J'ouvre ce fil d'une part pour recenser les romans employant le "Tu narratif" et pour vous demander ce qu'apporte selon vous l'emploi de la deuxième personne du singulier, car cela m'interroge vraiment. Est-ce vraiment utile ? Quel est sa particularité par rapport à l'utilisation du "Je" ou du "Il" ?
Romans employant le "Tu" :
- "La maladie de Sachs" de Martin Winckler
- "Les lignes de ta paume" de Douna Loup
- "Photo de groupe au bord du fleuve" de Emmanuel Dongala
Pour "La maladie de Sachs" et "Photo de groupe au bord du fleuve" j'avais trouvé l'utilisation du "Tu" un peu artificiel au départ (mais est-ce seulement parce qu’on nen n'a pas l'habitude ?) puis j'ai "oublié" cette particularité au cours de ma lecture.
Pour le roman de Douna Loup, cela m'avait vraiment rebuté.
Si mes souvenirs sont bons, il me semble que dans l'adaptation cinématographique de "La maladie de Sachs", le réalisateur avait d'ailleurs gardé en partie en voix off des commentaires à la deuxième personne du singulier, les faisant "penser" par la secrétaire du Docteur Sachs.
Romans employant le "Tu" :
- "La maladie de Sachs" de Martin Winckler
- "Les lignes de ta paume" de Douna Loup
- "Photo de groupe au bord du fleuve" de Emmanuel Dongala
Pour "La maladie de Sachs" et "Photo de groupe au bord du fleuve" j'avais trouvé l'utilisation du "Tu" un peu artificiel au départ (mais est-ce seulement parce qu’on nen n'a pas l'habitude ?) puis j'ai "oublié" cette particularité au cours de ma lecture.
Pour le roman de Douna Loup, cela m'avait vraiment rebuté.
Si mes souvenirs sont bons, il me semble que dans l'adaptation cinématographique de "La maladie de Sachs", le réalisateur avait d'ailleurs gardé en partie en voix off des commentaires à la deuxième personne du singulier, les faisant "penser" par la secrétaire du Docteur Sachs.
Georges Perec Un homme qui dort
Italo Calvino Si par une nuit d'hiver un voyageur
Richard Morgiève Ton corps
Michel Butor La modification (mais là c'est "vous" et non "tu")
Et beaucoup d'autres, dont deux de ma pomme.
On peut en faire beaucoup de choses différentes, ça dépend du projet.
Italo Calvino Si par une nuit d'hiver un voyageur
Richard Morgiève Ton corps
Michel Butor La modification (mais là c'est "vous" et non "tu")
Et beaucoup d'autres, dont deux de ma pomme.
On peut en faire beaucoup de choses différentes, ça dépend du projet.
Charles Juliet-"Lambeaux"
Je n'ai pas apprécié ce procédé mais c'est vraiment très subjectif car certains lecteurs, par contre, peuvent se sentir ainsi totalement en phase avec le récit et l'auteur.
Je n'ai pas apprécié ce procédé mais c'est vraiment très subjectif car certains lecteurs, par contre, peuvent se sentir ainsi totalement en phase avec le récit et l'auteur.
Charles Juliet-"Lambeaux"Ah oui, bien sûr !
Et là le projet est encore différent.
"La joie" de Mo Yan est écrit à la 2ème personne (du singulier).
"Festins secrets" de Pierre Jourde utilise le tutoiement aussi.
Je pense que ce qui m'indispose, me met mal à l'aise dans ce procédé c'est dû au fait que j'ai l'impression d'entrer dans l'intimité de quelqu'un, cette part de soi la plus secrète ici exposée sans l'accord de "l'autre".
Pour "Festins secrets", cela ne m'a nullement dérangée: je l'ai plutôt ressenti comme une distance entre l'auteur, qui, peut être, s'est trouvé être l'acteur réel de l'histoire- très dure, d'ailleurs- et ce personnage qu'il crée ou recrée.
Pour "Festins secrets", cela ne m'a nullement dérangée: je l'ai plutôt ressenti comme une distance entre l'auteur, qui, peut être, s'est trouvé être l'acteur réel de l'histoire- très dure, d'ailleurs- et ce personnage qu'il crée ou recrée.
Il me semble avoir croisé le 'tu' en poésie, mais il ne me vient pas d'exemple à l'esprit. On le retrouve également dans le roman épistolaire où ça passe très bien. Dans le même esprit, un roman construit dans l'esprit du roman épistolaire, par exemple dans 'Va où ton cœur te porte' de Susanna Tamaro (un roman dans lequel une grand-mère s'adresse à sa petite fille (absente) pour raconter son histoire), fonctionne assez bien aussi par rapport au projet de l'auteur.
