Minoritaire

avatar 22/07/2016 @ 20:32:01
Deux mille ans de civilisation nous ont quand même amenés à un niveau supérieur à ce qui existait avant, ou ailleurs

(mais je ne devrais pas ajouter « ailleurs », je crois que c'est tabou).
Oui, boh, c'est surtout un peu bête. Surtout que je ne sais jamais très bien ce que tu entends par "civilisation".
En tout cas, faire remonter la "civilisation" à 2000 ans, c'est faire peu de cas de celles qui ont précédé la date arbitraire que tu ne cites pas, mais qui est implicite. :-) "Civilisations" sans lesquelles la charnière que tu ne cites pas n'aurait sans doute pas eu lieu ;-)
C'est aussi faire peu de cas de celles qui existaient "ailleurs" (comme tu dis), au moment où l'Europe s'est mise à dévorer le Monde "ad maiorem dei gloriam" et incidemment pour se remplir les poches. Entre le XVIème et le XXème siècle.
Bref, toutes les "civilisations" sont le produit de leur passé, et pour certaines, de leurs pillages aussi.
Alors, même si je ne suis pas sûr de savoir ce que signifie "supérieur", ce serait bien bête que le niveau d'aujourd'hui ne soit pas "supérieur" à celui d'hier. A moins que notre "civilisation" n'ait atteint le stade de la régression, qui touche à peu près toutes les organisations, biologiques ou sociales ?

Hiram33

avatar 23/07/2016 @ 00:19:10
"Par ailleurs, l'extrême droite n'est ni une théorie ni une idéologie, ni non plus une position extrémiste, quand à peu près la moitié d'un pays devient partisan. "

Le FN est l'extrême-droite française. Il est extrémiste car il incarne plusieurs idéologies contre-révolutionnaires :
- de de Bonald et de de Maistre il reprend le rejet des Droits de l'Homme et du Contrat social (Le Pen père a suffisamment hurlé ce qu'il pensait de l'égalité entre les "races").
- il prône le culte du chef (on l'a vu avec les tentatives de putsch de Mégret).
- il abrite en son sein une frange monarchiste légitimiste.
- il abrite également une frange catholique intégriste.
- il a des élus et des électeurs racistes et antisémites.
- Le Pen a souvent dit qu'il materait les manifestations en envoyant l'armée.
- Le Pen a obtenu des financements de la secte Moon (qui n'est pas un groupe de joyeux démocrates).
- Le Pen rejetonne fréquente des néo-nazis autrichiens.

Enfin, je suis choqué par ta phrase car même si la moitié de la France devenait partisane du FN, ça ne le transformerait pas pour autant en parti modéré, il est toujours un parti extrémiste qu'il compte un ou 30 millions d'électeurs.

Saint Jean-Baptiste 23/07/2016 @ 00:34:08


Oui, boh, c'est surtout un peu bête. Surtout que je ne sais jamais très bien ce que tu entends par "civilisation".
En tout cas, faire remonter la "civilisation" à 2000 ans, ...

Ben, Mino, je ne trouve pas que ce soit « un peu bête » (merci quand même pour le "un peu") ;-)
Moi j'aurais dit que c'était d'une banalité affligeante. Mais tu éprouves le curieux plaisir de mettre en doute absolument tout ce que je dis. Même la plus évidente des banalités.

Alors, si on parle de civilisation, tu pourras toujours dire : c'est quoi la civilisation ?
Une civilisation qui dure depuis deux mille ans, pourquoi deux mille ans et pas 1999 ans, ou 2001 ans ?
Par ailleurs, je ne crois pas qu'on mesure la qualité d'une civilisation à l'étendue de ses conquêtes – pour autant qu'on puisse parler de conquête, quand il s'agit de colonies civilisatrices, comme celle du Congo-belge.

En fait, on devrait parler de 1200 ans, puisqu'il a fallu plus ou moins cinq siècles de retour à la barbarie avant que la civilisation judéo-chrétienne ne succède à la civilisation gréco-romaine.

Ailleurs, il y a eu des civilisations fabuleuses, comme en Egypte, en Chine, ou chez les Aztèques et les Incas.
Mais il y en a d'autres, actuellement, qui en sont toujours au Moyen-Âge, pour ne pas dire pire. Un jour nous retournerons nous-même à la barbarie puisque les civilisations sont mortelles.

Ce que je veux dire, en réponse à Hiram qui se demande si la culture peut faire barrage contre la barbarie, c'est que non : la culture d'une civilisation, la plus raffinée soit-elle, ne peut empêcher des retours à la plus terrible des barbaries. Mais, malgré ces retours à la barbarie, on peut dire que la civilisation a progressé depuis deux mille ans (ou 1200 ans, c'est selon), contrairement à ce que disait René Grousset, pour qui notre civilisation avait péri sous les coups du nazisme.

Saint Jean-Baptiste 23/07/2016 @ 00:50:18
"
Le FN est l'extrême-droite française. Il est extrémiste car il incarne plusieurs idéologies contre-révolutionnaires :
-...

même si la moitié de la France devenait partisane du FN, ça ne le transformerait pas pour autant en parti modéré,...

Si la moitié d'un pays vote pour un parti, ça ne veut pas dire que ce parti soit modéré, bien évidemment. En fait, je ne connais pas très bien le programme du FN à la sauce Marine. Mais s'il est comme tu le dis, il doit être interdit – comme devrait être interdit le parti communiste, puisque anti-démocratique, totalitaire et liberticide.

Mais c'est le mot extrémiste qui me chipote. Dans mon esprit, si un parti recueille plus de 30 % des voix, on ne peut plus parler d'un parti des extrêmes, par opposition à un parti de majorité.
Ma proposition ne va pas plus loin.

Minoritaire

avatar 24/07/2016 @ 01:08:55
SJB, le "un peu bête" était surtout lié à cette idée de "tabou" qui perdure chez toi quant à l'interdiction qui te serait faite d’exprimer certaines idées (comme la supériorité d’une civilisation sur une autre, « ailleurs »). Car si censure il y a, il y a nécessairement des censeurs, et j'attends toujours de savoir qui ils sont. Soit. Il parait que je manque d’humour et que je prends tout au tragique. Je n’insisterai donc pas sur la mensongère et hypocrite (et sans doute un peu provocatrice) expression de « mission civilisatrice au Congo » (qui n'était pas non plus « la plus évidente des banalités ») : c’est sans doute de l’humour...

