mes bagages pour le lire à mes petits-enfants cet été. D’ailleurs, quand j’ai rencontré Sibylline pour l’interviewer, j’ai fait dédicacer mon ouvrage au nom de tous mes petits-enfants nés à cette date… Du coup, je ne sais pas qui le gardera à l’issue de ces vacances d’été… Mais comme l’été c’est fait pour lire, je vous souhaite à tous bonne lecture et à très bientôt !

Shelton
avatar 09/09/2018 @ 15:46:58
Dimanche 9 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire mais aussi pour cuisiner car quand on a beaucoup lu il faut bien manger avec ses amis, prendre des forces et échanger sur nos nombreuses lectures… Bon, rassurez-vous, je ne parle pas que de livres dans la vie et la cuisine a une importance capitale comme certains le savent déjà… Donc, parlons cuisine, gastronomie et convivialité !

Quand je dis à mes amis que je n’aime pas spécialement les pizzas et les pâtes, ils me répondent en cœur que pourtant c’est bon et agréable de se faire un petit repas italien de temps en temps… Ce à quoi je ne peux qu’acquiescer car je suis un grand amateur de cuisine italienne car cette dernière n’est pas qu’une suite sans fin de pâtes et pizzas… Non, mais ! Quand je suis allé à Rome, il y a quelques années, je me suis régalé avec des champignons, du veau, des légumes variés, de la glace et du café presque unique au monde… Seulement, en France – et dans de nombreux autres pays – on associe cuisine italienne et pizzas/pâtes, comme on le fait avec crêpes et cuisine bretonne, kebab et cuisine turque… et à chaque fois c’est pour le moins une faute, voire même une grosse erreur ! Alors, pour l’Italie, nous pouvons remédier avec ce bel ouvrage de recette de Nadia et Giovanni Santini, « Le meilleur de la cuisine italienne dans votre cuisine » …

Nadia Santini, a remporté le Prix Veuve Clicquot de la meilleure chef femme du monde en 2013 et avec elle c’est la véritable cuisine gastronomique italienne qui pénètre dans votre cuisine ! Trois étoiles au Michelin, prix du « Meilleur chef de l'avenir » en 2011 par l'Académie internationale de la gastronomie, Nadia Santini et son fils Giovanni offrent une cuisine généreuse et colorée.

Quand une cheffe de cuisine étoilée parle de sa cuisine, donne des recettes, je peux vous dire que par expérience le commun des mortels a du mal à s’y retrouver et quand il compare ce qu’il a réussi à faire avec beaucoup de difficulté, il se retrouve dans la même situation morale que Vatel quand la marée n’arriva pas à l’heure… Enfin, presque !

Ici, on va sortir du traditionnel pour être plus dans la pédagogie ou l’accompagnement. Certes, l’ouvrage s’adresse bien à ceux qui savent déjà un peu cuisiner mais il n’est pas du tout réservé aux professionnels. Chaque recette est accompagnée d’éléments sur les produits, l’origine de la recette, ses variantes, les traditions autour du plat et des explications concrètes sur certains gestes, certaines précautions à prendre… Certes, les photographies de Francesca Brambilla et Serena Serrani restent des œuvres d’art, mais elles semblent accessibles – en termes de résultats visuels – aux cuisiniers que nous sommes… C’est certain, cette fois-ci, on va y arriver !

Alors, bien sûr, pour vous mettre les sens aux aguets, je vais citer quelques plats… En entrée, après avoir enlevé toutes les soupes que je ne trouvais pas de saison, j’ai gardé deux plats. Le premier fera un clin d’œil à la Bourgogne tout en restant dans l’Italie classique avec quelques pâtes – mais très peu – et c’est la soupe d’escargots aux farfalles, aux cèpes et aux herbes fraiches. Puis, pendant italien de notre œuf en meurette, je vous invite à découvrir l’œuf frit des Santini… Je n’en dis pas plus !

Côté des poissons et fruits de mer, c’est le poulpe aux pommes de terre qui a retenu mon attention et que j’aurais certainement choisi si j’étais allé dans leur restaurant en Lombardie… Pour les viandes, je retiens le foie gras aux cerises car il est bon de rappeler que ce produit n’est pas cuisiné que dans le Sud-ouest de la France… On le trouve dans la gastronomie alsacienne, par exemple, ou italienne. A titre personnel, je ne suis pas un amateur de foie gras et c’est pour cela que mon attention a été captée par ce jarret de veau au four… Si certains aiment ce genre de plat, il faut vous signaler…

Enfin, est-il possible d’avoir un petit dessert ? Oui, pourquoi pas… S’il n’y en avait qu’un à retenir, je prendrais le soufflé parfumé à l’orange au coulis de fruits de la passion… Mais le choix est grand comme pourrons le constater ceux qui prendront cet ouvrage pour découvrir que les Italiens ne mangent pas que des pizzas et des pâtes !!!

En attendant, puisque l’été c’est fait pour lire et bien manger, dès que vous avez enfourné le jarret, prenez un bon livre et bonne lecture !

Shelton
avatar 10/09/2018 @ 09:00:29
Lundi 10 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et je vais continuer, aujourd’hui, à vous inviter à lire ou relire les aventures de Tintin, l’œuvre magistrale d’un certain Hergé… Pourquoi une telle entreprise ? Comment peut-on encore parler des aventures de Tintin du célèbre Hergé alors que par principe il ne peut pas y avoir de nouveautés dans ce domaine ? Oui, dit comme cela, il n’y a rien à dire… quoique… Quand une exposition, Hergé et son petit reporter, arrive dans quelques jours à Chalon-sur-Saône il me semble légitime de revenir aux albums avant de parler de l’exposition elle-même !

Précisons, rappelons, que c’est Hergé lui-même qui a souhaité de son vivant que les aventures de Tintin s’arrêtent avec lui. D’autres n’ont rien précisé de leur vivant mais ne sont peut-être pas plus heureux de voir ce que l’on a fait de leurs personnages… Mais revenons-en à Tintin…

C’est bien L’affaire Tournesol un album qui a toujours sa place dans les bacs des libraires parfois en version ordinaire ou même en édition fac-similé de l’original ce qui donne le sentiment d’une nouveauté qui n’en est pas une... L’album tel que nos parents, grands-parents, ont pu le lire en 1956 à sa sortie !

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans l’univers Tintin, tintinologues, tintinophiles, tintinomaniaques et tintinolâtres se bousculent, non par dizaines – ce serait trop beau et trop simple – mais bien par milliers, millions probablement.

Les tintinologues recherchent les détails de cette édition, soit parce qu’ils ne l’avaient pas eu en main, soit pour la contrôler (il est à préciser que chaque édition a ses particularités, couleurs, anomalies, distorsions…).

Les tintinophiles, collectionneurs dans l’âme, l’achèteront, la poseront délicatement à côté de la précédente, tout ce qui vient du maître Hergé est digne d’amour et de vénération tandis que les novices se contenteront de découvrir l’histoire…

Les tintinomaniaques, encore assez nombreux, sont assez difficiles à comprendre. Ils ne peuvent pas supporter de voir un objet «Tintin» sans le posséder. C’est très peu contrôlé et c’est positif pour les éditions Casterman et la Fondation Hergé. Pour eux, on peut même imaginer de rééditer les albums des aventures de Tintin tous les deux ou trois ans en changeant un petit quelque chose sur la couverture et ça se vendra quand même…

Restent les tintinolâtres… Pour eux on ne peut pas faire grand chose, la vénération du grand maître relève d’un culte, d’une adoration… Cette édition n’est qu’anecdote, ce qui compte c’est de prouver qu’Hergé est encore vivant parmi nous, qu’il n’est pas mort, qu’il nous raconte encore des histoires…
Mais, les premiers à se réjouir sont, bien évidemment, ceux qui se retrouvent avec en mains l’album de leur jeunesse. L’histoire n’a pas changé – je rassure tout le monde – mais le papier est plus épais, moins lisse, il a son odeur, les couleurs sont plus légères… Rien que pour cela c’est déjà une réussite…

Mais pour tous ceux qui ne sont pas de cette génération – je ne vous en veux pas – je vous propose de découvrir ou redécouvrir la narration en images selon Hergé. Ne cherchons pas, ici, à savoir si Hergé était de droite, du centre, catholique ou homosexuel, macho, misogyne ou profondément perturbé dans sa tête… C’est un auteur qui nous raconte des histoires, laissons-nous prendre par ses récits… Ne boudons pas notre plaisir !

Tout commence à Moulinsart, le château du capitaine Haddock, où vivent nos trois amis, le capitaine, Tintin et Tournesol, quatre, même, si nous intégrons Milou. Le professeur Tournesol n’y a pas qu’une chambre, il y a aussi un laboratoire au cœur de cette histoire. L’affaire Tournesol est en effet une histoire d’espionnage scientifique. Le professeur est l’un des plus grands physiciens de son temps, n’est-il pas celui qui a conçu et réalisé la fameuse, que dis-je, l’illustre fusée lunaire rouge et blanche ? Mais que nous invente-t-il maintenant ? Pourquoi est-il si difficile de garder son verre en main sans voir le verre se pulvériser soudainement ?

Nous voilà partis dans l’enquête… heureusement que les cigarettes de la marque Macédonia vont nous permettre de rester dans le droit chemin, enfin, c’est que doivent penser Haddock et Tintin. Quant aux Syldaves et Bordures, ce sont bien des Slaves, c’est à dire de braves gens toujours imprévisibles, parfois violents et dangereux.

