Merrybelle
avatar 20/12/2016 @ 00:10:32
Catégorie- Roman Traduit :

AGUALUSA José Eduardo - Théorie générale de l’oubli
Luanda, 1975. À la veille de l’Indépendance, Ludovica, agoraphobe et terrorisée par l’évolution des événements, se retranche dans son appartement en construisant un mur qui en dissimule la porte et la met à l’abri du reste du monde. Ayant transformé sa terrasse en potager elle va vivre là presque trente ans, coupée de tout, avec son chien Fantôme et un cadavre.
Ludo a vraiment existé et mené la vie que raconte le roman. En entrelaçant cette histoire avec les aventures tumultueuses des autres personnages, voisins ou entraperçus dans la rue, tous plus ou moins impliqués dans le marasme de la guerre civile, Agualusa souligne avec une ironie subtile les extraordinaires coïncidences de la vie et crée un roman brillant et enchanteur.


“Ludovica n’a jamais aimé affronter le ciel. Enfant, les espaces ouverts l’inquiétaient déjà. En sortant de chez elle, elle se sentait fragile et vulnérable, comme une tortue à laquelle on aurait arraché sa carapace. Toute petite, à six ou sept ans, elle refusait d’aller à l’école sans la protection d’un immense parapluie noir, quel que fût le temps. Ni l’agacement de ses parents ni les moqueries cruelles des autres enfants ne l’en dissuadaient. Les choses s’améliorèrent par la suite. Jusqu’au jour où ce qu’elle appelait “l’Accident” se produisit et où elle se mit à tenir cette peur primordiale pour une prémonition.
Après la mort de ses parents elle alla vivre chez sa sœur. Elle sortait rarement. Elle gagnait quelque argent en donnant des leçons de portugais à des adolescents que cela assommait. À part cela, elle lisait, brodait, jouait du piano, regardait la télévision, cuisinait. À la tombée du soir, elle s’approchait de la fenêtre et regardait l’obscurité comme si elle se penchait sur un abîme. Odette secouait la tête avec irritation?:
Qu’est-ce que tu as, Ludo?? Tu as peur de dégringoler entre les étoiles??
Odette donnait des cours d’anglais et d’allemand au lycée. Elle aimait sa sœur. Elle évitait de partir en voyage pour ne pas la laisser seule. Elle passait les vacances à la maison. Certains amis la félicitaient de son altruisme. D’autres critiquaient son indulgence excessive. Ludo ne s’imaginait pas vivant seule. Toutefois, le fait d’être devenue un poids l’inquiétait. Elle se voyait avec sa sœur comme deux jumelles siamoises, reliées par le nombril. Elle paralytique, presque morte, et l’autre, Odette, obli­gée de la traîner partout. Elle se sentit heureuse, elle se sentit terrifiée lorsque sa sœur s’éprit d’un ingénieur des Mines. Il s’appelait Orlando. Un veuf sans enfants. Il était allé à Aveiro résoudre un problème d’héritage com­pli­qué. Angolais, originaire de Catete, il vivait entre la capitale de l’Angola et Dundo, une petite ville adminis­trée par la compagnie de diamants pour laquelle il tra­vaillait. Deux semaines après avoir fait connaissance for­tuitement dans une pâtisserie, Orlando demanda Odette en mariage. Prévoyant un refus car il connaissait les raisons d’Odette, il insista pour que Ludo vienne vivre avec eux. Un mois plus tard, ils étaient installés dans un appartement immense, au dernier étage d’un des immeubles les plus luxueux de Luanda. L’immeuble dit des Enviés.
Le voyage fut difficile pour Ludo. Elle quitta la mai­son étourdie, sous l’effet de calmants, en gémissant et pro­­testant. Elle dormit pendant toute la durée du vol. Le lendemain matin, elle se réveilla pour une routine iden­tique à la précédente. Orlando possédait une biblio­thèque très riche, contenant des milliers de titres, en portugais, français, espagnol, anglais et allemand, parmi lesquels presque tous les grands classiques de la litté­rature universelle. Ludo disposa alors de davantage de livres, quoique de moins de temps, car elle avait insisté pour se passer des deux bonnes et de la cuisinière pour s’occuper seule des tâches domestiques.”



BASS Rick - Toute la terre qui nous possède
Une femme sublime à la pâleur surnaturelle, un chasseur de trésor unijambiste, un éléphant de cirque en cavale, un poisson-chat gigantesque, des chercheurs de pétrole tenaces : telles sont quelques-unes des créatures qui traversent ce roman foisonnant.
Entre deux décennies, Rick Bass transforme la région texane d'Odessa et le Mexique en paysages fantastiques où se croisent des personnages mus par des désirs bien réels et des créatures légendaires. À l'image de Max Omo, qui s'efforce de sortir sa famille de la misère en faisant commerce du sel qu'il extrait d'un lac voisin. Tandis que, trente ans plus tard, le jeune géologue Richard, chargé de superviser l'exploitation de puits de pétrole, arpente le désert texan à la recherche de fossiles et d'ossements...
Toute la terre qui nous possède témoigne ainsi de l'incroyable sens de l'Histoire et de la topographie qui traverse toute l'œuvre de Rick Bass.

“Prologue
Il n'était pas le premier chasseur de trésor en ce paysage, plutôt un de plus dans le continuum d'une histoire initiée, il y a bien longtemps, par des désirs bien plus grands que les siens. Richard était géologue, il sondait et fouillait, consacrait son temps à révéler certaines choses, bien qu'il eût tendance à en ignorer ou à en voiler d'autres. Dans sa jeunesse déjà, il avait compris à quel point il était minuscule face au monde, son désir ne le consumait ni plus ni moins que celui qui anime n'importe quel autre voyageur se pressant contre l'immensité tel un grand animal nageant seul dans le vaste océan, la vie de chaque explorateur traversant cet océan comme le spectre tout aussi fugace et phosphorescent du temps et de la mémoire qu'il laissait dans son sillage : pourtant, une fois cette phosphorescence disparue, il y aurait toujours un autre voyageur.

