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Forums  :  Vos écrits  :  Amicitia

LisaSmnt
avatar 23/05/2017 @ 21:46:32
  Être le meilleur ami de quelqu'un, c'est dur, terrifiant et génial. Il faut être toujours présent pour l'autre, toujours à l'écoute. Il faut garder ses secrets coûte que coûte et le protéger. Même si cette relation va dans les deux sens, je suis intimement persuadée qu'il y en a toujours un plus impliqué que l'autre. Le plus complexe, c'est lorsque que l'autre personne est du sexe opposé. Un moment où à un autre, des sentiments trop forts finissent par apparaitre. Cela dit, je crois dur comme fer en l'amitié entre deux personnes qui ne sont pas du même sexe. Je suis obligée d'y croire étant donné que j'y suis confrontée tous les jours. Quand ces sentiments, font surface tout change et il reste deux possibilités : avec un peu de chance, ces sentiments sont réciproques et tout va bien chez Amélie Poulain, sinon, comme disent les autres adolescents de quatorze ans, c'est un râteau et une gêne immense finit par s'installer entre les deux principaux intéressés.
Être le meilleur ami de quelqu'un implique de nombreux fous rire et parfois des larmes. En aucun cas, une amitié ne devrait faire mal, elle devrait donner des ailes, le courage d'affronter les jours qui passent. Pourquoi est-ce devenu si dur d'avoir des amis fiables ? Tout est devenu si dur. Si vous êtes encore vierge à 16 ans, c'est que vous êtes coincée. Si c'est le contraire, vous êtes une fille facile. Dès que vous dîtes quelque chose tout le monde le sait et, en général, c'est déformé à chaque fois que quelqu'un le répète. Vous dîtes que vous aimez les tomates, les gens comprennent, je ne sais pas comment, que vous êtes lesbienne et la rumeur est lancée. C'est le téléphone arabe. Ce genre de choses peut mettre fin à votre quotidien. Les personnes qui semblaient être des amis fidèles vous fuient parce qu'ils ne veulent pas être vus en votre compagnie, ça ferait mauvaise impression à cause de la rumeur.
Les mensonges. Ça aussi, c'est une grande partie de mon quotidien. L'honnêteté est censée être une grande qualité, non ? C'est devenu un pêché. Vous vous rendez compte ? L'honnêteté, la franchise sont devenus des crimes ! La plus grande vertu de l'Homme est dorénavant l'un des pêchés capitaux. Je n'en reviens pas. Le mensonge est censé être pour ceux qui n'assument pas la vérité. En tout cas certains de mes "amis" seraient très bons au poker.
Pour revenir à ce que j'ai énoncé tout à l'heure, il y a toujours une personne plus investie que l'autre. D'après mon expérience, cette personne récolte les restes en voulant privilégier l'autre. Elle veut qu'elle ait tout ce qu'elle désire quitte à se sacrifier parfois. Tous ces sacrifices ne sont rien quand on voit le sourire que notre ami nous offre comme gage de son bonheur. Depuis le décès tragique de deux personnes de ma famille, j'ai développé une peur irrationnelle des sentiments. Il y en a qui sont très heureux de découvrir ce que l'on éprouve à leur égard, et il y a ceux qui ne veulent pas le savoir. Quand on sait comment les autres, nous aime ça devient sérieux. Je ne parle pas forcément d'amour. Vous vous devez d'être à la hauteur et vous ne pouvez plus fuir, ce ressenti de liberté se transforme en une impression de séquestration. Comme si on était tout d'un coup, coincé là par des chaînes dont il est impossible de se défaire. Notre besoin de fuir se change en un but ultime et c'est pire que tout. Se penser piéger est, pour moi, pire que tout autre châtiment, je déteste me sentir comme un oiseau en cage. Ce n'est que de l'amitié, ce n'est pas un mariage, mais je le prends de la même façon. Je le regrette souvent. À dire vrai, je le regrette à chaque fois.
Inconsciemment ou pas, nous choisissons nos proches selon un premier critère. Leur physique. Il n'y a rien de mal à ça, c'est humain. La beauté attire notre regard. Je vais prendre la rentrée des classes par exemple, le premier jour du reste de l'année, on ne connaît presque personne. On est seul au milieu d'une foule de visages inconnus, on voit un groupe de personnes aux physiques plutôt attirant, on n'y va et on tente d'engager la conversation. On ne s'en fera peut-être pas des amis pour la vie, mais peu importe, on sera moins seul dans cette jungle.
J'en suis à ma dernière année de collège et je me suis éloignée de plus de la moitié de mes potes de sixième. Les choses ont changé, j'ai sûrement changé en quatre ans aussi.