Hergé va s’amuser à convoquer la Castafiore que l’on va retrouver dans une de ses tournées comme cela avait été le cas dans Le Sceptre d’Ottokar… Et elle sauve encore Tintin, quelle constance pour cette artiste !

Mais maintenant, vous allez lire cet album et faire attention au mouvement, à la dynamique du récit en images… Pages 1, la course effrénée de Nestor qui va répondre au téléphone ; page 2 le retournement du parapluie à cause du vent ; page 5, l’entrée fracassante de Séraphin Lampion ; page 15, le coup de poing reçu par le capitaine dans le laboratoire de Tournesol ; page 19, les malheurs de Haddock dans le hall de l’hôtel Cornavin… Et ainsi de suite… Dans cet album, le talent de Hergé arrive à maturité, il frôle la perfection du récit, il donne une leçon à tous ceux qui vont le suivre dans ce genre littéraire. Oui, je dis bien littéraire, il n’y a pas d’autres adjectifs possibles pour un tel album…

Benoît Peeters, expert en tintinologie, trouve que c’est le meilleur des albums de la série des aventures de Tintin… personnellement, je préfère Les bijoux de la Castafiore, mais vous le savez déjà…

Je voudrais que vous lisiez cette aventure avec des yeux nouveaux, oubliez un instant le scénario et observez de tout votre regard, de toute votre attention cette bande dessinée… Bref, devenez de véritables lecteurs de bédés et comprenez pourquoi Hergé est et restera un des grands de ce mode narratif et comme l’été c’est fait pour lire, il est encore temps de vous y mettre…

Fanou03
avatar 10/09/2018 @ 17:11:11

Quand je dis à mes amis que je n’aime pas spécialement les pizzas et les pâtes, ils me répondent en cœur que pourtant c’est bon et agréable de se faire un petit repas italien de temps en temps… Ce à quoi je ne peux qu’acquiescer car je suis un grand amateur de cuisine italienne car cette dernière n’est pas qu’une suite sans fin de pâtes et pizzas… Non, mais ! Quand je suis allé à Rome, il y a quelques années, je me suis régalé avec des champignons, du veau, des légumes variés, de la glace et du café presque unique au monde… Seulement, en France – et dans de nombreux autres pays – on associe cuisine italienne et pizzas/pâtes, comme on le fait avec crêpes et cuisine bretonne, kebab et cuisine turque… et à chaque fois c’est pour le moins une faute, voire même une grosse erreur ! Alors, pour l’Italie, nous pouvons remédier avec ce bel ouvrage de recette de Nadia et Giovanni Santini, « Le meilleur de la cuisine italienne dans votre cuisine » …


A la maison nous avons quant à nous "la cuillère d'argent", un grand classique de la cuisine italienne, un peu austère sans doute, mais ça reste une "bible" en la matière (https://papillesetpupilles.fr/2006/11/…)


Alors, bien sûr, pour vous mettre les sens aux aguets, je vais citer quelques plats… En entrée, après avoir enlevé toutes les soupes que je ne trouvais pas de saison, j’ai gardé deux plats. Le premier fera un clin d’œil à la Bourgogne tout en restant dans l’Italie classique avec quelques pâtes – mais très peu – et c’est la soupe d’escargots aux farfalles, aux cèpes et aux herbes fraiches. Puis, pendant italien de notre œuf en meurette, je vous invite à découvrir l’œuf frit des Santini… Je n’en dis pas plus !


A déguster avec un "Barollo", le pendant italiens des grands bourgognes ? :°)

Frunny
avatar 10/09/2018 @ 17:26:04
Vendredi 24 août 2018

L’été c’est pour lire et il faut lire sur tous les sujets, même les plus surprenants ou inattendus. Par exemple, il peut toujours sembler paradoxal d’annoncer « la télévision est morte » ou « en train d’agoniser » alors qu’il y a encore une moyenne d’écoute et visionnage quotidien de trois heures trente par Français ! Et pourtant quand je trouve un essai intitulé « La fin de la télévision » je ne peux pas m’empêcher de le prendre et de le lire…


Mais je terminerai en affirmant que la télévision, malgré tout, est encore bien là ! Un exemple ou deux ? Regardez la Coupe du monde de football, toujours des taux de suivi phénoménaux, avec des recettes publicitaires majestueuses… Certaines émissions de télévision comme Fort Boyard, Danse avec les stars ou Le meilleur pâtissier sont encore de beaux succès d’audience…



Un bon essai à lire car le passage de quelques années sur ses pages ne le rendent pas caduc et comme l’été c’est fait pour lire, c’est bien le moment de réfléchir sur le dilemme capital : lire ou regarder la télé, il faut choisir !

Moi, durant l’été, j’ai choisi, alors bonne lecture et à demain !



Eh oui, ils se "vident la tête" mais on se demande bien de quoi elle est remplie !

Frunny
avatar 10/09/2018 @ 17:31:13
Mardi 28 août 2018

L’été c’est fait pour lire mais reconnaissons que cette période estivale a été aussi marquée par de très nombreuses discussions sur le climat. J
Emmanuel Le Roy Ladurie a rejoint le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) car il est convaincu que c’est une façon d’alerter, d’agir et communiquer pour que l’humanité prenne conscience des problèmes et accepte, enfin, avant qu’il ne soit trop tard, les mesures radicales qui doivent être prises pour limiter la casse, car casse il y aura !

Alors, je sais bien qu’un livre ne peut pas convaincre tout le monde instantanément mais cette lecture pouvait vous aider à comprendre ce serait déjà très bien… et comme l’été c’est fait pour lire c’est bien le moment d’ouvrir l’Histoire du climat depuis l’an mil…

Alors bonne lecture et à demain !



Toutes ces discussions, ces livres, ces "écolos" qui tentent de lutter pour l'intérêt de la planète brassent du vent.
Nos sociétés capitalistes sont incompatibles avec le respect de la Nature.
Personne n'ose le dire mais la réalité nous l'impose au quotidien.
L'hypocrisie règne.

Pieronnelle

avatar 10/09/2018 @ 19:05:22
Mardi 28 août 2018

L’été c’est fait pour lire mais reconnaissons que cette période estivale a été aussi marquée par de très nombreuses discussions sur le climat. J
Emmanuel Le Roy Ladurie a rejoint le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) car il est convaincu que c’est une façon d’alerter, d’agir et communiquer pour que l’humanité prenne conscience des problèmes et accepte, enfin, avant qu’il ne soit trop tard, les mesures radicales qui doivent être prises pour limiter la casse, car casse il y aura !

Alors, je sais bien qu’un livre ne peut pas convaincre tout le monde instantanément mais cette lecture pouvait vous aider à comprendre ce serait déjà très bien… et comme l’été c’est fait pour lire c’est bien le moment d’ouvrir l’Histoire du climat depuis l’an mil…

Alors bonne lecture et à demain !




Toutes ces discussions, ces livres, ces "écolos" qui tentent de lutter pour l'intérêt de la planète brassent du vent.
Nos sociétés capitalistes sont incompatibles avec le respect de la Nature.
Personne n'ose le dire mais la réalité nous l'impose au quotidien.
L'hypocrisie règne.

Et bien pour une fois je serais presque d'accord avec toi....
Le Giec n'est pas approuvé par tous les scientifiques ! Car de toutes façons il agit dans le cadre du même type de société donc c'est faussé. Et même si certaines alertes sont utiles il ne faut pas en attendre grand chose...

Shelton
avatar 11/09/2018 @ 07:13:48
Mardi 11 septembre 2018

Voilà, quand on se lance dans la lecture des albums des aventures de Tintin, il n’y a plus moyen de s’arrêter ! Enfin, du moins dans mon cas… Mais, comme l’été c’est fait pour lire, ouvrons donc Tintin au pays de l’or noir !

La première version en couleurs de cet épisode des aventures de Tintin date de 1949. Mais, en fait, si on veut remonter à la genèse de Tintin au pays de l’or noir, il faut remonter à 1939. C’est, en effet, le 25 septembre de cette année que commence le feuilleton dans le Petit Vingtième, après Le sceptre d’Ottokar. Malheureusement pour Hergé, et pour toute l’Europe, la guerre vient interrompre les publications… Mai 1940, Hergé est obligé de laisser son histoire, sans l’avoir terminée, et surtout sans pouvoir lui donner de suite avant la fin de la guerre…

La guerre, elle, connaîtra bien quelques nouvelles histoires de Tintin : Le crabe aux pinces d’or, L’étoile mystérieuse, Le secret de la Licorne, Le trésor de Rackham le rouge… Après la guerre, on aura encore deux nouvelles histoires, Les 7 boules de cristal et Le temple du soleil… Durant ces épisodes, on verra Tintin rencontrer le capitaine Haddock et le professeur Tournesol, nouveaux personnages qui n’existaient pas lors de l’ébauche de Tintin au pays de l’or noir et à qui il faudra donner une petite place, ne serait-ce que pour rester cohérent, principe auquel tenait beaucoup Hergé qui pourtant y dérogera parfois, en particulier à la fin de cet album…

Nous allons donc étudier cet album en partant de l’édition de 1949/1950, tout en expliquant les différences, fort importantes, avec celle de 1969 qui servit de base à la traduction en anglais…
Nous commencerons par parler en quelques instants de la couverture même si nous l’avons déjà fait par ailleurs. En effet, la jeep conduite par Tintin va de la droite vers la gauche, sens inhabituel de lecture… Erreur du maître Hergé ? Non ! Mais comme sous le titre de l’album, Hergé met quelques lettres qui semblent sortir de l’abécédaire arabe, langue qui se lit de la droite vers la gauche, pour une fois la voiture de Tintin va dans le sens contraire de la lecture occidentale… Mais ce que l’on peut rajouter, c’est qu’en fait sur la couverture de 1950, les lettres ressemblent à de l’arabe mais ce n’en est pas vraiment. C’est sur l’édition de 1969 qu’Hergé, ou Bob de Moor, fait l’effort de mettre des vrais mots arabes…

