Saule

avatar 20/03/2016 @ 08:41:48
J'ai trouvé cet article de Serge Halimi intéressant quoiqu'un un peu confus, j'ai du le lire plusieurs fois. Bolcho fait vraiment un excellent travail en tout cas.

Les syndicats se sont empressés de hurler qu'on faisait des cadeaux aux patrons. Ce qui est idiot, plus une entreprise investit, plus elle crée de l'emploi.
Seulement les multinationales ont dévié le principe : elles ont réinvesti leurs bénéfices dans les pays du Tiers-Monde, ce qui leur facilite la délocalisation et donc, les pertes d'emplois dans le pays où elles avaient fait des bénéfices.

Les syndicats auraient dû s'unir aux politiciens, et tant pis s'ils étaient de droite, pour imposer des règles aux entreprises. Mais c'est trop leur demander : ils auraient perdu une belle occasion de hurler contre le patronat. : « c'est todis les p'tits qu'on sprôtche » ...C'est leur fond de commerce. Il est vrai que de toutes façons, ils n'auraient rien pu faire contre « le monde de la finance ».

(dixit SJB)
Je crois que tu dis la même chose que le journaliste : l'échec de ce qu'il appelle la troisième voie, c'est à dire l'échec d'un socialisme non-radical, proche du patronnat et de l'économie de marché. Mais ça n'a par marché, dérouler le tapis rouge devant les patrons n'a pas apporté l'emploi et n'a fait que créer des inégalités.

C'est indéniable je pense, et en Belgique, outre les intérêts notionnels - qui n'est rien d'autre qu'une concurrence fiscale pour arrirer des multinationales en Belgique - on a bien vu avec Arcelor Mittal que ça ne marchait pas.

Mais l'article (qui fait partie d'un dossier on dirait) explique aussi que cet échec de la gauche laisse entrevoir une nouvelle gauche anti-capitaliste. Un peu d'espoir mais le ton reste très pessimiste, en fait les articles suivant sont encore plus désespérants...

Saint Jean-Baptiste 20/03/2016 @ 11:54:27
, les politiciens font ce qu'ils peuvent et ils ne peuvent pratiquement rien. "

Ils peuvent éviter la loi el Kommri par exemple.

Mais Hiram, tu sais bien qu'aujourd'hui quand ce n'est pas la Finance qui fait la loi, elle se fait dans la rue !

Bolcho
avatar 02/04/2016 @ 14:52:28
Monde diplo avril 2016

1. « Guerre civile au sein de la droite américaine », Serge Halimi
Comment un promoteur immobilier new-yorkais marié à trois reprises peut-il être aussi populaire dans le sud des Etats-Unis, bastion de la droite religieuses ?
L'aversion que M. Obama et Mme Clinton suscitent chez les cadres républicains parviendra-t-elle à submerger la méfiance que leur inspire M. Trump ? La chose ne va pas de soi.
Des militants prétendent que la force de Trump est d'exprimer la voix d'un peuple vaincu,celui du Sud. Pour eux,Obama a fait de l'Amérique un peuple vaincu. « Nous avons perdu en Irak, en Afghanistan et contre l'Organisation de l'Etat Islamique. Les gens sont donc disposés à accepter n'importe quoi si quelqu'un leur promet que désormais on rendra coup pour coup. »
Un peuple vaincu à cause de dirigeants trop faibles : voilà un thème constant chez Trump.
Un nationalisme autoritaire lui sert de boussole depuis que sa vie priée et sa fortune font le bonheur des magazines. Il l'exprimait déjà il y a plus de 25 ans, dans un long entretien à « Play Boy ». Les présidents Bush et Gorbachev y étaient traités avec dédain.
Cette fois, il est rentré dans l'arène politique pour « restaurer la grandeur de l'Amérique » en combattant les accords de libre-échange et en construisant un mur fortifié à la frontière Sud du pays. Entre-temps, la Chine et le Mexique ont fait leur entrée dans la liste des Etats qui, selon lui, exploitent la jobardise de Washington, vache à lait de la planète entière.
Un militant Républicain : « Durant la dernière année de cette administration socialiste,nnsuite, si nous élisons un président républicain, le premier texte que nous soumettrons à sa signature sera l'annulation de l' « obamacare ». Puis celle de la loi qui réglemente les banques. L'actuelle administration socialiste ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir »
Et : « Donald Trump est contre l'avortement, pour la prière dans les écoles; il n'y a pas plus traditionnel dans le lot ».
Ou : « Je fais confiance à Trump. Nous avons besoin d'un homme d'affaires. Lui n'a plus rien à prouver. Il a déjà 10 milliards de dollars ».
Mais la question qui a le mieux lancé Trump, c'est celle de la protection des frontières contre l'immigration.
En novembre prochain,Mme Clinton pourrait bien devenir la candidate obligée des minorités et de Wall Street,ds féministes et du libre-échange, du Goldman Sachs et du statu quo. Avec une seule mission, un seul mandat :barrer la route à Trump.
Depuis le début de cette campagne, l’électorat républicain exprime des préférences rigoureusement contraires à celles de ses anciens présidents, de la plupart de ses élus, de ceux qui financent et conseillent leur parti. Comme eux ne vont pas renoncer le cœur léger à tout ce qui a constitué leur identité politique depuis les années Reagan, et qui leur a beaucoup profité, la guerre civile républicaine ne fait sans doute que commencer.