Pour le reste, ce que je voulais dire, c’est qu’une « civilisation » n’est pas tant un moment historique qu’un processus, avec ses hauts et ses bas, ses « ici », ses « ailleurs » et, tu l’as dit, son début et sa fin. Pour autant, ce ne sont pas des entités finies et imperméables les unes aux autres : elles s’interpénètrent dans le temps et l’espace. A cet égard, les rapports au cours des âges entre le Moyen-Orient et l’Europe sont très révélateurs, mais c'est loin d'être le seul exemple.
Dès lors, je te trouve bien sévère d’exclure le Moyen-âge de la « civilisation ». Au nom de quoi? Selon quels critères?
Bonne nuit

Minoritaire

avatar 24/07/2016 @ 01:09:30
Par contre, je suis assez d’accord avec toi pour ne pas taxer d’extrémisme le tiers d’une population.
De naïveté coupable, peut-être ?

Saule

avatar 24/07/2016 @ 08:37:21
Je crois, personnellement, que ce revenu universel doit être mis sérieusement à l'étude parce que la société ne peut pas continuer à fonctionner comme elle le fait aujourd'hui.
C'est très simple, il n'y a plus assez de travail pour tout le monde. Il faut trouver autre chose que le travail pour se valoriser et prendre sa place dans la société.

Il y a un article dans une revue américaine qui eut un certain retentissement. Il expliquait que l'Amérique était divisée en deux économies, si je me souviens les bits et les atoms. Les atoms ce sont les travailleurs dans les secteurs traditionnels, les bits ceux dans les nouvelles technologies qui travaillent dans le sylicon valley (et qui parfois travaillent à supprimer les jobs des atoms, cfr Uber)

Il y a de moins en moins de boulot pour les Atoms tandis que les Bits sont au contraire plus demandé. Les atoms peuvent accepter de gagner moins que les bits tant qu'ils conservent un job mais si il n'y a plus rien pour eux la situation ne sera pas tenable. A l'inverse les bits sont prêts à donner de l'argent pour que les atoms les laissent faire fortune tranquillement.

Il est vrai qu'on a besoin de moins de main d'oeuvre et en plus on a la concurrence des pays de l'est et même des indiens. Dans les grosses boites en Belgique c'est rempli de consultants informatique qui viennent de là.

Après il ne faut pas s'étonner si les gens votent pour l'extrême-droite.

Saint Jean-Baptiste 24/07/2016 @ 12:04:55

Après il ne faut pas s'étonner si les gens votent pour l'extrême-droite.
D'autant plus qu'ils se gardent bien d'exposer leur programme.

Saint Jean-Baptiste 24/07/2016 @ 12:09:01

l'Europe s'est mise à dévorer le Monde "ad maiorem dei gloriam"
@Mino
Un peu de provoc aussi là, non ? Mais j'aime ça, ça fait partie du jeu...;-))

Saint Jean-Baptiste 24/07/2016 @ 12:10:24

De naïveté coupable, peut-être ?
Ou plutôt ignorance, non ?

Saint Jean-Baptiste 24/07/2016 @ 12:12:04


Il y a de moins en moins de boulot pour les Atoms tandis que les Bits sont au contraire plus demandé. (...)
. A l'inverse les bits sont prêts à donner de l'argent pour que les atoms les laissent faire fortune tranquillement.

C'est bien ce qui se passe aujourd'hui : les gros riches « donnent », grosso-modo , la moitié de ce qu'ils gagnent, via l'impôt. Mais c'est malsain, ça crée une société de maîtres et d'assistés. Ou, comme ils disent, de travailleurs et de fainéants.

Par ailleurs, dans cette théorie, les bits vont petit à petit supprimer leurs propres emplois. Comme dans les banques où ils ont crée le self-banque : le client fait le travail de l'employé de la banque. Bientôt il ne restera plus que l'actionnaire et le client.

Aujourd'hui, dans les faits, l'allocation universelle existe via les minimex, chômage, pensions et autres redistributions Si on supprimait tout ce système on mettrait au chômage un tiers des travailleurs : tous ceux qui travaillent dans le social.

Il faut réfléchir, je continue à plancher sur le sujet...;-))

Minoritaire

avatar 24/07/2016 @ 12:54:19

Après il ne faut pas s'étonner si les gens votent pour l'extrême-droite.

D'autant plus qu'ils se gardent bien d'exposer leur programme.
Ce n'est pas vrai SJB, tous les programmes des partis politiques, des plus petits aux plus grands, sont en ligne et consultables. Sauf si tu sous-entend que ce programme est mensonger et destiné à être trahi. La question est de savoir si les gens le lisent, et si oui, ont-ils dessus un regard critique ou le considèrent-ils comme "parole d'évangile"? ;-)
Je crois que cette attitude d'ailleurs n'est pas propre aux électeurs des partis d'extrême-droite : le vote est le plus souvent "sentimental", on adhère à une figure emblématique, à l'image d'un parti, mais on ne connait son programme que dans les grandes lignes. Parce que la réalité est complexe et qu'on ne pas prétendre comprendre tous les enjeux socio-économiques qui sous-tendent ce programme. Alors, on lit le résumé, et plus particulièrement la phrase finale qui dit "avec nous (moi), tout ira mieux".
Le programme politique n'est pas tant fait pour être compris que pour être cru.


Minoritaire

avatar 24/07/2016 @ 12:55:24
tu sous-entendS

Minoritaire

avatar 24/07/2016 @ 12:56:31

Il faut réfléchir, je continue à plancher sur le sujet...;-))
Ouf ! On est sauvés ! :- )))

Bolcho
avatar 01/08/2016 @ 12:05:38
Monde Diplo août 2016

1, « Petit guide de conversation avec les extraterrestres », Fin Brunton, université de New York
La Chine a achevé en juillet la construction de l’un des plus grands radiotélescopes de la planète. L’engin scrutera l’espace à la recherche de signaux extraterrestres. Depuis des siècles, l’humanité rêve d’établir un contact avec d’autres mondes. Des plus loufoques aux plus sérieuses, ces tentatives s’appuient sur une représentation commune : cet Autre radical serait une intelligence pure, froide et logique. De sorte qu’en voulant saluer les Martiens les humains ont appris… à parler aux machines.
Dès que nous eûmes compris l’échelle et la structure de notre Système solaire, et pris conscience que d’autres mondes et d’autres étoiles étaient similaires aux nôtres, nous avons commencé à spéculer au sujet de leurs possibles habitants . Mais comment engager la conversation ?
Le désir lancinant de briser notre solitude cosmique a engendré bien des idées loufoques : creuser d’immenses canaux géométriques dans le désert du Sahara et les remplir de kérosène pour y mettre le feu, évidemment de nuit et sous l’œil de Mars.
Hogben était un zoologiste anglais spécialisé en statistiques médicales. Il vivait dans un cosmos bien plus solitaire que nos passionnés de Mars. Il savait qu’il fallait se montrer patient pour établir le contact avec une vie extraterrestre et que cela passerait vraisemblablement par des ondes radio.
 L’idée d’établir un système partagé de symboles binaires et une logique d’opérations basée sur l’ordre, le temps et l’itération n’est pas sans rappeler le travail accompli par le mathématicien britannique Alan Turing (1912-1954) et les ingénieurs Thomas Kilburn et Frederic Williams pour fabriquer, à Manchester et à Londres, les premiers calculateurs électroniques — contemporains des écrits de Hogben et de la naissance du structuralisme et de la sémiotique du côté français de la Manche. Les principes ébauchés par Hogben servent aujourd’hui encore aux tentatives de communication avec les extraterrestres.
La vie extraterrestre potentiellement la plus proche de notre planète en est si éloignée qu’il faudrait attendre des décennies entre l’envoi d’un message et la réception d’une réponse — un commencement de dialogue prendrait des siècles. 
Un simple jeu de questions/réponses s’étirerait sur des millénaires.