D’ailleurs, la question qui reste posée dès le départ de cette histoire, c’est bien de savoir dans quel pays nous allons aller… Le pays de l’or noir ? C’est où ? L’Arabie Saoudite, penserez-vous… et vous ne devriez pas en être trop éloignés car dans la version de 1969 Hergé parle, à travers ses personnages, de l’Arabie Khémédite… Alors que dans la version de 1949, on parle de pays, de territoire, sans le nommer, tout en signalant simplement qu’il est occupé par les Anglais… Mais en lisant les planches à partir de l’arrivée dans le port de Haïfa, on comprend bien que l’on parle de la Palestine avant l’indépendance d’Israël… C’était d’actualité en 1949, pas en 1969, ou plutôt pas de la même façon… Mais revenons à notre histoire…

Tout commence en Belgique avec deux planches à la gloire des Dupondt, certes, mais qui nous font plonger dans l’histoire pétrolière, dans l’énigme qui ne trouvera sa solution qu’en fin d’album…

D’ailleurs, les Dupondt seront des personnages importants de cette histoire car très présents…
Les voilà qui viennent faire le plein de leur voiture, une Citroën 5HP de 1924. Belle pièce qui ne survivra pas très longtemps, car après un plein partiel, trois litres seulement – je ne sais pas si c’est pour montrer la pingrerie des policiers, mais ce serait bien possible de la part de Hergé qui n’aime pas mes policiers –, elle va tout simplement exploser… sans blesser les deux Dupondt. Il est à noter que l’entreprise de dépannage, Simoun, que vont utiliser les Dupondt et qui aura un rôle important en début d’histoire porte un nom proche des noms juifs ce qui va bien avec l’idée d’un album ayant pour cadre la Palestine. Le nom ne changera pas en 1969. M. Simoun, le directeur de la compagnie, dont les affaires semblent très bien marcher et pour cause, puisque toutes les voitures semblent avoir des moteurs qui explosent, est dessiné par Hergé sous les traits d’un riche homme d’affaires, possesseur d’une très belle voiture dont les Dupondt s’occuperont personnellement…

Mais à travers les gags présentés, nous apprenons l’essentiel et ce n’est pas rien. Tout d’abord, nous sommes à la veille d’une guerre, les réservistes sont rappelés et mobilisés, ce qui permettra d’expliquer pourquoi le capitaine Haddock ne sera pas présent durant cet épisode, il a tout simplement été mobilisé par le ministère de la marine… En suite, une sorte d’épidémie d’explosions de moteur touche le monde automobile et pas seulement les autos conduites par Dupond… D’ailleurs c’est aussi son briquet qui explose, mais Dupont n’est pas en reste car c’est lui qui comprend à qui profite le crime : si on fait exploser les voitures c’est pour les dépanner donc c’est encore un coup de l’entreprise Simoun… Tintin est plus inquiet et il va mener son enquête chez la Speedoil et Hergé nous offre un cours de géopolitique pétrolière mais qui permet aussi à Tintin d’entrer en action : qui cherche vraiment à pourrir cette essence ? Pourquoi ? Et il estime qu’il faut trouver une solution avant qu’une guerre éclate, car faire la guerre avec ce carburant trafiqué serait impossible… Tout semble pousser Tintin à s’embarquer sur le Speedoil Star, un pétrolier qui changera de silhouette entre les deux éditions. Le premier ne ressemblait que de fort loin à un pétrolier et Bob de Moor prendra le temps de donner un air réaliste à celui de 1969.

Mais ce pétrolier verra aussi les Dupondt s’embarquer. Dans l’édition de 1949, ils sont en sombre, certes déguisés en marins à pompons, mais c’est dans l’édition de 1969 qu’ils portent le nom d’un paquebot célèbre… A vous de voir lequel ! (Réponse en fin de chronique)

La traversée sera mouvementée, surtout pour Milou qui a eu très chaud, un peu plus il se retrouvait à la mer, mais l’arrivée à Haïfa sera d’autant plus délicate que les forces anglaises arrêtent Tintin pour détention de documents secrets tandis que les Dupondt le sont aussi pour les mêmes raisons… Mais qui a pu mettre en place une telle machination, et, surtout, pourquoi ?

D’autant plus qu’à terre, les choses se précipitent et voilà Tintin au cœur de la guerre entre clans. Le convoi qui le transfère à la prison centrale est attaqué par des Juifs de l’Irgoun, puis après par des Arabes du cheik rebelle Bab El Ehr… qui attendait un espion à sa solde…

Dans la version de 1969, le port de Haïfa est remplacé par Khemkhâh, les Anglais par une police militaire arabe, et les documents dans les affaires des Dupondt par de la cocaïne… Tintin est alors directement enlevé par les combattants de Bab El Erh qui pense qu’il s’agit d’un émissaire devant lui apporter des armes…

Dans les deux versions, les Dupondt sont libérés et partent à la recherche de leur ami Tintin en jeep à travers le désert. C’est un grand moment d’humour qu’Hergé s’offre, non… nous offre, car, finalement, cette séquence de la perte dans le désert n’apporte pas grand chose au lecteur, à l’histoire, mais quelle imbécillité que celle de ces deux policiers… Et en plus, ils absorbent un cachet de ce fameux produit que tout le monde cherche sans savoir ce qu’il est…

Mais revenons-en à Tintin. Il connaît la soif, la chaleur, la fatigue extrême, il est abandonné en plein désert, lui aussi se perd… mais va se retrouver au cœur de l’histoire en assistant à un attentat sur un pipe-line… Mais c’est là que nous allons découvrir le méchant, et, comme Tintin, nous allons avoir la surprise de reconnaître ce méchant… D’ailleurs, à vous de vous souvenir de tous les albums dans lesquels il apparaît, car les méchants peuvent avoir la vie dure chez Hergé… (Réponse en fin de chronique)

Tintin ayant compris qui il avait en face de lui, il lui faut comprendre l’enjeu de cette lutte. Cela sera fait quand il pourra approcher, de façon délicate, Mohammed Ben Kalish Ezsab, émir du pays, l’Arabie Khémédite. Mais dans le salon d’attente de son altesse, il voit le professeur Müller qui sort d’une audience. Après les éminentes explications, il comprend le double conflit qu’exploite Müller, la rivalité entre Ben Kalish Ezsab et Bab El Ehr, les enjeux pétroliers et financiers entre l’Arabex et la Skoil Petroleum… Tout cela tombe dans le drame lorsque le fils de l’émir est enlevé. Oui, c’est le début des aventures du fameux Abdallâh, jeune garçon blagueur que l’on croisera pour le plus grand malheur du capitaine Haddock dans Coke en stock… Mais en attendant, pour que Tintin puisse mettre en échec le terrible professeur Müller, il lui faut avoir de l’aide. C’est le bon Senhor Oliveira da Figueira qui jouera ce rôle. Là encore, Hergé fait appel à des personnages déjà connu. On l’a rencontré pour la première fois dans Les cigares du Pharaon et on le retrouvera, bien sûr, dans Coke en stock et de façon moins évidente, en allusion, dans les Bijoux de la Castafiore… Mais en sa compagnie, impossible de mourir de soif, car sa réserve de rosé du Portugal est presque inépuisable… Enfin, surtout quand le seul invité est Tintin. Quand Haddock s’en mêle c’est quelque peu différent… Mais dans quel album Haddock fait-il la connaissance de ce bon vin ? (Réponse en fin de chronique)
Tintin se transformera alors en neveu du commerçant portugais, un peu simplet, ce qui lui permettra de s’introduire chez l’horrible professeur Müller, enfin Smith dans cette histoire. Alors tout pourra prendre fin pour le meilleur, comme d’habitude.

Nous signalerons quelques petites choses de la fin de cet album qui n’est pas, de toute évidence, le meilleur, à commencer par les tentatives du pauvre Haddock que l’on convie en fin d’épisode et qui veut raconter sa mobilisation… mais ce sera à vous d’imaginer ce qui a bien pu lui arriver… On peut aussi parler de la voiture de l’émir que Tintin va utiliser (il ne conduit que très rarement ses voitures, il emprunte beaucoup…) pour poursuivre Müller, une Lancia Aprilia de 1947, une voiture que Hergé possédât réellement ! Dans cette poursuite capitale, le méchant Smith fuit en compagnie de son otage Abdallâh dans une Buick Roadmaster de 1949, auto qui finira en flammes… pour la plus grande joie d’Abdallâh…

Pour finir, tout rentrera dans l’ordre, enfin, presque, car pour les Dupondt, l’absorption du tristement célèbre N-14, cachets cachés dans un tube d’aspirine, a des conséquences surprenantes qui se prolongeront au cours de l’aventure lunaire…

Il semble important de comprendre qu’Hergé, qui n’a jamais eu d’enfant, nous montre l’enfant roi et se pose quelques questions sur l’éducation… Faut-il tout laisser faire ? Doit-on corriger un jeune enfant, juste un peu trop coquin et facétieux ? Le père d’Abdallâh, toujours en pleine admiration nous montre, nous laisse deviner un Hergé dubitatif devant certains pères et mères de son entourage…