Il y avait autrefois, dans le Texas de l'Ouest, un endroit qui existe encore aujourd'hui appelé Castle Gap, et qui attirait les voyageurs comme on dit que le chas d'une aiguille ouvrant sur le paradis attire les âmes humaines.
Castle Gap se dresse au-dessus des plaines de sarcobate vermiculé tel un mur de roche dénudée édifiée à partir des dépôts de calcaire de la chaude et peu profonde mer permienne, il y a 270 millions d'années. C'était au travers de cette faille érodée entre les larges vallées et le désert que tous les voyageurs étaient attirés - tout d'abord les hommes de l'Âge de pierre, puis les Comanches et les Apaches, les Espagnols en quête d'or et d'âmes à convertir comme autant de lingots pour le roi et, plus tard, les colons blancs, les meneurs de troupeaux et les convois de chariots qui approvisionnaient ces colons, pour satisfaire leurs caprices ou leurs besoins. C'était la porte qu'ils devaient franchir pour traverser la rivière, puis le vaste désert.
Castle Gap était un goulot se resserrant de part et d'autre de la rivière Pecos. Il aurait été quasiment impossible d'escalader les parois verticales des montagnes, périlleuses même pour un grimpeur solitaire ; et certainement aucune bête ni aucun chariot n'aurait pu entreprendre une ascension aussi abrupte. Non seulement Castle Gap attirait tous les voyageurs, mais l'endroit semblait également faire converger tous les mythes, tous les contes de privation ou d'aspiration, toutes les peurs et tous les désirs, dès l'instant où le voyageur posait, pour la première fois, les yeux sur ce lieu.
On raconte qu'aujourd'hui encore un sifflement étrange s'élève de la faille en début de soirée, quand les vents de la journée s'accordent aux souhaits du paysage et qu'ils ne gémissent qu'une seule et unique chanson, afin que même le voyageur aveugle, ou celui perdu dans la nuit noire, le dos tourné à la faille, puisse en deviner la forme rien qu'au bruit ; et, d'après sa forme, les histoires qui y sont enterrées, des histoires qu'il ne pourra éviter de traverser.”



BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
Trois voix tissent l’écheveau d’une fresque où se confrontent les traditions et les cultures : celle d’un jeune jésuite français, d’un chef de guerre huron, et d’une captive iroquoise. Trois personnages réunis par les circonstances, divisés par leur appartenance. Car chacun mène sa propre guerre : l’un pour convertir les Indiens au christianisme, les autres, bien qu’ennemis, pour s’allier ou chasser ces « Corbeaux » venus prêcher sur leur terre. Trois destins scellés à jamais dans un monde sur le point de basculer.

“ Je me réveille. Quelques minutes, peut-être,de sommeil agité. Mes dents claquent, et je sens que je me suis mordu la langue. Elle est toute gonflée. Je crache rouge dans la neige et j’essaie de me redresser mais je ne peux pas bouger. Le plus âgé des Hurons, leur chef qui, en raison d’un rêve ridicule, nous a obligés à marcher toute la nuit autour du grand lac au lieu de le traverser, se dresse au-dessus de moi, armé de son casse-tête à pointes. L’importance que ces hommes attachent à leurs rêves les tuera.
Quoique je parle mal leur langue, je comprends les mots qu’il murmure et je réussis à rouler sur le flanc lorsque la massue s’abat. Les pointes s’enfoncent dans mon dos et, devant le torrent amer de malédictions qui s’échappe de ma bouche, les Hurons se tordent de rire. Pardonnez-moi, Seigneur, d’avoir invoqué Votre nom en vain.
Le doigt pointé, se tenant le ventre, ils hurlent tous de joie, comme si nous n’étions pas pourchassés. Un soleil bas se lève, et dans un air si froid, les sons portent loin. Ils se sont à l’évidence lassés de la jeune Iroquoise qui n’a cessé de gémir. Elle a le visage enflé et, la voyant ainsi étendue dans la neige, je crains qu’ils ne l’aient tuée pendant que je dormais.
Il n’y a pas longtemps, juste avant les premières lueurs de l’aube, nous nous sommes arrêtés pour nous reposer. Comme s’ils l’avaient décidé à l’avance, le chef et sa poignée de chasseurs ont fait halte et se sont effondrés les uns contre les autres pour se tenir chaud. Ils se sont entretenus à voix basse, puis deux d’entre eux ont jeté un coup d’oeil dans ma direction. Bien qu’incapable de comprendre leur discours précipité, j’ai cru deviner qu’ils envisageaient de m’abandonner là, sans doute avec la fille qui à cet instant était assise, adossée à un bouleau, les yeux fixés droit devant elle comme si elle rêvait. À moins qu’ils n’aient parlé de nous tuer. Nous les ralentissions dans leur marche, et tout en tâchant de ne pas faire de bruit, je trébuchais dans le noir à cause des épaisses broussailles et des arbres tombés enfouis sous la neige. À un moment, j’ai ôté mes raquettes que je jugeais trop encombrantes, mais je me suis aussitôt enfoncé dans la neige jusqu’à la taille et l’un des chasseurs, après m’en avoir extirpé, m’a ensuite fortement mordu au visage.”