2, « Provocations atlantiques », Serge Halimi
On imagine déjà la rancœur des dirigeants russes quand l’OTAN, structure héritée de la guerre froide et qui aurait mérité de disparaître avec l’URSS, se réunit là même où, sous l’égide de l’Union soviétique, fut signé en mai 1955 le pacte de Varsovie.  Le président ukrainien Petro Porochenko, en guerre larvée avec la Russie, a été convié dans la capitale polonaise, alors que son pays n’appartient pas à l’OTAN.
Il a pu y entendre le président des États-Unis rappeler son « ferme soutien aux efforts de l’Ukraine pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale face à l’agression russe ». Traduction : les sanctions occidentales contre Moscou seront maintenues « tant que la Russie n’aura pas pleinement rempli ses obligations découlant des accords de Minsk (3)  ». Washington et ses alliés persistent donc à occulter le rôle des manœuvres ukrainiennes dans l’annexion de la Crimée par Moscou tout comme dans le non-respect des accords de Minsk.
Pourquoi entretenir ainsi la tension entre les pays d’Europe et la Russie ? Cela permet à Washington de prévenir tout rapprochement entre eux. Et de s’assurer, au lendemain du « Brexit », que son allié le plus docile, le Royaume-Uni, demeurera étroitement associé au destin militaire du Vieux Continent. 

3, « Voter plus n'est pas voter mieux », Alain Garrigou, Sciences Po Nanterre
La spécificité du référendum comme procédure démocratique tient à ce qu’on peut l’appliquer à tout.
Non seulement le référendum paraît le mode d’expression de la volonté populaire le plus direct et le plus simple, mais il répond également à la crise des démocraties représentatives. On l’invoque contre les élus coupables de trahir leurs électeurs, contre les élites coupées des peuples. La gauche s’y est ralliée. La tradition républicaine, en France au moins, l’avait toujours rejeté comme une arme plébiscitaire et donc antidémocratique. Le principe du référendum sortit étrangement gagnant de l’échec de celui de 1969 (Le 27 avril 1969, près de 53 % des Français s’opposèrent au projet de régionalisation et de réforme du Sénat que leur avait soumis le général de Gaulle. Il démissionna dès que ce résultat fut connu, conformément à ce qu’il avait annoncé avant le scrutin. ), qui démontra ce que ses adversaires les plus déterminés refusaient de croire : il était possible de voter « non ».
En questionnant systématiquement sur les sujets qui clivent, le référendum, auparavant accusé de produire du consentement automatique, risquerait de devenir un fauteur de guerre civile. Les forces politiques qui le proposent le font quand elles imaginent l’emporter. Comment le savent-elles ? Par les sondages. 
La démocratie est une belle idée, une idée juste et plus encore une idée nécessaire. Depuis que la légitimation par la volonté divine a été abandonnée, il n’est pas imaginable que les citoyens ne soient pas parties prenantes des décisions qui gouvernent leur vie. Tout serait bien si les humains avaient enfin résolu les problèmes de sa mise en œuvre. Mais il semble plutôt que, d’accord sur le principe, ils restent incapables de trouver les solutions permettant que la démocratie fonctionne.