Et Tournesol, me direz-vous ? On ne le voit pas, on ne peut que lire sa lettre finale à Tintin où il donne des éléments sur le fameux N-14… mais surtout, on voit la photographie du château Moulinsart entièrement ravagé par les expériences de ce Tournesol de malheur… C’est là où Hergé ne manque pas d’air en faisant dès l’album suivant comme si de rien n’était… Le château est de nouveau en bon état… Ah ! et nous qui pensions que Hergé était un auteur réaliste et rigoureux… Enfin, on n’a qu’à dire qu’il avait oublié que le château avait tant souffert…

Finalement cette aventure est assez sympathique, se lit facilement même si elle n’appartient pas à ma série des albums fétiches. Le sujet pétrolier est assez d’actualité, ce qui explique un certain regain de cette aventure dans le désert Khemed, surtout auprès des jeunes lecteurs qui l’avaient oublié…


Les réponses viendront un peu plus tard pour vous laisser chercher un peu…

Shelton
avatar 12/09/2018 @ 06:21:46
Mercredi 12 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et voici le moment de prolonger notre voyage commun au pays de Tintin et de ses amis. L’univers d’Hergé est magnifique, le créateur est génial, tout le monde semble en convenir, ce qui n’empêche pas les ambiguïtés ni les incompréhensions des lecteurs et des critiques… Mais, ici, l’objectif n’est pas de détruire ou encenser, seulement de faire connaître, de partager des instants de bonheur de lecteur et de se souvenir de ces albums qui ont tant bercé de jeunesses…

Vous avez pu aussi constater que nous ne visitions pas les albums dans l’ordre chronologique. C’est un parti pris, celui d’ouvrir les albums en fonction de l’humeur du jour, à la recherche d’un instant de plaisir, d’un moment de bonheur, de picorer comme bon nous semble… Aujourd’hui, le moment est venu d’ouvrir ensemble Tintin au Tibet, un livre unique en son genre, inégalable, étonnant et atypique dans l’ensemble de la collection des Tintin…

Tintin au Tibet est d’abord une histoire sans méchant. Adieu les frères Loiseau, monsieur Rastapopoulos, docteur Muller et traîtres bordures, militaires en en attente de révolution et autres méchants plus éphémères… Ici, rien de tout cela, seulement la fatalité, la nature, un animal mythique… En fait, l’auteur va se livrer beaucoup plus que dans les autres albums, il va montrer sa crainte, son angoisse de la mort… Dès le départ, on va rapidement pénétrer la quête de Tintin, celle d’Hergé, bien-sûr, c’est à dire la marche en avant de Tintin qui veut sauver son ami de la mort. Au départ, on croit que cette mort relèverait de la fatalité – l’accident d’avion – mais, en fait, Tchang a survécu à l’accident et il faut le tirer des pattes – des mains, peut-être – du Yeti, l’abominable homme des neiges… Mais, le méchant, me direz-vous, nous l’avons, c’est le Yeti… Non ! Les apparences sont contre lui, mais, en fin de compte, nous allons comprendre que l’animal ne peut pas être méchant, « Moi, je souhaite qu’on ne le trouve jamais, car on le traiterait comme une bête sauvage. Et pourtant, je t’assure, Tintin, il a agi avec moi d’une telle façon que je me suis parfois demandé si ce n’était pas un être humain… ». Mais ne brûlons pas les étapes et revenons à l’album…

Tout commence par une situation inhabituelle pour Tintin. Il est en vacances. A la montagne… Il réside à l’hôtel des sommets, il se promène – un peu trop de l’avis de Milou qui se plaint car « courir du matin au soir sur des cailloux pointus » ce n’est pas une vie de chien – et il passe de bien agréables soirées en compagnie du capitaine Haddock, dîners paisibles, parties d’échecs sans surprises et…

Oui, de temps en temps, les choses peuvent se dérégler surtout quand Tintin commence à avoir des visions ou des rêves prémonitoires… Tchang l’ami de Tintin, celui qu’il a sauvé de la noyade lors de son passage en Chine, doit venir en Europe… mais, voilà, il semble bien que l’avion ait heurté la montagne, qu’il se soit crashé du côté du Népal ou du Tibet… Tchang est-il mort, Tout semble le montrer, le prouver… Mais Hergé, euh, non, Tintin ne semble pas pouvoir accepter cette mort : « Tchang ! Mon pauvre Tchang ! Si gentil ! Nous ne le verrons plus jamais ! Plus jamais ! Et puis, non ! Tchang n’est pas mort ! ». C’est le refus de l’évidence et alors nous voyons Tintin partir dans une quête impossible pour sauver Tchang de la mort… Tintin doit aller rechercher au plus profond de lui l’énergie salvatrice pour se mettre en marche, pour convaincre Haddock de l’accompagner et, enfin, sauver l’ami. Hergé nous montre, à cette occasion, que, pour lui, l’amitié est le sentiment le plus fort. L’amitié plus forte que la mort !

Comme cet album arrive au moment où l’auteur vit des temps difficiles, où il s’interroge sur sa place sur terre, sur son existence, sur ce qu’est l’amour, l’amitié, où il suit une thérapie… on peut se dire que c’est l’album le plus profond, le plus authentique de cet homme. Il se sauve en écrivant, ou se sauve pour finir son album… L’album étant le symbole de la survie, de la vie éternelle, si Tintin vit dans une histoire, surtout s’il revient du Tibet avec son ami, alors c’est que lui, Hergé, survivra à tout, y compris à cette vie terrestre qui semble l’ennuyer… Relisez Tintin au Tibet avec ce souci de survie et vous allez comprendre des phrases que vous n’aviez pas gardées en mémoire…
Mais revenons à l’album proprement-dit… Tchang, enfin son avion plus exactement, s’est écrasé dans la montagne, du côté de Katmandou… alors il est grand temps de boucler les valises et de prendre l’avion…

Comme vous pouvez le constater, le sujet est grave et pourtant du début à la fin de l’épisode, les scènes humoristiques vont être très nombreuses. Il faut dire que dans cet album, Hergé donne un rôle spécial au capitaine Haddock : chaque fois tu apparaîtras dans un dessin, une vignette, une séquence… tu devras faire rire le lecteur, c’est ta mission, va et amuse mon public fidèle !
Et il va la remplir cette mission, sans hésitation, avec beaucoup d’énergie mais aussi de tendresse… Pour cela, Hergé utilise tous les défauts et toutes les qualités du capitaine : mauvais caractère, vocabulaire imagé, cœur d’artichaut, alcoolisme, amitié pour Tintin… Mais c’est aussi l’occasion de rire avec ce qui, un peu plus loin, sera élément tragique, la nature et l’animal.

Pour aller à Katmandou, Tintin et Haddock vont faire escale à New Delhi, occasion, entre deux avions, de faire un peu de tourisme mais aussi de faire connaissance avec les vaches sacrées. Haddock est alors emporté de façon surprenante dans une course éperdue à travers la ville sur une de ces vaches. Mais l’animal n’est pas fondamentalement méchant, elle est prise dans une situation qu’elle n’a pas provoquée, elle nuit à Haddock qui est sur le point de rater sa correspondance, mais tout se finit bien… comme ce sera le cas avec Tchang et le Yeti… Ce dernier étant aussi un animal sacré… C’est un peu aussi, comme si l’élément divin était capable de ballotter l’homme, de le mettre en danger mais pas de l’éliminer complètement !

Pour la nature, c’est plus simple, plus amusant… Il s’agira de la dégustation discrète de piments rouges en train de sécher, à Katmandou. Certes, Haddock, la bouche en feu, est obligé de plonger la tête dans un puits, mais il survit sans problème… La montagne fera peur, mettra en danger mais la survie sera bien au rendez-vous ! C’est comme ça que je vois ces deux scènes initiales, un clin d’œil, une tranche de rire, mais aussi une annonciation sur la fin positive de l’histoire…

Mais Haddock, nous l’avons dit, est ici avant tout pour nous faire rire. Prenons quelques séquences illustrant cet aspect : sa chute de la passerelle d’embarquement, le chargement des bouteilles de whisky dans son sac à dos, sa cuite en marchant, la traversée d’une rivière sur un petit pont de fortune, sa barbe prise dans la fermeture éclair de son duvet, sa colère devant sa bouteille vidée par le Yeti, l’explosion de son réchaud à gaz, son sifflement aigu pour avertir Tintin de l’arrivée du Yeti… Bref tout est occasion de rire dans une ambiance pourtant lourde…

Mais, à travers ce personnage spécial, il y a toute une étude des mots. Chez Haddock les gros mots, les insultes sont remplacées par des mots du dictionnaire, des noms communs, des mots compliqués, au sens cachés, qui surprennent, qui étonnent mais donnent, parfois des éléments de compréhension de l’histoire, de la philosophie et de la conception de la vie de l’auteur… Mais, allons encore plus loin et écoutons comment est traité le Yeti par l’ensemble des personnages. Laissons-nous aller, prenons les mots comme ils viennent : « le Yeti, l’abominable homme des neiges, lui très grand, assommer yacks avec son poing, très méchant, manger yeux et mains hommes, lui très fort, espèce de Cro-Magnon, mamelouk, vampire, soûlographe, trompe-la-mort, macrocéphale, amphitryon, rocambole, ectoplasme, phylloxéra, cannibale, diplodocus, flibustier, mégalomane, boit-sans-soif, lâche, coloquinte, cyanure, anthropopithèque, satrape, ectoplasme, espèce de loup-garou à la graisse de renoncule de mille tonnerres de Brest, moule à gaufres… ». Et puis, les choses évoluent, Haddock le voit, il en perd ses mots : « Le yéto là-hi ! Le yéya là-ti ! Le téyi ho-là ! Flûte ! Le truc, enfin ! Le Yeti, quoi ! ». A partir de ce moment-là, l’animal terrifiant change de statut, progressivement, pour devenir celui qui va sauver Tchang et qui versera quelques larmes au moment où le jeune ami de Tintin regagnera la civilisation… Mais le changement n’est pas du tout instantané puisque même les moines de Khor-Biyong craignent terriblement le Migou, autre nom du Yeti. Tintin doit prendre sur lui pour aller encore plus loin, convaincre Haddock, puis enfin ouvrir ses oreilles au récit de Tchang qui révèlera la véritable nature du Yeti : « Il semble qu’il se soit rapidement attaché à moi… Pauvre homme-des-neiges, comme il a eu peur… Il a pris soin de moi. Sans lui, je serais mort de froid et de fin. ».
Mais si le lecteur peut découvrir la véritable nature, âme du Yeti, c’est parce que Tintin en ami fidèle refuse la mort de Tchang. Il aurait eu mille bonnes raisons de stopper ses recherches dans le massif de l’Himalaya, mais non, il va jusqu’au bout, au bout des ses forces, au bout de lui-même… Comme Hergé qui va au bout de sa thérapie !

