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Forums  :  Vos écrits  :  Lac de montagne Crash

N...ajat

avatar 19/04/2017 @ 22:50:42
Le 10 mars, quelque part dans les Andes.
Je ne connaissais pas le lieu…
C'est le vingt-cinquième jour depuis le crash. Il fait très froid et j'ai mal au bras ; la plaie est toujours infectée, mais je n'ai plus de fièvre. La nuit passée fut très agitée et triste en même temps, nous avons perdu deux passagers qui, malheureusement, ont succombé à leur blessures bien que nous ayons tout fait pour les maintenir en vie. Un vieux qui a perdu tous les membres de sa famille, se tenait devant moi, il pleurait, mais son visage avait l'air de rire, l'émotion a fini par déformer son expression. Il reste très peu de nourriture et encore moins d'eau. Les recherches ont dû être abandonnées et il ne reste plus qu'à compter sur nous-mêmes. Nous ne sommes plus que six survivants, nous n'avons vraiment plus le choix ; rester ici et mourir de froid et de faim ou partir à la recherche d'un village proche. Depuis le crash, ma vie ne cesse de passer en boucle comme un vieux film. Je revois toutes mes joies et toutes mes peines, les moments de bonheur et d'autres d'amertume. Je me suis rendu compte qu'il suffit d'un rien pour que notre vie bascule. Il a suffit d'un Bang.... Le choc nous fit sursauter, l'avion vint de s'écraser contre la montagne. Et loin de tout concept philosophique, notre existence ne tient qu'à quelques éléments de base, le reste n'est que subterfuge. Je revois surtout le visage d'Anna, son sourire espiègle et provocateur, et celui de ma femme, serein et confiant, et je me demande laquelle (des deux) j'ai aimée le plus parce que, maintenant, je me sens incapable de ressentir quoi que ce soit, à part, bien sûr, le froid, la faim et la peur.
Le 11 mars quelque part dans les Andes:
La nuit fut terrible. Je me sentais vaseux les gestes engourdis par le froid, la faim et surtout et par le désespoir. Les yeux fermés, le souffle de plus en plus court, j’avais besoin de rêvasser pour tromper le temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’avais pas rêvé de ma femme mais d' Anna. J’avais rêvé d’Anna et de notre première fois. Je me rappelle du jour où elle intégra notre équipe, j’ai senti alors que du sang neuf se pulsait dans mes veines et dans tout mon pauvre corps. Et du jour au lendemain, le bureau s'était transformé, pour moi, en une terre promise, un lieu de pèlerinage. Anna faisait tout pour m’attirer, en réalité elle n’avait besoin de rien, c'était une déesse à laquelle personne ne semblait pouvoir résister. Anna était l’incarnation de la féminité, une femme d’une sensualité torrentielle. Pourtant je lui faisais de la résistance. J’étais imperméable à ses gestes et regards. J’étais un grand résistant parce que je tenais à ma femme et ma famille. J’avais renforcé mes remparts et consolidé mon bureau avec les photos de ma tribu. J’exhibais mon alliance et je ne ratais jamais l’occasion de parler de ma femme en sa présence. J'avais donc laissé s’écouler des jours, des semaines toutes semblables pleines de stoïcisme. Oui, j’ai refusé de céder à cette femme jusqu’à ce soir d’avril. Ce soir-là, quand je suis sorti du bureau, elle était en train de monter dans un taxi, quand elle me lança un regard désarmant. Mais que faire alors qu'il me restait absolument rien... Je succombai en proie... J'avais fini dans ses filets inexorables, sans avoir ni la force ni la volonté de résister encore. Sans pouvoir dire un mot, Je me trouvai dans une sorte d'hypnose et cela durait jusqu’à l'arrivée à son appartement.
Anna et son optimisme, maintenant, j’en ai tellement besoin, elle me disait toujours « Si on le veut on peut réussir sa vie, d'une façon ou d'une autre ». Oui, elle était l’autre de ma vie qui m’a tout donné et qui a reçu de ma part pas grand-chose. Je passe L’anneau que ma femme m’avait offert pour que nous soyons liés à vie à l’annulaire froid d’Anna avant d’embrasser, pour la dernière fois, ses lèvres qui ne me souriront plus. Juste avant de l’enterrer sous la neige.