4, « Quand parler de « terrorisme » ? Vincent Sizaire, magistrat
À chaque attentat présenté comme terroriste, les partisans d’un supposé réalisme sortent du bois et nous pressent d’adopter (enfin) des mesures qui, censées répondre à la gravité du péril, exigent la mise entre parenthèses plus ou moins durable de l’État de droit. 
Depuis 1986 et l’adoption de la première loi dite « antiterroriste », chaque fois, il est question de défendre la démocratie contre le terrorisme, dont la plus grande victoire serait de nous voir renoncer à nos libertés publiques. Et, chaque fois, on assiste à leur érosion.
À partir de la fin du XIXe siècle, le terme « terroriste » tend le plus souvent à disqualifier certaines formes d’opposition, plus ou moins violentes, aux pouvoirs en place.
Peut-être nous objectera-t-on que ce qui fonde la singularité du terrorisme réside dans la particulière gravité des faits incriminés.  Pourtant, si l’on veut bien prendre quelque distance avec l’effet d’intimidation et de sidération propre à leur mise en scène, cet argument ne résiste guère à l’analyse. Qu’est-ce qui permet de considérer qu’un crime qualifié de terroriste porte davantage atteinte à la cohésion sociale qu’un crime mafieux, qui témoigne d’une hostilité aux fondements de l’État de droit au moins équivalente ? Pour prendre un exemple, peut-on sérieusement affirmer qu’un assassinat commis par fanatisme politique ou religieux est plus « nuisible à la société » qu’un assassinat commis par intérêt, par esprit de clan ou même par pur sadisme ?
En définitive, la seule raison d’être de l’infraction de terrorisme réside dans la prise en compte du mobile réel ou supposé de son auteur — à savoir la volonté de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Une incongruité juridique, dans la mesure où le mobile est traditionnellement indifférent à la constitution de l’infraction. 
En somme, la qualification de terrorisme résulte nécessairement d’un rapport de forces et d’une appréciation politiques, au terme desquels les pouvoirs en place l’appliquent de façon plus ou moins discrétionnaire à tel phénomène délictueux plutôt qu’à tel autre.
 L’étiquette du terrorisme reste aussi un outil visant à disqualifier comme criminel un mouvement d’opposition politique, que sa violence soit réelle ou non. Les sabotages, destructions et autres exécutions de militaires allemands ou de miliciens commis par les résistants visaient à troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, afin de mettre un terme à l’Occupation. Ils furent, à ce titre, poursuivis comme faits de terrorisme par le régime de Vichy (8). Que cette qualification ne soit aujourd’hui plus retenue — ni même d’ailleurs envisageable — ne tient qu’à la légitimité donnée à ces actions dans une perspective historique.
D’une certaine façon, l’inscription sur les listes des organisations terroristes recensées par les États-Unis ou l’Union européenne dépend du lien entretenu par ces puissances avec le régime combattu. 
La succession de modifications législatives de plus en plus rapide que nous connaissons depuis trente ans relève moins de la volonté d’affiner l’appréhension pénale du phénomène que de monter en épingle le péril terroriste pour justifier un accroissement démesuré des prérogatives des autorités répressives. Cette tendance se traduit par des mesures d’enquêtes particulièrement attentatoires aux libertés sans nécessité de démontrer l’existence d’une organisation criminelle, puisqu’il suffit de relever l’intention supposée de l’individu de « terroriser ».
 À partir du moment où ce qui permet de retenir la qualification de terrorisme réside dans la volonté réelle ou supposée de l’auteur d’une infraction de droit commun de déstabiliser violemment l’ordre public, elle peut être potentiellement appliquée à un grand nombre de situations. 
En matière de « terrorisme » peut-être plus qu’en toute autre, il se trouve toujours des voix pour justifier la démesure répressive au nom de son effet supposément dissuasif. Vieille rengaine directement héritée de la philosophie pénale de l’Ancien Régime qui ne résiste pas à l’analyse. Dans certains cas, la « terreur » au nom de laquelle on voudrait légitimer le surcroît de répression découle autant, sinon davantage, de la réaction aux actes incriminés que des actes en eux-mêmes. Souvent, c’est avant tout parce qu’une infraction est qualifiée de terroriste que, par le truchement de la caisse de résonance politico-médiatique qui accompagne généralement cet estampillage, elle en devient source d’intimidation, voire de terreur. 
Des actes aussi effroyables que le massacre de Nice ne peuvent que nous bouleverser profondément et durablement. Mais, même dans l’hypothèse où l’acte recèle en lui-même un potentiel d’intimidation des pouvoirs publics, le qualifier de « terroriste » ne contribue qu’à renforcer son pouvoir symbolique. 
Enfin, il faut souligner que la seule qualification de « terrorisme » s’avère, en tant que telle, de nature à renforcer le prestige symbolique de ces groupes et… leur capacité de recrutement. En d’autres termes, qualifier un acte de terroriste contribue, au moins autant que les revendications de ses auteurs, à transformer ces derniers en hérauts d’une philosophie, d’une religion, d’une doctrine politique ou, pis encore, d’une civilisation.
Du même coup, on contribue à rehausser la cause dont ces groupes se réclament. Une telle légitimation nourrit leur pouvoir de séduction vis-à-vis d’une jeunesse en déshérence. Pour espérer le désamorcer, le plus simple est encore de leur refuser l’onction terroriste pour ne les regarder que comme de vulgaires organisations criminelles — autrement dit, de cesser de leur donner, fût-ce indirectement, crédit de leur prétention à représenter autre chose que leur appétit de pouvoir ou leur pulsion de mort.
Loin d’être un mal nécessaire, l’arbitraire inhérent à l’incrimination de terrorisme constitue ainsi un obstacle à l’efficacité de la répression. 

5, « Mes vacances en Terre sainte », Tom Bissel
Au printemps 2016, les journalistes de droite ont fait grand cas d’un sondage Bloomberg qui demandait aux Américains s’ils éprouvaient plus de sympathie pour M. Benyamin Netanyahou ou pour M. Barack Obama. Les républicains ont préféré le premier ministre israélien à leur propre président à une large majorité (67 % contre 16 %). 
Prager est juif, mais ses auditeurs sont en majorité chrétiens.  L’été dernier, il annonça qu’il comptait participer à un voyage de soutien à Israël, appelé « Stand with Israel Tour ». 
Cherchant à comprendre pourquoi le conservatisme était devenu synonyme de soutien inconditionnel à Israël, je me suis inscrit avec ma compagne au voyage annoncé par Prager.
Quelques mois plus tard, nous entrons donc elle et moi dans le hall de l’hôtel Leonardo Plaza, dans la ville israélienne d’Ashdod, pour assister au discours d’accueil du célèbre animateur.
 Prager commence en parlant du « test Israël ». De quoi s’agit-il ? Cela consiste à observer « comment les gens réagissent à Israël ; c’est le moyen le plus rapide pour comprendre leur raisonnement ». En d’autres termes, si vous osez critiquer Israël, vous êtes un monstre. Le président américain Barack Obama a échoué au « test Israël », même si, en 2012, il a offert l’aide militaire la plus importante jamais fournie par les États-Unis. Prager juge l’échec du secrétaire d’État John Kerry plus grave encore, parce qu’il adopte souvent une position nuancée sur le conflit israélo-palestinien, « comme si tout n’était pas ténèbres et lumière ».
Selon un sondage récent du Pew Research Center sur le fondamentalisme chrétien, 63 % des chrétiens évangéliques blancs croient que la création d’un État juif à notre époque annonce l’accomplissement de la prophétie biblique du retour du Christ. Pourtant, aucun de ceux que je rencontre dans notre groupe ne semble s’en préoccuper. L’amour des chrétiens conservateurs pour Israël, tel que je l’observe, semble fondé sur la notion que Dieu le Père a deux enfants : Israël et les États-Unis. 

6, « Union forcée autour de Hillary Clinton », John R. MacArthur, écrivain
Laborieuse, la victoire de Mme Hillary Clinton à la primaire démocrate n’aura pas suffi à faire oublier son impopularité. Les électeurs progressistes continuent de lui reprocher sa proximité avec Wall Street, mais n’ont pas vraiment d’autre choix que de voter pour elle. Au risque de s’allier avec les milieux d’affaires, qui la préfèrent à l’incontrôlable Donald Trump.
La carrière politique personnelle de Mme Clinton commence véritablement en 2000, quand, parachutée par son mari et ses puissants relais dans le Parti démocrate, elle se présente au poste de sénatrice de New York, un État où elle n’a jamais résidé. Une fois élue, elle se révèle particulièrement à son aise avec l’administration Bush. Le 10 octobre 2002, au Sénat, elle affirme son soutien à l’invasion de l’Irak, relayant tous les mensonges de la Maison Blanche sur les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein. 
Madame Clinton sait que son image droitière constitue un obstacle pour conquérir les électeurs de M. Bernie Sanders.  La candidate démocrate semble néanmoins plus prévisible que M. Trump, qui a multiplié les propos violents contre les « musulmans radicaux » et les« immigrés ». Son calme et son sens de la mesure séduisent jusque dans les rangs républicains.  En outre, Mme Clinton bénéficie d’un soutien sans faille au sein de l’establishment médiatique, qui la présente comme le dernier rempart contre la barbarie. 
On est un peu dans le cas de figure de la confrontation entre MM. Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen en 2002, quand la gauche française avait dû soutenir un candidat de droite pour protéger le pays du « danger fasciste ». Or M. Chirac était sans doute plus progressiste que Mme Clinton, en particulier en matière de politique étrangère. 

