Vent mauvais
de Cati Baur

critiqué par Shelton, le 5 octobre 2020
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une bande dessinée forte... sans aucun doute !
Quand j’ai eu en main le nouvel album de mon amie Cati Baur, j’ai tout de suite senti que cette bande dessinée allait être particulière… Et ce fut bien le cas, reste maintenant à vous en parler avec sérieux pour vous transmettre l’envie de l’ouvrir, de la lire, de l’offrir… Car « Vent mauvais » mérite bien ce destin : passer de main en main portée par le vent…

Tout commence avec une bonne crise de la quarantaine, une bonne angoisse du créateur et les soucis habituels du père d’adolescentes… Sans oublier une ex-épouse avec qui le dialogue est impossible et une maitresse quelque peu énigmatique… Béranger souhaite quitter Paris pour trouver le lieu qui lui offrirait l’inspiration, le calme pour écrire et donc le retour au grand succès, car, en son temps, il a bien connu ce succès… Ne fut-il pas le scénariste du film « La preuve par 2 », mais depuis c’est plutôt le grand désert…

Un jour, Béranger trouve ce logement idéal en proche province, entre une route peu passante et un champ d’éolienne… Il tombe sous le charme mais il est bien seul. Sa femme ne le comprend pas, sa maitresse ne veut pas le suivre, ses filles n’ont pas envie de s’enterrer loin de la ville…

Béranger s’installe donc et il commence à retrouver l’inspiration, à rencontrer quelques personnes du village même si on lui explique que les éoliennes, ça rend fou !

Puis, dans ce village, il y a Marjolaine, 34 ans. Elle s’occupe du bibliobus, aime le Scrabble, ne suit pas la mode, vit en solitaire ou presque. Elle tient car elle visite ses parents – qui ont un lien direct avec ces foutues éoliennes – et elle se dope… Enfin, je vous laisserai découvrir la nature de son dopant…

Voilà, tous les ingrédients sont réunis pour une œuvre atypique que l’on pourrait classer dans les drames, voir dans les tragicomédies car tout n’est pas si dramatique quand même… Quoique, allez savoir !

Une première remarque, le livre – ou c’est bien une bédé mais c’est surtout un livre – est divisé en chapitres, des chapitres calqués sur les saisons. A Paris, le temps n’est pas si important, quand vous habitez à la campagne, il est essentiel d’autant plus que c’est bien le vent qui actionne les éoliennes…

Mais la force de ce roman graphique – oui, c’en est un aussi – est de poser les relations humaines au cœur de la vie, de montrer l’évolution des personnages et d’ouvrir malgré le drame des perspectives positives… Béranger et Marjolaine sont à la fois des personnages bizarres mais des personnages que l’on croise tous les jours… Béranger, Marjolaine, c’est un peu nous… Les deux filles aussi évoluent et elles peuvent ressembler à nos enfants, à nos nièces, nos petites voisines…

Béranger est à la fois un homme fort, celui qui délaisse Paris pour se reconstruire, mais aussi l’homme faible qui se laisse emporter, qui boit et qui finit par suivre le vent mauvais… à moins que ce ne soit le vent qui le pousse dans le gouffre !

Les thématiques sont très nombreuses et le nombre ne nuit pas à leur traitement : la création, le travail, la vie familiale, le vieillissement, l’amour, le conformisme, l’éducation, la lecture, le jeu, la violence… Le traitement graphique, même s’il peut vous surprendre au départ, est d’une très grande qualité et Cati Baur confirme qu’elle est bien devenue au fil des ans et des publications – non, Cati, je ne suis pas en train de dire que tu es devenue vieille, juste expérimentée et talentueuse – une véritable autrice de bandes dessinées, une grande professionnelle et une créatrice très sensible !

« Vent mauvais » est une belle bande dessinée dont la lecture m’a procuré beaucoup de plaisir et je vous conseille de la découvrir très vite avant que le vent ne se lève (mais avec la tempête Alex je pense que l'on aimerait autant que le vent ne revienne pas trop vite...) !