2. « La chute des cours déstabilise les pays producteurs : Maudit pétrole bon marché », Michael Klare, professeur dans le Massachusetts
Venezuela, Russie, Azerbaïdjan, Algérie, Nigeria… Nombre de pays exportateurs de pétrole ont réagi à la baisse du prix du baril en amputant les budgets sociaux financés par cette manne, au risque de provoquer des révoltes populaires. 
Les effets de la chute des cours risquent de se faire sentir encore quelques années.
Le pétrole est la marchandise licite la plus profitable du commerce international et la première source de revenus pour une douzaine de pays. Quand les prix s’envolent, comme entre 2010 et 2014, les compagnies pétrolières engrangent des bénéfices colossaux, qu’elles réinvestissent en partie dans de nouvelles infrastructures et technologies destinées à garantir une croissance continue de la production. De leur côté, les gouvernements des pays producteurs profitent de ces retombées pour financer de grands chantiers publics ou d’autres programmes susceptibles d’améliorer les conditions de vie de la population. Quand les prix baissent, en revanche, les compagnies gèlent leurs investissements, portant préjudice à leur productivité future. Et les gouvernements serrent la ceinture à leurs populations, mettant en danger leur propre survie.
La crise s'est amorcée à l'été 2014. De juin à novembre, le baril est passé de 115 dollars à 80 dollars.
La production frénétique de pétrole de schiste et des sables bitumineux en Amérique du Nord ajoute des barils sur le marché, alors que la demande générée par une économie mondiale anémiée s’essouffle. 
Cette fois pourtant, les Saoudiens ont refusé de fermer leurs robinets, de crainte de favoriser les producteurs non membres de l'OPEP comme la Russie, le Canada ou les Etats-Unis. 
Les producteurs américains de pétrole de schiste ont réussi à réduire leurs coûts d’exploitation et continué vaillamment à inonder les marchés, tandis qu’en Chine le ralentissement économique s’accentuait au lieu de s’inverser. Aussi les prix ont-ils dévissé de plus belle, tombant à 36,60 dollars le baril fin 2015, et même sous les 30 dollars en janvier et février de cette année.
 Selon l’agence de consultants en énergie Wood Mackenzie, en 2015, les géants de l’or noir ont supprimé ou ajourné 68 mégaprojets, pour une valeur globale de 380 milliards de dollars. Des plans d’investissements faramineux dans les sables bitumineux au Canada, ou dans les forages maritimes en Angola ou au Kazakhstan, sont abandonnés. De nombreuses zones d’extraction traditionnelles ont été touchées. Douglas-Westwood, une autre agence de conseil en énergie, indiquait en février que pas moins de 150 plates-formes en mer du Nord seraient démantelées au cours des dix prochaines années.
Les analystes rivalisent de conjectures quant aux raisons qui empêchent les Saoudiens et leurs alliés de prendre des mesures efficaces pour peser sur les prix, par exemple en réduisant leur production au lieu de simplement la plafonner. Certains avancent une explication géopolitique : Riyad chercherait à punir l’Iran et la Russie pour leur soutien au régime de M. Bachar Al-Assad en Syrie. Plus vraisemblablement, les dirigeants saoudiens ont compris que le retour à un pétrole bon marché n’était pas un phénomène temporaire, mais l’indicateur d’un changement d’époque radical. 
Pareille surabondance de l’offre contraste avec la prédiction, courante il y a quelques années encore, d’un pic de production imminent qui préluderait au déclin irréversible des quantités extraites, annonçant même des pénuries d’approvisionnement. 
Quelles que soient les arrière-pensées des protagonistes, ce tournant provoque d’importantes répercussions géopolitiques. La plus évidente : l’affaiblissement des régimes qui tirent une grande partie de leur puissance des revenus pétroliers. 
Le Vénézuela est un cas extrême, mais d'autres pays producteurs font face à des difficultés similaires, le Nigéria par exemple, l'Algérie, l'Azerbaïdjan, l'Irak.
Enfin, y a la Russie. Comparée aux autres pays frappés par cette crise, elle semble remarquablement stable.  Mais la population commence à constater un déclin significatif de son niveau de vie.
Il est sans doute trop tôt pour connaître toutes les conséquences de l’onde de choc déclenchée en juin 2014. Mais elle a déjà profondément altéré quelques axes fondamentaux de l’ordre mondial. Certes, une fois résorbés les surplus actuels, les prix du pétrole finiront par remonter. Toutefois, pour les compagnies et les gouvernements qui s’étaient accoutumés à cette manne providentielle, un âge d’or est peut-être révolu. Seuls ceux qui réussiront à diversifier leur production et à trouver d’autres sources de revenus pourront se relever durablement.

« Imams en France, loin des clichés », Solenne Jouanneau, maîtresse de conférences à Strasbourg
Principale incarnation de l’autorité islamique en France, les imams suscitent l’intérêt des pouvoirs publics, qui leur prêtent une grande influence. Il faudrait donc les surveiller, les encadrer, voire les former, pour éviter toute dérive communautaire. Cette lecture se heurte à la réalité du travail des religieux musulmans, dont le profil est avant tout déterminé par les fidèles qui fréquentent le lieu de culte.
 Appréhender ce magistère à l’aune de ses représentants extrémistes paraît aussi réducteur que d’identifier tous les prêtres catholiques à la pédophilie, à l’homophobie et au royalisme au motif que certains ont effectivement agressé des enfants, tenu des propos homophobes, etc.
L'imam n'est pas un intermédiaire entre Dieu et les croyants. Ce n'est pas comme le prêtre chez les catholiques. En France, ce sont les fidèles ou les responsables de l’association qui désignent l’imam. Ils choisissent parmi les présents le plus versé dans la religion, le plus savant, le plus sage. On n’a pas d’autorité, sinon morale — et encore…  ». Dans plus de la moitié des mosquées (55 %), les imams sont bénévoles. Certains sont ouvriers, employés, petits commerçants ; d’autres sont cadres, universitaires, enseignants, membres de professions libérales. 
Certains sont des fonctionnaires envoyés par l’Algérie ou la Turquie pour officier dans les salles de prière (environ 250 en France) affiliées à leurs relais consulaires ou à leurs associations satellites. Ceux qui sont rémunérés directement par les associations touchent généralement des salaires ou des défraiements mensuels inférieurs à 1 200 euros ; les fonctionnaires sont bien mieux rétribués : aux environs de 2 000 euros par mois. Le candidat doit savoir faire preuve d’humilité : il ne demande pas à devenir imam, mais attend d’être sollicité. 
Une fois recrutés, tous remplissent à peu près les mêmes tâches. Ils dirigent les cinq prières (salât) quotidiennes, prêchent à l’occasion de la prière communautaire du vendredi (jumu’a), enseignent l’islam aux adultes et aux enfants, accompagnent certaines étapes de la vie des fidèles (circoncisions, conversions, mariages, décès, etc.).  Mais ils diffusent également les principes censés guider le comportement des musulmans en dehors des temps strictement rituels(al-mu’âmalât). En effet, le droit musulman s’intéresse à tous les aspects de la vie du croyant : sexualité, alimentation, habillement, économie…