7, « Des accidents de la route pas si accidentels », Matthieu Grossetête, chercheur postdoctorant
Voici une inversion de courbe qui fait peu parler d’elle. Pour la première fois depuis la naissance des politiques de sécurité routière, en 1972, quand la France enregistrait plus de 18 000 décès accidentels par an, la réduction du nombre de morts est contrariée deux années de suite. Après avoir augmenté de 3,5 % en 2014, la mortalité a crû de 2,3 % en 2015, pour atteindre 3 461 personnes. Et les premières estimations mensuelles de 2016 confirment cette évolution : on a enregistré une recrudescence des décès aux mois de février (+ 8,5 % par rapport à février 2015), de mars (+ 3 %) et de mai (+ 10 %).
Pourtant, un accident de la route n’a souvent rien d’accidentel : il obéit à des régularités statistiques et demeure, indépendamment de son caractère singulier, le résultat prévisible de déterminations collectives. C’est un fait social qui ne se réduit pas aux agissements volontaires des individus.
Alors qu’ils ne représentent que 13,8 % de la population française âgée de 15 ans et plus, les ouvriers comptaient pour 22,1 % des 3 239 personnes décédées sur la route en 2007  et pour 19 % des blessés hospitalisés. À l’inverse, les cadres supérieurs, professions libérales et chefs d’entreprise (8,4 % de la population) ne totalisaient que 2,9 % des morts et blessés.
 Les cadres sont-ils naturellement plus vertueux au volant ? Rien n’est moins sûr. Davantage que les catégories sociales favorisées, les ouvriers ont tendance à se tuer seuls, sans qu’un tiers soit impliqué. En d’autres termes, ils sont en danger bien plus qu’ils ne sont dangereux. 
Cette situation est en partie due au plus grand pouvoir protecteur des véhicules possédés par les personnes aisées, qui disposent d’airbags et de systèmes de freinage plus performants, d’habitacles renforcés, etc. 
À coût humain et circonstances aggravantes équivalents, les ouvriers et les employés écopent de jugements « négatifs » — c’est-à-dire supérieurs à la peine médiane, soit dix mois d’emprisonnement ferme dans le tribunal étudié — deux fois plus fréquemment que les cadres, professions intellectuelles et professions intermédiaires : 59,3 % pour les premiers, contre 31 % pour les seconds.
La durée d’incarcération plus longue des inculpés de milieux populaires renvoie au fait que ces conducteurs sont moins souvent mariés : les juges font preuve d’une plus grande mansuétude à l’égard de ceux qui ont une famille.
Au-delà de l’inégale sécurisation des véhicules, les disparités sociales en matière d’accidents s’expliquent par les conditions de vie des classes populaires ainsi que par les ségrégations sociales de l’espace public.  Près de 80 % des accidents mortels ont lieu à la campagne. Or l’embourgeoisement des centres-villes relègue les classes populaires toujours plus loin des bassins d’emplois. En 2007, 28 % des ouvriers et 31 % des employés morts sur la route ont eu un accident en se rendant à leur travail, alors que ce trajet n’est en cause que dans 16 % du total des décès. Les catégories populaires sont plus nombreuses à emprunter quotidiennement les routes secondaires, plus dangereuses, tandis que les couches aisées circulent surtout en ville ou sur l’autoroute, l’infrastructure la plus sûre, avec 4 % des morts en 2012, mais également la seule qui exige des frais de péage.
Nombre de fonctionnaires de terrain constatent empiriquement la surreprésentation des précaires parmi les personnes décédées. Mais leur hiérarchie administrative reste sourde à leurs alertes. 
Sous le prétexte que les classes sociales n'existeraient plus, ce type de constat est décrit comme « un discours archaïque digne des vieilles dictatures communistes”… »