BRINK André - Philida
Afrique du Sud, 1832. La jeune esclave Philida, tricoteuse du domaine Zandvliet, a eu quatre enfants avec François Brink, le fils de son maître. Lorsqu’il se voit contraint d’épouser une femme issue d’une grande famille du Cap, dont la fortune pourrait sauver l’exploitation familiale, François trahit sa promesse d’affranchir Philida, et envisage de la vendre dans le Nord du pays. Celle-ci décide alors d’aller porter plainte contre la famille Brink auprès du protecteur des esclaves.
Tandis que les rumeurs d’une proche émancipation se répandent de la grande ville aux fermes reculées – l’abolition de l’esclavage dans l’Empire britannique sera proclamée en 1833 –, l’opiniâtre Philida brise peu à peu ses entraves au fil d’un chemin jalonné de luttes, de souffrance, de révélations, d’espoir.
À partir d’un épisode de son histoire familiale, André Brink compose un roman à la langue poétique, âpre et sensuelle. Parce qu’il n’est pas de justice sans sincérité, ni d’indépendance sans langage, il orchestre un chœur de voix narratives offrant à chacun l’occasion de dire sa vérité. Murmures, prières et cris scandent ainsi un hymne à la liberté rêvée, qui donne son souffle à ce récit puissant.


“Le samedi 17 novembre 1832, après avoir suivi la piste de l’Éléphant qui relie le bourg de Franschhoek à la petite ville de Stellenbosch près du Cap en passant par le domaine Zandvliet, la jeune esclave Philida arrive en vue des imposantes colonnes blanches du drostdy, où on la dirige vers le bureau du protecteur des esclaves, mijnheer Lindenberg, auprès duquel elle a l’intention de déposer une plainte à l’encontre de son propriétaire Cornelis Brink et du fils de celui-ci François Gerhard Jacob Brink.

La merde commence. Un seul regard et je sens que ça vient. Je fais tout ce chemin à pied et dieu sait comme c’est dur, avec le petit sur le dos dans son abbadoek et maintenant plus question de retourner en arrière, c’est droit en enfer et c’est la fin. Là devant moi, c’est l’homme à qui parler si je veux déposer une plainte, on me dit, ce groot- baas si grand et blanc et maigre et osseux, des sillons au front comme un champ de blé vite labouré, et un nez comme une patate douce toute pourrie.

C’est une longue histoire. D’abord, il veut tout savoir sur moi, question après question. Qui je suis ? d’où je viens ? Comment s’appelle mon baas ? Comment s’appelle le domaine? Depuis combien de temps je travaille là ? Ai-je une autorisation pour venir ici ? Quand je suis partie et combien de temps j’ai marché ? Où j’ai dormi hier soir ? Qu’est-ce que je crois qui va m’arriver une fois de retour à chez moi? Quand je dis quelque chose, chaque fois il l’écrit d’abord dans son gros livre, avec ses mains noueuses, ses longs doigts blancs. Ces gens ont une manie, ils écrivent tout. Y a qu’à voir les dernières pages de la bible noire de oubaas Cornelis Brink, le père de François Gerhard Jacob.
Le grootbaas écrit et moi je l’observe de près. Cet homme a l’air de seconde main, comme un tricot raté qu’il a fallu le recommencer, mais vite fait mal fait. Si je dis ça c’est que, en tricot, je m’y connais. Sur le nez, des lunettes à verres épais, comme une chauve-souris les ailes ouvertes, mais il me regarde par-dessus, pas à travers. ses longues mains s’activent s’activent. Écrire, plonger la grande plume dans l’encrier, saupoudrer de sable fin le papier épais, remanier ses papiers par-ci par- là sur son bureau en fait trop bas pour lui car il est tellement grand. Il est assis, je suis debout, c’est la règle.”



CERCAS Javier - Les lois de la frontière
À l’été 1978, un adolescent de la classe moyenne en délicatesse avec son milieu croise la route du charismatique Zarco et de son amie Tere et devient un habitué de leur QG, un bar interlope dans un quartier malfamé de Gérone. Bientôt ils l’entraînent de l’autre côté de la “frontière”, au pays de ceux qui ne sont pas bien nés, l’initiant au frisson des braquages et au plaisir des tripots. Le garçon navigue entre les deux rives pendant tout l’été, irrésistiblement attiré par les lois de cette jungle dont il préfère continuer d’ignorer les codes, jusqu’au coup qui tourne mal.
Vingt ans plus tard, avocat établi, il assure la défense de son ancien camarade multirécidiviste et doit plaider. Pour le symbole vivant d’une rébellion salutaire, la victime expiatoire d’un système frelaté, ou les zones d’ombre de sa propre jeunesse ? Un écrivain, chargé de raconter l’histoire, recueille au cours d’entretiens divers les souvenirs et impressions des protagonistes. Lui-même cherche la vérité inattendue et universelle du romancier : l’ambiguïté.

“- On commence ?
— On commence. Mais avant ça, laissez-moi vous poser une autre question. Ce sera la dernière.
— Allez-y.
— Pourquoi avez-vous accepté d’écrire ce livre ?
— Je ne vous l’ai pas encore dit ? Pour l’argent. J’écris pour
gagner ma vie.
— Oui, je le sais, mais est-ce la seule raison ?
— Eh bien, c’est vrai, on n’a pas toujours l’occasion d’écrire
sur un personnage comme Zarco, si c’est à ça que vous pensez. — vous voulez dire que vous vous intéressiez à Zarco avant
qu’on vous propose d’écrire ce livre sur lui ?
— Bien sûr, tout le monde s’intéressait à lui.
— Je vois. de toute façon, l’histoire que je vais vous racon-
ter n’est pas celle de Zarco, mais celle de ma relation avec Zarco. avec Zarco et avec...
— Je le sais, on en a déjà parlé. Peut-on commencer ?
— Oui, on peut.
— Racontez-moi votre rencontre avec Zarco.
— C’était au début de l’été 1978. une drôle d’époque. du moins, c’est le souvenir que j’en ai. Franco était mort depuis trois ans, mais le pays, régi encore par les lois franquistes, avait l’exacte odeur du franquisme : il puait la merde. J’avais alors seize ans, Zarco aussi. et nous vivions à la fois très près et très loin l’un de l’autre.
— Que voulez-vous dire par là ?
— Est-ce que vous connaissez la ville ?
— Vaguement.
— Ça vaut presque mieux : la ville d’aujourd’hui ressemble peu à celle d’autrefois. À sa manière, la Gérone d’alors était encore une ville marquée par l’après-guerre, un bourg obscur et clérical, cerné de champs et plongé dans la brume en hiver ; je ne dis pas que la Gérone d’aujourd’hui soit mieux: dans un certain sens, elle est pire : je dis seulement qu’elle est différente. À l’époque, par exemple, la ville était entourée de quartiers où vivaient les charnegos. Le mot ne s’utilise plus maintenant, mais il désignait alors des travailleurs venus en Catalogne des autres régions d’Espagne, des gens qui, en général, n’avaient pas un sou vaillant en poche et qui étaient venus là pour commencer une nouvelle vie... Mais tout ça, vous le savez déjà. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’à la fin des années soixante-dix, comme je le disais, la vieille ville était entourée de quartiers ouvriers : Salt, Pont Major, Germans Sàbat, Vilarroja. C’est là qu’affluait la racaille.”



FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Bien qu’elles soient douées pour les études, ce n’est pas la voie qui leur est promise. Lila abandonne l’école pour travailler dans l’échoppe de cordonnier de son père. Elena, soutenue par son institutrice, ira au collège puis au lycée. Les chemins des deux amies se croisent et s’éloignent, avec pour toile de fond une Naples sombre, en ébullition.

“Tout à coup les cris cessèrent, et quelques instants plus tard mon amie vola par la fenêtre, passa au dessus de ma tête et atterrit derrière moi, sur le bitume.
Je restai bouche bée. Fernando se mit à la fenêtre, hurlant toujours d'horribles menaces à sa fille. Il l'avait lancée comme un objet.
Je la regardai consternée tandis qu'elle tentait de se relever et me disait avec une moue presque amusée: "Je ne me suis même pas fait mal!"
Mais elle saignait et s'était cassé le bras.
Les pères pouvaient faire cela et bien d'autres choses encore aux petites filles impertinentes.”



GOOLRICK Robert - La chute des princes
New York, années 1980. Robert Goolrick nous invite au bal des vanités, où une bande de jeunes hommes vont vendre leur âme au dollar et se consumer dans une ronde effrénée, sublime et macabre. Ils ont signé pour le frisson, une place sur le manège le plus enivrant que la vie ait à leur offrir.
Et ces princes vont jouer toute la partie : les fêtes, les drogues, l’alcool, les corps parfaits des deux sexes, les pique-niques dans la vaisselle de luxe, les costumes sur mesure taillés par des Anglais dans des tissus italiens, les Cadillac, le sexe encore et toujours, les suites à Las Vegas, des morts que l’on laisse en chemin mais pour lesquels il n’est pas besoin de s’attarder parce qu’on va les retrouver vite. Vite, toujours plus vite, c’est la seule règle de ce jeu. Aller suffisamment vite pour ne pas se laisser rattraper. Parce que les princes sont poursuivis par de terrifiants monstres : le sida, les overdoses, le regard chargé de honte de leurs parents, le dégoût croissant de soi-même, un amour s’excusant de n’avoir sauvé personne.
 
“Quand vous craquez une allumette, la première nanoseconde elle s'enflamme avec une puissance qu'elle ne retrouvera jamais. Un éclat instantané, fulgurant. L'incandescence originelle.
En 1980, j'ai été l'allumette et je me suis embrasé pour n'être plus qu'une flamme aveuglante. Cette année-là, j'étais un missile pointé droit sur vos tripes - dégage de mon chemin ou je t'abats. Je n'en suis pas fier. En fait, j'en rougis de honte rien que d'y penser. Mais c'était comme ça. Aujourd'hui je ne suis plus le même homme, tout est différent. À l'époque j'étais cette pointe de lumière ardente vers laquelle tout et tous convergeaient. On pouvait me voir distinctement depuis l'espace, étincelle blanche et pénétrante, traçant sans pitié ni culpabilité son sillon dans le coeur de la ville la plus chaude et la plus flamboyante du monde. Si vous aviez été de sortie dans le cosmos un de ces soirs-là, vous vous seriez retrouvé aux premières loges de mes outrances publiques et de mes excès privés. Sous la couette à mille dollars, sur le matelas à quinze mille, dans ma douche carrelée de marbre, ou dans la veste sur mesure en cachemire noir qui me tenait chaud les soirées neigeuses d'hiver - dans ma vaste illumination, j'étais incontournable.
Je ne le dis pas avec fierté. Je ne présente pas d'excuses. Je décris des faits irréfutables. J'avais tellement de charme que j'aurais convaincu un poussin d'éclore, ou vendu la clim à un Esquimau mort.
Après des milliers d'heures passées entre les mains des meilleurs entraîneurs dans la salle de sport la plus chère du monde, mon corps avait atteint une telle perfection que les femmes se bousculaient pour entrer dans ma chambre où elles restaient littéralement bouche bée, à remercier la chance qui les avait placées dans ma ligne de mire, qui avait fait d'elles, ne serait-ce qu'une nuit, les plus belles créatures de la terre, avec leurs bras graciles, leur épiderme aussi doux que la peau de chamois, leur odeur - mon Dieu, cette odeur - et leur chevelure dorée cascadant sur leurs épaules pour venir effleurer mon torse. Il suffisait d'un regard pour qu'elles sentent la chaleur et la faim tirailler leur ventre, avant même de connaître mon nom. D'ailleurs, elles s'en moquaient, j'aurais aussi bien pu être tueur en série qu'évêque.
Il fallait me voir, fermement campé dans mes chaussures Lobb directement envoyées de Londres, avec mes jambes puissantes, capables de soulever cent trente kilos de fonte ou de franchir les gratte-ciel d'un bond félin, et tout le reste de mon corps - bassin et hanches souples, ventre aussi dur et plat qu'un lac gelé et pourtant si chaud sous la paume. Peu importait à ces femmes de se faire marquer au fer rouge. Pareilles à ces toxicos incapables de s'arrêter avant la dernière dose, elles savaient bien qu'ensuite il y aurait le supplice du sevrage, et malgré ça n'aspiraient qu'à la jouissance aiguë de la piqûre, qu'à être pénétrées par l'aiguille incandescente - moi.”



MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir
Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa soeur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l’armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d’insouciance. Jusqu’à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, échappé des camps…
Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams passe devant la vitrine d’une pâtisserie allemande, celle d’Elsie… Et le reportage qu’elle prépare n’est rien en comparaison de la leçon de vie qu’elle s’apprête à recevoir.


“Aujourd'hui ma petite fille Jacquelyn m'a demandé si je pouvais écrire une chanson pour les Jonas brothers. Elle joue leurs chansons sur son synthétiseur. Je lui ai dit qu'ils me rappelaient les Monkees. Elle m'a regardé, l'air incrédule et m'a dit: " Les singes chantaient, de ton temps?" J'ai ri, mais je me rends compte à quel point je suis vieux pour ces enfants. Comme leurs esprits sont jeunes et ignorants de l'histoire. Je me demande s'il vaut mieux pour eux qu'ils restent ainsi, innocent et naïfs. Devrions nous enterrer nos souvenirs barbelés pour éviter qu'ils transpercent leurs coeurs?”






McEWAN Ian - Opération Sweet Tooth
En Grande-Bretagne, au début des années 1970, la guerre froide est loin d'être finie. Diplômée de Cambridge, belle et intelligente, Serena Frome est la recrue idéale pour le M15. La légendaire agence de renseignements anglaise est en effet bien décidée à régner sur les esprits en subvenant aux besoins d'écrivains dont l'idéologie s'accorde avec celle du gouvernement. L'opération en question s'intitule Sweet Tooth et Serena, lectrice compulsive, semble être la candidate tout indiquée pour infiltrer l'univers de Tom Haley, un jeune auteur prometteur. Tout d'abord, elle tombe amoureuse de ses nouvelles. Puis c'est de l'homme qu'elle s'éprend, faisant de lui l'autre personnage central de cette histoire.
Mêlant finement réalité et fiction, le romancier souligne l'influence de la littérature sur nos existences, pour le plus grand plaisir du lecteur, qui finira par comprendre que toute cette histoire était avant tout... un grand roman d'amour.

“Je m'appelle Serena Frome (prononcer "Frume", comme dans "plume") et, il y a près de quarante ans, on m'a confié une mission pour les services secrets britanniques. Je n'en suis pas sortie indemne. Dix-huit mois plus tard j'étais congédiée, après m'être déshonorée et avoir détruit mon amant, bien qu'il eût certainement contribué à sa propre perte.”
“Qui a dit que la poésie n’influençait pas le cours des événements ? L’opération Mincemeat a réussi parce que l’inventivité et l’imagination ont pris le pas sur l’intelligence. Pitoyable par comparaison, l’opération Sweet Tooth, ce signe avant-coureur de la déchéance, a inversé le processus et a échoué parce que l’intelligence a voulu brider l’inventivité.”



OGOWA Yoko - Petits oiseaux
Il est le seul à pouvoir apprendre la langue pawpaw afin de communiquer avec son frère aîné, cet enfant rêveur qui ne parle que le langage des oiseaux, n’emploie que ces mots flûtés oubliés depuis longtemps par les humains.
Après la mort de leurs parents, les deux hommes demeurent ensemble dans la maison familiale. D’une gentillesse extrême, l’aîné, qui ne travaille pas, se poste chaque jour tout contre le grillage de la volière de l’école maternelle. Peu à peu, la directrice remarque son calme rassurant pour les oiseaux, sa façon subtile de les interpeler, et lui confie l’entretien de la cage.
Quant au cadet, régisseur de l’ancienne résidence secondaire d’un riche propriétaire du pays, le jardin de roses, les boiseries des salons, la transparence des baies vitrées sont à la mesure de son attachement pour les lieux de mémoire. Parfois, les deux frères décident de “partir en voyage”. Valises en main, ils font halte devant la volière. Ravis de palabrer avec les moineaux de Java, les bengalis ou les canaris citron, ils oublient dans l’instant tout projet de départ. Un jour pourtant le calme du quartier semble en danger, une enfant de l’école disparaît.

“Lorsque mourut le monsieur aux petits oiseaux, sa dépouille et ses a aires furent contrairement à l’usage promptement débarrassées. Il vivait seul et son corps avait été découvert plusieurs jours après le décès.
Équipe de secours, policiers, assistant social, président de quartier, fonctionnaires, entreprise de nettoyage, badauds. Toutes sortes de gens allaient et venaient, se relayant pour faire chacun son métier. Les uns emportaient le corps tandis que d’autres pré- paraient des liquides désinfectants, et que d’autres encore fouillaient le courrier à la recherche d’une adresse à contacter. Même les badauds, avec le brou- haha de leurs rumeurs, remplissaient le rôle d’apaiser, ne serait-ce qu’un peu, la sombre atmosphère qui régnait sur les lieux.
Presque aucun d’eux ne savait qui était ce mon- sieur aux petits oiseaux. Et même s’ils le connaissaient de vue, personne n’avait jamais vraiment parlé avec lui. C’était la première fois que la maison de cet homme recevait un nombre aussi important de visiteurs.
C’est le livreur de journaux qui avait trouvé le cadavre. Inquiet de voir les journaux déborder de la boîte aux lettres, il avait fait le tour de la maison par le jardin, et découvert le corps près de la baie vitrée de la salle de séjour largement ouverte.
La décomposition avait déjà commencé, mais apparemment le monsieur ne s’était pas débattu, il paraissait plutôt reposer tranquillement, l’air profondément soulagé. En chemise et pantalon ordinaires, allongé sur le côté, jambes légèrement repliées, dos arrondi. Seule, la cage en bambou entre ses bras sur- prit les gens rassemblés. Dans la cage un oiseau se tenait sagement au milieu du perchoir.”



