Pieronnelle

avatar 11/08/2015 @ 12:26:29
Oui Martin la définition de génocide n'est pas «définitive»...il suffit d'aller consulter les définitions des dictionnaires, des historiens...
Mais que l'origine de l'extermination soit guerrière, sociale, ethnique ou autre (car les hommes sont plein d'inventivité dans ce domaine) qu'est-ce que ça change, ce sont des crimes contre l'humanité inexcusables et imprescriptibles et ils devraient être jugés en tant que tels.. Et le massacre systématique des arméniens à été reconnu par les turcs, on ne voit pas comment il pourrait en être autrement. Maintenant faire reconnaître aux gouvernements suivants la responsabilité de l'état turc (et bien sûr il l'est comme tout gouvernement sur lequel a lieu un massacre sur un territoire quel qu''il soit) procède d'une démarche opportuniste contre la Turquie. Ce massacre arménien est connu depuis 1890 ,pour des raisons diverses, inexcusables, qui a pris une ampleur avec la guerre de 14/18 et la Turquie s'appuiera toujours sur cette situation de guerre et «d'ennemis intérieurs» argument bien connu de tous les régimes pratiquant nationalismes et racismes .D'autant que les kurdes y ont pris une part importante (bien armés par les turcs).
La demande de reconnaissance de ce génocide (dans les dictionnaires les synonymes de ce mot sont «massacre systématique» et«crime contre l'humanité» et il y en a pléthore dans le monde et même pas reconnus) est une action politique avant tout. Je suis convaincue, sauf changement de gouvernement, (mais même) que la Turquie ne le reconnaîtra pas en tant que tel ! Et qu''est-ce qu''on fait ?

Martin1

avatar 11/08/2015 @ 13:20:15
Oui, je suis d'accord avec toi Pieronelle sur l'ensemble. Mais ta question :


Mais que l'origine de l'extermination soit guerrière, sociale, ethnique ou autre (car les hommes sont plein d'inventivité dans ce domaine) qu'est-ce que ça change, ce sont des crimes contre l'humanité inexcusables et imprescriptibles et ils devraient être jugés en tant que tels...


mérite au fond une réponse plus fouillée.

Massacre spontané ou génocide, qu'est-ce que ça change ?

...

Je crois que sur le plan des idées, ça change tout. Absolument tout. Si un intellectuel veut réfléchir sur le sujet, il est choqué de manière différente selon si c'est un massacre spontané ou un génocide.

Le massacre spontané est propre à l'homme barbare. Depuis les origines les hommes s'entre-massacrent. Tuer l'autre parce qu'il s'oppose à moi, parce qu'il se dresse sur mon chemin, parce qu'il fait obstacle à ma liberté de mouvement.

Le génocide est propre au philosophe, à l'homme penseur, évolué, civilisé. Tuer l'autre parce qu'il est né comme ça. Parce que, qu'il le veuille ou non, il est irrécupérable, sa vie ne vaut rien. Qu'importe que ce Vendéen soit républicain dans ses opinions, qu'importe que cet Arménien se soit battu pour moi dans les Dardanelles, qu'importe que ce Juif ait milité contre le traité de Versailles. Il doit mourir = cela suppose une idéologie : rousseauiste, nazie, communiste, ou religieuse ; mais en tout cas une idéologie qui sépare plusieurs sortes d'hommes, certains méritant de vivre, d'autres non.
Le génocide ne peut être qu'une invention moderne.

Voilà ma définition personnelle du génocide, elle m'appartient certes, elle me paraît éclairante, et j'admets que tout un chacun ne sera pas forcément d'accord avec moi.

Saint Jean-Baptiste 11/08/2015 @ 16:18:58
Chacun va donner sa petite définition d'un massacre pour lui donner ou non le caractère de génocide en fonction de ses convictions personnelles et surtout subjectives !
Mais non, mais non, Pieronnelle, ce n'est pas comme ça que ça va.
Massacre et génocide répondent à des critères très précis et les convictions et Histoire à la sauce des amateurs comme moi, n'entrent pour rien dans les définitions.

On l'a déjà dit ici, il est important de nommer les choses. En tous cas, pour les victimes, ça a une importance essentielle, que je ne comprends pas toujours très bien, je le reconnais ; mais il faut absolument en tenir compte si on veut obtenir un pardon et un apaisement, voire une réconsiliation.

