Lobe
avatar 31/01/2016 @ 18:55:58
En réalité on ne sait jamais Ce qu’il se passe ?
On cesse humblement. Ce qu’on veut qu’il se passe ? Essaie ! Comme ça… que les choses arrivent.
Les choses ? Tes choses, ta vie.
L’amoncellement vain des choses. Amoncelle s’il faut, mais ose.
Ose, ose, je ne suis pas Magicienne.
Thaumaturge. Vers où oser. Vers le champ des possibles.
C’est vaste. Ca t’effraie ?
Non, mais. Bon, tu vois, c’est chouette, cet espace à déterminer qui t’attend.
Longtemps, il va m’attendre. Tendrement.
Tu mens. Je suis ta conscience, je ne peux pas te mentir.
Tu mens. Je suis ta conscience, je ne peux pas te mentir.
Tu m’embrouilles. A la bonne heure ! De quoi as-tu envie ?
De beurre de cacahuètes. Pour ta vie, pour mener ta bonne vie.
Il faudrait déjà que j’éclaire 2016. Des bougies
Des torches Des résolutions
Des solutions Dissolution… ah non, laisse-moi reprendre pied : des révolutions.
La prise de la pastille ? Tu te fourvoies.
Xanax, Valium… Plutôt hélium et légèreté.
D’accord. Si un ballon a le droit d’avoir peur. Il l’a. A condition que sa peur soit circonscrite aux objets pointus.
Tu crois que je devrais la diriger vers quoi, ma peur ? Vers ce qui te disperse.
Je confonds souvent, non ? Oui.
Je progresse ? Je ne sais pas, je suis trop profondément part de toi pour savoir.
Et pour sentir ? Je sens la gravité de tes larmes qui les entraine sur tes joues, sur ton cou.
Oui. C’est un peu souvent. Tu en es la juge la plus féroce.
Juge et partie, comme toi. Bien impuissante, parfois. Dans le secret de ton cœur c’est aussi ce que tu crois ?
C’est toi le secret de mon cœur. Non. Je suis ta conscience cartésienne.
Mince. Avis de recherche sur mon cœur ? Si tu veux. Egaré, oublié ?
A la naissance ? A la Renaissance ?
A la Révolution, encore elle? Dans la Grande Guerre ?
Celle de moi à moi ? Oui. L’autre Grande Guerre, tu sais, c’est un peu la même, mais généralisée.
Je ne l’ai pas perdue, ma grande guerre. Mais tu la mènes opiniâtrement.
Sans obus ni baïonnette. En te retranchant.
Ça ne fait de tort à personne. Au monde qui t’exige.
Je lui adresse mes excuses. Exquises.
Je ne sais pas quoi lui offrir. Ton sourire.
Tu te moques de moi. Ta rage.
De dent. Tiens, tu voulais des résolutions : j’irai chez le dentiste en février. Ta rage froide et inaltérable devant…
Devant quoi ? Tu le sais mieux que personne.
Oui. Et si elle s’étiole. … ce sens de l’humour. Elle ne s’étiolera pas.
Et si elle me tue. Seul le tort…
Et si elle me frelate. Le monde aura donc échoué.
Comme tu y vas ! Je suis ta conscience idéaliste.
Merci. Maintenant je suis troublée, je ne sais plus d’où on est parties. Les résolutions, disons.
Lire ? Précise.
De la poésie ? Encore.
Comment : avec mes yeux. Et ton cœur, si on remet la main dessus. Encore.
Quand : bi-hebdomadairement, vingt minutes. Au minimum. Encore.
Où : rue de la Poésie. A la Croix-Rouge ?
Oui. Peut-être que ça m’aidera d’aider. C’est bien, tu t’es honnête.
Si peu. Nuance : pas pour tout.
Ça viendra. Pas pour tout.
Non ? Pas pour ? Tu sauras.
Tu m’entourloupes. Tu l’as dit toi-même que tu es part de moi. Oui, mais je supplée à ce qui te manque.
Le sens de demain. Par exemple.
Autre? Le sens du tout.
Tiens, ma conscience raisonnée vire complètement ésotérique. J’ai raison.
Cabalistique. Balistique toi-même. Tu m'embêtes.
Hermétique. Herméneutique à la rigueur. Tu m'épuises.
Acroatique. Tu deviens acrobatique. Encore un mot et je m’en vais.
Hystérique. hhhsschh
Ose, que tu me disais.
Ben voyons, caprice du soir bonsoir.
Comme si tu étais partie.
Comme si tu pouvais partir !
Tu m’entends pouffer de rire ?
Allez, songe à revenir.
Zut quoi, je ne sais même pas comment te rappeler.
J’ai l’air de quoi à crier sans bruit.
REVIENS.
S’il te plait ?
Il fait froid quand je suis seule.
Si même face à ces mots tu restes muette embusquée.
Tu as retrouvé mon cœur là où tu t’es éloignée ?
REVIENS J’AI DIT.