. « Critique des médias, une histoire impétueuse », Dominique Pinsolle, historien
u cours de l’année 2015, la reprise en main musclée de Canal Plus par le milliardaire Vincent Bolloré a suscité nombre de réactions indignées et nous a rappelé qu'affranchir les médias de l’influence de l’argent ne faisait pas partie des objectifs du gouvernement. 
La lutte engagée contre les journaux au service de l’ordre en place atteint son paroxysme lors de la Commune de Paris. Les locaux du Figaro et duGaulois, deux titres emblématiques de la presse de droite, sont envahis dès le 19 mars 1871, et les feuilles communardes, comme Le Cri du peuple de Jules Vallès, se multiplient. 
Après la chape de plomb qui s’abat sur la presse d’opposition dans les années suivant la Commune, la loi du 29 juillet 1881, qui affranchit presque totalement les entreprises de presse du contrôle de l’Etat, est adoptée dans un contexte de consensus euphorique. Cependant, des voix soulignant les dangers liés à la libéralisation du commerce de l’information se font rapidement entendre. Dès 1897, Jean Jaurès estime qu’il n’est « pas possible de régler et de “moraliser” la presse ». « Par la complication croissante de son outillage, explique-t-il, l’industrie du journal est entrée dans la période de la grande industrie. Elle a donc besoin pour vivre de grands capitaux, c’est-à-dire de ceux qui en disposent. » Dès lors les journaux « ne sont donc plus, dans l’ensemble, que des outils aux mains du capital et il me paraît tout à fait vain, je l’avoue, de chercher par quelle combinaison subtile on fera entrer le capitalisme dans la catégorie de la “moralité”. 
Jaurès, qui lance L’Humanitéen 1904 pour doter les socialistes et le mouvement ouvrier d’un quotidien censé contrecarrer le conservatisme de la presse dominante.
Le monopole exercé par l’Etat sur la radio et la télévision suscite bientôt de nouvelles critiques et relègue la dénonciation du pouvoir de l’argent au second plan. L’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), créé en 1964, incarne alors à merveille la mainmise du gouvernement sur l’information, comme en témoignent les célèbres affiches de Mai 68 dénonçant la propagande gaulliste. 
L'élection de Mitterrand constitue une rupture.
Le 29 juillet 1982, le monopole d’Etat sur la radio et la télévision, entaché de la propagande gouvernementale des décennies précédentes, est supprimé. Si les radios libres militantes ne se trouvent plus dans l’illégalité, leur voix est rapidement étouffée par celle des stations commerciales comme NRJ. Celles-ci obtiennent dès 1984 le droit de diffuser de la publicité, contre l’avis de certains socialistes comme Pierre Mauroy, qui se dit alors hostile aux « radios fric ».  Quant aux journaux, rien ne change : les mesures anticoncentration adoptées en 1984 restent lettre morte.
Au milieu des années 1980, la dénonciation de la marchandisation de l’information, telle qu’elle a été portée jusqu’à la fin des années 1970 par la gauche, s’efface ainsi derrière le consensus néolibéral et la béatitude technophile qui caractérisent la décennie. Mais elle ne disparaît pas pour autant. Bien que marginalisée, la critique radicale des médias connaît un renouveau à la fin des années 1980 et au cours des années 1990, à travers des livres (La Fabrication du consentement, de Noam Chomsky et Edward Herman), les éditions Raisons d’agir lancées par Pierre Bourdieu, des documentaires (Pas vu pas pris, de Pierre Carles...). Les similitudes entre le règne de la presse marchande du début du XXe siècle et celui de grands barons des médias comme M. Bolloré aujourd’hui éclairent l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir.

4. « Diplomatie des armes : La grande chasse aux milliards »,Philippe Leymarie, journaliste
Au moment où le Parlement européen votait une résolution réclamant un embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, M. François Hollande remettait la Légion d’honneur à l’un de ses dirigeants. Une manière de célébrer le royaume, devenu l’un des plus gros acheteurs de matériel militaire de la France. 
« L’année 2014 a connu plus de guerres que toute autre depuis l’an 2000 »,relève l’annuaire du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri). Loin de régresser, les dépenses militaires dans le monde ont augmenté d’un tiers en dix ans, atteignant près de 1 700 milliards de dollars (un peu plus de 1 520 milliards d’euros) en 2014. 
Les Etats-Unis totalisent un tiers des dépenses mondiales militaires à eux seuls.
Avec un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 15 milliards d’euros (le double si l’on inclut les marchés de la sécurité, nationale ou privée), l’industrie française de défense représente 160 000 emplois, dont 40 000 directement liés aux exportations, dans des entreprises relativement peu délocalisables et réparties sur tout le territoire — sans compter les sous-traitants. 
En grande partie grâce à ses quelques très bons clients au Proche-Orient, la France affiche un excédent de sa balance commerciale pour l’armement.
L’année 2015 a été triomphale, avec 16 milliards d’euros de commandes engrangées : deux fois plus qu’en 2014, quatre fois plus qu’en 2012. L’année 2016 devrait elle aussi afficher des records si le contrat Rafale avec l’Inde était finalisé. Afin de rentabiliser les filières et étaler les coûts, le recours aux exportations s’est développé : en 2015, elles ont pour la première fois dépassé le montant des commandes nationales.
Au début d’une visite d’Etat en Inde, en janvier dernier, le président François Hollande n’a pas craint de vanter le Rafale de Dassault,« meilleur chasseur du monde », mais a dû reconnaître un peu plus tard que le contrat caressé depuis plus de quatre ans n’était toujours pas bouclé. 
Il a fallu une dizaine de déplacements ministériels l’an dernier pour décrocher un contrat Rafale au Qatar.  Il y a « un partage des tâches entre l’Etat et l’industrie », reconnaît la Direction générale de l’armement (DGA). Ailleurs en Europe, les ventes d’armes à un pays aussi sulfureux que l’Arabie saoudite suscitent de vigoureux débats.
Certes, ces vingt dernières années, des avancées significatives ont été obtenues, et se sont accompagnées d’un renforcement des législations nationales : création d’un Registre des armes classiques des Nations unies (1992)  ; adoption d’un code de conduite de l’Union européenne (1998), devenu « position commune » juridiquement contraignante dix ans plus tard ; conclusion du traité sur le commerce des armes (TCA), entré en vigueur en décembre 2014. Mais de nombreux pays n’ont pris aucune sanction pour les violations de la vingtaine d’embargos sur les armes imposés par les Nations unies et l’Union européenne  (17). En France, une loi en ce sens adoptée en 2007 au Sénat n’a été soumise à l’Assemblée nationale qu’en… janvier 2016, ce qui témoigne de la mauvaise volonté d’un pays pourtant membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

5. « Les Japonaises indésirables au travail », Johann Fleuri, journaliste, Tokio
Au Japon, une femme qui devient mère a peu de chances de se voir confier des responsabilités : les dirigeants d’entreprise estiment que son esprit est trop accaparé par ce qui se passe à la maison.
Le constat est implacable : alors que les Japonaises n’ont jamais été aussi nombreuses à faire des études supérieures, 60 % d’entre elles arrêtent de travailler lorsqu’elles donnent naissance à leur premier enfant. En trente ans, leur situation professionnelle s’est lourdement détériorée : elles ne sont plus que 44,2 % à avoir un emploi stable et à temps plein, contre 67,9 % en 1985. En parallèle, la proportion de celles qui occupent des postes à temps partiel a grimpé en flèche, passant de 28,5 % en 1985 à 43,9 % en 2015.
La proportion actuelle d’actives est de 64 % (temps partiels inclus), contre 84 % d’actifs. le Forum économique mondial classe le pays au 104e rang sur 142 en matière d’égalité femmes-hommes. Cantonnées aux basses tâches, conscientes que, à compétences égales, un homme passera toujours en premier, les femmes deviennent amères. Lorsque, après avoir accouché, elles voudront reprendre un travail, elles ne pourront accéder qu’à des emplois précaires. Leurs compétences sont annulées ».
En vertu d’un particularisme japonais, le salarié est censé rester à son poste jusqu’au départ de son supérieur hiérarchique, même s’il a achevé ses propres tâches. Près de 20 % des salariés masculins âgés de 30 à 50 ans travaillent soixante heures et plus par semaine. Pour Kawaguchi, la clé d’une nouvelle dynamique réside dans la réduction du temps de travail, pour les hommes comme pour les femmes.
Un emploi du temps plus souple pourrait indéniablement jouer en faveur d’un meilleur équilibre entre l’emploi et la famille pour la mère, mais aussi pour le père, qui ne consacre actuellement qu’une heure de sa journée à son foyer (contre deux heures et douze minutes pour un père salarié français (4)). L’image de l’homme au travail et de la femme affairée à la maison reste très ancrée dans les mentalités. Depuis avril 2014, les congés pour s’occuper d’un enfant sont proposés aux deux parents et les allocations ont augmenté : 67 % du dernier salaire au lieu de 50 %. Malgré cela, seuls 2,30 % des pères en ont bénéficié (2,03 % avant l’augmentation). Lorsque l’enfant naît, c’est dans 85 % des cas la mère qui s’arrête.
Obstacle supplémentaire à la carrière des femmes : la mutation de l’époux sur un autre site de l’entreprise ou dans une autre ville, indispensable à sa promotion. « Lorsqu’un Tokyoïte veut une promotion, il doit au préalable accepter un poste en province, confirme Mme Osawa.Les épouses suivent, sans solution professionnelle derrière. »
Soumises à toutes ces contraintes, les Japonaises se marient moins : 5,3 pour 1 000 par an aujourd’hui, contre 10 pour 1 000 dans les années 1970. Et ce taux d’entraîner dans sa dégringolade celui de la natalité : 1,42 enfant par femme, contre 2,2 en 1970. Car, au Japon, les enfants naissent rarement hors mariage (moins de 2 %).

