Nathafi
avatar 26/10/2012 @ 19:42:55
Le 21 décembre approchait doucement… On nous avait annoncé, en cette veille de fin du monde, des marées d’équinoxe impressionnantes, submergeant les terres sur des centaines de kilomètres, et la crainte de voir enfouies des villes entières effleurait l’esprit des plus angoissés. Ou le choc d’un astéroïde, genre Eurêka, heurtant la Terre…

Cette année avait été fructueuse en évènements tant nous avions eu la trouille, il s’agissait de ne rien louper, de profiter au maximum de ces fêtes qui ne se représenteraient peut-être pas l’an prochain, l’avenir étant si incertain…

Nous avions donc commencé par fêter dignement la Saint-Patrick. J’avais réuni quelques amis ce soir-là, et m’étais affairée en cuisine toute la journée. Au menu, une salade de crevettes et de pommes de terre au basilic, agrémentée de fleurs de capucine, suivie d’un pie de poulet à l’irlandaise, avec ses champignons et ses œufs durs. Pour le dessert, j’avais simplement proposé des Irish Coffee, qu’il avait fallu d’ailleurs renouveler plusieurs fois tant mes convives avaient apprécié. Bien sûr, tout le monde était resté sur place pour passer le reste de la nuit, c’était plus prudent. Le lendemain, nous avions été réveillés par Jacques. Il hurlait dans sa petite chambre, il avait vu, par la fenêtre, un homme tomber du ciel, à la seconde où il avait ouvert les yeux. Sa colère ne se fit pas attendre quand, tous, nous nous moquions de lui. Le sommeil le regagna par la suite, jusque tard dans l’après-midi… Je n’avais pourtant pas mis de mandragore dans mes préparations de la veille… La journée se passa calmement, les uns après les autres quittant la maison, tous enclins à une langueur inexplicable, comme si on ne se reverrait pas avant longtemps.

En juin, nous nous étions rendus à Périgueux, à la fête du slip, la veille de la fête de la musique, pour voir ce que c’était… Certains d’entre nous terminèrent la journée dans leur plus simple appareil, comme les autres, défilant dans les rues en dansant. Point de honte à cela ! C’était un défilé comme les autres, à la cause juste, après tout…

En juillet, ce fut un véritable dilemme. La Provence et ses marchés aux senteurs de romarin et de menthe ? Ou une croisière en Méditerranée ? Nous optâmes finalement pour la croisière, on ne sait jamais, si, le 21 décembre, tout venait à péter… Cette incertitude dirigeait nos choix, sans nul doute, mais c’est en toute plénitude que nous profitâmes des 10 jours bercés par les vagues. Une certaine nostalgie nous envahit quelques jours après notre retour, longtemps nous regardions, le soir, les photos prises à bord, les paysages, les autres passagers… L’un d’entre eux, un italien prénommé Marco, nous avait révélé, un soir où le punch était plus fort que d’ordinaire, et pas seulement à cause du gingembre qu’on y avait ajouté, qu’il avait découvert un trésor dans son jardin. Une petite boîte en métal lourd, enterrée depuis des décennies derrière sa maison, avait heurté un matin la bêche qu’il venait de planter. Dès lors, il n’avait eu de cesse d’essayer d’ouvrir cette boîte, et quand il y parvint enfin, sans trop l’abîmer, il y découvrit des centaines de pièces. Hélas, il n’y connaissait rien, et n’osait pas les amener au numismate du coin de peur que celui-ci ne s’approprie la découverte… Après de nombreuses hésitations, il s’y rendit tout de même, apportant trois pièces de son trésor. Le numismate écarquilla les yeux, ces pièces étaient très rares, et il conseilla à Marco d’alerter rapidement les autorités. Ce dernier ne comprenait pas qu’il détenait là quelque chose de très important, susceptible d’intéresser les historiens. Pourtant, il se rendit, quelques jours après, chez les carabiniers pour signaler sa découverte… La somme qui lui fut remise lui permettait, aujourd’hui, de vivre à son aise et de s’offrir, de temps en temps, un voyage. De plus, ce coup du sort avait révélé en lui une véritable compassion envers les moins fortunés que lui, tant et si bien qu’il offrait souvent le gîte et le couvert aux plus nécessiteux. Cela suscitait autour de lui beaucoup de jalousie, aussi il aimait s’éloigner de son entourage et voguer au fil de l’eau…

Pour la première fois, cette année, nous fêtâmes Halloween, puis Thanksgiving. Tout fut prétexte à faire la fête. J’eus toutefois moins de succès avec mes croquettes de banane aux graines de coriandre, peut-être en avais-je mis trop…

Ce soir du 20 décembre, nous établissions le menu pour le réveillon de Noël… L’esprit en alerte, nous attendions un coup de fil de Manu qui nous avait promis de dépouiller un manguier avant de quitter son île pour prendre l’avion vers Paris et passer les fêtes avec nous. Je craignais toutefois qu’il ne puisse arriver à temps… 23h30 sonnèrent… Le jour J était imminent, les prochaines vingt quatre heures s’annonçaient stressantes au plus haut point.
Je passai la nuit les yeux à demi fermés, tant l’angoisse me tétanisait. De scénario en scénario, j’imaginai toutes les options possibles. J’avais passé des heures à surfer sur le net, à l’affût d’un indice, mon esprit embrouillé mélangeait tout à présent. Même l’effet papillon m’inquiétait !