« Mais, au nom du ciel ! Qu’est-il devenu ?… Adieu, Tchang !… Adieu… Bon, yeti ou pas yeti, moi, je continue… Tchang est passé par ici, il faut suivre cette piste jusqu’au bout ! ».

C’est le grand Précieux du monastère qui donne la vérité : « ce que tu as fait, peu d’hommes auraient osé l’entreprendre. Sois béni, Cœur Pur, sois béni pour la ferveur de ton amitié, pour ton audace et pour ta ténacité ! ».

Dès lors, on peut refermer l’album en se demandant si nous aurions eu le même comportement pour sauver notre meilleur ami ?

Il me reste deux ou trois interrogations sur ce Tintin au Tibet qui fait partie des Tintin que j’aime beaucoup. Pourquoi Hergé ne remet-il plus Tchang dans la vie de Tintin ? On les voit quitter la haute montagne mais on aurait aimé en savoir plus, voir comment aurait réagi Tchang au contact de civilisation européenne ? Mais Hergé est peut-être d’autant plus discret que Tchang est un de ses amis et non une invention de romancier, de scénariste…

Ma deuxième question est plus fondamentale. Il y a plus de 15 ans, j’ai scénarisé une exposition sur les plantes et les animaux dans la bande dessinée, Animotopées, nous avions pu exposer une empreinte du Yeti, prêtée par un musée de Lausanne… Mais aucune photo ! Alors, oui, mon doute est bien réel, ma question quasi existentielle… Le Yeti existe-t-il ? Si l’un d’entre vous peut me tenir au courant de ses expériences dans ce domaine… je suis preneur !

Un album extraordinaire à lire pour ceux qui ne le connaissent pas encore, à relire pour les autres, mais surtout à ne pas oublier… pour permettre à Hergé de continuer à vivre…

Shelton
avatar 13/09/2018 @ 06:22:50
Jeudi 13 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire mais en arrivant en cette fin d’été je commence avoir moins d’idées de livres à présenter… Enfin, n’exagérons pas, disons que les piles autour de mon bureau ont diminué, que j’ai déjà beaucoup prêté et donné et que je commence à respirer un peu… Là, juste à mes côtés, il y a un livre capital dont je veux vous parler mais, désolé pour certains, il ne va pas s’agir d’un grand classique, ni d’un Goncourt ou d’un Nobel, seulement d’un livre de cuisine… Enfin, « seulement » ce n’est pas très gentil pour ce manuel qui me semble essentiel à plus d’un titre… Je m’explique !

Chaque année, je réalise que le nombre de gens qui souhaitent avoir une alimentation végétarienne augmente. Je mesure cela dans ma famille avec mes enfants et les pièces enrichissantes de la famille qui les ont rejoints mais aussi avec mes étudiants que je reçois ou avec qui je vais en reportages. A chaque fois la question se pose : que manger tous ensemble si on enlève la viande ? Se passer d’une bonne potée lorraine nous prive-t-il un grand repas convivial ?

Je sais que tout le monde va me dire que se passer de viande n’est pas grave et que cela ne va surtout pas enlever le plaisir de manger ensemble. Soit, mais que faire comme grand plat à partager, car telle est bien ma question ?

Alors, petit à petit, des pistes se sont ouvertes, de la tarte salée à la soupe, de la crêpe à la galette, mais ce n’est pas si simple quand on est nombreux. L’avantage des grands plats d’antan étaient de faciliter grandement la tâche du cuisinier : un jarret, un bout de poitrine, des légumes et sur le feu pendant trois heures, l’affaire était jouée ! Maintenant, il faut réapprendre à cuisiner autrement ce qui est, d’ailleurs, bon pour la santé et la planète, dit-on !

C’est là que mon ouvrage/manuel prend sa place, car « Cuisine végétarienne, 300 techniques, 100 recettes pas à pas » est bien un livre qui va nous accompagner avec des produits et plats que l’on connait moins comme tempeh, seitan, tofu, soja, polenta, algues… D’un seul coup, on a le sentiment, malgré ses études et son expérience, d’avoir tout à réapprendre…

L’ouvrage est très pédagogique et on peut partir sans problème de zéro et arriver à faire sa pâte à choux, son pain, ses gnocchis, ses pizzas, ses soupes, ses sauces… Réellement un très bon guide pour la vie quotidienne de la famille qui veut soit manger végétarien soit tout simplement varier les plaisirs !

Bien sûr, j’ai retenu quelques plats à tester – car ce livre va m’accompagner durant les vacances à venir – comme la paella végétarienne que certains à la maison pourront enrichir de crevettes ou poulpe, de calamar ou de poisson car chez nous la liberté est reine !

Mais ce qu’il faudrait faire maintenant, c’est une belle étude pour mesurer si manger végétarien est la solution miracle pour sauver la planète… Pour le moment, je suis un peu dubitatif et je préfère penser que la priorité est d’une part de manger moins de viande et de poisson et d’autre part de manger plus local et de saison… Si un jour on doit aller plus loin, on aura déjà fait un bout de chemin et cet ouvrage « Cuisine végétarienne, 300 techniques, 100 recettes pas à pas » peut nous aider à le faire en douceur, avec plaisir et élégance…

Alors comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture, tous à la cuisine et à très bientôt !

Shelton
avatar 14/09/2018 @ 06:48:58
Vendredi 14 septembre 2018

Ce n’est pas parce que l’on respecte l’œuvre de l’auteur Hergé que l’on devrait aimer tous les albums des aventures de Tintin ! D’ailleurs, Hergé lui-même, n’aimait pas son premier épisode, Tintin au pays des Soviets. Il ne l’a jamais retravaillé, ne l’a jamais mis en couleurs et n’en parlait pas. Il a dit une fois qu’il considérait cet album comme une erreur de jeunesse… Pourquoi en parler alors ? Tout simplement par honnêteté et respect de cet auteur : si on parle de son œuvre, il faut parler de ce que l’on aime moins et cet album en fait partie !

Hergé est alors un jeune homme, à peine plus d’une vingtaine d’année. L’abbé Norbert Wallez, rédacteur du journal Le vingtième siècle qui a embauché Hergé pour s’occuper du supplément Le petit vingtième, hebdomadaire destiné à la jeunesse, décide de parler de l’Union soviétique. Il demande à Hergé de faire une bande dessinée sur le sujet en s’appuyant sur un ouvrage très virulent contre les Soviets, Moscou sans voile. Cet ouvrage a été écrit par Joseph Douillet, un consul belge qui est resté en Russie de la fin du XIX° siècle à 1926.

Durant de longues années, cet ouvrage a été considéré comme un album d’anticommunisme primaire, depuis, la réalité de l’Union soviétique étant plus connue, les critiques se sont quelque peu tues… Il n’en demeure pas moins, de façon indiscutable, que Hergé a cherché à se documenter sur la vie en URSS et qu’il était marqué par le catholicisme ultra de Belgique… Les membres des Soviets sont contre la religion, cruels, menteurs, voleurs, profiteurs, idiots, assassins… Bref, ce sont les pires des personnages !

Par ailleurs, c’est le premier album des aventures de Tintin. Le héros est reporter au Petit vingtième et il part en reportage. Il va venir raconter aux jeunes lecteurs ce qu’est « réellement » l’Union soviétique. Mais si on fait abstraction des éléments politiques, on peut alors découvrir avec bonheur la genèse de la bande dessinée selon Hergé. Dans cet album, sous nos yeux, se met en place la « ligne claire », un mode narratif de qualité qui garde dans le dessin tout – et seulement tout – ce qui permet de comprendre l’histoire. Du coup, le récit est entièrement en dessins et phylactères (bulles pour faire parler les personnages)… Presque une première !

On peut même trouver quelques cases très modernes où Hergé démontre son talent pour raconter le mouvement avec des dessins fixes, faire entendre des bruits avec une bande son silencieuse, bref il met en place les règles de la bande dessinée moderne, celles qui seront par la suite transcendées par des auteurs comme Franquin…

Comme Hergé ne reconnaissait pas totalement cet album comme appartenant au canon tintinesque, il fut difficile de le trouver à partir de la moitié des années trente et il y eu beaucoup de copies et d’éditions pirates, certaines colorisations fantaisistes et tout cela avec des contrefaçons de plus en plus nombreuses et coûteuses… En 1973, la version originale en noir et blanc est publiée dans les Archives Hergé puis un album en noir et blanc au format des autres albums des aventures de Tintin est accessible… Enfin, il y a peu, en 2017, sort une version colorisée selon les vœux de la société Moulinsart.