Bon. Non.
Je parle à qui moi maintenant.
Je ne suis pas faite pour soliloquer.
Avec ma frustration.
Je ne sais pas démêler.
Le vrai de mon faux.
La qualité de mon défaut.
J'apprends de qui moi maintenant.
Je ne pense pas pouvoir jamais comprendre.
La discordance:

Des grèves, démolition, déroute, de la tension
Avec dessèchement, branle-bas de révolutions
J'ai peu, humble pomme, j'avoue
J’avance comment
Dans le creux
Sourd
?

!
Soit
Dans l'âcre
Je me lance comme
Je peux, un peu comme, je veux
Avec des échelons, branlants, de résolutions,
Des rêves des solutions des doutes de l'attention.





espérant que sa voix quelque part dise tu fais bien

Pieronnelle

avatar 31/01/2016 @ 19:48:45
Oh j'ai la tête qui tourne ! :-)
Tiens, ça m'a rappelé La nuit de Mai de Musset...
Et bien ça bouillonne Lobe et je te sens un peu épuisée par ces mots qui voltigent. Tiens il me semble bien avoir vu des mots aussi voltiger dans deux autres textes :-)

J'aime beaucoup :

Soit
Dans l'âcre
Je me lance comme
Je peux, un peu comme, je veux
Avec des échelons, branlants, de résolutions,
Des rêves des solutions des doutes de l'attention

Commencerais-tu à détenir le secret pour vivre...?
De l'attention, pas de doute Lobe tu en auras vers toi et avant de savoir si "tu fais bien" il en coulera de l'eau...

Il y a un mot que j'aime particulièrement dans ton texte : soliloquer !
Il exprime tant de...de choses...d'idées...
Soliloque encore, quelque part tu nous nourris...

Nathafi
avatar 31/01/2016 @ 22:57:45
Ma foi... C'est du Lobe...
Lobe et sa conscience qui la malmène (j'y vais doucement parce que les textes de Lobe, j'ai toujours un peu de mal :-))

Alors je trouve l'ensemble très cadencé, très musical, agréable à lire et tout et tout...

Et cette partie, j'aime beaucoup...

"Merci. Maintenant je suis troublée, je ne sais plus d’où on est parties. Les résolutions, disons.
Lire ? Précise.
De la poésie ? Encore.
Comment : avec mes yeux. Et ton cœur, si on remet la main dessus. Encore.
Quand : bi-hebdomadairement, vingt minutes. Au minimum. Encore."

Merci à toi de venir dérouiller de temps en temps nos plumes encrassées...