Saule

avatar 24/05/2017 @ 09:14:59
C'est un peu décousu mais j'ai lu avec plaisir. Tu as une belle plume et tes textes ont chaque fois un ton décalé et étrange qui me parle.

Fanou03
avatar 24/05/2017 @ 11:16:35
Cette fois-ci Lisa tu nous offres, à travers ton témoignage, une réflexion sur l'amitié et la relation aux autres. C'est juste, c'est sensible. Quel mystère celui de l'amitié, quelle difficulté supplémentaire quand effectivement les amis sont de sexes opposés, en particulier à l'âge de l'adolescence !

Allez, je ne résiste pas à citer Montaigne et son fameux texte sur l'amitié...

« Au demeurant, ce que nous appelons d’ordinaire amis et amitiés, ce ne sont que des relations familières nouées par quelque circonstance ou par utilité, et par lesquelles nos âmes sont liées. Dans l’amitié dont je parle, elles s’unissent et se confondent de façon si complète qu’elles effacent et font disparaître la couture qui les a jointes. Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi.

Au-delà de mon discours et de ce que j’en puis dire particulièrement, il y a je ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant de nous être vus, et les propos tenus sur l’un et l’autre d’entre nous faisaient sur nous plus d’effet que de tels propos ne le font raisonnablement d’ordinaire: je crois que le ciel en avait décidé ainsi. Prononcer nos noms, c’était déjà nous embrasser.

Et à notre première rencontre, qui se fit par hasard au milieu d’une foule de gens, lors d’une grande fête dans une ville, nous nous trouvâmes tellement conquis l’un par l’autre, comme si nous nous connaissions déjà, et déjà tellement liés, que plus rien dès lors ne nous fut aussi proche que ne le fut l’un pour l’autre. ». (Montaigne, Essais, livre 1, chapitre 28).


Saint Jean-Baptiste 25/05/2017 @ 12:22:39
Ah ! Lisa, le dur apprentissage de la vie ! Mais 14 ans c’est l’âge des amitiés, des chansons, des sorties entre copains, des promenades, des grandes vacances…
16 ans c’est l’âge des premiers émois mais on ne pense pas encore à l’amour-toujours. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Tu auras toute la vie pour ça. Le temps passe vite, Lisa, et plus tard du diras : c’était le bon temps.

Lobe
avatar 25/05/2017 @ 20:49:34
Ça me fait plaisir de voir que tu viens régulièrement ici, déposer un texte sur la pointe des pieds. Dans les derniers il était plus question d'un monde de la nuit un peu sordide et désespéré, celui-ci change vraiment. J'imagine que ça rapporte fidèlement (dans une certaine mesure) la teneur de tes réflexions sur le sujet. C'est en tout cas l'un de textes que j'ai préféré, il m'a fait repenser à la façon dont à ton âge j'envisageais l'amitié. Je me souviens de quelques surprises dans le rapport fille-garçon, de quelques complications inconséquentes dans celui fille-fille-fille (un trio qui s'est déséquilibré), mais pas de cet inconfort en sourdine ni de cette atmosphère de jugement. "Vous dîtes que vous aimez les tomates, les gens comprennent, je ne sais pas comment, que vous êtes lesbienne et la rumeur est lancée." Pourtant, c'est bien inoffensif d'aimer les tomates...

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