Tistou 20/04/2017 @ 11:48:52
Eh bien voilà, la première fois est passée ! Et ça n'a pas l'air d'avoir été douloureux ?
A en juger par l'histoire forte que tu nous sers, les phrases à placer ne t'ont pas bloquée tant que ça. Mais d'abord y sont-elles ces phrases (même si c'est en fait secondaire ! mais faut bien faire semblant !) ?
J'en ai vu 4 sur 5, contrat rempli, mais pas forcément en tête de §. Par contre une est amenée laborieusement, à ce qu'il me semble, je veux parler de celle-ci :

" Il a suffit d'un Bang.... Le choc nous fit sursauter, l'avion vint de s'écraser contre la montagne."

Je passe sur le "vint de s'écraser", là c'est une faute de frappe due au temps très court dont nous disposions, mais plutôt le passage au passé simple (imposé par la phrase imposée) après un passé composé alors qu'un plus-que-parfait aurait été plus juste. Là il aurait fallu que tu trouves un autre biais pour insérer "le choc nous fit sursauter". Mais pris dans la frénésie d'écrire pour respecter le timing, obligé de sortir l'histoire telle qu'elle vient sans pouvoir trop relire et fignoler ... on comprend.

L'histoire est forte et fait référence à des faits réels (l'avion, les Andes, les rescapés), tu nous épargnes un éventuel cannibalisme ! On sent une envie de dépasser le fait divers terrible pour se centrer sur une affaire des plus humaines. Le mélange est un peu difficile mais en temps contraint ...

J'espère que l'expérience t'aura été autant agréable que ce l'est pour nous de voir une nouvelle arrivante renforcer nos rangs. Tu nous diras comment tu auras ressenti tout ça et j'imagine que tu as bien compris que chacun attend de toi que tu commentes les textes comme tous nous l'allons faire pour toi ...

Cyclo
avatar 20/04/2017 @ 11:52:49
Ah ! cet avion de la cordillère des Andes, il nous a fait rêver ; surtout avec les histoires de cannibalisme que ton histoire laisse dans le flou ("le froid, la faim et la peur"), et c'est tant mieux.
La double histoire d'amour du héros est bien amenée. En lisant, j'étais dans la neige, avec Anna, je lui passais la bague au doigt mortellement glacé, tu nous as mis dans la peau de ton personnage. Bravo pour avoir utilisé un épisode réel et d'avoir réussi à y insérer les phrases obligées, tant pis si elles ne sont pas en début de paragraphe !

Lobe
avatar 20/04/2017 @ 18:28:47
J'aime beaucoup la coexistence de deux histoires diamétralement opposés: ce récit presque journalistique du crash et de ce qui s'en suit (tenter de survivre), et cette romance qui suit tous les canons du genre. A quoi fait écho aussi le couple mal assorti (et heureusement qu'une vie peut osciller entre ces deux pôles!) des phrases:
"Et loin de tout concept philosophique, notre existence ne tient qu'à quelques éléments de base, le reste n'est que subterfuge."
« Si on le veut on peut réussir sa vie, d'une façon ou d'une autre »

Où l'on voit bien que la deuxième ne tient qu'à condition que le fil de la première ne soit pas tranché...

SpaceCadet
avatar 21/04/2017 @ 02:46:11
J'aime bien l'encadrement du récit par ces deux titres marquant la date et le lieu d'autant plus qu'il nous prépare à découvrir un texte composé de deux volets.

La voix du narrateur est très forte, très présente dès le début et on sent de suite la puissance dévastatrice de cette tragédie. Du reste je trouve que c'est un personnage intéressant, il laisse entrevoir une belle complexité. Mais le manque de temps... Manque de temps qui se ressent aussi au niveau du second volet car cette histoire aurait très bien pu se prolonger... pour notre plaisir de lecteur d'ailleurs!