Bolcho
avatar 07/09/2016 @ 15:06:15
Monde Diplo de septembre 2016


« A Washington, scénarios pour un conflit majeur », Michael Klare, professeur au Hampshire College
Dans les cercles dirigeants de Moscou, de Pékin et de Washington, les faucons reprennent la main. En déployant quatre bataillons à proximité de la frontière russe, l’Alliance atlantique ajoute à une tension grandissante, tandis que les stratèges occidentaux n’excluent plus l’hypothèse d’une guerre ouverte.
Cette évolution, négligée par les médias, entraîne de lourdes conséquences, à commencer par la montée des tensions entre la Russie et l'Occident.
Après les interventions russes en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, beaucoup d’experts « peuvent désormais envisager une dégradation débouchant sur une guerre (…). C’est pourquoi [ils] estiment qu’il faut recentrer les préoccupations sur l’éventualité d’une confrontation avec Moscou ». Le conflit envisagé aurait plutôt lieu sur le front est de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), englobant la Pologne et les pays baltes, avec des armes conventionnelles de haute technologie. Mais il pourrait s’étendre à la Scandinavie et aux alentours de la mer Noire, et entraîner le recours au nucléaire. Alors que, ces dernières années, les États-Unis donnaient la priorité aux « opérations anti-insurrectionnelles à grande échelle », ils doivent se préparer à un « retour de la rivalité entre grandes puissances », sans écarter la possibilité d’un conflit ouvert avec un « ennemi d’envergure » comme la Russie ou la Chine. 
Le déploiement de quatre bataillons en Pologne et dans les pays baltes est d’autant plus remarquable qu’il s’agira de la première garnison semi-permanente de forces multinationales de l’OTAN sur le territoire de l’ex-Union soviétique. Ce rapprochement des troupes favorise le risque d’emballement, une escarmouche avec des forces russes pouvant déclencher une guerre à grande échelle, peut-être avec une composante nucléaire.
Pour justifier la préparation d’un conflit majeur, les analystes américains et européens invoquent le plus souvent l’agression russe en Ukraine et l’expansionnisme de Pékin en mer de Chine méridionale (10). Les manœuvres occidentales passent alors pour un mal nécessaire, une simple réaction aux provocations de l’autre camp. Mais l’explication n’est ni suffisante ni convaincante. En réalité, les cadres des armées redoutent plutôt que les avantages stratégiques de l’Occident ne s’émoussent en raison des bouleversements mondiaux, alors même que d’autres États, eux, gagnent en puissance militaire et géopolitique. 
Le rapport de l’INSS note d’ailleurs que « la Russie a fait des pas de géant dans le développement de sa capacité à utiliser sa force de manière efficace ».
De même, en transformant des récifs et des atolls de la mer de Chine méridionale en îlots susceptibles d’abriter des installations importantes, Pékin a provoqué la surprise et l’inquiétude des États-Unis, qui avaient longtemps considéré cette zone comme un « lac américain ».  Les Occidentaux sont frappés par la puissance croissante de l’armée chinoise. D’où les menaces insistantes de conflit majeur, qui justifient des dépenses supplémentaires dans l’armement hypersophistiqué qu’exige un « ennemi d’envergure ».
Des sommes faramineuses seront également consacrées à l’acquisition d’équipements de pointe aptes à surpasser les systèmes russe et chinois de défense et à renforcer les capacités américaines dans les zones potentielles de conflit, tels la mer Baltique ou le Pacifique ouest : bombardiers, sous-marins, destroyers, système antimissile dernier cri...
Il est hautement improbable que le futur président américain, qu’il s’agisse de Mme Hillary Clinton ou de M. Donald Trump, renonce à la préparation d’un conflit avec la Chine ou la Russie. Mme Clinton a déjà obtenu l’appui de nombreux penseurs néoconservateurs, qui la jugent plus fiable que son adversaire républicain et plus belliciste que M. Barack Obama. 
M. Trump a  émis de sérieux doutes sur l’utilité de maintenir l’OTAN, qu’il estime « obsolète ». Le 31 juillet, il déclarait sur la chaîne ABC : « Si notre pays s’entendait bien avec la Russie, ce serait une bonne chose. » Mais il s’est également inquiété de voir Pékin« construire une forteresse en mer de Chine », et a insisté sur la nécessité d’investir dans de nouveaux systèmes d’armement, davantage que ne l’ont fait M.Obama ou Mme Clinton lors de son passage au gouvernement. L’intimidation et les entraînements militaires dans des zones sensibles comme l’Europe orientale et la mer de Chine méridionale risquent de devenir la nouvelle norme, avec les risques d’escalade involontaire que cela implique. 
L’approche occidentale de ce type de conflit majeur compte également de nombreux partisans en Russie et en Chine. Le problème ne se résume donc pas à une opposition Est-Ouest : l’éventualité d’une guerre ouverte entre grandes puissances se diffuse dans les esprits et conduit les décideurs à s’y préparer.

« Dérangements politiques », Serge Halimi
Avec Donald Trump, qu’un milliardaire new-yorkais dont le programme fiscal est encore plus régressif que celui de Ronald Reagan et dont les pratiques (fabrication de ses produits au Bangladesh et en Chine, emploi de sans-papiers dans ses hôtels de luxe) contredisent la plupart de ses proclamations puisse se métamorphoser en porte-voix du ressentiment ouvrier tiendrait davantage de la gageure si le syndicalisme n’avait pas été affaibli. 
La gauche et les syndicats réalisaient autrefois un travail quotidien d’éducation populaire, de maillage territorial, d’« encadrement » intellectuel des populations ouvrières. Ils mobilisaient politiquement leurs membres, les poussaient vers les urnes lorsque leur destin était en cause, leur garantissaient une protection sociale quand leur avenir économique était menacé. Ils rappelaient à chacun les avantages de la solidarité de classe, l’histoire des conquêtes ouvrières, les dangers de la division, de la xénophobie, du racisme. Ce travail ne se fait plus, ou moins bien. On voit qui en profite. Manquant de relais politique, les mobilisations sociales sont ensevelies sous un déluge de polémiques identitaires. 

« Dans les Balkans, le plus vieil islam d'Europe », Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin
La longue histoire de l’islam en Europe débute dès le VIIIe siècle. Après la période d’Al-Andalus (711-1492), dans la péninsule Ibérique, et l’émirat de Sicile (948-1091), il s’installe dans le Caucase, en Crimée, puis dans les Balkans à la faveur de la conquête ottomane.
 Les conversions furent rapides et massives en Bosnie-Herzégovine, où, dès le XVIe siècle, elles avaient touché une grande partie des élites.  C’est dans les régions historiquement disputées entre chrétientés d’Occident et d’Orient, le long de la ligne de partage de l’Empire romain tracée en 395, que l’islam put le plus facilement prendre pied — en Bosnie-Herzégovine, mais aussi au Monténégro.
Visitant Belgrade, « une ville si magnifique qu’il est impossible de la décrire »,en 1660, le célèbre voyageur ottoman Evliya Çelebi s’émerveille devant les ouvrages d’art d’une cité qui aurait alors compté pas moins de 17 000 maisons musulmanes et des dizaines de mosquées. En 1804, la première insurrection serbe, bientôt suivie par le soulèvement grec, annonce la décomposition progressive de l’Empire ottoman et la rétraction drastique de l’aire d’implantation des populations musulmanes des Balkans.  La progressive affirmation des États nationaux dans les Balkans au XIXe siècle se solda par des déplacements massifs de populations.
Au terme de la première guerre balkanique (1912), l’Empire ottoman doit abandonner ses dernières possessions en Europe : des centaines de milliers de personnes prennent le chemin de l’exil. En 1920, au terme de la première guerre mondiale, le ministère de l’intérieur de Turquie estimait avoir accueilli un peu plus de 400 000 réfugiés.
Après la seconde guerre mondiale, des accords furent également signés entre la Yougoslavie socialiste et la Turquie, conduisant au départ de quelque 200 000 musulmans de Macédoine, du Kosovo ou du sandjak de Novi Pazar. Ils vinrent notamment peupler l’immense faubourg stambouliote de Bayrampasa. L’implantation géographique des musulmans en Europe du Sud-Est a donc été sans cesse remaniée par une longue succession de guerres et de déplacements de populations, entraînant une homogénéisation progressive des territoires, même si la cohabitation interconfessionnelle est partout restée la règle.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, des régimes communistes se mettent en place dans tous les pays des Balkans, à l’exception de la Grèce, qui bascule dans la guerre civile. Ces nouvelles autorités considèrent les religions comme une marque d’arriération qui doit être combattue.  Toutefois, l’engagement du régime du maréchal Tito dans le mouvement des non-alignés, qui tient sa première conférence officielle à Belgrade en 1961, entraîne un rapprochement avec les pays arabes, et en premier lieu avec l’Égypte de Gamal Abdel Nasser. En 1969, le régime fait des Bosniaques musulmans une nation constitutive de la Yougoslavie, au même titre que les Slovènes, les Croates, les Monténégrins, les Serbes et les Macédoniens. 
Le régime encourage le développement d’une communauté islamique.   La fonctionnarisation des cadres musulmans engagée sous le régime titiste était largement un héritage de l’époque ottomane. Elle visait aussi à écarter toute déviance et à pérenniser le contrôle de l’État sur la pratique religieuse.
La répression s’abattit en revanche sur le courant panislamiste de Bosnie-Herzégovine.