Tistou 01/02/2016 @ 22:40:15
Irrésistiblement, j'ai pensé à Clamence (pour celles et ceux qui connaissaient). Pour cette facilité à créer et à surgir là où raisonnablement on peut l'attendre ...
Mais non, c'est Lobe. Qui, oui, nous a déjà habitués à ce genre de contre-pied.
"Silence sans conscience", c'est la fin ça. Mais avant il y a dialogue avec elle, avec la conscience. Et un détournement magistral de l'incipit. Tu l'as déjà fait par le passé, ça. Ou bien Clamence ? (zut ça me reprend !)
Je me sens strictement incapable de concevoir ce genre de "déstructuré" magnifique, ça ne colle pas avec moncadre mental. Moi il me faut des prises où m'accrocher, un fil pour ne pas le perdre. Heusement, il y en a qui sont capables et de le concevoir et de le produire. Lobe.

Cédelor 01/02/2016 @ 22:57:07
Bon, c'est toujours du Lobe, ça c'est clair, mais c'est une Lobe d'une autre manière, une autre façon de faire du Lobe. C'est donc comme ça qu'elle a fait un pas hors de ses sentiers battus personnel. Elle a même dit qu'elle s'adresse à soi-même, et avec son texte, elle l'a prouvé qu'en effet elle s'est adressé à elle-même, et avec quelle adresse ! Toujours du Lobe, un style très personnel, qu'il faut lui tirer un coup de chapeau pour l'avoir trouvé et en jouer avec, pour notre plus grand bonheur, notre plus grand étonnement et notre plus grande perplexité.

Là, j'avais commencé à lire jusqu'au milieu, n'y comprenant rien, et donc j'ai arrêté là ma lecture et repris au tout début, et j'ai mieux compris qu'il s'agissait en fait d'un dialogue entre elle et elle. Et bien sûr, en prenant son temps, comme toujours avec Lobe. La lenteur l'exige pour la comprendre, la rapidité ne lui convient pas sous peine de se retrouver largué.

Au final, un exercice de sa part que j'ai trouvé très intéressant et novateur et peut-être pas facile à écrire. Après, on aime ou pas selon les lecteurs, mais je gage que l'auteure s'est bien amusée et y a pris beaucoup de plaisir.

Est-ce que moi j'ai aimé ? Oui, pour la plaisante discussion de soi avec sa propre conscience, pour l'indéniable poésie qui s'en dégage, pour la cadence courte du dialogue, pour la performance de la construction avec beaucoup de jeux de mots et de formes qu'il fallait repérer et qui oblige le lecteur à participer au texte, à le rendre moins passif au texte. Comme par exemple le creux des deux derniers paragraphes, juste avant la dernière phrase finale :

Des grèves, démolition, déroute, de la tension
Avec dessèchement, branle-bas de révolutions
J'ai peu, humble pomme, j'avoue
J’avance comment
Dans le creux
Sourd
?

!
Soit
Dans l'âcre
Je me lance comme
Je peux, un peu comme, je veux
Avec des échelons, branlants, de résolutions,
Des rêves des solutions des doutes de l'attention.



L'un est le pendant de l'autre, chaque phrase, chaque mot, jusque dans les points d'exclamation et d'interrogation, comme un miroir. Or dialoguer avec sa conscience est comme le faire face à sa propre image devant un miroir, image qui est en même temps le négatif, l'inverse, le contraire de soi, comme le montre chacun des mots, des phrases, des emplacements qui est l'inverse de l'autre. Le paragraphe pessimiste, craintif, interrogateur est en haut et le paragraphe optimiste, entreprenant, affirmatif est en bas. Et tout le texte qui le précède reflète cette opposition, entre un soi sceptique et l'autre part de soi qui encourage. L'un est solaire et l'autre nocturne.

Est-ce la véritable Lobe qui se met en scène ici avec ses doutes et ses envies ? Quoi qu'il en soit, si c'est la réalité ou une totale imagination, c'est l'oeuvre d'un esprit très introspectif à un point que c'en est rare. Tu sais jouer avec les mots et les mettre en forme en y donnant du sens sans innocence !

Bref, du beau travail. Il y a d'autres jeux de mots et construction que j'ai remarqué, mais je ne vais pas tout analyser, et il y en a peut-être d'autres que je n'ai pas vus. Alors encore bravo, Lobe et continue d'écrire, tu es douée d'un don particulier, et merci de nous faire don des créations de ton don !