Saint Jean-Baptiste 11/08/2015 @ 16:21:29
«extermination spontanée» ! Mais on va où là ?

« Extermination spontanée », pourrait donner lieu à confusion : dans notre esprit, dis-moi si je me trompe, Martin, c'est une extermination – non voulue – par la conséquence d'une invasion : les populations d'Indiens d'Amérique du Sud, par exemple, ont été exterminées par des maladies amenées par les envahisseurs, qui ne souhaitaient pas du tout faire disparaître ces populations.

Saint Jean-Baptiste 11/08/2015 @ 16:28:06



Mais ça n'a rien à voir SJB ; il n'est pas question de le reconnaître ou de ne pas le reconnaître, c'est surtout qu'il n'y en a alors aucun autre.


Pour les Hutus et les Tutsis, tu as sans doute raison hein ; mais ça n'empêche pas du tout que le génocide suit un contexte de guerre civile


Merci de m'éclairer, Martin, sur la reconnaissance d'un gouvernement. Mais j'en tombe à la renverse à l'idée que le « gouvernement » de la Terreur ait été reconnu...
A mon humble avis, mais je peux me tromper, ce « gouvernement » a bien eu l'intention d'un génocide en Vendée ; mais il ne l'a pas réalisé.

Par contre, le génocide Tutsi, pas plus que le génocide Arméniens, ne sont l'issue d'une guerre civile, comme tu as l'air de le penser : il n'y avait pas de guerre civile, ou contexte de guerre civile, ni au Ruanda, ni en Turquie au moment du génocide.
Il y a eu, dans un cas comme dans l'autre, une volonté très bien organisée d'élimination systématique d'un peuple par un gouvernement institué et reconnu dans le monde.
Si bien que ceux qui nient ces génocides sont, soit des non-informés, soit des révisionnistes, comme ceux qui nient la Shoah.

Martin1

avatar 11/08/2015 @ 18:26:33
«extermination spontanée» ! Mais on va où là ?


« Extermination spontanée », pourrait donner lieu à confusion : dans notre esprit, dis-moi si je me trompe, Martin, c'est une extermination – non voulue – par la conséquence d'une invasion : les populations d'Indiens d'Amérique du Sud, par exemple, ont été exterminées par des maladies amenées par les envahisseurs, qui ne souhaitaient pas du tout faire disparaître ces populations.


Ah, je crois que nous ne pensions pas tout à fait à la même chose, car ce que j'entendais par extermination spontanée peut même être massacre perpétré par les envahisseurs : mais sans qu'il y ait ordre venant d'en-haut, sans qu'il y ait volonté d'exterminer dans un but idéologique. Bref, on les tue parce que c'est la nécessité sur le moment, pour parvenir à conquérir le territoire visé, par exemple, ou pour mater les rébellions locales, etc.

Minoritaire

avatar 11/08/2015 @ 19:31:10
les populations d'Indiens d'Amérique du Sud, par exemple, ont été exterminées par des maladies amenées par les envahisseurs, qui ne souhaitaient pas du tout faire disparaître ces populations.
SJB, ils souhaitaient en faire des esclaves , ce qui passait par nier leur condition d'hommes. On n'est pas si loin du génocide (je te renvoie pour cette question à "la controverse de Valladolid, de J.-C. Carrière http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/3481).
Par contre, dès le milieu du XIXème siècle et ce qu'on a appelé "les guerres indiennes", il y a clairement, et de plus en plus sûrement de la part de l'Etat américain une volonté de réduire à néant les populations autochtones et de ne garder d'eux que l'image que Buffalo Bill allait répandre dans le monde à travers son show : des sauvages.