Quant à l’histoire elle-même, elle ne présente pas beaucoup d’intérêt et je n’ai jamais réussi à accrocher avec ce premier album des aventures de Tintin, comme avec ceux qui ont suivi, je le reconnais. Il faut attendre le septième album, L’île noire, pour que je commence à trouver la série sympathique. Puis, avec le suivant, Le sceptre d’Ottokar, je plonge dans un univers que je trouve très riche est passionnant, ce qui ne signifie nullement que j’en tombe amoureux… Hergé, comme nous le voyons à chaque lecture d’album – et l’été c’est fait pour lire – est aussi un homme dont certaines idées peuvent déranger profondément. Parfois, il est de son temps mais aussi de son milieu social… Je dirais aussi qu’il est souvent un homme un peu faible et sans conviction très profonde… C’est du moins mon sentiment de lecteur…

Shelton
avatar 15/09/2018 @ 06:30:40
Samedi 15 septembre 2018

L’été tire à sa fin mais jusqu’au bout, l’été c’est fait pour lire ! Comme une exposition Tintin s’installe le temps d’un week-end sur Chalon, salle Marcel Sembat, il est encore temps de lire et relire certains albums des aventures de Tintin… Mais, même si certains d’entre vous se lassent de ces chroniques sur Tintin, même si on n’est pas fasciné par ce personnage et son univers, il me semble qu’il est important d’y passer pour mieux comprendre la bande dessinée… Avec l’album du jour, Vol 714 pour Sydney, on arrive à un Tintin et un Hergé dont je me souviens… Oui, en 1968, je lisais de la bande dessinée, les héros de Pilote en particulier mais aussi les aventures de Tintin…

Ah ! Il en aura fallu de la patience aux lecteurs du journal Tintin pour découvrir une nouvelle histoire de Tintin et Milou. Quatre ans d’attente courageuse ! Certes, ils avaient confiance mais ils ne sentaient pas de la part d’Hergé le même enthousiasme qu’auparavant… Après Les bijoux de la Castafiore tous les tintinologues, eux, se demandaient comment Hergé allait pouvoir faire un nouvel album des aventures de Tintin. Comment inventer une nouvelle forme d’histoire ? Comment dépasser le génie créatif des Bijoux ? Comment se parodier encore plus qu’en proposant une aventure à l’intérieur du château de Moulinsart ? Le défi était placé très haut, mais nous allons voir comment Hergé le releva et, surtout, comment Bob de Moor l’aida à concrétiser tout cela…

Dès le départ, on croit plutôt à une histoire banale. Tintin, Haddock et Tournesol sont en voyage. Les voilà arrivant sur l’île de Java, en transit pour Sydney. Ils sont donc déjà à l’autre bout du monde, Haddock a soif et Tournesol n’entend rien, tout est donc complètement normal…

Mais dès le début de l’épisode, on se rend compte qu’Hergé et les personnes qui travaillent avec lui au sein des studios Hergé maîtrisent de mieux en mieux leur art. Si la bédé est un art narratif, alors Vol 714 pour Sydney devrait être donné en exemple systématiquement, surtout la première partie de l’album. En effet, tout y est : suspens bien réparti et organisé, surtout dans les bas de page de droite ; vignettes débordantes de mouvement, spécialité d’Hergé mais qui là devient un expert ; très beau travail d’expression des pensées des personnages ; utilisation d’idéogrammes et pictogrammes, petits dessins qui à l’intérieur de bulles peuvent permettre d’exprimer des mots, des phrases, des idées, voir des histoires complètes comme c’est le cas page 2 ; enfin, rencontre avec un personnage connu… Mais reprenons certains de ces éléments qui méritent plus qu’une simple énumération.

Le mouvement dans la vignette… Je vous ai déjà expliqué qu’Hergé était un génie du mouvement dans l’image fixe, mais il nous le démontre encore dès le départ de cet épisode… Regardons ensemble Haddock se prendre les pieds dans la valise et tomber dans les bras de ce pauvre Szut, Haddock, encore lui, surpris par le cri de Milou qui se fait écraser la patte par un inconnu, Monsieur Carreidas éclater de rire, ce qui est très rare, Tintin se prendre un coup de porte de cabine téléphonique sur les fesses, et, enfin, ce cher Tryphon Tournesol faire une démonstration de savate, sport qu’il pratiquait dans sa jeunesse et… Regardez cette magnifique vignette de la page 7, une des rares où Hergé choisit de faire sortir des éléments du cadre, une chaussure et une bulle… Ainsi il augmente l’énergie et la sensation de mouvement, effet accentué par les trois petites vignettes qui suivent sans aucun texte… Je n’en dirai pas plus sur le mouvement dans cet album, mais tentez de le relire en ne regardant plus que la dynamique hergéenne qui est présente du début à la fin, peut-être même encore plus à la fin durant l’éruption volcanique…

Pour ce qui est du suspens, il faut encore rappeler que les aventures de Tintin passaient généralement en feuilleton dans le journal de Tintin et que le petit mot magique « à suivre » se trouvait en bas de la page de droite… Prenons deux exemples parmi tant d’autres… Page 33, la vignette est remarquable : la rencontre entre Allan et Tintin. C’est la surprise totale des deux protagonistes. Ils étaient en mouvement et les voilà face à face à l’arrêt. Hergé sait saisir cet instant et lui donner toute son importance. Que va-t-il se passer ? Qui tirera le premier ? Comment Tintin s’en sortira-t-il ? On ne peut que tourner la page, attendre une semaine pour lire la suite… Mêmes éléments avec la fin de la page 45. Haddock, Tintin et Mik Ezdanitoff discutent ensemble quand soudain un cri horrible se fait entendre… Qu’est-ce ? Un nouveau danger ? Une souffrance ? Il faudra, là aussi, tourner la page pour comprendre de quoi il s’agit…

Mais revenons à l’histoire proprement dite. Hergé avait l’intention, un jour, d’écrire une histoire qui se passe entièrement dans un aéroport. Pourquoi ? « J’ai une idée, ou plutôt, une fois encore, j’ai un lien, un décor : j’aimerais que tout se passe dans un aéroport, du début à la fin. L’aéroport est un centre riche de possibilités humaines, un point de convergence de diverses nationalités : le monde entier se retrouve en réduction, dans un aéroport ! Là, tout peut arriver, des tragédies, des gags, de l’exotisme, de l’aventure… » Mais ce projet ne verra jamais le jour. Il essayera après Vol 714 mais finalement ce sera dans cet album qui racontera sa plus grande séquence se déroulant dans un aéroport…

Tintin, Haddock et Tournesol sont en voyage, pas à la recherche d’une aventure mais en route pour un congrès international d’astronautique car ce sont eux qui ont été les premiers à marcher sur la lune… Mais dans l’aéroport, ils commencent par rencontrer Szut, un pilote que l’on avait croisé dans Coke en stock… Mais que fait ce pilote ici… Il est le pilote personnel de Laszlo Carreidas, un célèbre milliardaire constructeur d’aéronefs… qui va, lui aussi, à ce célèbre congrès de Sydney… Lui aussi est un homme important de ce milieu, une sorte de Marcel Dassault, on dit que le constructeur français a bien servi de modèle à Hergé. Les présentations étant rapides, le courant passant bien entre le milliardaire taciturne et Tournesol, les voilà invités à prendre place dans le spécial Carreidas 160, un magnifique tri réacteur…

Mais voilà, c’est en quittant l’aéroport que le mécanisme de l’aventure enferme Tintin et ses amis dans un nouvel épisode tumultueux. En effet, entre Kemajoran, lieu de l’escale, et Sydney, lieu de destination, Hergé a caché, sur une île du Pacifique, Pulau-Pulau Bompa, l’ignoble Rastapopoulos…

Cet horrible méchant par excellence n’est pas mort à l’issue de Coke en stock, non il a survécu contrairement à ce que pensait Tintin, et il avait décidé de se refaire en plumant un infect milliardaire… Mais puisque qu’il se trouve en possession de tous ses ennemis, il va en profiter en se vengeant une bonne fois pour toutes de ce Tintin, de ce Haddock, de ce Tournesol… Il est à noter que le second de Rastapopoulos est l’ancien second de Haddock, lorsqu’ils naviguaient sur le Karaboudjan, le triste Allan, ordure parmi les ordures qui a déjà eu l’occasion de trahir Haddock…

Le sauveur sera, tout d’abord Milou. C’est très important de comprendre que, si parfois Tintin se met en danger pour sauver Milou – nous ne citerons que Le Temple du Soleil et Tintin au Tibet – il y a d’autres situations où c’est ce brave petit chien qui sauve son maître. Et c’est bien le cas dans Vol 714. Dès son arrivée sur l’île, le chien prend sa liberté, déclenchant une salve de mitraillette… mais, du coup, il est disponible pour aider Tintin, ce qu’il fera très rapidement en venant défaire les liens de Tintin… Ainsi, le combat entre bons et méchants peut commencer, grâce à Milou !
Sur l’île, le scénario est enrichi par la présence d’un docteur très particulier, le docteur Krollspell, qui ressemble vraiment à un ancien nazi… Son sérum de vérité sera à la source de plusieurs gags… Et c’est bien le talent d’Hergé de faire rire tout en racontant des histoires graves…