A six heures, je me levai et me rendis à la cuisine pour préparer le petit déjeuner. Je jetai un œil dehors, tout était normal, rien ne menaçait dans le ciel. Je m’emparai des Speculoos et du pot de confiture de lait aux châtaignes que ma laitière habituelle avait concoctée à l’occasion des fêtes… Et puis, plus rien… Plus de lumière, le voyant de la cafetière éteint. Je n’entendais plus non plus le ronronnement du réfrigérateur, le silence me faisait peur, j’étais là, debout, dans la cuisine, à craindre le pire. Qu’était-il donc arrivé ? Point de grondement sourd, point de vols de débris alentour…

Je perçus soudain comme un glissement, un frottement, j’entendis dans le couloir l’enclenchement du disjoncteur, puis la lumière revint, le voyant de la cafetière se ralluma et le réfrigérateur reprit son doux murmure. Un rire franc et sonore me sortit de ma léthargie, j’avançai, craintive, quand résonna dans la pièce : « Salut Nath’ !»
Je lâchai le pot de confiture de lait aux châtaignes…

C’était Manu…

Valadon
avatar 26/10/2012 @ 22:46:24
Quelle bonne idee! Faire la fete, profiter de la vie, conjurer le mauvais sort en buvant des irish coffee! On doit avoir moins peur de la fin du monde apres quelques irish coffee, c'est sur :)
Plein de petits instantanes plein de vie, c'est vraiment plaisant a lire Nath!

JEyre

avatar 27/10/2012 @ 08:33:57
Mais tu as mis toutes les propositions des céliens dans ton texte ?!
En tout cas chapeau ! Belle idée de successions de fêtes, entre légerté et inquiétude avec cette fin du monde incroyable qui approche !!! Mais alors j'aimerais vraiment avoir la suite !!!

Valadon
avatar 27/10/2012 @ 10:55:44
AAaaaaah mais oui !!
J'ai tique au moment du manguier, mais a part celle ci, j'avais completement oublie les contraintes non retenues (meme les miennes!) du coup je n'ai pas releve......
Je file relire ton texte Nath :-))

Bluewitch
avatar 27/10/2012 @ 11:24:04
Une Guinness aurait bien ponctué le texte aussi. ;-)
En tout cas, si la fin du monde devait vraiment arriver, je m'assurerais d'en avoir une à la main ! ;-)

Un joli texte, un tas de bonnes raisons pour faire la fête, lâcher prise.

Bonne idée!

Pieronnelle

avatar 27/10/2012 @ 11:41:10
J'ai aimé l'aisance avec laquelle les fêtes et les évènements se succèdent et aussi cette crainte (déjà évoquée il me semble dans un autre texte ?:-) de fin du monde et ce besoin de faire comme le point avant peut-être le "grand moment" ; on sent le stress à travers les souvenirs, pour essayer de se rappeler le plus de bons moments, concrétisé avec brio par l'écrasement au sol du pot de châtaigne !!

Darius
avatar 27/10/2012 @ 11:57:05
en fait tu nous racontes plusieurs histoires.. toutes intéressantes certes, mais le lecteur s'y perd un peu car il n'y a pas vraiment de continuité entre elles.. sauf peut-être cette idée de faire la fête..un peu comme si plusieurs cinéastes réunis faisaient un bout de film sur le même sujet et qu'on les mettait ensuite bout à bout.. Sinon, c'est bien décrit et on s'y croirait vaiment dans ces instants de vie..

Minoritaire

avatar 27/10/2012 @ 12:27:02
Mais tu as mis toutes les propositions des céliens dans ton texte ?!
J'avais tout de suite remarqué la marée d'équinoxe (une à moi), du coup, j'ai cherché toutes les autres. Je relirai plus tard sans m'en inquiéter. Surtout que ça se lit tout seul... :-)

Débézed

avatar 27/10/2012 @ 16:13:19
Et même si la fin du monde n'était pas annoncée on pourrait tout de même faire la fête surtout à Périgueux. Je ne me souviens plus des contraintes de l'exercice, peu importe, ce texte est bien drôle et bien écrit.