N...ajat

avatar 21/04/2017 @ 08:34:46
@ Tistou
Bonjour,
Oui, je te rassure Tistou, j’ai pris énormément de plaisir à faire cet exercice.
J’ai l’impression que tu étais avec moi – dans ma tête-pendant toute l’écriture. Je suis émerveillée devant ton diagnostic, tu as réussi à mettre le doigt sur toutes les faiblesses de mon texte.
Pour l’emploi des quatre phrases, certes, elles étaient secondaires mais elles étaient présentes quand même, je n’ai pas pu faire mieux- je ne savais pas qu’il fallait les mettre au début des paragraphes-.
Par contre en ce qui concerne la chute, j’aurais pu faire mieux, si seulement j’avais pris un plus de temps. J’étais comme une débutante- de quarante-sept ans- qui était pressée d’ouvrir le bal 
Revenant à l’emploi du passé simple, le temps de narration était le présent, parce que l’auteur écrit une sorte de journal intime, et puis j’avais besoin d’un temps passé de premier plan pour décrire une action ponctuelle, brève et achevée, j’ai pensé au passé simple mais sans grande conviction, je savais que quelque chose clochait mais je n’ai pas voulu m’attarder.
C’est la concision du texte qui vous a épargné le cannibalisme, parce que j’aurais pris un plaisir fou à décrire deux plans parallèles des rapports du rescapé avec le corps d’Anna afin assouvir ses deux faims, avant et après le crash, avec les détails les plus crus- genre Tarantino- ;)
Merci Tistou , de votre générosité, et au plaisir !

N...ajat

avatar 21/04/2017 @ 10:45:37
@ Cyclo
Bonjour,
" Mortellement glacé" je dois t'avouer que j'aurais aimé utiliser ces mots, mais au moment de l’écriture, je n'ai pas trouvé mieux que- l’annulaire froid -, et je me demande si je pourrai les emprunter.
Oui ,le vol 571 Fuerza Aérea Uruguaya a nourri énormément mon imagination. J'aurais pu revenir sur les faits de ce crash, pour inspirer et aider le rescapé à survivre mais le contexte ne me l'a pas permis, peut-être que j'écrirai la suite et je la publierai sur "Vos écrits" dans les prochains jours.
Merci de paroles qui me vont droit au cœur et de m'avoir acceptée parmi vous.:)

Nathafi
avatar 22/04/2017 @ 10:42:53

Pour une première parmi nous, c'est une réussite ! Bienvenue N...ajat, je crois ne pas encore avoir eu l'occasion de te saluer. Tu verras, avec le temps, tu prendras plus d'assurance et ça viendra tout seul, malgré les contraintes, le temps, la poussée d'adrénaline est toujours bénéfique :-)

J'ai bien aimé ton texte, en deux parties très intéressantes, des faits d'abords, tragiques, puis une réminiscence plutôt triste et la fin terrible. Gageons que ces doux souvenirs permettent à ton narrateur de tenir bon et sortir de ce cauchemar !

Pieronnelle

avatar 22/04/2017 @ 12:38:43
L'ambiance est là, et qui fait frissonner de froid et...de terreur !
Bigre, fallait du courage pour se lancer sur ce sujet avec les contraintes des phrases ! C'est vrai qu'on peut se demander ce qui a bien pu leur passer par la tête à ces rescapés...enfin, rescapés si on veut, hein ? Sans doute, effectivement, les beaux moments de la vie "d'avant" réussis ou...ratés ou bêtement passés à côté ! Ce qui est clair (et très noir ) c'est que ce qui paraît si important dans une vie "normale" , les peines de cœur, la mélancolie ou même le désespoir amoureux paraissent tous petits à côté d'un avion qui s'écrase dans les Andes avec...des survivants et l'annonce d'un cannibalisme ! Moi qui suis passée au dessus de ces Andes avec la peur au ventre rien que par le fait d'être dans un avion !!!!
Bravo pour t'être lancée d'une façon aussi aisée dans un premier exo ! La suite s'annonce prolifique ! :-)

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