Mais Hergé ne savait peut-être pas comment finir cette histoire… Ou, Bob de Moor, un jeune artiste qui est entré aux Studios Hergé en 1950 avait envie d’innover un peu, allez savoir… C’est lui qui a modernisé l’album L’île noire. Mais dans les derniers albums de Tintin, il prend une part de plus en plus grande si bien que certains pensent que Vol 714, en particulier la dernière partie de l’album, est le fruit de l’imagination et du travail de Bob de Moor. J’en suis convaincu, il suffit de lire d’autres travaux de l’artiste pour comprendre… Il ne se contente jamais d’un réalisme classique à la Hergé, il faut un peu plus de fantastique, voir de science fiction, ou un savant mélange des deux comme dans l’album des aventures de Blake et Mortimer qu’il a terminé, amélioré, Mortimer contre Mortimer, le second volet des Trois formules du professeur Sato… Alors, de quoi s’agit-il dans Vol 714 ? De la venue d’extraterrestres dans les aventures de Tintin… Si… Si…

Oui, ça peut surprendre ceux qui ne connaissent que peu Tintin et n’ont jamais lu Vol 714, mais c’est vrai que Mik Ezdanitoff arrive soudainement dans cette histoire, qu’il va sauver nos héros, qu’il les hypnotisera avant pour que l’on ne parle jamais du rôle de son peuple… et qu’Hergé, ou Bob de Moor, combinera l’action d’un volcan pour donner aux dernières pages un aspect très particulier, fort dangereux, pendant lesquelles Carreidas, Tintin, Haddock, Tournesol, Milou, Rastapopoulos frôleront la mort… Mais, pour être honnête, il faut préciser qu’Hergé était effectivement passionné par les extraterrestres, les phénomènes paranormaux… Donc le travail avec Bob de Moor fut probablement concerté…

Mais on ne sait pas ce que devient Rastapopoulos… Hergé avait-il l’intention de le réutiliser ? On ne saura jamais, mais au moins ceux qui aiment les méchants peuvent imaginer qu’il a été enlevé par les extraterrestres et qu’il sème encore la m… sur une autre planète ! Merci Hergé de nous laisser quelques possibilités de terminer à notre façon les vies des personnages que tu as créés et que tu as laissés en vie derrière toi…

La fin de l’album est marquée par une grande séquence de télévision, la dernière en noir et blanc dans Tintin, car la prochaine sera en couleur… Mais dans les téléspectateurs, nous avons la surprise, je ne dirais pas le plaisir, de découvrir l’assureur Séraphin Lampion… Dernières remarques humoristiques dans un récit plus sérieux…

Tiens, un personnage se souvient de tout. Oui, il y a bien eu des extraterrestres, un détournement d’avion, le grand retour de Rastapopoulos… Mik Ezdanitoff a laissé un témoin derrière lui… Quel danger pour un peuple fragilisé par une histoire délicate… Mais comme c’est Milou, tout va bien, le secret sera bien gardé…

« Ah ! Si je pouvais raconter tout ce que j’ai vu ! Mais on ne me croirait pas. »
Allez, encore quelques petits gags pour le fun… Regardez ce qu’il advient d’une plante arrosée au Sani Cola par Haddock qui préfère, vous vous en doutez bien, le whisky… Regardez Rastapopoulos essayer d’écraser un petit scorpion…

C’est donc un album atypique qu’Hergé nous donne après un long temps d’absence, un travail pendant lequel il fut beaucoup aidé, entre autre par ce fameux Bob de Moor, une histoire que j’aime bien, qui se lit facilement et dont le dessin est souvent d’une grande qualité. Alors très bonne lecture et à très vite autour de cette exposition Hergé et son petit reporter (salle Marcel Sembat à Chalon-sur-Saône) !

Shelton
avatar 15/09/2018 @ 09:45:15
Allez, promis, encore une chronique Tintin demain et on passera à autre chose... car l'été n'est pas encore terminé !

Shelton
avatar 16/09/2018 @ 06:18:21
Dimanche 16 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire – et on arrive doucement à la fin de cet été même si le soleil reste beau – et comme nous sommes encore avec cette belle exposition Hergé et son petit reporter, il est temps de se relire encore un album des aventures de Tintin… Ce sera donc Tintin et les Picaros !

C’est en 1976, que parut cet album qui est le dernier achevé par Hergé puisque L’Alph-Art n’est resté qu’à l’état d’ébauche. Les lecteurs fanatiques auront du attendre assez longtemps, huit ans s’étant écoulés depuis la sortie du précédent, Vol 714 pour Sydney.

Mais, pour ces lecteurs impatients, le résultat aura-t-il été à la hauteur des espérances ? Ce dernier Tintin a-t-il fait rêver ? Ce sont ces questions qui m’ont porté dans la préparation de cette chronique et j’espère que nous allons pouvoir repartir ensemble avec des éléments de réponse…

Tout commence avec une première planche étonnante puisque nous allons voir Tintin rentrer d’une balade en moto, sans son pantalon traditionnel de golfeur, avec un casque orné du symbole des hippies des années soixante dix, Peace and Love, et, encore plus fou, Haddock cracher une gorgée de whisky !!!

Mais, si pour le look de Tintin il n’y aura pas d’explication particulière, pour le comportement du capitaine Haddock, les choses se préciseront au fur et à mesure…

Tintin et Haddock sont donc au château de Moulinsart et leur tranquillité vient être perturbée par les médias. C’est tout d’abord l’annonce par la presse, Paris-Flash, de la tournée de la célèbre cantatrice Bianca Castafiore en Amérique du Sud. Puis le reportage télévisé – tiens la télé est en couleur ! – de l’arrivée de la célèbre milanaise à Tapiocapolis… Cela permet de donner aux lecteurs de très nombreuses informations qui vont servir pour la suite de l’aventure… La Castafiore chante toujours, juste bien sûr, même si certains n’aiment toujours pas l’opéra, qu’elle est toujours accompagnée de son pianiste Igor Wagner et sa dame de compagnie Irma. Que c’est le général Tapioca qui dirige le San Theodoros, après avoir écarté son rival, cette vieille connaissance de Tintin, le général Alcazar. Ce dernier a pris le maquis avec ses dangereux guérilleros, les Picaros. De son côté, le général Tapioca, véritable dictateur, aidé par la Bordurie, a débaptisé la capitale qui est devenue Tapiocapolis.
On s’aperçoit qu’Hergé a voulu très rapidement créer des liens avec ses anciens albums. Le général Alcazar est apparu dans L’oreille cassée pour la première fois mais est revenu régulièrement : en lanceur de couteaux dans Les 7 boules de cristal ou en acheteur d’armement dans Coke en stock…

Mais il va encore plus loin, puisque très rapidement, on voit les Dupondt accompagnant la Castafiore pour assurer sa sécurité, on voit le très fameux Séraphin Lampion, assureur, se préoccuper de l’assurance des bijoux de la diva, et, enfin, Tournesol et Nestor. Nestor semble d’ailleurs avoir vieilli, écouter derrière les portes et tester la qualité du whisky… Serait-il en train de sombrer dans l’alcoolisme ? Nous ne le saurons pas… Même les journalistes Jean-Loup de la Batellerie et Walter Rizotto seront de la fête, on avait fait leur connaissance dans Les bijoux de la Castafiore…
Mais ce n’est pas en convoquant tous les anciens personnages des aventures de Tintin que l’on écrit une nouvelle histoire. Mais Hergé ne semble pas pressé. Tout se met en place, le général Tapioca fait arrêter les Dupondt, la Castafiore, Wagner et Irma, porte des accusations très graves contre les héros de Moulinsart… Mais Tintin semble hésiter, attendre, un peu comme Hergé qui prend huit ans pour offrir une nouvelle histoire.

On peut véritablement se demander si les Picaros n’est pas l’album de trop, ou plus précisément l’album contraint… Voici quelques phrases de tintin prises dans cet épisode : « Oui, ou bien nous nous retrouverons tous en prison, comme Bianca Castafiore. Merci bien… » Tintin ne nous avait pas habitués à tant de passivité, lui qui était prêt à parcourir le monde pour sauver un ami… « Vous partez peut-être, capitaine ! Mais moi, je ne pars pas !!! » Lui qui avait forcé la main plus d’une fois à Haddock, dans L’étoile mystérieuse ou dans Tintin au Tibet, le voilà en retrait. Si en retrait que Haddock et Tournesol partiront les premiers… Cette absence momentanée de Tintin permettra une série de 9 planches sans Tintin, peut-être un record dans le genre, à vérifier quand même… Pour rester dans ce domaine de l’absence de désir d’aventure chez tintin, sa dernière phrase de l’album est significative. Quand Haddock lui dit sa satisfaction de rentrer à Moulinsart, il répond tout simplement, de façon très inhabituelle, « moi aussi, capitaine… ».