Saint Jean-Baptiste 12/08/2015 @ 10:11:03
Minoritaire
Je crois qu'en Amérique du Sud, les Conquistadors ont cherché de l'or et, incontestablement, c'étaient aussi des massacreurs. Je ne sais pas s'ils voulaient faire des esclaves. Je crois que leur ambition était de retourner richissimes en Espagne.
Par contre, quand il y a eu peuplement, avec exploitation du sol, etc, il y a probablement eu des autochtones traités comme des esclaves.
De toute façon, si l'esclavagisme n'est peut-être pas mieux qu'un génocide, ce n'est absolument pas la même chose.
Par contre, je suis tout a fait d'accord avec ce que tu dis de l'Amérique du Nord

Et je te remercie du lien sur la Controverse de Valladolid. Je vais faire l’acquisition de ce livre. Je trouve que cette époque est formidable avec ses grandes découvertes qui ont provoqué des révolutions spirituelles sensationnelles. Et, avec cette Controverse, c'est passionnant de voir quelle était la vision du monde à cette époque.

Radetsky 12/08/2015 @ 11:03:11
SJB et Minoritaire.

Carlos Fuentes fait remarquer dans l'un de ses livres la différence fondamentale (même s'il ne faut guère pavoiser tant le résultat n'est guère parfait de nos jours) entre le nord et le reste de l'Amérique : les anglo-saxons n'ont pas été capables de créer une "race" métissée, que ce soit spontanément ou par principe, tandis que les Latins, oui.
Le débarquement des "pilgrim fathers" s'est accompagné par l'élimination immédiate à coups de fusils de la population indienne voisine... puisque composée d' "idolâtres" ; je me dis que les intégristes protestants qu'ils étaient ne laissaient guère la porte ouverte aux non-croyants, puisque ceux-ci étaient immédiatement catalogués sub species en tant qu'entités diaboliques à combattre. Je ne me pose pas en tant qu'essentialiste, en stigmatisant les protestants en général. Le protestant français et le protestant allemand, entre 1939 et 1945, ont montré qu'ils n'étaient pas de la même fibre...

Cette incapacité au métissage (c'est valable pour les idées) n'est pas si ancrée chez les catholiques espagnols et portugais, issus eux-mêmes de métissages ibéro-celto-latino-germano-arabes depuis des siècles ; outre les différences théologico-pratiques entre luthéro-calvinistes et catholiques. L'esclavage est une autre question.

Saint Jean-Baptiste 12/08/2015 @ 11:09:25
Justement, ton message, Minoritaire, m'a fait rouvrir le fameux livre sur Christophe Colomb de Samuel Eliot Morison ; je suis tombé sur la discussion à la Cour de Castille entre Christophe Colomb et Isabelle de Castille (la Catholique) d'une part, et les détracteurs du projet de Colomb, d'autre part.
Voilà ce que l'opposition, menée par Las Casas disait :
- La mer occidentale n'a pas de bornes
- Il y a cinq zones sur la terre dont seulement trois sont habitables
- Il n'y a pas d'antipode, c'est saint Augustin qui l'a dit. A quoi un Évêque, ami de Colomb, répond : Si saint Augustin était un grand théologien, Christophe Colomb en sait d'avantage que lui sur la géographie des Antipodes...
Et la discussion continue comme ça sur des pages et des pages.
On sort un autre argument : si il y avait des hommes en dessous de l'équateur, leur âme ne pourrait parvenir, en haut, au paradis ; c'est saint Paul qui l'a dit. Entre parenthèses, je me demande bien où saint Paul aurait dit ça !
Donc, il n'y a pas d'hommes en dessous de l'équateur et, si il en a, ils n'ont pas d'âme...
Ces discussions ont duré un mois... Ahurissant, n'est-il pas !

Minoritaire

avatar 12/08/2015 @ 11:16:31
De toute façon, si l'esclavagisme n'est peut-être pas mieux qu'un génocide, ce n'est absolument pas la même chose.
Ce que je veux dire, c'est que tous deux passent par la négation du statut humain de l'autre, ce qui justifie soit, de l'éradiquer comme "nuisible", ou de l'exploiter jusqu'au sang.

D'autre part, Martin, je pense que "politique" rime mieux -si l'on peut dire- avec génocide que "philosophie". Car si la philosophie lui donne des "arguments", c'est bien la politique, l'organisation de la société, qui met en place les éléments du génocide. Et il lui faut pour cela un intérêt stratégique (de politique interne, économique, territoriale,...)
Quant à ta dichotomie entre l'homme barbare et l'homme philosophe, je pourrait éventuellement y acquiescer s'il est entendu que nous sommes tous capables -à des degrés divers- de philosophie comme de barbarie.