« Un 'Milliardaire en col bleu' contre une madone de vertu » : affrontements réels et faux-semblants de l'élection américaine », Thomas Frank
2016 n’est pas une année comme les autres. Car le Parti républicain s’est choisi pour champion le milliardaire démagogue Donald Trump, pour qui Cleveland (où se tient la Convention républicaine) constitue une scène idéale. Avec ses paysages qui portent les stigmates des choix économiques des dernières décennies, du déclin de l’industrie, des accords de libre-échange, la ville incarne la métropole américaine qui pourrait retrouver un jour la « grandeur » que le promoteur immobilier promet de rendre au pays tout entier (« Make America Great Again »). Mais aucun des anciens chefs de file du parti n’est présent : ni M. Willard Mitt Romney, ni M. John McCain, ni aucun membre de la famille Bush.
L’ambiance passe d’un extrême à l’autre : l’Amérique, la meilleure ! L’Amérique, trahie ! Nous devons sauver l’Amérique !  Les congressistes se blottissent dans le doux cauchemar d’une destruction nationale provoquée par la trahison démocrate. Mais peut-être faut-il interpréter ces absurdités comme une sorte de divertissement. Quand les délégués d’une convention politique expriment leur opinion de Mme Clinton en scandant « Qu’on l’enferme ! », on ne doit sans doute pas les prendre au sérieux. 
M. Trump qualifie le courant politique qui l’appuie de « parti des travailleurs »,et il assure qu’il donnera la priorité aux problèmes économiques des gens ordinaires. Résultat : celui qu’un intervenant a surnommé « le milliardaire en col bleu de l’Amérique », qui tweete des insultes racistes, qui veut réduire les impôts des riches et fait fabriquer ses produits à l’étranger, se proclame le protecteur de l’Amérique qui travaille.
Peu après son intervention, un sondage indique que ce novice en politique, ce clown vulgaire, fait jeu égal avec Mme Clinton. Stronger together — « L’union fait la force ». Tel est le slogan officiel de la convention démocrate, qui se tient à Philadelphie une semaine plus tard. Un appel du pied aux partisans dépités de M. Bernie Sanders, le sénateur de gauche battu par Mme Clinton lors des primaires. Mais le thème véritable de ce rassemblement, c’est cette qualité qui caractérise la vie de Mme Clinton depuis son enfance : la vertu. Mme Clinton proclame sur tous les écrans du hall immense que « notre pays a besoin de davantage de gentillesse et d’affection ».
Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver les raisons de cet unisson : la convention se doit de souligner la bonté intrinsèque des démocrates, ceux-ci n’ayant par ailleurs pas tant de hauts faits à célébrer.  Plus grave, nombre des problèmes qui préoccupent les militants du parti, et que les orateurs successifs s’emploient à dénoncer, résultent des politiques du président démocrate sortant, ou d’un de ses prédécesseurs les plus fameux, qui se trouve être… le mari de la candidate.
Enfin, dans le discours-programme de la convention, Mme Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, recense les défis qui assaillent les membres de la classe ouvrière, avant de clamer : « La Bourse bat des records. Les bénéfices des entreprises sont au plus haut. Les directeurs généraux engrangent des dizaines de millions de dollars. Mais ces gains n’ont pas de retombées positives pour les familles qui travaillent dur comme la vôtre. Est-ce que certains d’entre vous ici ne trouvent pas que c’est un problème ? » « Certains d’entre vous » ? Tout cela venait de se produire pendant que M. Obama occupait la Maison Blanche.  Quant aux principales réalisations présidentielles de son mari, qui naguère la rendaient si fière et auxquelles elle se flattait d’avoir largement contribué, on les passe sous silence. L’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) disparaît du récit officiel. Parce qu’elle contredit les discours sur l’attention extrême que Mme Clinton accorderait au sort des femmes et des enfants, la suppression d’une aide fédérale aux familles monoparentales, signée par son mari en 1996, n’est pas mentionnée.
L’un des plus habiles orateurs de la convention, le vice-président Biden, estime quant à lui que les emprunts contractés par les étudiants — qui les coulent aussi sûrement que s’ils portaient une enclume autour du cou — sont en réalité là « pour éviter à papa et maman l’affront » de se voir refuser un prêt bancaire.
Pour couronner ce long spectacle, Mme Clinton apparaît enfin sur scène, tout de blanc vêtue, et déverse sur ses auditeurs un chapelet de poncifs vibrants. La profondeur de ces banalités déclenche de multiples ovations.
La candidate nous rappelle alors sa philosophie : « Faites tout le bien que vous pouvez, pour autant de gens que vous pouvez, de toutes les manières que vous pouvez, aussi longtemps que vous pouvez. »  Elle promet « davantage de bons emplois, des augmentations de salaire ».
La véritable ligne de démarcation entre les deux formations politiques, cette année et pour toujours, renvoie à quelque chose d’infiniment plus important : le fossé entre le bien et le mal. Les bons dans un parti ; les méchants dans l’autre.  « Nous nous opposerons à toute rhétorique délétère, à toute parole visant à nous diviser »,avertit Mme Clinton, comme pour rappeler les nombreuses saillies de son adversaire sur les handicapés, les Mexicains, les Noirs. « Au fond, conclut-elle,on en revient toujours à ce que Donald Trump est incapable de comprendre : l’Amérique est grande parce que l’Amérique est bonne. »