6. « Les barbares sont parmi nous », Pierre Rimbert
 L’ennemi ne serait-il pas aussi caché là, sous nos yeux ? Loyaux en apparence, les immigrés et leurs descendants ne formeraient-ils pas une armée d’espions et de traîtres ?
L’Amérique est entrée en guerre contre l’Allemagne en avril 1917, aux côtés du Royaume-Uni et de la France. Et, comme le raconte le journaliste Erik Kirschbaum dans son livre Burning Beethoven (1), la mobilisation se double d’une croisade contre les Américains d’ascendance allemande, supposés déloyaux.  La bataille s’engage contre la Kultur, souvent perçue comme arrogante, véhiculée par la langue et les écrits allemands. 
« Nous pouvons faire la guerre à la langue des Huns, et nous la ferons !,proclame une brochure publiée en janvier 1918 par l’Association américaine de défense, une organisation nationaliste et antisocialiste. Un langage qui produit un tel peuple de conquistadors sans pitié ne convient pas à l’instruction des purs et chastes enfants d’Amérique, et le plus élémentaire principe d’autodéfense commande son élimination. » L’Etat de New York, bientôt suivi par quatorze autres, bannit l’enseignement de l’allemand dans les écoles en décembre 1917. Six mois plus tard, le Dakota du Sud et l’Iowa proscrivent même l’usage de toute langue étrangère dans les lieux publics et les églises. Mais les sirènes menaçantes de la Kultur chantent toujours. Plaidant en juin 1918 l’interdiction de Beethoven, Bach et Mozart, qu’il juge « dangereux », le Los Angeles Times explique : « C’est la musique de la conquête, de la tempête, du désordre et de la dévastation, (…) la cacophonie du hurlement de l’homme des cavernes et du mugissement des vents du nord. » Des chefs d’orchestre sont arrêtés et internés.
Finalement, l’Association américaine de défense exhorte à brûler les livres allemands au motif qu’ils diffusent une philosophie vicieuse.
Dans l’Ohio, l’Oklahoma, le Wisconsin, le Montana, le Colorado, des foules envahissent des bibliothèques, empilent les ouvrages allemands dans la rue et y mettent le feu lors de cérémonies patriotiques accompagnées de chants martiaux et applaudies par la presse. A Columbus, on dresse le bûcher au pied de la statue du poète Friedrich von Schiller ; à Fergus, dans le Montana, des citoyens vigilants en profitent pour brûler l’école. 

Tout cela évoque la situation actuelle des populations européennes originaires de pays musulmans suspectées d’allégeances terroristes. Que les mêmes rituels d’infériorisation, les mêmes caricatures dans la presse, les mêmes sommations à manifester son chauvinisme soient associés au même soupçon d’insincérité et de félonie démontre la puissance d’une mécanique qui, dans le cas allemand, parvint à laminer non pas un groupe dominé, mais une communauté au faîte de son influence.
Apprécié à l’aune des mesures américaines prises en 1918, le débat consécutif aux attentats de novembre 2015 à Paris sur l’enfermement préventif des individus fichés par la police fait figure de bégaiement historique : deux mille « ennemis étrangers » allemands furent internés dans des camps. Une pratique infligée à beaucoup plus grande échelle aux immigrés originaires du Japon un quart de siècle plus tard.

Saint Jean-Baptiste 22/04/2016 @ 12:18:46
Serge Halami. Premier article.

« Comment un promoteur immobilier new-yorkais marié à trois reprises peut-il être aussi populaire dans le sud des Etats-Unis, bastion de la droite religieuses ? »
(dixit Serge Halami)

C'est encore une idée reçue que de croire que « la droite religieuse » refuserait d'élire un homme capable parce qu'il s'est marié trois fois. Reste à voir si l'individu en question est une homme capable !
Trump incarne une certaine Amérique qui veut que le meilleur gagne et... tant pis pour les autres. Ce qui, bien entendu, est contraire à toutes nos valeurs issues de notre civilisation judéo-chrétienne.

2. « La chute des cours déstabilise les pays producteurs... »

Cet article sur la chute des cours du pétrole devrait réjouir les écolos, puisqu'on va démanteler les plates formes en mer du Nord et renoncer à des grands projets d'investissements dans le monde.

Par ailleurs on constate que les gouvernements concernés ne gouvernent pas mieux que les nôtres : en période d'abondance, ils gaspillent leurs sous. L'ancien président du Vénézuela distribuait des billets de banque dans les quartiers populaires pour assurer sa réélection... Et il s'est trouvé des gens par ici pour trouver ça génial !

Hiram33

avatar 22/04/2016 @ 18:29:05
" Par ailleurs on constate que les gouvernements concernés ne gouvernent pas mieux que les nôtres : en période d'abondance, ils gaspillent leurs sous. L'ancien président du Vénézuela distribuait des billets de banque dans les quartiers populaires pour assurer sa réélection... Et il s'est trouvé des gens par ici pour trouver ça génial ! "

Aurais-tu préféré qu'il distribue des images pieuses à la place ?

Martell
avatar 24/04/2016 @ 06:16:50
Il aurait été plus intelligent de profiter de la manne pour mettre sur pied quelques industries et diversifier la richesse du pays et créer des emplois utiles et durables pour assurer un meilleur avenir à son peuple.

Il n'aura été qu'un bon populiste.

Saule

avatar 24/04/2016 @ 10:21:43
Je reviens un mois en arrière avec l'échec de la troisième voie car j'ai lu un interview très intéressant de Yanis Varoufakis dans The economist et c'est exactement ça qu'il explique. A une époque il y a une séparation entre les marxistes pur qui voulait tout à l'état et un socialisme qui reconnaissait la nécessité du marché pour certains secteurs. C'est cette troisième voie dont parle Halami (et dont je ne saisissais pas tout à fait le concept) : la troisième voie consistait à accomoder l'économie capitaliste d'une intervention étatique avec une médiation de l'état et des syndicats auprès des industriels. La démocratie sociale a connu son apogée dans les années 70.