Sinon, il me semble que règle générale, lorsque ce 'tu' s'adresse à un interlocuteur précis, le texte se lit confortablement, mais lorsqu'il ne s'adresse à personne, je serais alors tenté de questionner sa pertinence. Mais j'avoue ne pas me souvenir avoir croisé cette forme-là et je n'ai pas lu les titres ci-haut cités.
Du coup, le commentaire de Feint m'interpelle.
@Feint: tu dis "On peut en faire beaucoup de choses différentes, ça dépend du projet"; tu pourrais préciser ou donner un exemple?
Sinon, il me semble que règle générale, lorsque ce 'tu' s'adresse à un interlocuteur précis, le texte se lit confortablement, mais lorsqu'il ne s'adresse à personne, je serais alors tenté de questionner sa pertinence. Mais j'avoue ne pas me souvenir avoir croisé cette forme-là et je n'ai pas lu les titres ci-haut cités.
Du coup, le commentaire de Feint m'interpelle.
@Feint: tu dis "On peut en faire beaucoup de choses différentes, ça dépend du projet"; tu pourrais préciser ou donner un exemple?
Dans Lambeaux, il y a deux parties bien distinctes. Dans la première, "tu" désigne la mère de l'auteur ; dans la seconde, "tu" désigne l'auteur lui-même, plus jeune. La continuité de l'usage du pronom est une manière de rendre hommage (par la construction du jeune homme qui devient écrivain) à sa mère dont la vie a été détruite.
Dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, Calvino feint avec ce "tu" de s'adresser au lecteur lui-même, qu'il met en situation de lecture de livres tout aussi fictifs mais qui sont tout de même donnés à lire, et cette lecture devient elle-même une aventure - ce que la lecture devrait toujours être. (A ce titre les premières pages du roman sont la présentation du lecteur idéal, celui que tout auteur rêve d'avoir.)
L'emploi de "tu" peut aussi permettre de jouer sur l'éventuelle présence d'un "je" sous-entendu qui s'adresse à ce "tu". Qui dis "tu" ? Est-ce une voix de l'auteur ? celle d'un narrateur extérieur ? Est-ce la voix d'un autre personnage ?
Tiens, maintenant que j'y pense, il y a aussi Le Son de ma voix, de Ron Butlin. C'est un beau roman sur l'alcoolisme et sur la mauvaise conscience, et la deuxième personne est par excellence celle de la mauvaise conscience.
Dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, Calvino feint avec ce "tu" de s'adresser au lecteur lui-même, qu'il met en situation de lecture de livres tout aussi fictifs mais qui sont tout de même donnés à lire, et cette lecture devient elle-même une aventure - ce que la lecture devrait toujours être. (A ce titre les premières pages du roman sont la présentation du lecteur idéal, celui que tout auteur rêve d'avoir.)
L'emploi de "tu" peut aussi permettre de jouer sur l'éventuelle présence d'un "je" sous-entendu qui s'adresse à ce "tu". Qui dis "tu" ? Est-ce une voix de l'auteur ? celle d'un narrateur extérieur ? Est-ce la voix d'un autre personnage ?
Tiens, maintenant que j'y pense, il y a aussi Le Son de ma voix, de Ron Butlin. C'est un beau roman sur l'alcoolisme et sur la mauvaise conscience, et la deuxième personne est par excellence celle de la mauvaise conscience.
Dans Lambeaux, il y a deux parties bien distinctes. Dans la première, "tu" désigne la mère de l'auteur ; dans la seconde, "tu" désigne l'auteur lui-même, plus jeune. La continuité de l'usage du pronom est une manière de rendre hommage (par la construction du jeune homme qui devient écrivain) à sa mère dont la vie a été détruite.
Si mes souvenirs sont bons, il rend hommage à deux femmes: sa mère, et la femme qui l'a élevé, non?
Un très très beau texte.
Le "tu" permet effectivement de produire plusieurs effets, que tu décris très bien.
Personnellement j'aime beaucoup.
Tout à fait. "Tu" désigne sa mère dans la 1ère partie, et lui-même jeune dans la 2e ; sa mère adoptive est "elle", dans cette même 2e partie.
Si mes souvenirs sont bons, il rend hommage à deux femmes: sa mère, et la femme qui l'a élevé, non?
