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Forums  :  Vos écrits  :  La honte de Y.

LisaSmnt
avatar 24/07/2016 @ 19:42:25
Cette soirée est chiante à mourir, tout comme les autres invités. Je me ressers un verre d’alcool puis le vide cul sec. L’idée de quitter cette soirée me vient à l’esprit.
Je pars sans dire au revoir, ça leur apprendra à être ennuyeux.
La rue est éclairée par des réverbères éclatants. Il n’y a pas un chat. Il fait froid, j’aime me promener seule durant la nuit. Je décide de passer sous les ponts, le long du canal.
Il y fait sombre. Je repense à ma récente rupture. Soudain, je sens une main couvrir ma bouche pour m’empêcher de hurler et une autre agripper mon épaule.
Je panique et me débats, il me tient fermement.
Il me fait tomber au sol, il me ligote les mains. Je sens de l’eau sur mon visage, ce sont mes larmes. Je ne vois pas le visage de mon agresseur. Il m’attache à un poteau sous le pont, personne ne me voit ni ne m’entend. Je suis terrifiée… Il m’arrache ma robe, il commence à m’embrasser contre mon gré. Je me débats autant que possible mais en comprenant que ça ne sert à rien, j’abandonne. J’ai arrêté de crier, je préfère penser à ce que je vais faire si je survis. Je ne bouge plus, je veux que ça se finisse le plus vite possible.
Je me sens honteuse alors que je n’ai commis aucun délit.
Je veux mourir, je veux qu’il abrège mes souffrances. Je veux le lui dire, mais je suis tétanisée et traumatisée.
Je me rends compte que la vie est tellement fragile que je pourrais mourir là, sous ce pont, souillée par ce sauvage. Je ne l’entends plus gémir, que va-t-il faire de moi désormais ? Me tuer ? J’ai peur.
Il sort un couteau de sa poche, mais n’a pas le temps de mettre son plan à exécution car un passant nous remarque.
Mon calvaire est-il fini ? Non, il vient tout juste de commencer. Mon violeur s’enfuit en courant dans la nuit noire. Mon sauveur court vers moi et me détache. Il couvre mon corps nu avec sa veste de soirée. Il me questionne sur mon état de santé mais je ne réponds pas, aucun mot ne sort de ma bouche. L’homme me propose de monter dans sa voiture pour qu’il puisse m’emmener à l’hôpital, je refuse. J’ai l’impression que le monde entier me veut du mal, il me dit que je dois partir avec lui. Je refuse encore. Je m’éloigne de cet endroit qui, dorénavant, ne me rappellera que des mauvais souvenirs, le souvenir du jour où un inconnu m’a volé ma dignité. Il court pour me rattraper, il me jure qu’il ne me veut que du bien, il m’explique qu’il a une femme et des enfants et qu’il ferait tout pour eux. Je le suis. Je ne sais pas si je pourrais surmonter cette épreuve un jour.
L’inconnu m’emmène à l’hôpital du secteur. Nous pénétrons dans la salle des urgences, il va vite chercher un médecin et lui explique la situation. Le médecin vient à ma rencontre. Il me parle, mais je ne comprends pas, je n’entends que des sons. Mais j’ai compris les mots « traumatisme », « état de choc » et « abus sexuel ». Il paraît que je suis dans un état second. Il veut m’hospitaliser. Je secoue la tête en signe de rébellion, je refuse de rester ici. Je souhaite juste rentrer chez moi et me coucher dans mon lit.
Ils ont peur que je me donne la mort, ils n’ont pas à s’inquiéter, je ne suis pas assez courageuse pour ça. Je ne suis pas courageuse, je suis juste souillée.
Une infirmière m’apporte un fauteuil roulant. Le docteur le pousse.

Je n’ai pas mangé depuis trois jours, l’inconnu est venu me voir chaque jour, il n’a pas bouger du siège et il s’est même fait apporter un lit de camp. Les infirmières lui donnent à manger, elles s’occupent de lui comme elles s’occupent des patients.
Le sauveur et le docteur veulent m’envoyer dans l’aile psychiatrique du centre hospitalier.
Ils ne savent pas qui je suis, ils n’ont pas pu appeler ma famille. Donc la personne a contacté en cas d’urgence c’est l’inconnu.

En psychiatrie, les cris des schizophrènes résonnent. Des hommes et des femmes aux doubles identités sont présents.
Je lutte pour survivre, je n’ai toujours pas décroché le moindre mot. Je n’ai rien à dire, ils savent déjà tout. J’ai perdu beaucoup de poids, c’est ce qui se produit quand on ne se nourrit pas pendant une semaine.
Je suis ici depuis seulement hier matin, mais j’ai l’impression que cela fait une éternité. L’inconnu ne vient plus me voir.

Déjà deux semaines que je suis enfermée avec des fous, je n’ai toujours rien dit, toujours aucun signe de l’inconnu.
Je suis seule, je pense souvent à la manière dont je pourrais abréger mes souffrances. Je me consume de l’intérieur, je brûle en silence, mais je ne dis rien, autrement je risque de passer pour une folle - mais c’est déjà le cas vu que je suis dans un asile pour aliénés. Je n’ai aucun ami, tout le monde m’ignore, ce qui n’est pas plus mal. Je fais une réserve de draps pour faire une corde.
Aujourd’hui, j’ai assez de linge pour faire une corde solide. Ma mise à mort aura lieu aujourd’hui.
Je suis méconnaissable à cause des tous mes kilos en moins. Les infirmières disent que je risque l’anorexie. Je serais morte avant d’avoir atteint ce seuil de maigreur.
J’attache la longue corde au plafond et avec l’autre bout, je fais une sorte de grande boucle. Je monte sur le petit tabouret de bois et passe ma tête dans la boucle.
Je pousse le tabouret. Ma fin est proche et je me laisse emporter par cette forme de délivrance. J’aurais dû mourir sur ce quai, mon heure est juste arrivée en retard.
Adieu souffrance. Bonjour délivrance.

Saule

avatar 26/07/2016 @ 22:20:58
C'est toujours très sombre tes textes mais celui-ci particulièrement. Il y a beaucoup de force et l'écriture est très agréable même si c'est un peu glaçant. Le début m'a faire bien rire.

Tu pourrais essayer quelque chose de plus léger, pour nous surprendre ?

Saint Jean-Baptiste 27/07/2016 @ 12:07:04
La forme est toujours très accomplie quoique, à mon goût, un peu trop répétitive et égocentriste : trop de je, je, je...
C'est vrai que le début est drôle avec ces invités ennuyeux mais tu ne dois être du genre à mettre beaucoup de gaîté.
Ce sont des fictions, bien entendu, qui font preuve de beaucoup de maturité pour une fillette de 14 ans. Bravo !
Mais, à la longue, ces textes sont un peu comme tirés en longueur et répétitifs. C'est du moins l'impression qu'ils donnent, sans doute parce qu'ils sont par trop mortifères ; cette obsession suicidaire finit par lasser.

Essaye de nous surprendre par un texte optimiste et joyeux... ;-))

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