Et puis dans les 70, fin des accords de Bretton Woods, financialisation de le l'économie, les états ont fait l'erreur de donner tout pouvoir aux financiers en contrepartie de taxes (argent facile à gagner pour les états, sans devoir jouer le role de médiateur difficile qui était le leur) et tout cela nous a conduit à 2008 et la fin du socialisme.

Il a écrit un livre là-dessus, je vais l'acheter

l'interview, malheureusement en anglais uniquement: http://www.economist.com/ESDvaroufakis

Saint Jean-Baptiste 24/04/2016 @ 11:22:39


Aurais-tu préféré qu'il distribue des images pieuses à la place ?
S'il avait lu la Bible, Moïse en Égypte, il aurait su qu'aux années de vaches grasses succèdent toujours les années de vaches maigres... et il aurait – peut-être – géré en conséquence.
;-))

Saint Jean-Baptiste 24/04/2016 @ 11:26:58

Et puis dans les 70, fin des accords de Bretton Woods, financialisation de le l'économie, les états ont fait l'erreur de donner tout pouvoir aux financiers

C'est exactement ça : les années septante marquent la fin du pouvoir politique sur l'économie. C'est le début de la Mondialisation. Particulièrement, l'année 73 : c'est l'année des « dimanches sans voiture » quand le prix du pétrole s'est multiplié par trois. Toutes les matières premières ont suivi, le prix du papier avait triplé en six semaines. C'est le début du pouvoir de la Finance sans contre-pouvoir... la dictature, quoi !

Saint Jean-Baptiste 24/04/2016 @ 12:19:08
« Imams en France, loin des clichés », Solenne Jouanneau, maîtresse de conférences à Strasbourg


Cet article apaisant et lénifiant m'a bien fait rire ! On voudrait tant que ce soit vrai ! Mais qui donc sera convaincu par l'angélisme de cette Madame Solenne Jouanneau ?

Peut-être qu'en France ce sont les fidèles musulmans qui choisissent leur imam ; mais, en Belgique, ce n'est pas le cas, ou alors, ce n'est pas partout. En Molenbekistan et autres communes de Bruxelles, les imams sont envoyés par l'Arabie saoudite, ils parlent l'arabe, ils prêchent le djihad, recrutent pour Daech et imposent le comportement des fidèles envers les mécréants…

Mais, attention, pasdamalgame ! Il y a des aussi des imams qui, comme le dit l'article, sont bénévoles, humbles, instruits et choisis par les fidèles ; ils enseignent un Islam modéré et sont des modèles de vertu.
Mais, même si ce sont les plus nombreux, ce sont les moins écoutés. Et c'est bien normal, on préfère écouter les grands orateurs venus de l'étranger, les forts en g..., ceux qui font la sensation et créent l'événement. Même si on n'est pas d'accord avec eux.

Par ailleurs, quand cet article définit le rôle de l'imam, il s'emmêle un peu les pinceaux, je trouve ; c'est qu'en effet, le rôle de l'imam est assez mal défini : au début, on nous dit que l'imam n'a qu'une autorité morale, et plus loin, on nous dit que « ils diffusent également les principes censés guider le comportement des musulmans en dehors des temps strictement rituels(al-mu’âmalât). En effet, le droit musulman s’intéresse à tous les aspects de la vie du croyant : sexualité, alimentation, habillement, économie… » Autrement dit, c'est un chef de la communauté.

Saint Jean-Baptiste 25/04/2016 @ 11:47:13
6. « Les barbares sont parmi nous », Pierre Rimbert

Voila un article qui a tout pour nous plaire et, particulièrement, tout pour plaire aux lecteurs du Monde : il tape sur les Américains à coup d'amalgames.

En effet, qui croira que la majorité des Américains de 1918 considéraient la musique de Bethoven, Mozart et Bach comme « une cacophonie du hurlement de l’homme des cavernes et du mugissement des vents du nord. » ? Comme amalgame on ne fait pas mieux !

Par contre, il nous dit : « tout cela évoque la situation actuelle des populations européennes originaires de pays musulmans suspectées d’allégeances terroristes. » Attention, nous dit-il : ici, ne faisons pas d'amalgame !
Et il s'indigne du « débat consécutif aux attentats de novembre 2015 à Paris sur l’enfermement préventif des individus fichés... ». Ce qui peut se discuter, à mon avis : ceux qui pensent qu'on nous a déclaré la guerre disent qu'il est normal d'enfermer un ennemi qu'on a découvert armé jusqu'au dents, mais soit !

Par ailleurs, ce qu'il dit des Japonnais internés dans des camps, n'est que la moitié de la vérité et donc, la moitié d'un mensonge : « deux mille « ennemis étrangers » allemands furent internés dans des camps », nous dit-il, « une pratique infligée à beaucoup plus grande échelle aux immigrés originaires du Japon un quart de siècle plus tard. »

Lors de la Guerre du Pacifique, Mac Arthur a engagé dans ses services secrets, des milliers de Japonnais émigrés en Amérique ; il avait parié sur leur loyalisme et ça a marché : ces Américano-Japonnais ont infiltré les réseaux de renseignements japonnais et les Japonnais qui étaient convaincus que les Américains ne comprenaient pas leur langue, se sont toujours demandés comment ils étaient au courant de tous leurs préparatifs de guerre.