SHRIVER Lionel - Big Brother
Femme d'affaires en pleine réussite, mariée à Fletcher, un artiste ébéniste, belle-mère de deux ados, Pandora n'a pas vu son frère Edison depuis quatre ans quand elle accepte de l'héberger.
À son arrivée à l'aéroport, c'est le choc : Pandora avait quitté un jeune prodige du jazz, séduisant et hâbleur, elle découvre un homme obèse, contraint de se déplacer en fauteuil, négligé, capricieux et compulsif. Que s'est-il passé ? Comment Edison a-t-il pu se laisser aller à ce point ? Pandora a-t-elle une part de responsabilité ?
Entre le très psychorigide Fletcher et le très jouisseur Edison, la tension ne tarde pas à monter et c'est Pandora qui va en faire les frais. Jusqu'à se retrouver face au pire des dilemmes : choisir entre son époux et son frère.
Qui aura sa préférence ? Pourra-t-elle sortir son frère de la spirale dans laquelle il s'est enfermé ? Edison le veut-il seulement ? Peut-on sauver malgré eux ceux qu'on aime ?

“A postériori seulement, je mesure à quel point "faire sa part" témoigne d'une grande ignorance de la nature des liens familiaux. Maintenant que je les comprends mieux, je trouve les liens de parenté plutôt effrayants. Ce qui est merveilleux des ces liens est aussi ce que les rend le plus horrible : il n'existe pas de ligne dans le sable, pas de limite naturelle à ce que des membres de votre famille peuvent raisonnablement attendre de vous.”
“Pour finir, ceux qui sont bel et bien gros. Leur réputation de jovialité a, je crois, fait long feu. La détresse semble plus appropriée. La mélancolie peut - être. L'impuissance. La complaisance et l'aveuglement. La posture défensive. La résignation face au présent et le fatalisme face à l'avenir. La haine de soi et les reproches à soi- même. La timidité. L'apitoiement sur soi, même légitime, un complexe de persécution, mais s'agit -il vraiment d'un" Complexe" dés lors que la persécution est authentique?. Un sens de l' humour tourné vers l'autodévalorisation. L'humilité, la gentillesse, pour s'être retrouvé trop souvent à l'extrémité tranchante de la méchanceté. Une chaleur enveloppante. De la générosité.. L'aspiration à ce qu'on leur fiche la paix et une tendance casanière....une absence de méchanceté. De l'indolence. De la franchise. De la grivoiserie. Une nature pragmatique et une absence de prétention…."



TABUCHI Antonio - Pour Isabel
Antonio Tabucchi avait achevé la rédaction de Pour Isabel en 1996. Il l'avait conçu comme un mandala : chaque chapitre dessine un cercle dans lequel le protagoniste Tadeus rencontre un nouveau personnage ayant connu Isabel. Cette dernière a mystérieusement disparu depuis des années, et son ami Tadeus cherche à retrouver sa trace...

«Mais vous êtes qui?, demanda-t-il en me fixant. Celui qui est indiqué sur le billet, répondis-je, je suis Tadeus. Je ne vous connais pas, répliqua-t-il. Mais vous connaissiez Isabel, dis-je, c'est pour cela que vous me recevez dans votre appartement, le nom d'Isabel a éveillé votre curiosité. Isabel appartient au passé, répondit-il. C'est possible, dis-je, mais je suis ici pour reconstruire ce passé, je suis en train de faire un mandala.»


TRAPIELLO Andrès - Plus jamais ça
Un enfant voit son père tué à bout portant durant les premières heures de la guerre civile espagnole. Soixante-dix ans plus tard, dans les rues de León, il tombe par hasard sur l'un des phalangistes présents ce jour-là. Le vieux monsieur, entrepreneur à la retraite et notable local, refuse de lui révéler l'endroit où son père a été enterré. Témoin de cette scène : José Pestaña, professeur d'histoire à l'université et membre d'un groupement pour le devoir de mémoire. Il est aussi le fils de l'ancien franquiste et cette rencontre le bouleverse. En cherchant à sonder les méandres de l'histoire, il trouvera enfin le moyen d'affronter son père et tous ceux qui tentent de s'approprier le passé afin de justifier leurs propres désirs de vengeance.
Érigé comme un tribut amer et poignant à un chapitre essentiel de l'histoire européenne, Plus jamais ça met à nu les ravages que le franquisme continue d'imposer à la nouvelle Espagne. Si la politique est empoisonnée, la famille, elle, demeure bel et bien le théâtre des guerres les plus impitoyables.

“Jamais je n’aurais dû rencontrer mon père à Santo Domingo. C’était la première fois, depuis mon retour, que je m’y trouvais le matin, à cette heure-là.
Les parties de sept et demi, et tout ce que m’a rappelé Lisa, ont éveillé en moi des sentiments contradictoires et trompeurs. Des années durant, il ne fut qu’un pauvre petit psychopathe. Je dis “fut”, mais je doute qu’il ait vraiment été. Je dis “pauvre”, “petit”, et ces mots ne me font plus peur, même si autrefois il n’était ni l’un ni l’autre, bien au contraire.

L’histoire de ses amis morts m’a impressionné, elle m’a ému. Les bons côtés. Je ne veux plus voir que les bons côtés. Je me persuade : il est, il a été un homme bon, forcément, son fonds est bon, me dis-je. On s’intéresse au fonds des êtres quand ce qu’ils donnent à voir est effrayant. Lui et moi n’avons jamais eu que des rapports superficiels. Nous nous sommes frottés l’un à l’autre comme des silex. Et ça a toujours produit des étincelles.”