« Quand les tuyaux avalent les journaux : des empires médiatiques en recomposition », Marie Bénilde, journaliste
L'avenir des journaux résiderait-il dans leur intrication avec les offres d’acteurs des télécommunications ? Après avoir été achetée par des annonceurs et de moins en moins par des lecteurs, la presse écrite va-t-elle devoir son salut à des distributeurs cherchant à fidéliser leur clientèle ou à en conquérir une nouvelle ?
Fin juin 2016, trois millions de clients de SFR avaient téléchargé l’application, qui s’est élargie à de nouveaux journaux, comme Le Journal du dimanche, Le Parisien ou Midi libre. On pourrait n’y voir qu’une manipulation fiscale.  Cela donne à SFR la possibilité d’appliquer sur ces deux tiers de la facture de millions de clients un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) particulier, réservé à la presse : 2,1 % au lieu de 20 %. 
« SFR a décidé de s’étendre dans les médias non seulement pour se différencier, mais aussi pour remettre la main sur une partie de la publicité qui a été captée par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) », déclare son président-directeur général (PDG), M. Michel Combes (1). L’accès à l’identité de l’abonné SFR permet d’ores et déjà de lui envoyer une publicité personnalisée, ce qui a inspiré à M. Alain Weill, président de NextRadioTV et directeur général de SFR Media, une réflexion pénétrante sur les enjeux contemporains du journalisme : « Ceux dont on sait qu’ils ont un chien verront de la réclame pour Canigou sur leurs écrans, tandis que ceux qui ont un chat auront droit à du Ronron.  »
Avant 2019, M. Drahi dispose d’une option d’achat pour prendre la totalité du capital de NextRadioTV. En infraction avec la règle anticoncentration, dite « du deux sur trois », de la loi sur la communication de 1986, qui interdit de posséder plus de deux médias nationaux, il contrôlerait alors sur le plan national un quotidien (Libération), un hebdomadaire (L’Express), deux chaînes de télévision (BFM TV et RMC Découverte) ainsi que deux radios (RMC et BFM Business). S’y ajoutent des chaînes sportives, ainsi que i24 News, la chaîne d’information pro-israélienne du groupe.
Il en est de même en Angleterre et aux USA par exemple.
Le magnat de SFR, M. Drahi, marque aussi les médias de son empreinte en taillant dans les effectifs,  et en favorisant les économies d’échelle, comme en témoigne l’annonce, en juillet, de cinq mille suppressions de postes chez SFR. 
L’autre question, qui ne sera pas posée, concerne l’influence politique qu’apporte le contrôle d’un grand moyen d’information dans une industrie étroitement régulée par l’État…
Le groupe Bouygues est sur la même ligne : sa force de frappe télévisuelle lui permet d’entretenir ses relations avec les élus et de peser indirectement sur la législation des télécoms.

« Un nouveau manuel critique du 'Monde Diplomatique : L'économie comme on ne vous l'a jamais expliquée », Renaud Lambert et Hélène Richard
Le 8 septembre arrive en kiosques le « Manuel d’économie critique » du « Monde diplomatique ». Cet ouvrage vise à faire comprendre pour faire agir : la bataille des idées s’ouvre à tous.
Les règles de base de l’arithmétique basculent lorsqu’on pénètre en terres néoclassiques. En ces lieux, il arrive que les additions se comportent comme des soustractions. Par exemple, dans le domaine des impôts. D’ordinaire, augmenter le taux des prélèvements obligatoires accroît les recettes de l’État. Sous le climat néoclassique, au contraire, cela revient… à les réduire, puisque toutes sortes de mécanismes d’évasion et de niches fiscales permettent aux contribuables de refuser des impôts qu’ils jugent soudain trop élevés.
Le monde de l’économie néoclassique se distingue en tout point du monde réel. La plupart des dirigeants occidentaux se prévalent pourtant de ses règles pour justifier leurs décisions : dérégulation, privatisations, abandon des politiques publiques aux « forces du marché » — bref, la réalisation du projet néolibéral.
 Du côté des politiques publiques, les militants néolibéraux ont conquis les cabinets ministériels et le sommet des institutions financières internationales depuis la fin des années 1970 (avant, parfois, de retourner conseiller les multinationales et les banques, comme l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso, désormais au service de la banque d’affaires Goldman Sachs).
Faire advenir un autre monde implique toutefois un double effort : réussir à se libérer des lois édictées par les dominants ; parvenir à réinsérer la contrainte économique dans la réflexion stratégique. Notre Manuel d’économie critique n’affiche pas d’autre ambition que de contribuer à cette entreprise.
La bataille idéologique débute dans le système éducatif, où les « sciences économiques et sociales » sont enseignées à partir de la seconde en France.   
Sur fond de militantisme patronal, le cadre néoclassique et la célébration du libre-échange ont pris une place confortable dans les programmes, alors que la notion de « classe sociale » a été escamotée en 2011.
Nous avons réuni certains des meilleurs spécialistes en économie — chercheurs, professeurs d’université et du secondaire, journalistes — pour revisiter les programmes de première et de terminale et en donner notre propre traitement. Avec quatre objectifs : déconstruire les idées reçues qui instillent dans les esprits la fatalité néoclassique ; apporter un éclairage historique et international souvent absent des programmes ; introduire les analyses d’écoles de pensée chassées des universités et privées d’accès aux médias ; dégager l’horizon en rappelant que rien n’est irréversible.
Le manuel que nous proposons invite à replacer l’économie au service de la société. 
Au programme : deux cents pages illustrées pour comprendre les fondamentaux et éclairer les questions brûlantes de notre temps.
Chacun des dix chapitres comporte : le démontage d’une idée reçue ; une infographie qui explique un mécanisme économique ou fait découvrir une chronologie oubliée ; une rubrique « avant, ailleurs » qui montre ce que l’économie fut dans le passé ou la façon dont elle fonctionne dans d’autres sociétés ; un tour d’horizon des autres possibles et des utopies concrètes.
 Douze pages de glossaire pour tirer au clair les mots passés dans le langage médiatique sans qu’on en saisisse toujours le sens, les fondements et les implicites : « balance commerciale », « liquidité », « monétarisme », « PIB »…

Minoritaire

avatar 07/09/2016 @ 20:20:40
Pffft ! Moi, j'ai plus le temps de lire. Un article tous les 2-3 jours dans Médiapart suffit à mobiliser mes neurones défaillants...

Pieronnelle

avatar 08/09/2016 @ 00:15:35
Chapeau Bolcho pour la synthèse du premier article! Qui est absolument terrifiant !

Myrco

avatar 08/09/2016 @ 09:17:36
Chapeau Bolcho pour la synthèse du premier article! Qui est absolument terrifiant !


Oui d'autant plus terrifiant que les médias nous en parlent peu alors que c'est sans doute le plus important...il ne faut pas affoler les masses;-(((

Myrco

avatar 08/09/2016 @ 09:34:13
C'est vraiment triste de se dire que l'humanité n'est pas capable d'évoluer vers plus de sagesse...quoique ce souci permanent de démontrer sa domination dans le rapport de force soit plus le fait de dirigeants irresponsables que de la volonté des peuples qui savent bien que de toute façon ils ont tout à perdre et rien à gagner;-)))
Même s'il n'a pas été parfait (mais pouvait-il faire mieux?) Obama était un garde-fou. La perspective du nouveau président (que ce soit Clinton ou Trump) n'augure rien de bon. A la limite, le positionnement de Clinton vis à vis des russes est encore plus préoccupant pour la paix mondiale. Et que fait l'union européenne là-dedans ? Rien ou comme d'hab la politique du caniche des américains!!!

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