Bolcho
avatar 16/05/2016 @ 15:44:30
Monde Diplo, mai 2016

1. « En attendant la taxe Tobin « , Frdéric Lemaire
La taxe Tobin sur les transactions financières attend sa mise en œuvre depuis… dix-neuf ans. Au sein de l’Union européenne, la France, soucieuse de favoriser ses grandes banques, s’est longtemps opposée à ce projet de prélèvement sur les mouvements spéculatifs.
Initialement formulée par l’économiste américain James Tobin (1918-2002), l’idée de taxer la finance s’est frayé un chemin jusqu’aux cénacles européens après la crise de 2008. En février 2013, onze pays de la zone euro — France, Allemagne, Belgique, Autriche, Slovénie, Portugal, Grèce, Slovaquie, Italie, Espagne et Estonie — s’engageaient à mettre en place une taxe sur les transactions financières. Version édulcorée du projet de Tobin, leur proposition n’en conservait pas moins sa capacité à irriter le monde de la finance.
Tobin lance pour la première fois son idée de taxer les transactions de change en 1972.
Le principe de la taxe Tobin est simple : appliquée à chaque transaction, même à un taux très faible, elle augmenterait significativement le coût des allers-retours permanents qui caractérisent les flux spéculatifs de court terme. Pour les investissements à long terme, ponctuels, la taxe serait quasiment indolore.
En mars 1995, le président français François Mitterrand en suggère l’idée lors du sommet social de Copenhague, sans faire preuve d’un optimisme démesuré : « Cela sera très difficile à obtenir et je ne me fais pas d’illusions dès qu’on parle de transactions financières. »
Les universitaires ne sont pas en reste. En 1996, les Presses universitaires d’Oxford publient un ouvrage dans lequel plusieurs spécialistes de la finance internationale analysent de façon très favorable la taxe Tobin et son impact. L’idée reçoit par ailleurs le soutien de personnalités dont la finance n’avait pas eu à se plaindre jusque-là, tels M. Jacques Delors (président de la Commission européenne de 1985 à 1995), Boutros Boutros-Ghali (secrétaire général des Nations unies de 1992 à 1996) et Barber Conable (président de la Banque mondiale de 1986 à 1991).
Dans son éditorial du Monde diplomatique de décembre 1997, Ignacio Ramonet appelle à « désarmer les marchés » et à créer une organisation, Attac, dont le nom signifie d’abord « Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens ». Constituée l’année suivante, l’association connaît un succès rapide. Elle comptera plus de trente mille adhérents en 2003 et essaimera dans 38 pays.
M. Jospin, devenu chef du gouvernement, charge son ministre des finances d’étudier la mesure. M. Dominique Strauss-Kahn la juge « impraticable ».
Jacques Chirac, réélu, reprend l’idée. Il crée un groupe de travail. Face à la forte croissance des inégalités dans le monde, il propose la mise en place de taxes globales, dont la taxe Tobin, même s’il indique que « les taxes étudiées sont purement destinées à lever des revenus pour le développement ». En d’autres termes, l’objectif initial de Tobin, lutter contre la spéculation, a été remisé : il convient désormais de « minimiser les distorsions induites sur le marché ». Le monde de la finance ne tressaille pas vraiment.
Taxer la finance, même modestement : l’ambition ne plaît guère au vainqueur de l’élection présidentielle française de 2007. Sitôt élu, M. Nicolas Sarkozy charge sa ministre de l’économie et des finances, Mme Christine Lagarde, de supprimer l’impôt sur les opérations de Bourse. La ministre déclare alors : « C’est une mesure qui concourra à renforcer l’attractivité de Paris comme place financière.  »
Quelques mois plus tard, le G20 de Pittsburgh mandate le Fonds monétaire international (FMI) pour faire des propositions visant à mieux réguler le système. Les dirigeants européens l’invitent à « examiner toutes les options disponibles », y compris celle d’une taxe globale sur les transactions financières (TTF). Le projet de TTF se heurte cependant à l’hostilité des Etats-Unis et du Canada. Le directeur général du FMI de l’époque, M. Strauss-Kahn, n’a pas changé d’avis. Quoi qu’il en soit, la TTF ne figure pas dans le rapport rendu par le FMI en avril 2010, qui lui préfère deux simples taxes bancaires, avec pour objectif de… financer le renflouement des banques en difficulté !
Les velléités de « faire payer la finance » auraient-elles fait long feu ? Pas en Allemagne.
La voie semble donc libre pour qu’émerge un projet de TTF européenne. A Bruxelles, le Parlement soutient l’idée en mars 2011, suivi par la Commission, qui présente une proposition de directive pour une taxe européenne sur les transactions financières qui ne s'applique pas aux transactions de change.
Lors du désormais célèbre discours du Bourget, le 22 janvier 2012, M. François Hollande nomme l’« ennemi » qu’il s’est choisi : la finance. Pour le mettre à terre, il promet de renforcer la TTF française et de faire passer une taxe « ambitieuse » sur les transactions à l’échelle européenne.
Mais, une fois enfilées ses pantoufles de président, M. Hollande s’assoupit sur une partie de ses promesses. Depuis, Paris n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues au projet de taxe européenne.
En décembre 2014, les ministres des finances des onze pays engagés dans le projet de TTF européenne rejettent sa proposition.
En juin 2016. « La taxe sur les transactions financières se meurt lentement », titre le quotidien financier allemand Handelsblatt. Pour Peter Wahl, économiste allemand et militant historique en faveur de la TTF, un accord, même décevant, devrait néanmoins intervenir. Un échec à ce stade aurait un coût politique important pour M. Hollande comme pour Mme Merkel. Mais on sera sans doute loin du projet de feu James Tobin…

2.« Le refus du libre-échange », Serge Halimi
En France, les manifestants réunis par le mouvement Nuit debout espèrent qu’une « convergence des luttes » permettra d’élargir leur audience à des participants moins jeunes, moins diplômés, et de s’insérer dans une dynamique internationale. Un des thèmes d’action qu’ils ont choisis pourrait favoriser ce double objectif : le refus des traités de libre-échange.
Les mobilisations contre le grand marché transatlantique (GMT, Tafta en anglais) sont puissantes en Allemagne et en Belgique. Aux Etats-Unis, tous les principaux candidats à la présidence ont dorénavant pris position contre le partenariat transpacifique (PTP, TPP en anglais).
Il n’est pas étonnant que des hommes aussi différents que MM. Donald Trump et Bernie Sanders aient réalisé une percée électorale en pourfendant de tels traités. Ce qui a obligé Mme Hillary Clinton à renier le soutien qu’elle apportait au PTP lorsqu’elle était secrétaire d’Etat de M. Obama. M. François Hollande s’apprêterait lui aussi à changer d’avis sur le GMT. Il y a deux ans, il voulait « aller vite ». Là, ce ne serait plus tout à fait aussi urgent…
Les ouvriers dont le salaire a été laminé par le chantage au chômage et aux délocalisations ne sont plus isolés quand ils rejettent le libre-échange. Les écologistes, les agriculteurs, les consommateurs les ont rejoints. Et les employés du secteur public, jusqu’aux pompiers, se mobilisent à leur tour.
En somme, sur ce sujet, la convergence des luttes existe. Et a déjà remporté ses premiers succès.