VON SCHIRACH Ferdinand - L'affaire Collini
Hans Meyer, une personnalité respectée de la haute société allemande, est sauvagement assassiné dans sa chambre d’hôtel à Berlin. Le jeune avocat Caspar Leinen est commis d'office pour assurer la défense de l'assassin présumé, un certain Fabrizio Collini. Il ne comprend pas comment cet ancien ouvrier de chez Mercedes, en apparence un homme sans histoires, pourrait être lié au grand industriel octogénaire, et pourquoi il aurait voulu le tuer. Surtout que Collini se mure dans le silence...
Leinen est d’autant plus troublé que Hans Meyer était aussi le grand-père de son meilleur ami. Quand il commence ses recherches pour défendre son client, il ne se doute pas qu’elles le mèneront au cœur d’un chapitre particulièrement sombre de l’histoire allemande, dont l’affaire Collini constitue simplement l’épilogue...

“Plus tard, ils s’en souviendraient tous : le garçon d’étage, les deux dames d’un certain âge dans l’ascenseur, le couple marié dans le corridor du quatrième. Ils dirent que l’homme était immense, et, tous, ils parlèrent de son odeur : des relents de sueur.
Collini se rendit au quatrième. Il scruta les numéros ; chambre 400, suite Brandebourg. Il frappa.
“- Oui ?” Malgré ses quatre-vingt-cinq ans, l’homme dans le chambranle de la porte avait l’air bien plus jeune que ce qu’avait escompté Collini. Sur son cou, de la sueur.
“Bonjour, Collini du Corriere della Serra.” Il parla confusément et se demanda si l’homme demanderait à voir sa carte.
“Ah ! Enchanté. Entrez, je vous prie. Nous allons faire l’interview ici, nous serons mieux.” L’homme tendit la main à Collini. Collini la refusa, il ne voulait pas le toucher. Pas encore.
“Je transpire”, fit Collini. D’avoir dit cela l’irrita, ça sonnait étrangement. Personne n’aurait dit ce genre de choses, songea-t-il.
“Oui. Aujourd’hui, il fait vraiment très lourd, il devrait bientôt pleuvoir”, observa le vieil homme avec courtoisie, bien que ça ne fût pas juste : il faisait frais dans les pièces, on entendant à peine la climatisation. Ils gagnèrent la chambre, tapis beige, bois sombre, hautes fenêtres, du luxe et du massif. Depuis la fenêtre, Collini pouvait voir la porte de Brandebourg ; elle lui semblait incroyablement proche.



YAN Lian Ke - La fuite du temps
Ce livre sensuel et flamboyant s’ouvre sur la mort et se clôt par la naissance. Fondé sur des faits réels de la terre natale de l’auteur, le Henan, il possède la violente beauté d’un mythe sur l’origine et la fin des temps. Depuis toujours, les habitants d’un village perdu au cœur des montages luttent pour survivre à une maladie qui les emporte avant quarante ans. Depuis toujours Sima Lan, le chef du village, aime d’un amour fou la douce Sishi. Aujourd’hui Sima Lan se meurt et le cours du temps s’inverse pour remonter vers sa source, en un cheminement qui est celui des combats opiniâtres qu’ont depuis toujours livrés les hommes pour assurer leur maîtrise sur le monde et leur propre survie. Car ce que célèbre Yan Lianke en ce livre, ce n’est pas la victoire impossible de l’homme sur la mort, mais le courage, l’obstination avec lesquels ces villageois, portés par une immense force collective, entreprennent, à chaque génération, de titanesques travaux pour conjurer le mal qui empoisonne leur terre et leur eau, leur capacité à puiser au plus profond d’eux-mêmes aux sources de la vie, et de l’amour, dans l’espoir de continuer à entendre bruire la lumière et respirer l’odeur verte de la sève au printemps.



“Bouddha dit : Maître Dahui ! Tous les êtres de ce monde craignent profondément les douleurs de la vie et de la mort et aspirent au nirvâna. Ils ne savent guère que la frontière entre nirvâna, vie et mort n’est que métamorphose d’une seule et même nature, que toute différence est illusoire et qu’il n’existe en fait ni forme ni nature propres.
Ils appellent de leurs vœux l’extinction des pensées présentes et passées, croyant ainsi empêcher la renais- sance des liens du corps et de l’esprit, et imaginent alors atteindre le nirvâna, sans avoir aucune conscience de ce qu’est la sagesse véritable, sans s’être radicalement écar- tés des attachements sensuels et rationnels. C’est pour- quoi, dans leur ignorance ordinaire, ils prétendent que le Dharma se divise en trois véhicules, grands et petits, et pensent que leurs esprits peuvent atteindre l’état de détachement où règne le néant.

Chef du village, Sima Lan a l’âge avancé de trente-
neuf ans ; la mort vient de s’abattre sur sa tête et il sait qu’elle arrive à la date prévue. Il va quitter ce monde frais et vivant. Dans la ride profonde de la chaîne montagneuse des Balou, la mort a toujours eu une prédilection pour le village des Trois Patronymes. Si l’on s’absente trois jours, on rentre pour découvrir que quelqu’un s’en est allé sans bruit ; si l’on s’absente quinze jours ou un mois et qu’au retour, singulière- ment, personne n’a trépassé, on demeure longuement hébété, levant la tête vers l’ouest, scrutant le ciel pour voir si le soleil ne s’est pas levé de ce côté-là, s’il n’est pas devenu bleu ou pourpre virant au noir. La mort tombe comme la pluie, à longueur d’année, sur le vil- lage, et les sépultures y poussent, florissantes, comme les champignons après l’averse. A l’intérieur du cime- tière, l’odeur de la terre fraîche et vermeille coule, du printemps à l’été, puis de l’automne à l’hiver, en un clapotis continu.”