Mais entre ces phrases, il y a, quand même, une histoire, et puisque la Castafiore est en prison, puisque les Dupondt sont condamnés à mort, il faudra bien les sauver… Alors qui et comment ? Arrivons-en au cœur de cet album…

Il s’agit d’une grande manipulation organisée contre Tintin et ses amis pour d’une part empêcher le général Alcazar de reprendre le pouvoir et, d’autre part, de se venger d’une humiliation qui date de quelques années. En effet, lors de L’affaire Tournesol, le colonel Sponsz, responsable de la détention du professeur, s’était fait mystifier par Tintin et Haddock… et la vengeance est un plat qui se mange froid, l’heure est venue de passer à table… Pourquoi ? Tout simplement parce que le colonel Sponsz a été affecté comme conseiller technique auprès du général Tapioca. Il a hispanisé son nom, il est devenu le colonel Esponja. C’est lui qui veut voir Tintin et Haddock se précipiter au secours de la Castafiore pour, enfin, tous les éliminer… et comme il faut aussi se débarrasser du général Alcazar, la machinerie sera de très haute conception… et il ne faut pas que je vous en dise trop…

Mais, comme nous l’avons déjà fait avec d’autres albums, il est intéressant de se poser quelques questions sur la vision politique d’Hergé, à travers cet album et non en partant des différentes rumeurs qui ont circulé à son sujet. Les deux généraux, Alcazar et Tapioca, sont deux crapules, deux dictateurs potentiels et aucun ne peut symboliser l’avènement prochain d’une démocratie au San Theodoros. L’un est supporté, poussé, conseillé, armé, financé par la Bordurie, un Etat que l’on sait depuis longtemps mauvais et dont les structures ressemblent fort aux régimes des démocraties populaires. Mais le prétendant n’est guère plus sympathique, il ne rêve que d’exécution capitale pour tous les traîtres, et pour se retrouver dans cette catégorie, il suffit d’avoir, d’émettre une idée légèrement différente de celle du général déchu… De plus les guérilleros sont soutenus par l’International Banana Company… Devant cette situation, Tintin ne va pas choisir. On a l’impression qu’il refuse de prendre parti. Il va tout faire pour sauver ses amis, il a compris que le général Alcazar pourrait être un allié de qualité, alors il fera cause commune avec lui. Mais comme Tintin ne peut pas se salir avec des compromissions inacceptables, Hergé va demander à son jeune héros de pousser Alcazar à s’engager de façon formelle à ne pas procéder à des exécutions capitales lors de la révolution. Il le fera sous la contrainte morale mais on sent bien que dès que les amis de Tintin seront rentrés chez eux le dictateur reprendra le cours normal de sa politique… Hergé semble étranger à ce monde bouleversé par les grands affrontements idéologiques. C’est un peu comme s’il portait encore les séquelles de ses engagements du passé, contre le communisme, pour une certaine droite européenne… Il est comme Tintin, on le sort de force de son château, c’est à dire de ce lieu où il peut vivre sans se soucier du reste du monde, et il est pressé d’y retourner… Du coup, je pense qu’il ne faut pas chercher trop de sens politique dans cet album qui me semble plus nostalgique que militant…

Nostalgique, car on a l’impression qu’Hergé sait qu’il arrive à la fin de ses travaux. Maladie, fatigue, lassitude, impression d’avoir tout dit, tout fait… probablement un peu de tout ça, mais surtout, comme il a demandé de façon très claire que jamais personne ne reprenne le personnage de Tintin, il lui faut saluer tous ses personnages dans une dernière aventure, et cet album, Tintin et les Picaros, joue ce rôle. On y retrouve l’explorateur anglais Ridgewell et le peuple des Arumbayas que l’on n'avait plus croisés depuis L’oreille cassée.

Cette façon de re-convoquer tous les personnages créés, c’est aussi, et encore, une méthode de lutter contre le vieillissement et la mort, la plus grande des angoisses d’Hergé, j’en suis sûr… L’oreille cassée, c’était en 1935, Tintin et les Picaros en 1976, plus de quarante ans d’écart et le général Alcazar n’a pas pris une ride, les Arumbayas ne savent toujours pas jouer au golf et l’explorateur anglais, déjà très âgé à l’époque est encore là bien en vie… La bande dessinée rendrait-elle éternel ? C’est ce que souhaite, sans aucun doute Hergé lui-même…

Mais je dois avouer que ce n’est pas mon album préféré. Je le trouve assez superficiel, manquant de consistance au niveau du scénario, sans véritable surprise… Je trouve que l’auteur est arrivé à son zénith avec Les bijoux de la Castafiore et qu’après il tente seulement de faire survivre Tintin pour rester en vie lui-même… Heureusement, pour le lecteur, il y a quelques bonnes choses à découvrir au gré de vos observations de lecteurs attentifs et peut-être même que ces Picaros répondent aux Bijoux…

Nous commencerons par Tournesol qui n’a jamais été aussi sourd et du coup décalé du début à la fin… mais qui est aussi un des sauveurs de la Castafiore qu’il admire depuis longtemps au fond de lui…

J’aime aussi les séquences de la Castafiore qui semble avoir pris un coup de jeunesse et avec qui je partage le goût pour les pâtes « al dente »…

La pyramide paztèque me plait bien et je trouve qu’Hergé a toujours le chic pour donner des noms à des peuples et des civilisations du passé… même si le vertige de Tournesol nous empêche d’en profiter pleinement.

Comme nous sommes dans une forêt d’Amérique du Sud, il fallait des animaux. Ils sont bien là, anaconda, caïman, singes… Mais c’est la séquence avec le gymnote qui permet à Hergé de réaliser une série de ces beaux dessins pleins de mouvement dont il a le secret… et j’aime beaucoup ça !
Il ne vous restera plus qu’à trouver l’endroit où Hergé rend un petit hommage à Goscinny et Uderzo…
Auteurs qui rendront la monnaie de la pièce dans leur album suivant, Astérix chez les Belges, avec un duo bien hergéen…

Mais si le San Theodoros a changé en un album de gouvernement, vous pourrez constater que les bidonvilles de la capitale ne changent pas, c’est un peu comme dans la réalité, comme quoi Hergé est bien un auteur réaliste…

Dans les Bijoux, nous avions le voyage immobile et avec les Picaros, le grand voyage dangereux pour sauver une amie... La boucle est refermée... Tout peut s'arrêter...

Et si, maintenant, vous alliez vérifier vous-mêmes ce que je viens de vous affirmer ? Bonne lecture !

Shelton
avatar 17/09/2018 @ 08:23:32
Lundi 17 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et les jours passent si vite que nous voilà presqu’en automne… Bien sûr, personne n’arrêtera de lire d’un seul coup et donc ces propositions de lectures pourront alimenter votre table de nuit durant tout l’hiver… reste une question fondamentale : pourquoi lire en hiver 2018-2019 une chronique politique qui s’étale de juillet 2015 à janvier 2017 ? Pourquoi prendre le temps de lire une journaliste qui a fait son temps, Anne Sinclair ? Tout cela a-t-il un sens ?

Oui tout cela a non seulement un sens mais même devient un acte salutaire car cet ouvrage dégage une puissance intellectuelle, une finesse de la perception politique, une connaissance des acteurs politiques et une intuition de l’avenir assez fortes pour tenir le lecteur en haleine du début à la fin des presque 600 pages…

Il faut dire que si vous, lecteur, connaissez la fin de l’histoire, l’autrice, elle, ne la connait pas. En effet, Anne Sinclair a relevé le pari d’écrire son journal de campagne présidentielle à partir de juillet 2015, au jour le jour ou presque et sans le retoucher après même si elle se trompait. De plus, elle arrête son journal après la primaire de janvier 2017, c'est-à-dire sans avoir le résultat final et alors que l’affaire Pénélope Fillon ne fait que commencer…

On voit ainsi la journaliste aller de surprise en surprise. En effet, qui aurait pu, quatre mois avant la primaire de droite, imaginer que Fillon sortirait vainqueur d’un combat qui devait voir Juppé et Sarkozy s’affronter au second tour ? Or, nous allons avoir son point de vue, au fur et à mesure, parfois avec de la lucidité surprenante, tantôt avec des erreurs de jugement ou de perception… Tout est là car elle joue totalement le jeu et je trouve cela passionnant…

Mais, les circonstances sont beaucoup plus fortes que prévues car cette période est aussi celle des attentats de Nice et de Paris – et je ne compte pas ceux qui touchent d’autres régions du monde et dont elle parle – et alors que dans le monde on voit le Brexit et l’élection d’un certain Donald Trump. Pour tous ces évènements, Anne Sinclair nous donne ses sentiments, ses réflexions, ses avis, heure après heure, jour après jour… Parfois angoissants, souvent modérés et réfléchis, dans certains cas lumineux et clairvoyants, toujours intelligents, les mots de la journaliste et de la femme nous aident à réfléchir, à comprendre ce que nous avons vécu là, à nous revoir dans les votes des primaires ou de la présidentielle, à mesurer les informations qui nous manquaient peut-être, bref, à évaluer d’une certaine façon le fonctionnement de notre démocratie…

J’ai beaucoup apprécié, entre autre, la réflexion sur les rapports et liens des journalistes avec les personnages politiques, Anne Sinclair revenant plusieurs fois sur le sujet et expliquant comment elle faisait pour garder de la distance avec ceux qu’elle rencontre et interroge… L’ouvrage devrait être utilisé dans les écoles de journalisme, de communication, de sciences politiques… Tient, cela me donne quelques idées…

Franchement, un ouvrage d’une grande qualité que beaucoup devraient prendre en mains, malgré la taille qui fera peur à certains, même si le lecteur peut avoir à un moment ou un autre le sentiment que la vérité est difficile à débusquer et comprendre, même si les acteurs politiques ne sont pas toujours à leur avantage…

Sur ce dernier point, la réflexion sur l’échec de la présidence Hollande est prenant… Elle contemple, fait après fait, comment Hollande descend dans le cœur des Français malgré tout ce qu’il entreprend et elle montre que sur certains sujets il est effectivement remarquable et, surtout, comment après avoir démontré ce qu’il est, il peut, en un instant, détruire son image, la meurtrir, la rendre terrible…

Voilà, un livre que vous devriez lire et que je ne pourrais même pas vous prêter car il y a déjà trois ou quatre lecteurs en attente dans la famille… Mais comme il faut lire, et pas que l’été, Chronique d’une France blessée, de Anne Sinclair aux éditions Grasset est un titre à garder en mémoire… Bonne lecture et à demain !

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