3.« Contester sans modération », Pierre Rimbert
Avec l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la guerre froide et la proclamation par les néoconservateurs américains de la « fin de l’histoire », toute opposition frontale au capitalisme de marché se trouvait frappée d’illégitimité, non seulement aux yeux de la classe dirigeante, mais aussi auprès des classes moyennes désormais placées au centre du jeu politique.
L’idée d’un ordre à contester avec modération s’imposait en France avec d’autant plus d’évidence que l’initiative politique avait changé de camp. Depuis le tournant libéral du gouvernement de Pierre Mauroy, en mars 1983, non seulement la gauche a cessé d’avancer des propositions susceptibles de « changer la vie », mais les dirigeants politiques de toutes obédiences font pleuvoir sur le salariat une grêle de restructurations industrielles, de contre-réformes sociales, de mesures d’austérité budgétaire.
L’heure des combats défensifs a sonné.
Il s’agit dès lors de rendre la vie un peu moins dure, de se retrancher pour atténuer le rythme et l’impact des déréglementations, des privatisations, des accords commerciaux, de la corrosion du droit du travail.
En 1995, à la veille de l’élection présidentielle, même les partis qui s’étaient réclamés du communisme se résignent à ne plus mettre en avant que des revendications comme l’interdiction des licenciements, l’augmentation du salaire minimum et la baisse du temps de travail dans un cadre salarial inchangé.
A chaque décision gouvernementale affaiblissant les services publics, à tout accord de libre-échange concocté en douce par les institutions financières internationales répondaient d’impeccables argumentaires, des dizaines d’ouvrages, des centaines d’articles.
Qu’il s’agisse d’inégalités, de politique internationale, de racisme, de domination masculine, d’écologie, chaque secteur protestataire exhibe depuis cette époque ses penseurs, ses universitaires, ses chercheurs, dans l’espoir de crédibiliser ses choix politiques par l’onction de la légitimation savante.
Le mouvement, auquel Le Monde diplomatique fut étroitement associé, aura convaincu de son sérieux, remporté des victoires dans le monde intellectuel, dans les livres, dans la presse, et même percé l’écran des journaux télévisés.
des institutions contestataires fragilisées : forces syndicales dos au mur, mouvement social tourné — ou détourné — vers l’expertise, partis de la gauche radicale enlisés dans les sables d’un jeu institutionnel discrédité. Le souffle, les espoirs, l’imagination et la colère des uns ne résonnent pas dans les slogans, les livres et les programmes des autres.
Tout se passe comme si trente années de batailles défensives avaient privé les structures politiques de leur capacité à proposer, fût-ce dans l’adversité, une visée de long terme désirable et enthousiasmante. Nombre d’organisations et de militants se sont résignés à ne plus convoiter l’impossible, mais à solliciter l’acceptable ; à ne plus aller de l’avant, mais à souhaiter l’arrêt des reculs. A mesure que la gauche érigeait sa modestie en stratégie, le plafond de ses espoirs s’abaissait jusqu’au seuil de la déprime.
Assiste-t-on à l’achèvement de ce cycle ? La germination de mouvements observée sur plusieurs continents depuis le début des années 2010 a fait émerger un courant, minoritaire mais influent, las de ne demander que des miettes et de ne récolter que du vent. A la différence des étudiants d’origine bourgeoise de Mai 68, ces contestataires ont connu ou connaissent la précarité dès leurs études.
Ils disent : « Le monde ou rien » ; « Nous ne voulons pas les pauvres soulagés, nous voulons la misère abolie », comme l’écrivit Victor Hugo ; pas seulement des emplois et des salaires, mais contrôler l’économie, décider collectivement ce que l’on produit, comment on le produit, ce qu’on entend par « richesse ». Non pas la parité femmes-hommes, mais l’égalité absolue. Non plus le respect des minorités et des différences, mais la fraternité qui élève au rang d’égal quiconque adhère au projet politique commun. Point d’« écoresponsabilité », mais des rapports de coopération avec la nature. Pas un néocolonialisme économique habillé en aide humanitaire, mais l’émancipation des peuples. En somme : « Nous voulons tout ».
Si placer la barre au ciel plutôt qu’au sol n’accroît pas d’un pouce les chances de réussite, ce déplacement présente un double intérêt. La résurgence radicale influence les partis par capillarité. Mais surtout, ce regain renforce les batailles défensives quand ceux qui les mènent dans des conditions difficiles peuvent à nouveau s’appuyer sur une visée de longue portée et, à défaut de projet tout ficelé, sur des principes de transformation qui illuminent l’avenir.
On aurait tort de voir dans cette bascule un glissement de l’action revendicative vers un idéalisme incantatoire : elle rétablit en réalité la lutte sur ses bases classiques. Que la gauche n’évolue plus qu’en formation défensive fait figure d’exception historique. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les partis politiques, puis les syndicats, ont toujours tâché d’articuler objectifs stratégiques de long terme et batailles tactiques immédiates.
En avril, un panneau destiné à collecter les propositions des participants à la Nuit debout, place de la République à Paris, proclamait : « Changement de Constitution », « Système socialisé de crédit », « Révocabilité des élus », « Salaire à vie ». Mais aussi : « Cultivons l’impossible », « La nuit debout deviendra la vie debout » et « Qui a du fer a du pain » — aux accents blanquistes.
La convergence tant désirée entre classes moyennes cultivées, monde ouvrier établi et précaires des quartiers relégués ne s’opérera pas autour des partis sociaux-démocrates expirants, mais autour de formations qui se doteront d’un projet politique capable de faire briller à nouveau le « soleil de l’avenir ». La modération a perdu ses vertus stratégiques. Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.