Tout à fait. "Tu" désigne sa mère dans la 1ère partie, et lui-même jeune dans la 2e ; sa mère adoptive est "elle", dans cette même 2e partie.
Ah oui, c'est ça, je ne me souvenais plus bien de la façon dont c'était construit.
C'est bon signe : la construction, c'est fait pour être oublié.
Ah oui, c'est ça, je ne me souvenais plus bien de la façon dont c'était construit.
Ah oui, c'est ça, je ne me souvenais plus bien de la façon dont c'était construit.
C'est bon signe : la construction, c'est fait pour être oublié.
:-)
@ Feint: merci, c'est clair comme de l'eau de source maintenant!
Dans l'intervalle, je me suis rappelé d'un poème (un quand même c'est mieux que pas du tout :-)) utilisant le 'tu', il s'agit de Georgia de Philippe Soupault.
Dans l'intervalle, je me suis rappelé d'un poème (un quand même c'est mieux que pas du tout :-)) utilisant le 'tu', il s'agit de Georgia de Philippe Soupault.
Pour la poésie, l'emploi de la 2e personne est une tradition qui remonte depuis Ronsard jusqu'à l'Antiquité ; je me souviens d'un poème à la 2e personne de Tibulle je crois où le poète, faute de pouvoir s'adresser à la femme aimée, s'adresse à sa porte. Comme quoi on peut vraiment faire plein de choses avec la 2e personne !
Il y a aussi le "tu" impersonnel, celui qui ne s'adresse à personne mais qui remplace le "on", ou le "je":
"Tu te lèves le matin, tu ouvres les volets, et là, qu'est-ce que tu vois? Du sucre et de la glace partout." (remplace le "je")
"Tu espères que cette longe série se décès va s'arrêter, et puis tu réalises que ça continue de plus belle " (remplace le "on")
Bon, on l'utilise surtout dans le langage oral et dans les situations de communication courante, littérairement c'est difficile (et peut-être pas forcément très élégant).
Je m'aperçois que je l'utilise beaucoup.
Un moyen de s'adresser, symboliquement, à chacun individuellement plutôt qu'à tous en même temps? D'interpeller plus? (remplacement du "on") De s'effacer un peu? Ou de réclamer l'empathie?(remplacement du "je")
Intéressant, en tout cas, tout ça!
"Tu te lèves le matin, tu ouvres les volets, et là, qu'est-ce que tu vois? Du sucre et de la glace partout." (remplace le "je")
"Tu espères que cette longe série se décès va s'arrêter, et puis tu réalises que ça continue de plus belle " (remplace le "on")
Bon, on l'utilise surtout dans le langage oral et dans les situations de communication courante, littérairement c'est difficile (et peut-être pas forcément très élégant).
Je m'aperçois que je l'utilise beaucoup.
Un moyen de s'adresser, symboliquement, à chacun individuellement plutôt qu'à tous en même temps? D'interpeller plus? (remplacement du "on") De s'effacer un peu? Ou de réclamer l'empathie?(remplacement du "je")
Intéressant, en tout cas, tout ça!
Pour compléter la liste encore...j'avais oublié le très beau texte d'Asli Erdogan "Le bâtiment de pierre".
Il y aurait de quoi faire une magnifique étude sur ce sujet.
Un thème de mémoire pour un étudiant en lettres en panne d'inspiration ?
Il y aurait de quoi faire une magnifique étude sur ce sujet.
Un thème de mémoire pour un étudiant en lettres en panne d'inspiration ?
Pour la poésie, l'emploi de la 2e personne est une tradition qui remonte depuis Ronsard jusqu'à l'Antiquité ; je me souviens d'un poème à la 2e personne de Tibulle je crois où le poète, faute de pouvoir s'adresser à la femme aimée, s'adresse à sa porte. Comme quoi on peut vraiment faire plein de choses avec la 2e personne !Un peu comme Marius à Pomponette, mais lui c'était pas en latin.. :o)
Je pense que ce qui m'indispose, me met mal à l'aise dans ce procédé c'est dû au fait que j'ai l'impression d'entrer dans l'intimité de quelqu'un, cette part de soi la plus secrète ici exposée sans l'accord de "l'autre".
Provisette, c'est exactement ce sentiment de "voyeurisme" que j'ai eu au début de "Photo de groupe au bord du fleuve", quand le narrateur décrit le lever de la protagoniste principale, ses ablutions, comment elle choisit ses vêtements, etc...
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