Merrybelle
avatar 20/12/2016 @ 00:13:05
Le choix fut (très) difficile :
1. BASS Rick - Toute la terre qui nous possède
2. TRAPIELLO Andrès - Plus jamais ça
3. BRINK André - Philida
4. OGOWA Yoko - Petits oiseaux

Koudoux

avatar 20/12/2016 @ 02:00:48
Mon choix :

1- VON SCHIRACH Ferdinand - L'affaire Collini
2- BRINK André - Philida
3- TABUCHI Antonio - Pour Isabel
4- AGUALUSA José Eduardo - Théorie générale de l’oubli


Shelton
avatar 20/12/2016 @ 07:52:17
La sélection polar :

1- Le village, Dan Smith
2- Les Larmes de Pancrace, Mallock
3- L’homme de la montagne, Joyce Maynard
4- Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook
5- Territoires, Olivier Norek

Myrco

avatar 20/12/2016 @ 09:14:29
La sélection polar :

1- Le village, Dan Smith
2- Les Larmes de Pancrace, Mallock
3- L’homme de la montagne, Joyce Maynard
4- Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook
5- Territoires, Olivier Norek


La jouer plus collectif (c-a-d accepter les mêmes règles pour toutes les catégories) ne serait pas plus mal.
Si on charge une catégorie, cela risque d'être au détriment de la participation à une autre et ce n'est pas une bonne chose. Déjà qu'avec le nombre important de catégories, la participation a tendance à s'émietter! Le résultat c'est une limitation des échanges qui était pour moi l'un des aspects très positifs du Prix CL. Et alors, si 3 livres se retrouvent avec le même score, cela fera 6 livres à lire pour une catégorie?

Ludmilla
avatar 20/12/2016 @ 09:14:39
La sélection polar :

1- Le village, Dan Smith
2- Les Larmes de Pancrace, Mallock
3- L’homme de la montagne, Joyce Maynard
4- Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook
5- Territoires, Olivier Norek

Shelton,

Je ne comprends pas le doublon de 4ème position.
Sauf erreur, je trouve ( 4 "points" pour le livre en 1ère position, etc..)
13 pour Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook
( Shelton 4 , Ludmilla 4, Shanze 3 , Marvic 2)
10 pour Territoires, Olivier Norek
(aaro 4, tistou 3, mandarine 3)

Shelton
avatar 20/12/2016 @ 09:53:36
Donc j'ai refait le calcul car j'avais effectivement du inverser quelque chose et le résultat est pour la sélection Polar 2017 :

1- L’homme de la montagne, Joyce Maynard
2- Le village, Dan Smith
3- Les Larmes de Pancrace, Mallock
4- Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook

Tistou 20/12/2016 @ 11:43:16
1 L'amie prodigieuse, Elena Ferrante

2 L'affaire Collini, Ferdinand von Schirach

3 La fuite du temps, Yan Lianke

4 La chute des princes, Robert Goolrick

Ellane92

avatar 20/12/2016 @ 11:48:32
Mon choix :
1. BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
2. FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
3. MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir
4. SHRIVER Lionel - Big Brother

Aaro-Benjamin G.
avatar 20/12/2016 @ 13:24:31
Mon vote:
1. MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir
2. GOOLRICK Robert - La chute des princes
3. OGOWA Yoko - Petits oiseaux
4. CERCAS Javier - Les lois de la frontière

Saule

avatar 20/12/2016 @ 13:47:12
1. MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir
2. Ellena Ferrante - L'amie prodigieuse
3. TRAPIELLO Andrès - Plus jamais ça
4. SHRIVER Lionel - Big Brother

Merci

Ludmilla
avatar 20/12/2016 @ 13:57:32
Mon choix:

1. FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
2. VON SCHIRACH Ferdinand - L'affaire Collini
3. BRINK André - Philida - Afrique du Sud
4. SHRIVER Lionel - Big Brother

LesieG

avatar 20/12/2016 @ 16:35:50
Donc j'ai refait le calcul car j'avais effectivement du inverser quelque chose et le résultat est pour la sélection Polar 2017 :

1- L’homme de la montagne, Joyce Maynard
2- Le village, Dan Smith
3- Les Larmes de Pancrace, Mallock
4- Le dernier message de Sandrine Madison, Thomas H Cook



C'est ça.

Marvic

avatar 20/12/2016 @ 18:06:16
Après de longues hésitations :
1. FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
2. VON SCHIRACH Ferdinand - L'affaire Collini
3. BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
4. SHRIVER Lionel - Big Brother

Pieronnelle

avatar 20/12/2016 @ 18:49:21
Oh oui c'est bien dur de choisir !

1-BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
2-BRINK André - Philida
3-FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
4-MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir

Myrco

avatar 20/12/2016 @ 19:22:22
1- AGUALUSA José Edouardo - Théorie générale de l'oubli
2- BRINK André - Philida
3 - TRAPIELLO Andrès - Plus jamais ça
4 - OGAWA Yoko - Petits oiseaux

Mandarine

avatar 20/12/2016 @ 20:40:24
Mon Choix
1. FERRANTE Elena - L'amie prodigieuse
2. BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
3. MCCOY Sarah - Un goût de cannelle et d’espoir
4. GOOLRICK Robert - La chute des princes

Je profite de ce message pour vous souhaiter de très bonnes fêtes de fin d'années et le meilleur pour 2017 sans oublier de très bonnes découvertes livresques. Les lectures de la sélection s'annoncent excellentes !!
A très bientôt

Lobe
avatar 20/12/2016 @ 21:01:30
Ça me tente beaucoup beaucoup! Je ne vais pas voter parce que je ne suis pas sure de participer, mais je vais faire de mon mieux, vraiment de beaux noms et des sujets de choix. Du coup une partie de moi se demande si elle ne devrait pas voter pour s'engager à participer...

Merrybelle
avatar 20/12/2016 @ 21:06:52
Laisse parler cette partie de toi, Lobe ! Vote ! 4 livres dans l'année c'est un challenge accessible ;)

Lobe
avatar 21/12/2016 @ 09:14:54
Tu as raison, je suis le prix de derrière les persiennes depuis deux trois ans maintenant, autant y mettre un pied. Du coup:

1) BASS Rick - Toute la terre qui nous possède
2) BOYDEN Joseph - Dans le grand cercle du monde
3) YAN Lian Ke - La fuite du temps
4) TABUCHI Antonio - Pour Isabel

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