Sissi

avatar 06/02/2016 @ 12:12:52
Arf, déroutant au possible mais fabuleux!
Lobe et Jiminy Cricket? :-))
Un vrai match de ping-pong, c'est drôle percutant, avec des ruptures de rythmes et une chute, bien fait, bien ficelé, bien pensé, drôle et percutant.

Un tout petit reproche (qui aime bien châtie bien), je trouve que les contraintes ne sont que partiellement respectées mais bon, comment t'en vouloir?

Marvic

avatar 07/02/2016 @ 18:48:35
Pas facile à lire ce dialogue avec sa conscience, ces questions - réponses qui fusent du tac au tac.
Et quel vocabulaire !
Mais j'ai beaucoup aimé cette "guerre intérieure", ces questions que l'on se pose et qui nous empoisonnent , ces résolutions que l'on veut prendre et qui nous effraient et puis cette superbe ligne finale :
"espérant que sa voix quelque part dise tu fais bien".
Touchée !

Magicite
avatar 10/02/2016 @ 02:14:47
je retrouve avec plaisir le thème de la pensée et la vision intimiste que tu met parfois(souvent) dans tes textes.
L'idée du monologue/dialogue marche de suite et est souvent très drôle.

Heureusement parce qu'à force de répétition ça fait trop litanie et donne une impression de longueur.

Je trouve qu'on perds un peu de la qualité de ton style dans le dialogue(j'y peux rien je suis accro) mais si peu, en tout cas pas la richesse de ton vocabulaire - acroatique, j'y penserais la prochaine fois.

Même si je critique il y a des réussites: drôle et pas sans profondeur, intime et universel à la fois. Quand même pas évident la dernière partie, il faudrait arriver à la lire comme on pense une poésie dans la tête.

Saint Jean-Baptiste 23/03/2016 @ 16:36:55
Questionnement et tourbillon affolants... Ça te ressemble, je trouve.
Mais c'est bien troussé, c'est du Lobe, bravo !

Martin1

avatar 24/03/2016 @ 16:42:04
J'aime beaucoup cette mise en scène du dialogue intérieur, je trouve que tu transcris très bien cette grande guerre (puisque tu emploies ce terme) de l'homme contre sa conscience. Il est étrange - et plutôt bien vu - que la conscience se taise dans la dernière partie : elle est comme vexée de n'être pas écoutée, que ses propos sont sans cesse détournés en jeu de mots (rage - de dent, etc) et puis d'un autre côté on se demande la vraie raison du mutisme de la conscience, sans doute l'absurdité d'un dialogue sans solution, puisque la volonté n'écoute la conscience que lorsque cela l'arrange, et en même temps a besoin d'elle.
C'est mon ressenti personnel
Je pense que la première partie a le défaut de nous perdre avec un peu trop d'efficacité par moments, mais c'est un reproche que je fais souvent à mes propres poèmes, donc, je te dis félicitations Lobe et je salue la démarche poétique.

Lobe
avatar 22/06/2017 @ 14:08:55
Aujourd'hui à la BU de la fac j'ai fait une belle rencontre avec un album de Perrine Rouillon. A la fin, la narratrice disparait ; cela m'a fait penser à ce texte. J'ai été contente de découvrir les mots de l'auteur sur cette éclipse, dans une interview* :

"En fait, après avoir essayé pendant plus d’un an de renouer le dialogue avec une Petite Personne murée, effondrée sur sa page, la narratrice est partie. Du coup la Petite Personne, qui était dessinée sur une page d’écriture, se retrouve sur une page de dessin (d’où le crayon). Et elle se laisse aller à sa nature de dessin, à sa sensualité, son érotisme. Elle découvre la matière de la page, son grain… sa matière à elle… Ce que fait l’écriture -ou la narratrice- pendant ce temps, je ne sais pas..."

* disponible en intégralité ici : http://ricochet-jeunes.org/entretiens/entretien/…

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