Tistou 29/10/2012 @ 22:55:41
La fête du slip à Périgueux ... ? Ca laisse songeur.
Des tranches de ... fêtes à additionner afin d'être sûre d'en profiter au cas où la fin du monde serait pour de vrai. Et finalement ... c'est un être farceur coupeur d'électricité (ouf, contrainte respectée) et porteur de mangues (oh, mes mangues à moi !) qui dénoue le psychodrame.
Les instants pris séparément ont leur intérêt propre. Les relier est plus compliqué. Finalement, ta gageure à toi c'était de considérer toutes les contraintes et là, vrai, ça devenait compliqué !

(Il faut que je note d'éviter Périgueux à certaines dates fatidiques)

Plume84

avatar 30/10/2012 @ 00:21:58
Faire la fête au fil du temps qui passe. Quelle chance de pouvoir partager autant de bons moments entre amis, même si le chapeau d'une fausse fin du monde annoncée est présente tout au long du texte.
J'avoue m'y être un peu perdue car on fait du saute-mouton entre toutes ces rencontres pour approcher inéluctablement ce 21 décembre. Je m'attendais à ce que l'histoire de l'heureuse découverte, cette très heureuse découverte soit un élément repris par la suite. Et bien non. Néanmoins, sacré veine!!
Et puis à la fin, on se dit, "Bon, ils se sont amusés, ils se sont bien marrés, qu'est ce qui va leur arriver?". Des indices se dévoilent, le voyant de la cafetière, etc.
A ben non, juste une blague amicale!
La fin du monde c'est pas pour aujourd'hui!

Un façon sympathique de montrer l’irrationalité des prédilections abracadabrantes de quelques illuminés...

ps : ton repas de Saint Patrick a l'air délicieux...

Saint Jean-Baptiste 30/10/2012 @ 20:49:13
C‘était pas la fin du monde, c’était Manu ! Sacré Manu, va ! Ça nous vaut une belle tranche de vie, avec de bons souvenirs d’une année bien remplie et qui, semble-t-il, finira bien !
Mmm on se régalerait bien de cette cuisine écossaise, il ne manque plus qu’une bonne Guinness, bien tiède comme on l’aime au pays de saint Patrick.

C’est très sympa de raconter ses bons souvenirs, même si on les invente un peu, c’est même passionnant tellement c’est bien raconté, avec une belle verve et beaucoup d’humour.
On se demande ce qu’il faut le plus admirer, la manière de raconter ou l’imagination.
Mais, en fait c’est les deux ! Bravo Nathafi !

Nathafi
avatar 30/10/2012 @ 21:52:54
Je suis impardonnable d'avoir oublié la Guinness !

La succession de fêtes et évènements m'a semblé être la meilleure option pour intégrer, effectivement, toutes les propositions qui avaient été faites en termes de contraintes lors de l'appel à textes.

Donc, par exemple, la fête du slip proposée par Magicite, je ne devais pas la zapper ;-) Tistou, évite le 20 juin pour t'y rendre !

Et la fin du Monde est un truc qui me turlupine depuis un moment, comme l'a souligné Piero, puisque j'en parle fréquemment... Non pas que je sois une illuminée (quoique !), mais je crains quand même quelque chose, et j'avoue attendre le jour J avec une certaine impatience... Et s'il ne se passe rien, tant mieux !!!

Merci à tous de m'avoir lue.

Garance62
avatar 01/11/2012 @ 21:40:42
Le menu d'écriture me semble un peu compliqué, pas d'indigestion mais peut-être un peu trop d'épices et pas assez de liant. Beaucoup d'idées mais il m'a manqué une intrigue un peu soutenue.
Peu importe, aux repas entre amis comme aux exos de Cl l'important est de participer !

Antinea
avatar 06/11/2012 @ 20:23:46
Certes on reste sur sa faim car en fait il s'agit d'une tranche d'histoire, mais bou diou que c'est délicieux à lire ! Toutes ces recettes truffées d'humour (le gingembre par exemple, pas tout à fait responsable de l'état second).
T'as le souffle pour faire plus long, on dirait, et je m'en réjouis ! Bon alors, il a quoi de spécial ce Manu, que va-t-il se passer avec le protagoniste ?

Et puis c'est quoi cette fête du slip périgourdine ? ;)

Nathafi
avatar 06/11/2012 @ 20:44:18
Antinea, si tu viens te perdre un jour dans mes contrées, je te le ferais goûter, ce punch au gingembre !

Pour la fête du slip, c'est la magie de Google... et la proposition de Magicite qui m'a posé beaucoup de problèmes :-)

Sissi

avatar 08/11/2012 @ 14:53:05
J'ai eu aussi un peu de mal à relier tout ça, mais bel exercice et surtout belle idée que tous ces clins d'oeil! :)

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