Pieronnelle

avatar 13/07/2017 @ 00:12:42
Le soleil est lourd pour le corps de celui qui travaille en plein air , c’est sûr ! Mais il peut être lourd aussi pour celui qui travaille à l’intérieur... à cause de la chaleur ; et même aussi pour celui qui ne travaille pas... !
Ah la lourdeur du corps ! Celle qui vous enveloppe insidieusement telle une brume qui s’infiltre par tous les pores de la peau.
Parfois, pas forcément besoin d’un soleil de plomb...

Mais pour ces hommes et femmes qui travaillent dehors, sur ce site archéologique en plein désert, le soleil s’abat sur eux sans complexe ni retenue, comme s’il voulait les mettre en garde ; les trésors sous la terre n’ont peut-être pas envie de retrouver la lumière...le désert c’est l’enfant du soleil ! C’est lui, avec son compère le vent, qui a enfoui le royaume de cette reine merveilleuse mais peut-être trop ambitieuse...
Sous le soleil point de vitesse possible, les gestes sont lents et les doigts et outils fouillent le sable avec une précision d’horloger ; les gouttes de sueur s’échappent des chapeaux et casquettes dessinant comme des petites étoiles autour du creux qui s’approfondit lentement. Parfois une forme apparaît, les doigts alors se figent et tremblent d’espoir ; puis ils reprennent doucement, très doucement, caressant la forme qui se fait attendre...Il y a bien quelque chose, mais quoi ? C’est dur, l’espoir est intense, la sueur arrose l’objet merveilleux ; il faudra des heures pour dégager ce morceau de trésor et encore plus pour l’identifier. Mais le bonheur est là ; bonheur d’avoir trouvé, d’avoir vaincu le désert...

Des tentes blanches alentour un air de flûte semble annoncer cette victoire avec une nostalgie infinie ; l’enfant qui joue s’adresse au soleil pour qu’il veuille bien se coucher et laisser enfin venir une fraîcheur dont il faudra se protéger la nuit ; alors les roses des sables éclateront et les corps lourds des travailleurs se reposeront ; mais pour l’instant l’enfant joue, assis sur une natte et les notes attendront les derniers rayons du soleil pour se coucher en même temps que lui....

Sur son étagère, au sein du musée, l'objet se souvient ; la caresse des doigts, les gouttes de sueurs ; le chant de la flûte, mais surtout cette lumière intense, si intense qu'il s'est senti foudroyé et une grande nostalgie l'étreint ; nostalgie de la douceur et profondeur de cette couche dans laquelle il s'était endormi comme un enfant depuis des milliers d'années et qui le protégeait... de tous les regards...

Lobe
avatar 13/07/2017 @ 14:57:02
Un premier paragraphe que l'on sent très... personnel/Pieronnelle.
Ensuite, place à l'histoire. Où il est question de temps qui enfouit les choses, et de la saveur de l'oubli. Plus que cela, même, c'est la question du sens : déterrer le passé, pour quoi, pour qui? Pour soi? N'y a-t-il rien de plus précieux que l'acte le plus gratuit, impermanent, qui ne laisse pas de trace palpable (la flûte le soir qui se dissout aussitôt le soleil couché)? Tout le reste, n'est-ce pas que... du vent?

(désolée je m'égare!)

En tout cas, ravie de ta participation. Tardive ou pas. Le temps du courage, il faut le prendre. (j'ai une tendresse pour les poulpes - et pour les seiches, une affection sans borne. Leur regard! Leur magie!)

Pieronnelle

avatar 13/07/2017 @ 16:13:35
Ah ta tendresse pour les poulpes ...je la prends pour moi, touchée...et merci pour avoir suscité le frémissement :-)

Minoritaire

avatar 13/07/2017 @ 17:35:57
"Les choses ont une vie bien à elles; il faut réveiller leur âme, toute la question est là."*

Mais pourquoi les réveiller si c'est pour les mettre en cage? Alors qu'avant cette léthargie, elles avaient sans doute été caressées, utilisées, adorées... Elles avaient vécu les alternances des saisons, des jours et des nuits; elles avaient vu naitre et mourir des hommes et des royaumes...
Grandeur et décadence de l'objet, exposé aux regards vaguement curieux dans une salle sans âme; interdit au toucher, interdit au sentir et au ressentir.
Mais patience : ce monde-là aura aussi sa fin, et l'objet retournera à son sommeil.
Jusqu'à ce que...

Ca valait la peine que tu sortes de ta léthargie, Piero
Sans vouloir faire de peine à qui que ce soit, ma sympathie envers les céphalopodes est essentiellement gustative.


* Cent ans de solitude; mais je n'ai plus retrouvé l'endroit.

Darius
avatar 17/07/2017 @ 13:47:19
Ah oui, j'aime bien l'idée de cette statuette qui regrette le temps où elle était enfouie, j'imaginais exactement la même chose lorsque je lisais ces archéologues fouillant la terre... Très poétique et nostalgique ton texte..

Tistou 17/07/2017 @ 17:03:35
Exactement ! Poétique. Très belle image et sensation que tu fais passer dans la fin de ton texte avec cet air de flûte qui supplie le soleil de se reposer pour laisser une chance à chacun, une chance de récupérer pour affronter la journée qui suit dans le désert ...
Une belle réussite pour une qui n'était pas trop partante. Et dont l'heureux évènement, pour le coup, n'est pas une naissance mais une renaissance d'un objet trop longtemps remisé dans la terre et l'oubli.

Et oui, moi aussi j'ai trouvé les considérations du départ du texte très ... personnelles !

Cyclo
avatar 25/07/2017 @ 18:52:26
Joli texte sur le désert et ce merveilleux flûtiste, et la nostalgie du passé, pourtant visiblement revivifiante.
Le premier paragraphe intègre bien la phrase à utiliser et indique bien le poids (des ans peut-être) que contrebalance dans le troisième paragraphe la légèreté de la flûte. Beau contrepoint.

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