4. « Les Etats-Unis sont fatigués du monde », Benoît Bréville
Le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de novembre 2016 sera vraisemblablement moins favorable aux interventions militaires que son adversaire démocrate — une situation inédite depuis la seconde guerre mondiale. Mais la tentation du repli, qui hante la politique étrangère de M. Barack Obama depuis 2009, concerne désormais les deux grands partis.
En décembre 2015, M. Ted Cruz a critiqué les « néoconservateurs fous qui veulent envahir tous les pays de la planète et envoyer nos enfants mourir au Proche-Orient ». M. Donald Trump n’entend pas davantage se lancer dans une expédition au Proche-Orient. « Nous y dépensons des milliers de milliards de dollars, alors que l’infrastructure de notre pays est en train de se désintégrer », a-t-il déploré le 3 mars.
Côté démocrate, il est souvent arrivé que des candidats critiques de l’interventionnisme militaire soient bien placés dans la course à l’investiture. Ce fut le cas de l’opposant à la guerre du Vietnam George McGovern en 1972, du pasteur noir Jesse Jackson en 1984 et en 1988. Il faut en revanche remonter à 1952 et à la candidature de Robert Taft pour trouver un républicain hostile aux expéditions militaires et bien placé pour être investi par son parti. Le sénateur de l’Ohio était opposé au plan Marshall et à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), jugés inefficaces et trop coûteux. Il perdit de justesse face à Dwight Eisenhower. Depuis, la clé du succès aux primaires républicaines est d’affirmer la vocation des Etats-Unis à guider le monde. L’actuel revirement au sein du Parti républicain est d’autant plus surprenant que le camp conservateur s’est indigné pendant huit ans de la « faiblesse » de M. Obama, au prétexte qu’il était parfois réticent à bombarder des pays étrangers.
M. Obama a cherché à ménager les partisans et les détracteurs du recours à la force, sans en satisfaire aucun. Pour lui, voir dans les agissements de M. Vladimir Poutine la marque d’un retour en force de la Russie revient à « méconnaître la nature du pouvoir en matière de politique étrangère. Le vrai pouvoir signifie que vous pouvez obtenir ce que vous voulez sans devoir recourir à la violence. Du retrait des troupes d’Irak et d’Afghanistan à la baisse des budgets de l’armée en passant par le refus de lancer de nouvelles expéditions militaires, M. Obama a cherché à réduire la présence américaine dans le monde afin de pouvoir se concentrer sur les problèmes intérieurs et de remédier à l’activisme déstabilisateur des années Bush.
Ce positionnement n’a pas grand-chose à voir avec l’isolationnisme : les Etats-Unis conservent des dizaines de bases militaires sur la planète, la plus grande armée du monde, des services de renseignement tentaculaires ; ils ont bombardé sept pays (Irak, Syrie, Afghanistan, Libye, Yémen, Pakistan et Somalie) en autant d’années ; ils continuent d’intervenir dans les affaires des autres Etats et d’œuvrer pour déstabiliser des gouvernements, notamment en Amérique latine.
Comme il le répète, M. Obama n’est pas contre la guerre, mais contre les « guerres imbéciles ». Aujourd’hui, les réfugiés prennent le chemin de l’Europe, de la Turquie ou du Liban ; les prix du pétrole restent bas ; les attentats frappent Ankara, Bruxelles, Tunis et Bamako : pourquoi Washington se lancerait-il dans une expédition au Proche-Orient ?
M. Obama est arrivé à la Maison Blanche déterminé à fixer son attention sur l’Asie, dont le développement l’impressionne.
Les « printemps arabes » ont rappelé les Etats-Unis au Proche-Orient dès 2011. La guerre et l’occupation de l’Irak, l’intervention en Libye n’ont pas donné plus de résultats. Ces échecs successifs ont achevé de convaincre M. Obama du caractère limité de la puissance américaine : elle ne peut pas tout, et, en particulier, elle ne peut pas modeler le Proche-Orient à sa convenance.
En 1976, d’après une étude du Council on Foreign Relations, 43 % des Américains considéraient que les Etats-Unis devaient « s’occuper d’abord de leurs propres affaires ».
Certes, « l’opinion, ça se travaille », et il est possible de rendre populaire une guerre. M. Obama n’y est pas disposé, pas davantage que M. Trump — lequel a même proposé de retirer son pays de l’OTAN, au motif que l’organisation était « obsolète » et coûtait trop cher.
Dominant avant la seconde guerre mondiale, l’isolationnisme disparaît presque entièrement du camp conservateur pendant la guerre froide, avant de réémerger après l’effondrement de l’URSS.
a dette publique conduit certains républicains à préférer une réduction des dépenses au maintien des budgets militaires.
Le succès des candidatures de MM. Trump et Cruz dans le camp républicain confirme cette nouvelle tendance.
Mme Clinton, la prétendante démocrate a soutenu la guerre en Irak, les bombardements en Syrie et en Libye ; elle trouve que l’accord nucléaire signé avec l’Iran manque de fermeté et n’a pas hésité à critiquer M. Obama depuis qu’elle a quitté le secrétariat d’Etat. Elle est la candidate la plus interventionniste.
Enfin, s’ils affirment tous leur volonté de défendre coûte que coûte Israël et de mettre l’OEI hors d’état de nuire, M. Cruz proposant même de lui appliquer la méthode du « tapis de bombes », ils s’accordent paradoxalement pour considérer que le Proche-Orient n’est plus au centre des intérêts américains.
Sans doute juste sur le plan économique, cette idée interroge d’un point de vue moral et politique : les Etats-Unis peuvent-ils décréter du jour au lendemain qu’ils ne veulent plus d’un leadership qu’ils ont forgé à la force des canons pendant soixante ans ? Peuvent-ils se détourner, sans aucun état d’âme, sans aucune réparation (compensation financière, soutien diplomatique, mise en place d’une coopération fondée sur le juste échange, etc.), d’une région qu’ils ont patiemment déstabilisée ? L’important « n’est pas de savoir s’il y a la paix [au Proche-Orient], mais si les Etats-Unis sont impliqués dans l’absence de paix », a cyniquement résumé Jeremy Shapiro, chercheur à la Brookings Institution et conseiller au département d’Etat. On ne peut faire table rase de l’histoire : même quand ils ne maintiendront plus de soldats dans la région, les Etats-Unis resteront comptables du chaos qu’ils ont enfanté.

Hiram33

avatar 17/05/2016 @ 01:13:17
Merci pour ce résumé. J'aimerais connaître tes pronostics sur l'avenir politique de la France. Je ne crois pas à un bouleversement immédiat mais à une suite d'événements (krachs boursiers, effondrement de l'euro, effondrement du système politique chinois, fin de l'influence de l'OPEP sur les pays occidentaux suite à l'exploitation grandissante des gaz de schiste, catastrophes nucléaires en France, apparition de mouvements citoyens inspirés par des rebelles du style Snowden) concourant à un changement progressif des régimes politiques.

Bolcho
avatar 17/05/2016 @ 12:17:45
Je trouve que les mouvements qui se mettent debout en ce moment ont des aspects soixante-huitards qui pourraient les rendre aptes à entrer dans une contestation radicale du régime. Mais ce n'est pas gagné... Et puis, Hollande n'est pas De Gaulle : il fait plus rire que rager. Et enfin, je ne vois pas de guerre du Vietnam à l'horizon, à moins que le Moyen-Orient...
Mai ce que j'aimerais surtout, c'est que la France sorte de sa pseudo démocratie qui est en fait une monarchie élective, ou bien que Hollande prenne le nom de François III et qu'on rétablisse la guillotine...

Hiram33

avatar 17/05/2016 @ 23:46:01
"qu'on rétablisse la guillotine..."

Vouloir guillotiner les bourreaux n'est-ce pas devenir l'égal des bourreaux camarade ? Je suis contre toute peine de mort.

Bolcho
avatar 18/05/2016 @ 10:01:36
Je suis également par principe contre la peine de mort, rassure-toi. Et en plus, ce serait une grave erreur de la faire subir à François III puisqu'il ne serait alors plus en mesure d'assister à une politique de gauche et de comprendre en quoi cela consiste...

Martell
avatar 18/05/2016 @ 11:04:45
...Peuvent-ils se détourner, sans aucun état d’âme, sans aucune réparation (compensation financière, soutien diplomatique, mise en place d’une coopération fondée sur le juste échange, etc.), d’une région qu’ils ont patiemment déstabilisée ?
...


Après avoir perdu des dizaines de milliards de dollars avec leur aventure en Irak. On demande des compensations financières aux Ricains pour le renversement de Saddam Hussein ? Mouahahahaha!

Ce simple passage valait la lecture tellement c'est bon de savourer ce genre de délire.

Saule

avatar 18/05/2016 @ 13:01:07
Martell, tout le monde sait que les Américains n'ont pas été en Irak pour des raisons humanitaires. Et qu'ils y ont foutu le bordel complet, comme depuis longtemps les occidentaux avant.

Il y avait deux beaux reportages sur la situation au moyen-orient hier sur ARTE, à revoir sur ARTE+7.

http://arte.tv/guide/fr/…

et

http://arte.tv/guide/fr/…

Hiram33

avatar 18/05/2016 @ 15:14:58
Je suis également par principe contre la peine de mort, rassure-toi. Et en plus, ce serait une grave erreur de la faire subir à François III puisqu'il ne serait alors plus en mesure d'assister à une politique de gauche et de comprendre en quoi cela consiste...


Merci, ça me rassure. N'est-ce pas François IV (François Ier, François II, François Mitterrand et François Hollande).

Bolcho
avatar 18/05/2016 @ 15:45:35
Tu as raison ! J'avais oublié 1981 : impardonnable.

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