Pieronnelle

avatar 12/08/2015 @ 12:14:47
Oui la notion de génocide est moderne puisqu'elle date de 1945...D'où la difficulté de l'appliquer aux massacres antérieurs sans analyser l'Histoire,la politique,les preuves, et les historiens savent très bien combien il est difficile de tout rassembler "objectivement". Bien sûr parfois les faits ne sont pas contestables, le gros problème restera toujours les intentions, l'origine absolue des décisions ; la philosophie à mon avis n'existe que dans l'esprit de certains intellectuels peu soucieux des preuves mais s'appuyant sur les faits dès lors qu'ils sont cause d'extermination humaine ce qui est bien suffisant pour condamner. En fait tout est politique, du départ, comme le souligne Minoritaire, à la reconnaissance. Les turcs auront toujours des arguments politiques pour expliquer le début des persécutions envers les arméniens, et qu'il y ait du vrai ou du faux la destruction de tout un peuple ou une communauté humaine est absolument innacceptable. La volonté de créer cette notion de génocide était bien justifiable suite à la Shoah mais elle est malheureusement utilisée, dans notre type de société, à des fins politiques (quand ce n'est pas économiques? !) et susceptible de créer d'autres sortes de conflits.

Martin1

avatar 12/08/2015 @ 12:25:55

D'autre part, Martin, je pense que "politique" rime mieux -si l'on peut dire- avec génocide que "philosophie". Car si la philosophie lui donne des "arguments", c'est bien la politique, l'organisation de la société, qui met en place les éléments du génocide. Et il lui faut pour cela un intérêt stratégique (de politique interne, économique, territoriale,...)


Oui, c'est exact... (Même si les intérêts stratégiques de la Shoah sont assez discutables).

Saint Jean-Baptiste 12/08/2015 @ 18:10:26



Oui, c'est exact... (Même si les intérêts stratégiques de la Shoah sont assez discutables).
Ben moi, je n'aurais pas parlé de stratégie, ni de philosophie ; j'aurais parlé d'idéologie – idéologie toujours à base de racisme, évidemment. Quoique dans le cas des Tutsis, je ne vois pas bien au nom de quelle idéologie ce serait ; Ce serait plutôt par vengeance ou au nom du droit du sol ? et, si c'était pour des raisons religieuses, ce ne serait pas un génocide. Et, pourtant, c'en est bien un...

Minoritaire

avatar 12/08/2015 @ 18:25:14
si c'était pour des raisons religieuses, ce ne serait pas un génocide.
Parce que religion et génocide seraient incompatibles?

Saint Jean-Baptiste 12/08/2015 @ 18:46:09
si c'était pour des raisons religieuses, ce ne serait pas un génocide.
Parce que religion et génocide seraient incompatibles?
@Minoritaire
Je crois plutôt que religion et idéologie peuvent être proche ; mais je n'ose pas nommer la religion à laquelle je pense et que j'appelle une grande religion quand, justement, elle ne se transforme pas en idéologie.

D'après le post de Radetsky de 11.03 h, la religion peut être la cause d'un génocide mais, dans le cas qu'il cite, je parlerais plutôt de prétexte.

Personnellement, je préfère la définition de Martin : « ... Tuer l'autre parce qu'il est né comme ça. Parce que, qu'il le veuille ou non, il est irrécupérable, sa vie ne vaut rien... ». (dixit la définition de Martin)
« Tuer l'autre parce que sa vie ne vaut rien » Il reste à savoir pourquoi sa vie ne vaut rien...

Minoritaire

avatar 12/08/2015 @ 19:17:07
si c'était pour des raisons religieuses, ce ne serait pas un génocide.
Parce que religion et génocide seraient incompatibles?

@Minoritaire
Je crois plutôt que religion et idéologie peuvent être proche ; mais je n'ose pas nommer la religion à laquelle je pense et que j'appelle une grande religion quand, justement, elle ne se transforme pas en idéologie.
tu jésuitises, là, SJB. Assume !

Saint Jean-Baptiste 13/08/2015 @ 11:01:09


tu jésuitises, là, SJB.
C'est un compliment ?
;-))

Martin1

avatar 13/08/2015 @ 11:29:59
le pape François aussi jésuitise, non ? Comme quoi rien n'est perdu pour toi, SJB

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